Année politique Suisse 2010 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / Trafic routier
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Sécurité routière
Après dix ans de travaux préparatoires, le Conseil fédéral a transmis au parlement le message concernant Via Sicura, le programme d’action de la Confédération visant à renforcer la sécurité routière. Le gouvernement y rappelle que, même si le nombre de morts sur les routes a chuté de plus de 40% ces dernières années, 349 personnes y ont encore perdu la vie en 2009 et 4708 autres y ont été grièvement blessées. Il entend réduire d’un quart le nombre de victimes grâce au programme Via Sicura, qui comporte, outre des mesures préventives et répressives, des améliorations de l’application des règles en vigueur et des mesures relatives aux infrastructures et à la statistique des accidents. Parmi les mesures préventives, le gouvernement propose d’abaisser à 0,1 pour mille le taux d’alcoolémie toléré pour les nouveaux conducteurs et les chauffeurs professionnels, de rendre obligatoire l’usage diurne des phares, de fixer à 7 ans l’âge minimal pour la conduite d’un vélo sur la route et d’obliger les cyclistes à porter un casque jusqu’à l’âge de 14 ans. Au niveau répressif, le Conseil fédéral prévoit, en cas de délits graves, la confiscation et la vente du véhicule, un examen obligatoire de l’aptitude à la conduite, ainsi que l’installation d’enregistreurs de données de type « boîte noire » et d’éthylomètres anti-démarrage sur le véhicule des délinquants. Il propose en outre que, en cas de dommages résultant d’une infraction commise au moins par négligence grave, les assureurs RC des véhicules concernés soient tenus de recourir contre la personne responsable de l’accident. Concernant l’amélioration de l’application des règles en vigueur, la qualité des examens sur l’aptitude à conduire devra être certifiée et la fourniture à titre commercial d’avertissements concernant les contrôles policiers (y compris, les radars) sera interdite. La durée de validité du permis de conduire sera par ailleurs limitée : le permis expirera lorsque son détenteur atteint l’âge de 50 ans, puis pourra être renouvelé de 10 ans en 10 ans sous réserve du résultat positif d’un examen de la vue. En matière d’infrastructures, le gouvernement entend éliminer les points noirs et autres endroits dangereux du réseau routier et améliorer l’examen des projets de construction routière sous l’angle de la sécurité. Quant à la statistique des accidents, la cartographie des accidents est censée permettre une identification rapide et certaine des endroits dangereux. Enfin, répondant à la requête exprimée par plusieurs cantons et par le parlement, le Conseil fédéral a joint au projet une autre modification de la LCR afin d’interdire formellement, pour raison de sécurité, la circulation des mégacamions (ou « gigaliners ») en inscrivant dans la loi les limites de longueur et de poids actuellement en vigueur (cf. supra) [23].
Dans le cadre de la mise en œuvre du programme en faveur de la sécurité des enfants, l’Office fédéral des routes (OFROU) a adopté une décision portant dérogation à l’obligation d’employer un dispositif de retenue pour les enfants à partir de sept ans aux places équipées exclusivement de ceintures abdominales. Cette dérogation est valable jusqu’au 31 décembre 2012 [24].
La CTT-CN a présenté un projet de modification de la LCR en faveur d’un durcissement des sanctions pénales à l’encontre des conducteurs sans permis. Ce projet concrétise une initiative parlementaire Heer (udc, ZH) à laquelle les CTT des deux chambres ont décidé de donner suite, respectivement en 2008 et en 2009. Il prévoit qu’à l’avenir le fait de conduire un véhicule automobile sans avoir le permis de conduire requis soit sanctionné aussi sévèrement que le fait de conduire lorsque le permis a été retiré ou son utilisation interdite. Alors qu’aujourd’hui cette contravention n’est passible que d’une amende, elle vaudra dorénavant à son auteur une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire. La commission entend ainsi garantir l’égalité devant la loi et améliorer la sécurité routière. Le Conseil fédéral a approuvé sans réserve la modification proposée par la CTT-CN, relevant combien elle rejoignait dans l’esprit les propositions gouvernementales relatives au programme Via Sicura [25].
Après avoir décidé l’entrée en matière sans la moindre opposition, le Conseil national a adopté le projet de sa commission sans discussion et à l’unanimité. Le Conseil des Etats ayant fait de même, les deux chambres ont adopté cette modification de la LCR en votation finale, respectivement à l’unanimité et par 41 voix contre 1 [26].
Au printemps de l’année sous revue, l’association des victimes de la route Roadcross et des parlementaires fédéraux issus de tous les partis représentés aux chambres ont lancé une initiative populaire fédérale intitulée « Protection contre les chauffards ». Les initiants proposent de durcir les peines à l’encontre des conducteurs prenant des risques délibérés, soit en commettant de graves excès de vitesse, soit en s’adonnant à des courses sauvages. Le texte déposé prévoit que « toute personne qui, en enfreignant intentionnellement les règles élémentaires de la circulation, s’est accommodée d’un fort risque d’accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort […] est un chauffard passible d’une peine privative de liberté d’une durée comprise entre un à quatre ans ». Outre la confiscation définitive de son véhicule par l’Etat, le contrevenant se verrait retirer son permis de conduire pour au moins deux ans, en cas de première infraction, et pour au moins dix ans, en cas de récidive. Les conducteurs roulant à 100 km/h ou plus à l’intérieur d’une localité, à 140 km/h ou plus hors localité et à plus de 200 km/h sur l’autoroute s’exposeraient à ces sanctions [27].
La commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-CN) a décidé de donner suite à deux initiatives du canton d’Argovie, une initiative du canton de Soleure, ainsi qu’à sept initiatives parlementaires déposées par des députés et des groupes de la chambre basse, toutes en faveur d’une plus grande sévérité à l’égard des chauffards. À l’inverse, elle a décidé de ne pas donner suite à une initiative Amstutz (udc, BE) prévoyant la publication systématique des jugements et l’inscription des condamnations sur le permis de conduire. Elle a en effet estimé que la définition de la notion de chauffard retenue par l’initiant était inapplicable, car elle ne tenait pas compte de la gravité des infractions. Elle a en outre jugé l’initiative inutile dans la mesure où la publication des jugements est d’ores et déjà possible si l’intérêt public, l’intérêt de la personne lésée ou l’intérêt de la personne habilitée à porter plainte l’exigent. Par ailleurs, elle a relevé que les autorités administratives et judiciaires concernées ont déjà accès à ces informations grâce à des registres automatisés. Suivant sa commission, le plénum a décidé, par 90 voix contre 67, de ne pas donner suite à cette initiative [28].
Le Tribunal fédéral a revu sa jurisprudence concernant les chauffards. Admettant pour la première fois le cumul de deux infractions contre un responsable d’accident mortel (homicide par négligence et mise en danger de la vie d’autrui), les juges de Mon Repos lui ont infligé une peine de 6 ans de prison. Au-delà du cas d’espèce, cette jurisprudence ouvre la voie à des sanctions pénales nettement plus sévères que jusqu’alors à l’encontre des chauffards [29].
Contrairement au Conseil national l’année précédente, le Conseil des Etats a tacitement rejeté la motion Philipp Müller (plr, AG) visant à obliger les auteurs d’excès vitesse récidivistes à équiper à leur frais leur véhicule d’un enregistreur de données du type « boîte noire » et à transmettre périodiquement ces données aux autorités cantonales compétentes pour contrôle et, le cas échéant, sanction. Les sénateurs ont ainsi suivi leur CTT, qui a jugé les mesures proposées excessives et difficilement applicables, notamment par rapport au programme Via Sicura qui prévoit également le recours à de telles boîtes noires, mais dans des conditions clairement délimitées [30].
Dans un arrêt rendu à l’automne, le Tribunal fédéral a prononcé l’interdiction de tous les systèmes avertissant les automobilistes de contrôles routiers, indépendamment de la technologie employée (GPS, téléphone portable, etc.). Confirmant la jurisprudence initiée en 2008 par laquelle l’utilisation d’un système GPS avait été prohibée, les juges en ont généralisé la portée lors de l’examen d’une affaire concernant des avertissements par SMS [31].
 
[23] FF, 2010, p. 7703 ss. Cf. APS 2009, p. 157.
[24] FF, 2010, p. 344. Cf. APS 2009, p. 158.
[25] FF, 2010, p. 3579 ss. (CTT-CN) et 3589 s. (CF).
[26] BO CN, 2010, p. 1432 s. et 2181; BO CE, 2010, p. 1047 et 1354; FF, 2010, p. 8221 s.
[27] FF, 2010, p. 2409 ss.; AZ et BaZ, 17.4.10; Blick, 26 et 27.4.10; presse des 27 et 28.4.10. Cf. APS 2009, p. 158. Le comité d’initiative est notamment composé des conseillers nationaux Adrian Amstutz (udc, BE), Chantal Galladé (ps, ZH), Daniel Jositsch (ps, ZH), Peter Malama (plr, BS), Philipp Müller (plr, AG), Yvan Perrin (udc, NE), Pius Segmüller (pdc, LU) et Franziska Teuscher (pe, BE), ainsi que des conseillers aux Etats Liliane Maury Pasquier (ps, GE) et Luc Recordon (pe, VD).
[28] BO CN, 2010, p. 1296 ss. et Annexes III, p. 211 ss. (CAJ).
[29] LT, NLZ, NZZ et TA, 7.5.10.
[30] BO CE, 2010, p. 183 s. Cf. APS 2009, p. 157.
[31] BaZ, NZZ et SoS, 8.10.10. Cf. APS 2008, p. 157.