Année politique Suisse 2012 : Enseignement, culture et médias / Enseignement et recherche
 
Ecoles obligatoires
A l’heure du verdict proclamé par le peuple suisse pour l’initiative « jeunesse + musique », il est important de rejouer rapidement la partition, afin de mieux comprendre le rôle de chaque musicien dans cette symphonie politique à multiple rebondissements. Le Conseil national, convaincu de l’importance de l’enseignement musical, avait soutenu cette initiative. Le Conseil des Etats avait montré du doigt la violation de la souveraineté des cantons en matière de formation obligatoire. L’idée d’un contre-projet était née. En mars 2012, les deux chambres ont accepté respectivement l’arrêté fédéral sur la promotion de la formation musicale des jeunes et celui concernant l’initiative populaire « jeunesse + musique ». Ce sont 30 voix contre 6 et 3 abstentions au Conseil des Etats, et 149 voix contre 37 au Conseil national qui ont validé le premier. Alors que 31 voix contre 6 et 6 abstentions au Conseil des Etats, ainsi que 156 voix contre 31 au Conseil national ont finalisé les discussions concernant l’initiative « jeunesse + musique ». Dès lors, le comité d’initiative a décidé de retirer la proposition « jeunesse + musique » au profit du contre-projet. C’est donc cet unique arrêté fédéral qui a été soumis au vote le 23 septembre 2012[5].
IP Arrêté fédéral sur la promotion de la formation musicale des jeunes (contre-projet à l’initiative populaire « jeunesse + musique »)
Votation du 23 septembre 2012

Participation: 41,5%
Oui: 1 551 918 (72,7%) / 20 6/2 cantons
Non: 583 327 (27,3%) / 0 cantons

Consignes de votes:
Oui: PBD, PCS, PDC, PEV, PS, Parti vert’libéral suisse (pvl), PE, Association des Communes Suisses (ACS), Union des villes suisses, Association faîtière des enseignantes et des enseignants suisses (ECH), IG jugend und musik, Travail.Suisse, USP, USS.
Non: PLR (2)*, UDC (1) *.

* Dans les parenthèses, le nombre de section cantonales divergentes
Ce contre-projet vise la promotion de la formation musicale et, dans les limites des compétences des cantons et de la Confédération, celle d’un enseignement musical scolaire de qualité. De plus, il veut faciliter l’accès des jeunes à la pratique musicale et encourager les talents musicaux. En outre, il faut noter que la Confédération joue ici le rôle d’une épée de Damoclès, prête à légiférer en cas d’échec des efforts des cantons. Ce contre-projet a reçu un appui soutenu de la majorité des acteurs politiques, en particulier du centre et de la gauche, qui ont souligné l’importance d’un enseignement musical, tant dans le contexte scolaire qu’extrascolaire. Ils ont souligné l’importance d’un accès des jeunes à une formation musicale indépendamment du revenu familial, mais aussi la nécessité d’inscrire la musique dans la Constitution, afin de lui conférer un statut similaire à celui du sport par exemple. Reste à évoquer l’opposition de l’UDC et du PLR qui ont vu dans ce contre-projet une ingérence de la Confédération dans un dossier cantonal. Ils dénonçaient également une hausse des coûts sans aucune certitude de l’efficacité des résultats, tout en soutenant que la musique était déjà suffisamment encouragée. D’ailleurs, cette opposition doit être relativisée car les deux partis se sont montrés discrets durant la campagne. On peut d’ailleurs noter qu’ils ont que très faiblement convaincu leurs sympathisants. En effet, seulement 60-62% des sympathisants de l’UDC et du PLR ont soutenu l’arrêté. En résumé, les résultats finaux des votations ont montré qu’une large majorité des citoyens, 72,7%,ainsi que la totalité des cantons soutiennent ce contre-projet. Ce taux d’acceptation a été particulièrement élévé, plus de 80%, parmi les sympathisants des partis qui soutenaient cet arrêté, ainsi que chez les femmes (80%) et parmi les ménages au revenus inférieur à 3000 francs (90%). Les hommes l’ont soutenu quant à eux qu’à 65%. La plus grande part des voix est venue des moins de 39 ans et des plus de 70 ans. En outre, l’analyse de la perception du contenu de l’objet montre que les votants ont intégré l’idée de promotion de la musique (45%). Les autres éléments qui ont été cités parmi les votants sont l’égalité des chances dans l’accès à la musique (15%), le soutien financier de l’Etat (15%) et l’ancrage dans la Constitution (13%). De l’autre côté, parmi les motifs de refus, on retrouve l’idée que la musique n’a pas sa place dans la Constitution (31%), qu’elle n’est pas une priorité (24%) ou encore que la situation actuelle est satisfaisante (21%) [6].
A la suite d’une pétition, dirigée par Ulrich Schlüer (udc, ZH) et de l’existence d’une « Sex-Box », qui contenait des peluches et autres jouets en bois destinée au cours d’éducation sexuelle pour le secondaire, un groupe de parents bâlois, soutenus par des partis de la droite conservatrice ont lancé une initiative populaire, « contre la sexualisation à l’école maternelle et à l’école primaire ». Néanmoins, l’initiative a été freinée dans son élan, lorsque le comité a découvert le passé frauduleux d’un de ses principaux membres. Afin de relancer une nouvelle initiative, le Comité n’a déposé qu’une seule signature valable le 16 mai 2012. Le non-aboutissement de l’initiative a logiquement été prononcé par la suite [7].
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Réformes scolaires
Sur la question de l’apprentissage des langues nationales, le canton de Zurich a voulu dispenser de cours de français les élèves rencontrant des difficultés. Cette proposition a rallumé le débat sur la question des langues nationales. En effet, des cantons alémaniques ont récemment donné la priorité à l’enseignement de la langue anglaise dans le cursus scolaire, discréditant ainsi la langue française. Ces décisions ont provoqué de vigoureuses réactions du côté du Léman. Hodgers (verts, GE) a déposé une initiative parlementaire qui vise une priorité aux langues nationales dans l’enseignement des langues à l’école. Pour Hodgers il ne s’agissait plus seulement d’une question de pédagogie, mais d’un véritable enjeu de cohésion nationale. Par conséquent, il propose que la Confédération et les cantons assurent en priorité les compétences dans une deuxième langue nationale au moins, ainsi que dans une autre langue étrangère d’ici la fin de la scolarité obligatoire. Pour les partisans du texte, il est non seulement nécessaire d’apprendre une langue nationale, mais surtout d’attiser, à travers cet apprentissage, la curiosité et l’intérêt culturel pour les différentes régions d’une Suisse éclectique. Malgré ces arguments, la CSEC-CN a proposé de refuser cette initiative. L’autonomie des cantons devrait, selon elle, dominer les débats sur les questions d’instruction publique. En conclusion, la chambre du peuple a refusé de donner suite à cette initiative parlementaire par 99 voix contre 66 [8].
Dans plusieurs cantons, tels que ceux de Berne, Fribourg, Valais, Soleure, Bâle-Ville et Bâle-Campagne, des modifications aux niveaux de l’enseignement des langues étrangères ont été lancées par le Plan d’études romand (PER) et le Lehrplan 21. Il s’agit donc d’apprendre l’allemand ou le français, dès la 3ème primaire, et d’introduire l’anglais en 5ème primaire. L’objectif est d’améliorer les connaissances en anglais, idiome international, tout en maintenant en priorité l’apprentissage d’une langue étrangère nationale, afin de promouvoir la multiculturalité suisse. Néanmoins, ce projet a soulevé de nombreuses inquiétudes. Beaucoup d’enseignants ont estimés qu’il était voué à l’échec, s’il n’était pas doté de moyens supplémentaires [9].
Avec un titre volontairement provocateur, Hans-Jürg Fehr (ps, SH) a déposé une initiative parlementaire pour des écoles à horaires continus à la place des avions de combat. Cette initiative a été présentée comme le fruit des discussions sur l’augmentation du budget de l’armée. Néanmoins, d’après l’auteur du texte, sous ce titre provocateur, se cache un véritable problème pour les citoyens suisses. En marge des arguments liés à la possibilité de réduction du stress chez les enfants, à l’amélioration des liens entre les enseignants et les élèves et à la diminution de la bureaucratie dans les écoles, c’est surtout la question du taux de natalité qui s’est placée au centre du débat. En d’autres termes, les déficits démographiques auxquels doivent faire face la Suisse pourraient être, selon les partisans de cette initiative, partiellement comblés grâce à une meilleure offre d’écoles à horaires continus qui encouragerait les jeunes couples à procréer. En effet, des horaires continus mieux aménagés que ceux des écoles standards garantiraient aux femmes une insertion facilitée dans le milieu professionnel et répondraient mieux aux besoins familiaux. L’attractivité de la Suisse serait parallèlement augmentée. Pourtant, le Conseil national a suivi sa commission et a refusé l’initiative à 110 voix contre 61. La Commission a estimé que la question doit être traitée sérieusement et surtout séparément de celle du budget militaire, afin d’éviter un débat purement polémique sur un sujet véritablement fondé [10].
 
[5] FF, 2010; p.21; FF, 2012, p.3203 s.; BO CN, 2010, p.1498 ss.; BO CE, 2011, p.158 ss.; BO CN, 2011, p.1082 et p.2018 ss.; BO CE, 2012, p.2 ss., p.262, p.269; BO CN, 2012, p.289 ss. et p.471; voir APS 2008, p.241; APS 2009, p. 246; APS 2010, p.276; APS 2011, p.347.
[6] Lit Nai et al.; FF, 2012, p.3203 ss.; FF, 2012, p.4307; FF, 2012, p.6417; NZZ, 17.07.12; SGT, 30.07.12; NLZ, 02.08.12; NZZ, BaZ et SGT, 17.08.12; NLZ, 20.08.12; 24H, NZZ, SGT et LT, 21.08.12; SGT, 23.08.12; Lib., 30.08.12; SGT, 01.09.12; NLZ et SGT, 05.09.12; NZZ, 06.09.12; SZ et CdT, 08.09.12; SGT, 13.09.12; NLZ et NZZ, 14.09.12; SGT, 18.09.12; Presse du 24.09.12; BaZ, 27.09.12.
[7] FF, 2012, p.3995 ss.; FF, 2012, p.5213; FF, 2012, p.5397 ss.; voir APS 2011, p.348; NZZ, BZ et LM 18.04.12; BZ, 21.04.12; BZ, 24.04.12; NZZ, 27.04.12; TA et NZZ, 06.06.12; Exp. 25.10.12.
[8] In. Pa. 10.475: BO CN, 2012 p. 61; LT, 16.04.12; LT, 04.08.12.
[9] BaZ, 23.01. et 07.07.12; LM, 15.08.12; SoZ, 19.08.12; LT, 22.10.12; TA et NLZ, 20.11.12.
[10] In. Pa., 11.485; BO CN, 2012, p.1618 ss.