Année politique Suisse 2011 : Politique sociale / Assurances sociales / Assurance-maladie
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Révision de la LAMal
Durant l’année sous revue, les chambres ont poursuivi le processus d’élimination des divergences sur le volet relatif aux réseaux de soins intégrés de la révision partielle de la loi sur l’assurance-maladie (LAMal) présentée en 2004 visant à faciliter le développement des modèles de réseaux de soins intégrés (managed care). Au Conseil national, les députés se sont ralliés par 117 voix contre 64 à la position du Conseil des Etats en adoptant une formule potestative dans la fixation de l’étendue de la coresponsabilité budgétaire et des exigences de qualité des réseaux. La gauche a milité en faveur d’une formule contraignante pour le gouvernement, en vain. Les députés ont par contre maintenu les autres divergences notamment sur la question de la quote-part différenciée. Ils ont ainsi rejeté par 63 voix contre 60 une minorité Rossini (ps, VS) suggérant d’adhérer à la position du Conseil des Etats, à savoir une participation aux frais de 5% pour les assurés membres d’un réseau de soins et de 15% pour ceux hors réseau. Ils ont ensuite préféré par 95 voix contre 80 une minorité Bortoluzzi (udc, ZH) proposant des quotes-parts différenciées de respectivement 10% et 20% à la proposition de leur commission proposant de les fixer à 7,5% et 15%. Le Conseil national a encore rejeté par 111 voix contre 88 la proposition du Conseil des Etats de fixer un plafond aux quotes-parts de 500 francs pour les assurés membres d’un réseau et de 1000 francs pour les autres assurés. Sur ces votes, la gauche s’est opposée en vain à l’augmentation des charges financières des malades. Par ailleurs, les députés ont également réaffirmé par 129 voix contre 52 l’obligation pour les caisses d’assurance-maladie de proposer au moins un réseau de soins intégrés. Seuls un tiers du groupe PLR et la grande majorité du groupe UDC s’y sont opposés estimant que l’offre de réseaux est un avantage comparatif suffisamment incitatif pour que ce type de modèle se développe. La gauche et le groupe PDC se sont inquiétés de l’obligation pour certains assurés de payer une quote-part plus élevée en raison de l’absence de réseau dans leur région. En outre, les députés ont maintenu l’augmentation de prime supérieure à la moyenne comme motif de résiliation avant l’échéance d’un contrat et ont rejeté par 115 voix contre 61 une minorité Schenker (ps, BS) proposant de ne pas autoriser des durées de contrat allant jusqu’à trois ans. Ils ont toutefois obligé les assureurs à proposer des contrats d’une année. Finalement, le Conseil national a introduit sans opposition une nouvelle disposition visant à interdire aux caisses-maladie de gérer et de cofinancer des réseaux. Au Conseil des Etats, les sénateurs ont adhéré à la position du Conseil national relativement aux motifs de résiliation d’un contrat d’assurance. Toutefois, certaines divergences ont été maintenues. Les sénateurs ont ainsi adopté par 21 voix contre 19 une proposition de leur commission fixant des quotes-parts de 7,5% pour les assurés membres d’un réseau et de 15% pour ceux optant pour une prise en charge plus traditionnelle, alors qu’une minorité Gutzwiller (plr, ZH) a suggéré d’adhérer à la proposition du Conseil national. Ils ont également confirmé sans opposition leur volonté de mettre en place des plafonds à la participation des assurés et ont maintenu sans opposition également leur refus de ne pas obliger les assureurs à proposer des réseaux de soins intégrés. Toutefois, ils ont introduit une disposition permettant au gouvernement de prendre les mesures appropriées si dans un délai de cinq ans à partir de l’application de la loi, l’offre de réseaux n’est pas généralisée. Les sénateurs ont finalement suivi par 33 voix contre 10 la proposition de leur commission en s’opposant à l’introduction de la clause interdisant les caisses-maladie de gérer ou cofinancer des réseaux de soins. Leur commission estime que la disposition peut être aisément contournée à travers la création d’une holding et que, formellement, elle ne peut être recevable car introduite au cours de la procédure d’élimination des divergences. De retour au Conseil national, les députés ont adhéré par 110 voix contre 43 à la position du Conseil des Etats en fixant des plafonds maximaux de participation aux frais des patients. Cependant, ils ont décidé de supprimer la possibilité pour le Conseil fédéral d’ajuster ce montant en fonction du renchérissement. Quant au montant des quotes-parts, ils ont maintenu par 98 voix contre 54 leur position précédente malgré une minorité Jacqueline Fehr (ps, ZH). Ils ont également maintenu par 128 voix contre 35 l’obligation pour les assureurs de proposer des réseaux de soins intégrés et par 121 voix contre 22 l’interdiction pour ces derniers de les gérer ou de les cofinancer.
Devant la confirmation de ces divergences, il a été nécessaire de convoquer une conférence de conciliation qui a proposé de fixer une quote-part de 10% pour les membres de réseaux et de 15% pour les autres, de ne pas obliger les assureurs à proposer des réseaux sur l’ensemble de leur territoire d’activités mais d’obliger le gouvernement à intervenir dans les trois ans si ce type d’offre n’est pas généralisé, de donner la possibilité au Conseil fédéral d’adapter le plafond de participation aux coûts en fonction du renchérissement et d’interdire la gestion ou le cofinancement de réseaux de soins par les assureurs tout en prévoyant un délai transitoire de 5 ans. Le Conseil des Etats a adhéré par 28 voix contre 9 à la proposition de la conférence. Au Conseil national, le groupe socialiste s’est opposé à la proposition considérant que le projet initial a été vidé de sa substance. Le groupe a critiqué l’accroissement des charges sur les assurés et l’absence d’obligation pour les assureurs de proposer des réseaux. Le groupe écologiste et le bloc bourgeois se sont montrés majoritairement favorables à la proposition estimant qu’elle demande une participation de tous les acteurs, renforce la médecine de famille et freine l’augmentation des prestations. Les députés ont donc accepté par 111 voix contre 39 la proposition. Au vote final, et après avoir corrigé une lacune relative aux dispositions transitoires en maintenant la législation en vigueur dans les cantons ne disposant pas de réseau, la chambre haute et la chambre basse ont adopté le projet par respectivement 28 voix contre 6 et 133 voix contre 46 et 17 abstentions. Dans cette dernière chambre, la majorité du groupe socialiste, un tiers du groupe écologiste et une partie du groupe UDC se sont opposés au projet. Un groupe de praticiens réunissant des spécialistes libéraux et des médecins favorables à la caisse unique ainsi que l’USS ont annoncé vouloir lancer un référendum [28].
Le Conseil national a adopté par 92 voix contre 60 une motion de la CSSSP-CN chargeant le Conseil fédéral d’inclure les questions spécifiques aux maladies chroniques, aux personnes atteintes de pathologies multiples ainsi qu’aux patients traités en gériatrie dans l’analyse sur les effets du nouveau financement hospitalier afin de garantir la qualité générale des soins. Une minorité Bortoluzzi (udc, ZH) soutenue par la majorité du groupe UDC et une partie du groupe PLR a proposé le rejet de la motion sans succès [29].
Les chambres ont adopté une motion de la CSSSP-CN chargeant le Conseil fédéral de prendre des mesures suite à l’introduction du système des montants forfaitaires en fonction du diagnostic (DRG) pour la rémunération des prestations hospitalières dans le domaine de l’assurance obligatoire des soins afin qu’une offre suffisante de postes de formation et de perfectionnement pour le personnel soignant et le respect de la qualité des soins soient garantis [30].
Le Conseil national a adopté un postulat Humbel (pdc, AG) demandant au gouvernement d’élaborer un rapport établissant les avancées de la mise en œuvre des listes hospitalières cantonales et proposant des mesures garantissant une application homogène de la LAMal dans tous les cantons, si nécessaire à travers une modification légale. La postulante estime que la planification hospitalière est arbitraire au vu de l’absence de transparence et de dispositions contraignantes. Ainsi, elle propose d’octroyer à la Confédération les compétences de fixer un minimum de cas par médecin d’hôpital, d’obliger les hôpitaux à présenter un rapport de qualité des prestations et de leur imposer des exigences de formation et de perfectionnement pour être inscrit sur les listes hospitalières [31].
Au mois de mars, l’association des hôpitaux, H+, la FMH ainsi que quatorze organisations professionnelles et syndicales ont lancé un appel soutenu par la Conférence des directeurs cantonaux de la santé afin que l’introduction du système de montants forfaitaires en fonction du diagnostic (DRG) mettant les hôpitaux en concurrence ne nuise pas aux conditions de travail et à la formation du personnel soignant. Ils craignent que cette concurrence porte préjudice à la qualité des soins en poussant les hôpitaux à dispenser des prestations moins complètes. Certaines organisations ont demandé un moratoire sur la mise en œuvre de la loi. Par ailleurs, Santésuisse et la Conférence des directeurs cantonaux de la santé ont évalué le surcroît de charge global pour la mise en place du nouveau système à 1 milliard de francs pour les cantons et à 400 millions de francs pour les caisses. Ils ont également estimé que ce dernier entraîne une augmentation de 1,6 à 2% des primes de l’assurance de base. En mai, la CSSSP-CE a déposé une initiative parlementaire visant à interdire en urgence les augmentations de primes durant trois ans. Cette dernière a rencontré l’opposition des cantons et a finalement été rejetée par les chambres, seules l’UDC et une partie du groupe PDC l’ayant clairement soutenue. En juillet, H+ et Santésuisse ont conclu une convention permettant la transmission aux assureurs des données relatives aux diagnostics afin de contrôler les coûts. Certains acteurs comme Privatim, l’association des commissaires suisses à la protection des données, ont fortement protesté tandis que les hôpitaux, en contradiction avec leur faîtière, et de nombreux prestataires de soins ont refusé cette pratique l’estimant inacceptable au vu du secret médical et inutile. Au mois de novembre, de nombreuses manifestations ont eu lieu dans l’ensemble du pays afin de protester contre le nouveau financement hospitalier. Les professionnels de la santé ont estimé que le nouveau système aggrave des conditions de travail déjà difficiles, notamment en raison de sous-dotation en personnel, tandis que le syndicat des services publics a estimé que les décisions sont prises sans consultation du personnel [32].
 
[28] Message 04.062 : BO CN, 2011, p. 129 ss., 1322 ss., 1620 ss., 1806 s., 1865 s. ; BO CE, 2011, p. 344 ss., 770 ss., 1030 s. et 1034 ; voir APS, 2008, p. 224 s. et APS 2010, p. 249 ; Lib., 15.9.11 ; SGT, 6.10.11 (référendum).
[29] Mo. 11.4035 : BO CN, 2011, p. 2029 s.
[30] Mo. 10.3882 : BO CN, 2011, p. 154 s. ; BO CE, 2011, p. 351 s.
[31] Po. 10.3753 : BO CN, 2011, p. 529.
[32] In. pa. 11.439 : BO CE, 2011, p. 457 ss. et 951 ss. ; BO CN, 2011, p. 1084 ss. ; NZZ et Lib., 17.3.11; Woz, 24.3.11; Lib. 13.4.11 (Santésuisse); Exp. 4.5.11 (Santésuisse); LT et Lib., 17.5.11 (cantons); NZZ et QJ, 28.5.11 (H+); NZZ, 31.5.11 (moratoire); QJ, 19.7.11 (données); TG, 11.8.11 (données); presse du 16.8.11 (données); LT, 23.9.11 (manifestation) ; voir APS 2007, p. 237 s.