Année politique Suisse 2010 : Chronique générale / Défense nationale
Armement
Durant l’année sous revue, le parlement a traité le message du Conseil fédéral relatif à l’initiative populaire
« Pour la protection face à la violence des armes ». Le Conseil fédéral a proposé de la soumettre au peuple sans contre-projet en recommandant de la rejeter. Concernant le volet militaire de l’initiative, il a estimé que des mesures avaient déjà été prises afin d’éviter l’utilisation abusive des armes d’ordonnance. Ainsi, les munitions de poche ne sont plus distribuées et sont en passe d’être totalement récupérées. Les recrues sont soumises à un contrôle de sécurité. Les médecins et les psychologues ont reçu l’autorisation de dénoncer les personnes dangereuses pour elle ou pour les autres auprès de l’armée (voir supra). La possibilité d’entreposer gratuitement l’arme d’ordonnance dans les arsenaux cantonaux a été faite. L’obtention de l’arme après le service a été rendue plus difficile. Les deux chambres ont recommandé de rejeter l’initiative. Cet objet est plus spécifiquement traitée dans la partie I, 1 b (Waffenrecht)
[22].
Au mois de février, le Conseil fédéral a présenté un premier message sur le programme d’armement 2010 (projet 1) visant l’achat d’équipement logistique pour hélicoptère léger de transports et de formation (24 millions), d’une flotte nouvelle génération de véhicules (474 millions) et d’un système d’instruction des pilotes de jets PC-21 (31 millions). Le DDPS a estimé que les coûts d’exploitation et de maintenance au sein de l’armée s’accroissent sans augmentation équivalente des moyens financiers. Ainsi, il souhaite investir de manière ciblée dans des systèmes qui permettent de réduire les charges. En juin, ce message a été accompagné d’un message complémentaire (projet 2). La CSP-CE avait effectivement estimé que la nouvelle génération de véhicule ne constitue pas une urgence et prié le gouvernement de faire une proposition améliorant l’équipement et accroissant l’état de préparation à l’engagement des militaires. Le gouvernement a ainsi proposé l’achat de 70 véhicules protégés de transport de personnes pour un montant de 122 millions de francs en complément de ceux déjà achetés en 2008. Les deux projets totalisent 651 millions de francs dont 283 millions doivent être directement injectés dans l’industrie helvétique.
Le Conseil des Etats a modifié le projet 1 sur recommandation de sa commission afin de compenser les 122 millions que coûtent les véhicules protégés de transports de personnes (projet 2) en les soustrayant aux achats de la nouvelle génération de véhicules (projet 1). Cette compensation vise à maintenir l’équilibre financier des dépenses annuelles. Il a par contre soutenu les crédits concernant les autres achats. L’enveloppe ainsi adoptée s’est maintenue à 529 millions de francs comme le demande le projet initial du gouvernement. Au demeurant, certains sénateurs se sont étonnés de constater que 90% des achats concernent l’acquisition de poids lourds, de voitures de livraison, de voitures de tourisme et d’élévateurs. Par ailleurs, la chambre haute a adopté le projet 2 sans modification. Au Conseil national, les deux projets ont fait l’objet de propositions de non entrée en matière qui ont toutefois été largement rejetées. Le groupe écologiste, en bloc, et une partie du groupe socialiste les ont soutenues. Le projet 2 a été adopté par 133 contre 35. Lors de la discussion par article sur le projet 1, la CPS-CN a recommandé à une courte majorité de supprimer les crédits de 24 millions pour les hélicoptères estimant que le DDPS doit respecter le budget qui avait été alloué lors du programme de 2005. Ensuite, au vu des besoins concernant la nouvelle génération de véhicules, elle a proposé de supprimer le crédit de 34 millions pour les voitures de tourisme du projet 1, estimant que ces dernières ne pourraient pas être fournies durant l’année sous revue, et de ne pas compenser les 122 millions liés au projet 2. Une minorité Allemann (ps, BE) a proposé de réduire globalement l’enveloppe financière de 180 millions en supprimant les crédits pour les hélicoptères, en compensant l’achat des 70 véhicules supplémentaires et en réduisant de 34 millions le budget pour la nouvelle génération de véhicules. Une minorité Glanzmann (pdc, LU) a recommandé d’adopter le projet 1 sans modification afin de garantir la sécurité du pays et parce que le député estime qu’une nouvelle flotte de véhicule respecterait mieux les standards environnementaux. La chambre a suivi sa commission sur les trois aspects controversés. Elle a supprimé le crédit pour les hélicoptères par 97 voix contre 73, a renoncé à l’acquisition de véhicules de tourisme par 95 voix contre 76 et a décidé de ne pas compenser le crédit additionnel induit par le message complémentaire par 116 voix contre 58. La majorité du PDC et du PLR ont soutenu la minorité Glanzmann sans succès tandis que la gauche a soutenu la minorité Allemann à l’unanimité. Au vote sur l’ensemble, le projet 1 a été accepté par 117 voix contre 33, issues exclusivement de la gauche. Les écologistes ont rejeté unanimement le programme, accompagnés en cela par une moitié du groupe socialiste. L’autre moitié s’est abstenue.
Lors de l’
élimination des divergences, le Conseil des Etats a maintenu sa position par 20 voix contre 12 malgré une minorité Bieri (pdc, ZG) qui a proposé de suivre la décision du Conseil national sauf concernant l’enveloppe réservée aux hélicoptères qu’il souhaite maintenir. Au Conseil national, une minorité Allemann (ps, BE) a recommandé d’adhérer à la décision du Conseil des Etats. La chambre basse a toutefois suivi sa commission par 115 voix contre 60 en maintenant l’enveloppe pour les hélicoptères et en ne compensant pas l’achat prévu dans le projet 2. L’UDC, le PLR, le PDC et le PBD ont soutenu la proposition de la majorité tandis que la gauche a souhaité limiter le déséquilibre budgétaire. Finalement, les sénateurs se sont ralliés aux députés sur l’ultime divergence par 22 voix contre 4 estimant que les crédits engagés ont un impact peu important sur les crédits annuels du DDPS et que l’absence de compensation est finalement une entorse acceptable aux règles de discipline budgétaire
[23].
Après avoir décidé de suspendre le
remplacement des F-5 Tiger pour des raisons budgétaires, le Conseil fédéral a décidé durant l’été de le repousser à 2015. Les coûts initialement estimés à 2,2 milliards peuvent en réalité atteindre les 5 milliards de francs. Le gouvernement a considéré, d’une part, qu’il y a trop de lacunes à combler dans l’armée et, d’autre part, que le frein à l’endettement empêche tout crédit supplémentaire. La droite a protesté tandis que la gauche s’est félicitée de cette décision. En fin d’année, le GSsA a retiré son initiative visant à instaurer un moratoire sur l’achat de nouveaux avions de guerre. Il a estimé qu’avec ce renvoi, le but de l’initiative est atteint. Dans le même temps, la CPS-CN a déposé une motion chargeant le Conseil fédéral d’augmenter le plafond des dépenses pour l’armée afin de pouvoir acheter de nouveaux avions de guerre durant la législature 2012-2015. Le gouvernement a recommandé de rejeter la motion car il a exclu tout dépassement des dépenses qui ne respecte pas les efforts d’économies de la Confédération
[24].
[22]
NZZ, 24.3.10;
TA, 17.7.10; DDPS,
Communiqué de presse, 20.9.10 (munitions de poche). Voir
APS 2009, p. 29 s. et 91.
[23]
FF, 2010, p. 1359 ss. et 4481 ss.;
BO CE, 2010, p. 950 ss., 1192 ss. et 1301;
BO CN, 2010, p. 1785 ss. et 1931 ss.
[24]
QJ, 16.4.10 (suspension achat);
LT, 5.6.10 (échelonner l’achat);
Lib.,
LT et
NZZ, 26.8 (repousser l’achat) et 15.11.10 (GSsA);
NZZ, 26.11.10 (CPS-CN). Motion CPS-CN : objet n° 10.3889.
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