Année politique Suisse 2012 : Enseignement, culture et médias / Enseignement et recherche
Hautes écoles
Une étude de l’Association européenne des universités, estimant que les hautes écoles suisses manquent d’autonomie notamment financière avec trop d’ingérences du gouvernement, a rallumé entre les autorités politiques et les responsables académiques le débat toujours brûlant des taxes d’études. En effet, c’est particulièrement la question des taxes d’études, fixées par les autorités, qui a fait baisser la note suisse. Plus précisément, de nombreuses universités, notamment dans les cantons de Berne, de Zürich et de Saint-Gall ont décidé d’augmenter les taxes d’études et ont par conséquent ramené ce sujet délicat au centre du débat politique. Enfin, la volonté du recteur de l’Ecole Polytechnique de Zürich (ETH) de doubler ses taxes d’études, les élevant ainsi à 2600 francs, a fini par convaincre Reynard (ps, VS) de déposer en mars 2012 une initiative parlementaire qui entendait
mettre un terme aux augmentations des taxes d’études. Plus précisément, le député souhaitait préciser l’alinéa 2 de l’article 34d de la loi fédérale sur les écoles polytechniques fédérales, qui restait trop flou à son goût. En effet, on y évoquait seulement la volonté d’une taxe d’études socialement supportable. Reynard espérait donc ajouter un alinéa 2bis qui fixerait le montant d’inscription à un maximum de 650 francs par semestre. Reynard a d’abord rappelé l’adhésion de la Suisse au pacte I de l’ONU qui nécessite un accès à l’éducation pour toutes et tous. Ensuite, il a précisé que pour le budget des universités suisses les taxes d’inscription ne représentent que deux à trois pour cent. Finalement, il a relevé la pénurie de personnel qualifié. Dans un système de formation tertiaire où les trois quarts des étudiants travaillent parallèlement à leurs études, une augmentation aurait des conséquences drastiques et limiterait alors l’accès à la formation pour les étudiants issus de familles à revenus modérés. Un système d’étude à deux vitesses risquerait donc indubitablement de se mettre en place avec un tel numerus clausus financier. La CSEC-CN, à 14 voix contre 10 et une abstention, a proposé de ne pas donner suite à cette initiative. Même si la commission a relevé l’importance de l’égalité des chances en ce qui concerne l’accès à la formation, elle n’a pas estimé judicieux de la soutenir par une limite des taxes d’études. Selon elle, il est tout d’abord crucial que les hautes écoles restent autonomes vis-à-vis du politique. Ensuite, elle estime plus important de se concentrer sur l’harmonisation des bourses d’études. Ce débat largement relaté dans les journaux, a abouti au Conseil national à un rejet de l’initiative par 114 voix contre 68
[19].
En septembre 2011, le Conseil des Etats avait décidé de ne pas donner suite à l’initiative du canton de Bâle-Campagne qui visait la reconnaissance de ce canton en tant que
canton universitaire. Suite à ce refus, Janiak (ps, BL) a décidé de lancer, au sein de la même chambre, une motion d’un objectif similaire. Concrètement, le canton de Bâle-Campagne participe au financement de l’université de Bâle, à part égale avec le canton de Bâle-Ville. Il verse aussi des contributions financières à la « Fachhochschule Nordwestschweiz », aux autres universités et hautes écoles du canton, ainsi qu’au domaine des EPF et au centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM). En conclusion, le canton joue un rôle majeur en tant qu’investisseur dans le paysage des hautes écoles suisses. Par conséquent, aucune des deux commissions et encore moins le Conseil Fédéral n’ont remis en question la légitimité de la demande de reconnaissance. Néanmoins, quelques difficultés d’ordre technique ont subsisté. Premièrement, le Conseil fédéral a relevé qu’une telle reconnaissance n’était pas uniquement de son ressort. En effet, la Conférence suisse des Directeurs cantonaux de l’Instruction Publique (CDIP) ainsi que la CUS ont leur mot à dire en cas de modifications légales du concordat intercantonal du 9 décembre 1999. Deuxièmement, dans la perspective de la nouvelle loi fédérale sur l’encouragement des hautes écoles et la coordination dans le domaine suisse des hautes écoles (LEHE), une telle motion n’arrive pas dans un contexte adéquat. Pourtant, cette motion a été soutenue par le Conseil fédéral qui souhaitait donner un fort gage de reconnaissance vis-à-vis des investissements consentis par le canton de Bâle-Campagne. Dans la même logique, le Conseil des Etats a accepté cette motion, bien que sa commission de la science, de l’éducation et de la culture (CSEC-CN) ait proposé de la refuser pour des raisons purement formelles à 16 voix contre 6. Le Conseil national a fini, lui aussi, par accepter de justesse la motion par 80 voix contre 78
[20].
La CSEC-CE a déposé en octobre 2011 une motion qui souhaite favoriser une
formation supérieure en linguistique et en littérature romanche. Plus précisément, le Conseil fédéral a été prié de s’engager en faveur de la sauvegarde et de la promotion de la langue et de la culture romanches en garantissant une formation universitaire. La mise en pratique d’un tel projet suppose évidemment une collaboration et coordination entre les cantons. Le Conseil fédéral est prêt à accepter cette nouvelle motion pour renforcer le quadrilinguisme spécifique à la Suisse. La formation supérieure en romanche est aujourd’hui dispensée par trois universités, celles de Genève, Fribourg et Zurich, mais sans aucune garantie pour le futur. En effet, la Suisse risque de bientôt manquer de chargés de cours et d’enseignants de langue romanche. Or, il reste quelque 60’000 personnes s’exprimant encore en romanche sur le territoire helvétique. De plus, au-delà de la langue, c’est la culture romanche et donc la multiculturalité suisse qu’il faut maintenir. Convaincues par ces arguments, les deux chambres ont soutenu la motion
[21].
Depuis 2002, la loi sur la formation professionnelle (LFPr) tient compte, dans son chapitre sur la formation continue, des études post-diplôme. Cette filière des écoles supérieures, Etudes post-diplôme (EPD ES), est sacrée par un titre reconnu par la Confédération. Néanmoins, le Conseil fédéral a proposé de supprimer la reconnaissance et la protection des titres de master postgrade. Il a invoqué l’illisibilité et la confusion qui règnent au niveau de ces titres. Le gouvernement a plus particulièrement remis en question les mentions « reconnu par la Confédération » et « protégé par la Confédération » qui laissent penser que les études de master postgrade sont réglementées, examinées ou encore subventionnées par la Confédération, ce qui n’est pas le cas. Cette erreur de perception pourrait selon lui provoquer une concurrence déloyale envers les diplômes véritablement reconnus. Pour faire face à cette volonté, Häberli-Koller (cvp, TG) au Conseil des Etats, puis Jositsch (ps, ZH) au Conseil national ont déposé chacun un postulat qui entend pousser la Confédération à
continuer de reconnaître les études post-diplôme des écoles supérieures. Selon les auteurs des postulats, une modification aurait de lourdes conséquences pour la qualité du pôle économique suisse. En effet, les écoles supérieures seraient d’une part amputées de leur second niveau, restreignant du coup l’attrait pour de telles filières. D’autre part, les personnes en possession de ce diplôme verraient leur titre largement dévalorisé. Les deux chambres responsables du dépôt des postulats les ont déjà adoptés. Dans la même optique, une motion et un postulat ont demandé le maintien de la reconnaissance et de la protection des titres de master postgrade des HES. Déjà acceptée par le Conseil des Etats en 2011, la motion de Bischofberger (pdc, AI) a donc été adoptée par le Conseil national par 142 voix contre 16. Dans la foulée, le postulat de la CSES-N sur la protection des titres délivrés par les filières formelles, y compris les masters postgrades des HES, a lui aussi été accepté par le Conseil national
[22].
Le Fond national suisse (FNS) a donné une impulsion à la création de postes d’assistants, afin d’encourager les jeunes talents. Ainsi, leur nombre au sein des universités et hautes écoles fédérales a augmenté
[23].
Pour les étudiants en médecine, le numerus clausus a été reconduit. La Conférence universitaire suisse (CUS) a pris cette décision en invoquant l’augmentation constante d’étudiants souhaitant rejoindre les facultés de médecine. Ce numerus clausus concerne ainsi les universités de Bâle, Berne, Fribourg et Zurich
[24].
La récolte de signatures lancée dans le cadre de l’
initiative sur les bourses d’études, est arrivée à son terme en 2012. La Confédération a validé 117’069 signatures recueillies. L’initiative populaire, lancée par l’Union des Etudiant-e-s de Suisse (UNES), sera donc soumise au peuple suisse. Cette initiative populaire espère garantir un niveau de vie minimal aux étudiants suisses, grâce aux aides financières publiques. En effet, la Confédération estime qu’un étudiant doit disposer de 24'000 francs par année pour couvrir ses frais de formation et subvenir à ses besoins. Une aide financière paraît donc souvent indispensable. Dans les chiffres, on recense 250'000 étudiants des niveaux tertiaires, dont 8% reçoivent une bourse d’études, pour un montant global de 303 millions par année, répartis pour 280 millions sur les cantons et pour 25 millions sur la Confédération. L’Union des Etudiant-e-s de Suisse montre du doigt les disparités entre les cantons et le désengagement de la Confédération ces dernières années. Tout d’abord, la liberté attribuée dans ce domaine aux cantons entraîne de fortes inégalités au niveau suisse. Les aides financières par personne varient aujourd’hui de 18 francs à 91 francs, entre les cantons de Schaffhouse et du Jura. Ensuite, de 1997 à 2005, alors que les effectifs dans la formation tertiaire augmentaient de 19%, les aides financières ont, quant à elles, baissé de 10%. L’initiative a donc pour objectif d’harmoniser le système des bourses d’études en redéfinissant le rôle de la Confédération. Elle prévoit notamment que les aides relèvent de la compétence de la Confédération, même si celle-ci doit prendre en compte les intérêts des cantons. Si une telle initiative trouvait grâce aux yeux des citoyens suisses, les déposants estiment qu’une enveloppe de 500 millions de plus serait accordée et que 20% d’étudiants supplémentaires en profiteraient. En novembre 2012, le Conseil fédéral a annoncé ne pas soutenir l’initiative de l’UNES, mais être prêt à entreprendre une révision de la loi sur les contributions à la formation, afin de soutenir les efforts d’harmonisation. Le conseiller fédéral Schneider-Ammann, en charge du secteur de la formation depuis 2013, a parlé lui d’un plafonnement du nombre de bacheliers. Cette vision a choqué de nombreux parlementaires
[25].
Le postulat Malama (plr, BS) sur
la comptabilité entre service militaire et formation et la motion proposée par Stump (ps, AG) pour une coordination de l’école de recrues et des études, déposés tous les deux en 2010 au Conseil national
ont été en quelque sorte rejoints en 2012 par le postulat de Berberat (ps, NE), traité par le Conseil des Etats. Ce postulat se penche sur le besoin de mieux concilier l’école de recrue et les études supérieures. Ces démarches ont dès lors animé les débats de la session d’été 2012. Alors que le Conseil fédéral avait estimé la situation satisfaisante en 2010, sa position a changé en 2012 avec le second postulat. Il a reconnu les difficultés liées à l’introduction du système de Bologne et est désormais davantage conscient des difficultés rencontrées par les étudiants. Il faut souligner que la situation n’a cessé de s’aggraver ces dernières années, en particulier avec le prolongement de la durée de l’école de recrues à 21 semaines et l’harmonisation avec le système de Bologne nécessitant une rentrée universitaire avancée à la mi-septembre. Dans de nombreux cas, les étudiants prennent alors un semestre de retard ou même une année sur leur programme académique. Berberat (ps, NE) a aussi relevé les difficultés financières liées à ce décalage. Les auteurs des postulats et de la motion estiment pour conclure qu’il est dans l’intérêt à la fois de l’armée et de l’économie de trouver un terrain d’entente. Si d’un côté, l’armée a besoin de membres bien formés et motivés, de l’autre, l’économie, en quête de jeunes diplômés, ne peut se permettre de perdre inutilement ces années de transition. En conclusion, dans la foulée de la prise de conscience du Conseil fédéral, le Conseil des Etats a accepté le postulat sur la conciliation de l’école de recrue et des études supérieures. Dans la même optique, le Conseil national a validé le postulat sur la comptabilité entre service militaire et formation par 115 voix contre 40. Par contre, même si la motion de Stump (ps, AG) a été acceptée par le Conseil national par 82 voix contre 71, le Conseil des Etats l’a de son côté rejetée à sa session d’automne, estimant que le postulat de Berberat (ps, NE) traitait déjà de cette problématique
[26].
[19] In. Pa., 12.412;
BO CN, 2012, p. 1622 ss.;
FF, 2012, p.1311s.;
LT, 27.01.12;
Lib., 10.04.12;
TA, 19.05.12;
LT, 06.06.12; LT, 18.09.12;
24H, 18.09.12;
BaZ, 26.10.12; TA, 06.11.12;
LM, 05.12.12;
NZZ, 07.12.12;
24H, 12.12.12.
[20]
Mo. 11.3798;
BO CE, 2011, p.1221;
BO CN, 2012, p.721 s.; voir
APS 1999, p.317;
APS 2011, p.354;
APS
1999, p.317;
APS
2011, p.350-351;
BaZ, 24.04. et 31.05.12.
[21] Mo. 11.4036;
BO CE, 2011, p.1219;
BO CN, 2012, p.721;
NZZ, 17.07.12.
[22] Mo. 11.3921; Po. 12.3415; Po. 12.3428; Po. 12.3019;
BO CE, 2011, p.1066 et p.887;
BO CN, 2012, p.701 ss. et p.1796; voir
APS 2002, p.257-258;
APS 2011, p.353.
[24]
NZZ et
Lib., 14.03.12;
Lib. 20.03.12.
[25]
FF, 2012, p. 2229-2230; voir
APS 2010, p.284 s.;
24H,
LT et TG, 04.01.12;
LT, 20.01.12;
NZZ, 21.01.12;
NZZ et In., 01.11.13;
Lib., 02.12.12;
TA, 01.11.12;
SGT, 13.11.12.
[26] Po. 10.3570; Po. 12.3116; Mo. 10.3832;
BO CN, 2012, p.997, p.999;
BO CE, 2012, p.368, p.805 s.
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