Année politique Suisse 2010 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie / Politique énergétique
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Marché de l'électricité
La mise en œuvre de la loi sur l’approvisionnement en électricité (LApEl) a encore suscité passablement de discussions au cours de l’année sous revue. En début d’année, lors du congrès de l’Association des entreprises électriques suisses (AES), son président, Kurt Rohrbach, a regretté l’accueil pour le moins mitigé que les gros consommateurs de courant ont réservé à l’ouverture du marché. En effet, la plupart d’entre eux ont préféré continuer à s’approvisionner auprès de leur distributeur et payer l’électricité au prix de revient, plutôt qu’accéder au marché libre, dont les tarifs sont plus élevés. Le président a fortement critiqué cette possibilité offerte par l’ordonnance sur l’approvisionnement électrique (OApEl), estimant qu’elle constituait une distorsion de la concurrence [18].
Trois représentants d’entreprises à forte consommation énergétique (Perlen Papier AG, Swiss Steel et Von-Roll) ont répliqué par des critiques fondées sur les premières expériences de la libéralisation et exigé des mesures correctives. Ils ont dénoncé l’opacité du secteur électrique et le nombre insuffisant de fournisseurs dont il résulte un manque de concurrence et, par là même, des tarifs trop élevés. Pour ces raisons, la libéralisation a échoué dans la mesure où elle n’a pas permis de réaliser son principal objectif : fournir du courant en quantité suffisante et à bon prix. Aussi, ces dirigeants ont-ils réclamé une régulation plus efficace [19].
Au parlement, la CEATE-CN s’est élevée contre l’application restrictive par le Conseil fédéral, les gestionnaires du réseau de distribution et la commission de l’électricité (ElCom) de la réglementation concernant le droit d’accès au marché des clients finaux dont la consommation annuelle égale ou excède 100 megawattheures (mWh). Alors que la loi prévoit que, lors de la première étape de la libéralisation, ces gros consommateurs peuvent se fournir sur le marché libre, tout en conservant la possibilité de s’approvisionner auprès du gestionnaire du réseau de distribution, l’ordonnance édictée par le Conseil fédéral exclut cette dernière option pour les clients qui ont fait usage de leur droit d’accès au marché libre, lesquels ne peuvent ainsi pas revenir en régime de monopole en cas de mauvaises expériences. Surtout, des fournisseurs locaux ont appliqué cette mesure de manière rétroactive et rejeté des demandes de réintégration au régime de monopole au motif que les entreprises concernées avaient conclu des contrats d’approvisionnement sur le marché avant l’entrée en vigueur de la LApEl. Saisie par ces dernières, l’ElCom a jugé ces pratiques conformes à la législation. À l’inverse, la CEATE-CN a estimé qu’elles violaient le principe de la bonne foi et pourraient avoir de graves conséquences économiques pour les entreprises à forte consommation. Aussi a-t-elle déposé une motion exigeant du Conseil fédéral qu’il révise l’OApEl afin de la conformer à la LApEl en garantissant la possibilité pour les clients finaux jouissant d’un droit d’accès au marché libre de rester ou revenir en régime de monopole. Malgré l’opposition du gouvernement, qui a défendu son interprétation de la loi et invité le parlement à attendre l’issue des procédures judiciaires en cours à ce sujet, le Conseil national a adopté la motion de sa commission, par 107 voix contre 47, lors de la session de printemps [20].
Au cours de l’été, en vertu d’une argumentation similaire, sinon identique à celle de la CEATE-CN, le TAF a annulé une décision de l’ElCom interdisant à une entreprise consommant plus de 100 mWh par an de se fournir sur le marché régulé. Les juges ont souligné que cette décision violait manifestement la loi. Le DETEC a estimé que cet arrêt remettait en cause la concurrence sur le marché de l’électricité et décidé de porter l’affaire devant le Tribunal fédéral [21].
En fin d’année, le Conseil fédéral a revu le calendrier de la révision de la LApEl. En raison de travaux préparatoires plus importants que prévu initialement, la mise en consultation du projet de révision a été repoussée d’une année, soit à l’été 2012. Le gouvernement a jugé probable l’entrée en vigueur de la nouvelle loi au 1er janvier 2015 [22].
S’agissant du prix du courant, la chambre basse a rejeté, par 106 voix contre 54, une motion de sa CEATE visant à réduire la part du prix du courant imputable aux collectivités publiques en empêchant les communes et les cantons de prévoir dans leur budget le versement de bénéfices exceptionnels de la part des entreprises électriques dans lesquelles ils ont une participation majoritaire. Le plénum a suivi le Conseil fédéral qui a estimé que cette mesure violait la répartition constitutionnelle des compétences entre la Confédération, les cantons et les communes et qui a rappelé que l’ElCom a le pouvoir d’ordonner une baisse de ces bénéfices si elle les juge excessifs [23].
Alors que les tarifs avaient régulièrement baissé entre 2004 et 2008, la libéralisation du marché de l’électricité a provoqué une hausse du prix du courant entre 2008 et 2009 pour les ménages, l’agriculture et les petites entreprises, selon un rapport communiqué par le surveillant des prix au printemps de l’année sous revue. En fonction de la catégorie de consommateurs, la hausse moyenne oscille entre 2,8 et 12,5%. Egalement très variable d’une commune à l’autre, elle est parfois supérieure à 100% dans certaines communes, alors que dans d’autres le prix du courant a baissé de 50% [24].
À la fin de l’été, l’ElCom a annoncé une hausse des prix de l’électricité pour l’année 2011. En moyenne nationale, la hausse atteint 2% pour les ménages (20,2 ct./kWh) et de 3 à 4% pour les PME (19,7 ct./kWh). Elle est imputable principalement à l’augmentation du prix de l’énergie (+5-8%). La commission a relevé de fortes disparités régionales, le courant coûtant plus cher en Suisse romande et sur le Plateau que dans le nord-est du pays [25].
Cette hausse aurait été sensiblement plus forte si l’ElCom n’était pas une nouvelle fois intervenue pour abaisser les tarifs d’utilisation du réseau de transport au sujet desquels le bras de fer opposant les entreprises électriques au régulateur s’est poursuivi tout au long de l’année sous revue.
S’agissant des tarifs pour l’année 2009, le TAF a admis les 17 recours déposés par Swissgrid et les entreprises électriques contre l’abaissement décidé par l’ElCom, jugeant illégale l’imputation des coûts des services-systèmes aux centrales électriques, telle qu’elle est prévue dans l’OApEl. Les quelque 200 millions de francs nécessaires à la mise à disposition de cette énergie de réserve doivent ainsi être traités comme la rémunération pour l’utilisation du réseau et facturés aux consommateurs finaux [26].
L’ElCom a abaissé à titre définitif les tarifs 2010, puis ceux pour l’année 2011, après que Swissgrid a annoncé une nouvelle hausse de 8%. Cette dernière a recouru auprès du TAF contre ces deux décisions [27].
 
[18] CdT et NZZ, 12.1.10.
[19] NZZ, 22.2.10.
[20] BO CN, 2010, p. 229 s.
[21] BZ et NZZ, 26.8.10 (TAF); Lib., NLZ, NZZ, SZ et TA, 23.9.10 (DETEC).
[22] NZZ, 15.12.10; cf. APS 2009, p. 146.
[23] BO CN, 2010, p. 230 ss. Le CN a par ailleurs liquidé deux motions UDC (08.3520 et 08.3528) et une motion Paul Rechsteiner (ps, SG; 08.3581), toutes trois déposées en 2008, suite à l’annonce des fortes hausses des tarifs par les entreprises électriques, et devenues sans objet (BO CN, 2010, p. 1439, 1441 et 1445).
[24] Presse du 30.3.10.
[25] Presse des 7 et 8.9.10; ElCom, communiqué de presse, 7.9.10.
[26] Presse du 15.7.10; ElCom, communiqué de presse, 14.7.10. Cf. APS 2009, p. 145.
[27] NZZ, 24.4.10 (recours); NLZ et NZZ, 4.5.10 (Swissgrid); presse des 15.6 et 16.11.10 (ElCom); Lib. et NZZ, 16.12.10 (nouveaux recours); ElCom, communiqué de presse, 14.6 et 15.11.10.