Année politique Suisse 2010 : Economie / Agriculture
Politique agricole
En janvier, l’Union suisse des paysans (USP) a réclamé une décision de principe sur le type d’agriculture que souhaite promouvoir la Confédération dans sa
politique agricole. Trois cas de figure accompagnés de comparaisons internationales ont été présentés. Le premier vise une agriculture à temps partiel qui touche 30% des exploitants et progresse chaque année. Le deuxième porte sur la concentration d’importantes surfaces agricoles par exploitation. La production helvétique de lait et de viande semble prête à s’y adapter, ce qui n’est pas le cas des exploitations maraîchères, fruitières et céréalières. Le dernier cas de figure, qui a la faveur de l’organisation, consiste au maintien d’une agriculture multifonctionnelle s’appuyant sur la diversité des familles paysannes tout en ne freinant pas l’évolution des structures
[1].
En octobre, le Conseil national a adopté une motion von Siebenthal (udc, BE) relative à l’obligation d’équiper de
filtres à particules les machines et les appareils agricoles et forestiers. Elle charge le gouvernement de ne pas mettre en place de prescriptions plus contraignantes que celles de l’UE et de coordonner leur mise en œuvre avec cette dernière
[2].
Le Conseil national a transmis un postulat Bourgeois (plr, FR) demandant un rapport sur les
mesures de renforcements des instruments de marché. Le mandat donné vise à analyser les possibilités d’améliorer la transparence du marché et à élaborer une étude sur les opportunités de sanction en cas d’absence de prise en compte des baisses des prix des matières premières, d’offres de denrées vendues à perte ou encore lors d’abus de position dominante. Le rapport doit également présenter les possibilités d’étendre la force obligatoire aux organisations de producteurs, proposer une analyse des potentialités de contracter entre producteur et acheteur au sein des différents secteurs agroalimentaires, ainsi que réaliser une comparaison des instruments de marché helvétiques et européens
[3].
En décembre, le Conseil des Etats a modifié une motion von Siebenthal (udc, BE) adoptée par le Conseil national l’année précédente, en chargeant le gouvernement de tenir compte des conditions difficiles de l’
exploitation agricole des terrains en pente, et non plus d’indemniser, dans le cadre de l’évolution future du système des paiements directs
[4]
Le Conseil des Etats a décidé par 27 voix contre 13 de donner suite à une initiative parlementaire Bourgeois (plr, FR) adhérant de la sorte à la décision du Conseil national de l’année précédente. L’initiative exige une modification de la
loi sur l’agriculture dans le but d’assurer une production répondant aux exigences du développement durable, des marchés et de la souveraineté alimentaire, et de couvrir une grande partie des besoins de la population par une production indigène de qualité, durable et diversifiée. La chambre haute a encore transmis par 19 voix contre 17 une motion von Siebenthal (udc, BE) adoptée par le Conseil national l’année précédente chargeant le Conseil fédéral de proposer des mesures afin d’atteindre un taux d’
auto-approvisionnement de 60 pour cent au moins. Elle a part contre décidé par 19 voix contre 16 de ne pas donner suite à une initiative cantonale bernoise qui demande à ce que l’agriculture participe fortement à la
sécurité de l’approvisionnement et garantit une couverture des besoins
[5].
Le Conseil national a donné suite par 90 voix contre 83 à une initiative parlementaire Joder (udc, BE) chargeant l’Assemblée fédérale d’édicter un arrêté de principe et de planification portant sur les négociations avec l’UE et l’OMC sur le
libre-échange agricole. Il est censé prendre en compte les motions von Siebenthal (udc, BE) « Garantir l’approvisionnement de la population par la politique agricole 2015 » et Lang (pe, ZG) « Souveraineté alimentaire et denrées alimentaires de base », ainsi que l’initiative parlementaire Bourgeois (plr, FR) « Souveraineté alimentaire » et le postulat Thorens Goumaz (pe, VD) « Exclure les produits agricoles et alimentaires des accords de libre-échange ». L’initiative vise à ce que le parlement débatte de la question alors que le gouvernement discute d’un accord de libre-échange agricole. Les groupes UDC et écologiste, ainsi que quelques membres du groupe PDC l’ont soutenu
[6].
La chambre basse a adopté un postulat Bourgeois (plr, FR) qui demande au gouvernement de présenter un rapport sur la
sécurité de la production de denrées alimentaires suisses. Plus précisément, il est censé détailler l’évolution de la part importée des intrants nécessaires à l’agriculture suisse, l’évolution de la consommation helvétique, l’impact de la limitation d’accès aux moyens de production importés et enfin le rôle et l’orientation de la recherche agronomique suisse afin de garantisse une production indigène
[7].
Le Conseil des Etats a modifié une motion Germanier (plr, VS) adoptée par le Conseil national l’année précédente, en chargeant le gouvernement d’évaluer le besoin de nouveaux moyens financiers pour les branches spéciales de l’agriculture afin de
promouvoir la
consommation de produits de proximité, et non plus d’attribuer ces moyens. Le Conseil national a adhéré à cette proposition
[8].
Au printemps de l’année sous revue, le Conseil national a traité de la modification de la loi sur l’agriculture modifiée par le Conseil des Etats l’année précédente. Cette dernière met en place une réserve au bilan destinée au financement des mesures d’accompagnements dans le cas d’un accord de libre-échange agricole. La commission de l’économie et des redevances (CER-CN) a estimé que le rapport sur les mesures d’accompagnement répond aux questions soulevées lors de la précédente discussion. Après son refus d’entrer en matière l’année précédente, la chambre du peuple a accepté de discuter du message par 110 voix contre 68. Seuls l’UDC et un tiers du groupe socialiste se sont opposés à l’entrée en matière. Au terme d’une discussion très animée, la chambre basse a adopté par 96 voix contre 79 une proposition Schelbert (pe, LU) de renvoyer le projet au Conseil fédéral avec le mandat de garantir le financement d’une stratégie de création de valeur ajoutée. La gauche et l’UDC ont soutenu cette proposition. Le Conseil des Etats a rejeté cette proposition de renvoi considérant que le Conseil fédéral est déjà en charge d’élaborer une stratégie de qualité. Il a également estimé que le financement de cette stratégie doit être discutée dans le cadre de la réforme agricole et non pas seulement dans le cas d’un accord de libre-échange.
Lors du retour au
Conseil national, la CER-CN a souligné que le projet ne traite pas du principe même d’un accord de libre-échange agricole aux contours inconnus. Elle a estimé toutefois que les négociations en cours exigent de prévoir un financement dans le cas de leur aboutissement. Par ailleurs, elle a rappelé que cette réserve deviendrait caduque en cas d’absence d’accord de libre-échange. Une forte minorité de la commission a cependant souhaité maintenir la proposition de renvoi pour diverses raisons : opposition au libre-échange, préférence pour la concentration des moyens sur une stratégie de qualité et volonté de connaître les détails des mesures d’accompagnement avant la finalisation d’un accord. Au vu des controverses, la commission a recommandé par 13 voix contre 12 de rejeter le projet lors du vote d’ensemble afin de permettre au gouvernement d’entamer les négociations sur le plan international en position de force. Finalement, le Conseil national a rejeté par 153 voix contre 27 le renvoi au gouvernement. Ce dernier n’a été soutenu que par les écologistes et une partie des socialistes. Lors de la discussion par article, la chambre basse a adopté par 123 voix contre 51 une disposition visant à cibler prioritairement la réserve sur la mise en œuvre de ces mesures d’accompagnement. La gauche a proposé de permettre la libération de cette réserve dans un délai donné ou si les négociations n’aboutissent pas. Au vote d’ensemble, la chambre a adopté le projet modifié par 90 voix contre 87 et 8 abstentions. La grande majorité des écologistes et de l’UDC, ainsi qu’un tiers du groupe socialiste ont rejeté le texte sans succès. Par la suite, la
chambre des cantons a adhéré à la proposition de celle du peuple. Au
vote final, le Conseil national a adopté le projet modifié par 94 voix contre 73, et le Conseil des Etats par 39 voix contre 3
[9].
Le Conseil national a adopté une motion Bourgeois (plr, FR) chargeant le gouvernement de compléter la LAT avec des
directives claires protégeant les terres cultivables et
de s’assurer que le fonds d’infrastructure ne verserait ses crédits qu’une fois ces directives appliquées. Le député a estimé que la pression sur les terres cultivables est notamment engendrée par les projets infrastructurels et d’agglomération subventionnés par ce même fonds, et qu’il y a donc lieu à ce que la Confédération encadre mieux le développement territorial des cantons
[10].
Par ailleurs, le Conseil national a modifié une motion Hassler (pbd, GR) chargeant le gouvernement d’introduire des instruments permettant de
protéger les terres cultivables
et de garantir les surfaces d’assolement. La chambre basse a supprimé la disposition initiale visant l’assouplissement de la protection des forêts. Le motionnaire a estimé que la pression exercée sur les terres cultivables et les espaces naturels est trop importante, la surface agricole se réduisant chaque année au profit de la surface forestière
[11].
Le Conseil national a modifié une motion Zemp (pdc, AG) visant à mettre la
loi sur l’aménagement du territoire (LAT) au service d’une agriculture productive. Le Conseil fédéral a recommandé d’adopter deux points de la motion chargeant le gouvernement de modifier la LAT afin qu’elle intègre l’article 104 de la Constitution relatif à l’agriculture, et de simplifier la réglementation sur l’aménagement du territoire afin de favoriser la construction de bâtiment agricole hors des zones à bâtir. Il a toutefois estimé que les trois aspects demandant d’unifier et d’intégrer la zone agricole, de traiter tous les animaux de rente de la même manière et d’abandonner l’exigence d’une viabilité à long terme des projets de constructions de bâtiments agricoles doivent être discutés de manière approfondie dans le cadre de la deuxième phase de révision de la LAT. Les députés ont suivi l’avis du gouvernement
[12].
De même, la chambre du peuple a adopté une motion Wandfluh (udc, BE) chargeant le gouvernement de modifier la LAT afin de
supprimer les restrictions relatives à l’aménagement de parties de bâtiments destinées à maintenir l'aspect extérieur et la structure architecturale
[13].
Le Conseil national a transmis un postulat Hassler (pbd, GR) qui invite le gouvernement à étudier les possibilités d’un
changement d’affectation des
constructions agricoles non utilisées situées hors des zones à bâtir. Le député a estimé que les changements structurels de l’économie agricole ont pour conséquence l’impossibilité d’utiliser et d’entretenir les constructions agricoles, tels les mayens. Cela constitue pour lui une atteinte au paysage dans les régions de montagne. Il a ainsi préconisé un changement d’affectation permettant de les exploiter dans des activités d’agro-tourisme qui amélioreraient par là même le revenu des paysans
[14].
La thématique de l’aménagement du territoire est plus précisément abordée dans la partie I, 6c (Raumplannung).
[2]
BO CN, 2010, p. 1649.
[3]
BO CN, 2010, p. 1651.
[4]
BO CE, 2010, p. 1072 ss. Voir
APS 2009, p. 117 (terrains en pente).
[5]
BO CE, 2010, p. 190 ss. Voir
APS 2009, p. 116 s.
[6]
BO CN, 2010, p. 1997 s. Voir
APS 2009, p. 116 ss.
[8]
BO CE, 2010, p. 205;
BO CN, 2010, p. 1226 s. Voir
APS 2009, p. 116 s.
[9]
FF, 2010, p. 1109 ss.;
BO CN, 2010, p. 9 ss., p. 891 ss. et 1156 s.;
BO CE, 2010, p. 213 s., 707 et 747;
Lib. 11.6.10. Voir
APS 2009, p. 115 s.
[10]
BO CN, 2010, p. 2160.
[11]
BO CN, 2010, p. 1649.
[12]
BO CN, 2010, p. 1130.
[13]
BO CN, 2010, p. 1444.
[14]
BO CN, 2010, p. 1652.
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