Année politique Suisse 2010 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
 
Constructions routières
À la suite du Conseil national l’année précédente, le Conseil des Etats a adopté, par 26 voix contre 11, la motion Giezendanner (udc, AG) visant à réduire la durée des chantiers et à garantir un traitement équitable des petites et moyennes entreprises (PME) dans la procédure d’adjudication pour les projets de constructions routières. Ce faisant, les sénateurs ont désavoué leur CTT, qui recommandait le rejet du texte, au motif que l’OFROU avait déjà pris les mesures nécessaires et que la durée des chantiers ne constitue qu’un critère d’adjudication parmi d’autres tout aussi importants. Le débat a essentiellement porté sur le second objectif de la motion et une majorité a plaidé pour une réforme des conditions d’adjudication des marchés publics, jugées par trop défavorables au PME [32].
Le Conseil national a adopté, par 99 voix contre 60, un postulat Rudolf Rechsteiner (ps, BS) chargeant le Conseil fédéral d’étudier les possibilités de développement de la multifonctionnalité des routes nationales pour les autres infrastructures d’importance nationale. Le gouvernement doit notamment examiner l’opportunité de construire des conduites enterrées suivant les tracés routiers existants pour le réseau électrique à moyenne et haute tension et pour les réseaux de télécommunications dans la perspective d’une réduction des pertes énergétiques et des nuisances (électrosmog, atteintes au paysage, etc.). Rappelant son attachement au principe du regroupement d’infrastructures, le gouvernement a accueilli favorablement la requête du postulant, relevant par ailleurs que l’utilisation mixte des voies de chemins de fer mériterait également une telle analyse approfondie [33].
Trente ans après sa mise en service, en 1980, le tunnel routier du Saint-Gothard a une nouvelle fois suscité de vives discussions au cours de l’année sous revue. Après que l’OFROU a annoncé que sa réfection nécessiterait la fermeture complète du tunnel, les partis bourgeois se sont mobilisés en faveur de la construction d’un second tube tant au niveau cantonal que fédéral. Au parlement, 100 conseillers nationaux et 28 sénateurs, tous issus des rangs bourgeois, ont déposé à l’automne des propositions individuelles en ce sens. À l’inverse, les partis de gauche, les organisations de protection de l’environnement et l’Initiative des Alpes ont rejeté cette proposition au motif qu’elle allait à l’encontre l’objectif de transfert de la route au rail et violait en ce sens l’article constitutionnel sur la protection des Alpes. Dans le canton d’Uri, l’initiative populaire cantonale lancée par les jeunes UDC en faveur d’un second tube a abouti, tandis que les sections tessinoises des partis bourgeois et la Lega dei Ticinesi ont pris position dans le même sens. En fin d’année, le Conseil fédéral a présenté un rapport complet concernant la réfection du tunnel routier du Saint-Gothard en réponse au postulat de la CTT-CE que lui avait transmis la chambre des cantons l’année précédente. Prévue entre 2020 et 2025, la réfection vise à rehausser le plafond intermédiaire du tunnel, à renouveler le système d’évacuation des eaux et à conformer les installations de sécurité aux normes actuelles. Compte tenu de l’ampleur de l’entreprise, le gouvernement juge nécessaire la fermeture complète du tunnel durant environ 900 jours, évoquant deux options quant à la planification des travaux. La première consiste en la fermeture annuelle du tunnel durant environ deux ans et demi. Réalisés d’une traite, les travaux coûteraient 650 millions de francs. La seconde option prévoit quant à elle la fermeture du tunnel 280 jours par an (de mi-septembre à fin juin) durant trois ans et demi et des coûts de réfection de 752 millions de francs. Quant à la gestion du trafic durant la réfection, le Conseil fédéral propose le transfert de la route au rail du transport des personnes, via le tunnel de faîte du Saint-Gothard (Göschenen-Airolo), et des marchandises, grâce au tunnel de base du Gothard (Erstfeld-Bodio). Le gouvernement juge cependant que ces solutions ne suffiront pas à empêcher les répercussions négatives de la fermeture du tunnel routier pour les cantons d’Uri et du Tessin. La construction d’un second tube n’est toutefois pas nécessaire : outre son coût élevé (environ 2 milliards de francs), elle exigerait une modification de la Constitution et ne serait pas achevée d’ici au lancement des travaux de réfection. Le Conseil fédéral a par ailleurs assuré que les cantons concernés et les commissions des transports des chambres seront associés aux discussions concernant les deux options préalablement à la décision définitive du collège gouvernemental [34].
L’OFROU a lancé un programme de mise aux normes de sécurité des tunnels des routes nationales. Bien que les tunnels routiers suisses comptent parmi les plus sûrs du monde, plus de la moitié d’entre eux (126 sur 220) ne satisfont plus aux normes sécuritaires telles qu’elles ont été redéfinies suite aux graves accidents des tunnels du Mont-Blanc (F), des Tauern (A) et du Gothard, survenus respectivement en 1999 et 2001. Estimés à 1,2 milliard de francs, les travaux nécessaires pour conformer ces ouvrages aux nouvelles exigences concernent principalement les installations de ventilation, les issues de secours, la signalisation des équipements de sécurité et l’approvisionnement en énergie. Ils seront réalisés entre 2011 et 2016 pour un coût annuel moyen de 150 millions de francs couvert par les crédits annuels du financement spécial pour la circulation routière votés par le parlement [35].
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Réseau de routes nationales
Lors de la session d’été, le Conseil des Etats s’est saisi du message relatif à la première étape du programme d’élimination des goulets d’étranglement sur le réseau des routes nationales. Sous réserve du problème de l’alimentation future du fonds d’infrastructure (cf. supra), les sénateurs ont accueilli très favorablement le projet gouvernemental et adopté à l’unanimité et sans discussion l’arrêté fédéral allouant 1,36 milliard de francs aux projets les plus urgents.
Le Conseil national a suivi la chambre des cantons, rejetant au passage, par 147 voix contre 25, une proposition de minorité Grin (udc, VD) visant à faire remonter le projet de troisième voie autoroutière entre Lausanne et Genève dans l’ordre des priorités. Au vote sur l’ensemble, la chambre du peuple a adopté le projet d’arrêté par 152 voix contre 10 [36].
Sur préavis favorable du Conseil fédéral, la chambre basse a adopté, par 97 voix contre 53, une motion Giezendanner (udc, AG) chargeant le gouvernement d’entreprendre immédiatement la planification de la réalisation des projets non contestés du programme d’élimination des goulets d’étranglement [37].
À la suite du Conseil des Etats l’année précédente, le Conseil national a débattu de la motion Jenny (udc, GL) visant à réduire le volume des embouteillages et autres désagréments lors de travaux de construction et de transformation sur les routes nationales en garantissant la circulation sur quatre voies et en raccourcissant la durée des chantiers grâce au travail à deux équipes. Sur proposition de leur CTT, les députés ont amendé le texte afin de relativiser l’exigence du maintien du trafic sur quatre voies, estimant que cela n’est pas toujours possible ou raisonnablement exigible. La chambre des cantons s’est tacitement ralliée à cette nouvelle formulation [38].
Dans le même sens, la chambre basse a adopté tacitement une motion Markus Hutter (plr, ZH) chargeant le gouvernement de garantir une meilleure coordination des chantiers sur les routes nationales afin d’en réduire les conséquences négatives pour les particuliers et les entreprises et d’éliminer tout risque de paralysie. Ce texte demande notamment que, lors de travaux importants, le maintien d’un axe transversal à haut débit soit garanti [39].
En lien avec le différend opposant la Confédération aux cantons concernant le projet de révision de l’arrêté sur le réseau des routes nationales, le Conseil des Etats a transmis au Conseil fédéral un postulat Brändli (udc, GR) visant à la mise à jour de la définition de la desserte de base pour toutes les localités du pays, de l’évaluation des coûts de réalisation et d’exploitation de ladite desserte et de la part de ces coûts assumée par les cantons. Contrairement au postulant, les sénateurs n’ont cependant pas souhaité que la Confédération participe davantage à la couverture des coûts résiduels de la desserte de base, dans la mesure où cela remettrait en question la nouvelle répartition des tâches (RPT) en matière d’infrastructures routières. Aussi ont-ils amendé le texte en ce sens [40].
Le Tribunal fédéral a donné raison au DETEC et confirmé définitivement la hausse de 10% de la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP), cassant le jugement rendu l’année précédente par le Tribunal administratif fédéral (TAF) en faveur des transporteurs routiers. Ce faisant, il a clarifié les critères de calcul des coûts externes du trafic poids lourds à la couverture desquels le produit de la RPLP est censé contribuer, entérinant notamment la prise en compte des coûts des pertes de temps dues aux embouteillages. Fort de cette décision, l’Office fédéral du développement territorial (ARE) a fait établir de nouvelles prévisions concernant l’évolution de ces coûts externes et celle des recettes de la RPLP. Les coûts externes annuels imputables au trafic poids lourds ont été évalués à 1,7-1,8 milliard de francs pour la période 2010-2015, soit 300 à 400 millions de francs de plus que les précédentes prévisions. Les produits nets annuels de la RPLP devraient quant à eux s’établir à 1,4 milliard de francs pour la même période. Le trafic poids lourds ne couvrira donc probablement pas les coûts externes qu’il générera au cours de cette période [41].
 
[32] BO CE, 2010, p. 176 ss. Cf. APS 2009, p. 159.
[33] BO CN, 2010, p. 234 s.
[34] NZZ, 28.1 (Uri) et 28.4.10 (Tessin); presse du 13.10 (partis bourgeois) et du 18.12.10 (CF). Cf. APS 2009, p. 159. Peu avant la publication de ce rapport, le CN avait adopté, par 90 voix contre 56, un postulat Rime (udc, FR) visant à ce que le CF examine la possibilité du percement d’un second tube (BO CN, 2010, p. 1442 s).
[35] Presse du 21.5.10.
[36] BO CE, 2010, p. 677 ss. et 688 s.; BO CN, 2010, p. 1408 ss. et 1415 s.; FF, 2010, p. 6291 s. Cf. APS 2009, p. 159 s. En marge de ce débat, le CE a rejeté tacitement la motion Reymond (udc, GE) adoptée par le CN l’année précédente, la jugeant désormais sans objet (BO CE, 2010, p. 689).
[37] BO CN, 2010, p. 1445 s.
[38] BO CN, 2010, p. 999 s.; BO CE, 2010, p. 920. Cf. APS 2009, p. 160.
[39] BO CN, 2010, p. 2161.
[40] BO CE, 2010, p. 188. Cf. APS 2009, p. 159.
[41] Presse du 21.4.10; NLZ, 15.10.10 (ARE). Cf. APS 2009, p. 160.