Année politique Suisse 2013 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
 
Principes directeurs
En février, le Conseil fédéral a mis en consultation le projet de loi sur la collaboration avec des autorités étrangères et la protection de la souveraineté suisse dans le cadre de l’assistance en matière administrative. L’objectif de ce projet de loi est de régler l’entraide administrative avec d’autres Etats, sans pour autant mettre en péril la souveraineté suisse. La consultation a soulevé quelques critiques, notamment au sujet de l’absence de protection du secret professionnel des juristes d’entreprise, de la protection juridique insuffisante de certaines personnes ou encore quant à l’efficacité concrète des mesures de protection proposées pour protéger la souveraineté suisse[1].
Bien que le Conseil national ait rejeté la pétition « Droit sans frontières » en 2012, la commission de politique extérieure du Conseil national (CPE-CN) a souhaité agir dans le domaine des violations des droits de l’homme et des dégradations environnementales causées par des multinationales suisses. La commission a donc proposé à son Conseil de mandater le Conseil fédéral afin que ce dernier effectue un rapport de droit comparé. Le rapport devra rendre compte des obligations imposées aux multinationales d’autres pays. Il servira de base pour la mise en œuvre de mesures appropriées au contexte économique helvétique. Le postulat a été adopté par la chambre basse [2].
Au mois d’avril, le Conseil national a traité deux objets relatifs à la révision des compétences du Conseil fédéral pour la conclusion et l’application provisoire de traités internationaux de portée mineure. Le premier objet émane du gouvernement et se veut une réponse à la motion « Base légale pour la conclusion de traités internationaux par le Conseil fédéral », déposée par la commission de politique extérieure du Conseil des Etats (CPE-CE), et à la motion "Révision des bases légales régissant la conclusion d'un traité international par le Conseil fédéral" déposée par la commission de l'économie et des redevances du Conseil national (CER-CN). Dans son message, le Conseil fédéral propose de garder ses compétences pour conclure seul des traités internationaux de portée mineure. Concernant l’application provisoire des traités internationaux, il suggère que tout accord refusé par les deux tiers des membres de chacune des commissions compétentes ne puisse pas faire l’objet d’une application provisoire. La commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-CN) n’a pas retenu cette variante. Elle a préféré présenter une version selon laquelle le Conseil fédéral devrait obtenir l’accord des deux commissions avant de décider de l’application provisoire d’un traité international. En cas de divergence entre les deux commissions et d’un deuxième refus, le Conseil fédéral ne pourrait donc pas appliquer un traité international à titre provisoire. Le Conseil national a suivi sa commission en refusant à l’unanimité la proposition initiale. Le deuxième objet traité en parallèle par le Conseil national, soit l’initiative parlementaire Joder (udc, BE), vise également une limitation des pouvoirs gouvernementaux, mais elle va plus loin. En effet, l’initiative souhaite que le Conseil fédéral ne puisse décider de l’application provisoire qu’après avoir obtenu l’accord de l’assemblée fédérale. Cette proposition a pris la forme d’une proposition de minorité lors de son passage devant la chambre basse. Les parlementaires ont cependant préféré la version de la majorité de sa commission par 103 voix contre 57. L’initiative Joder a donc été classée. Au vote sur l’ensemble, la proposition de la CIP-CN a été acceptée à l’unanimité. La discussion s’est poursuivie au Conseil des Etats lors de la session d’hiver. Les sénateurs ont clairement exprimé leur souhait de s’en tenir à la législation actuelle (soit de limiter l’influence des commissions à un avis consultatif). Ils ont donc refusé la proposition du Conseil fédéral (28 voix contre 10 et 7 abstention), refusé la proposition du Conseil national (reprise dans une minorité Föhn (udc, SZ) et refusée par 33 voix contre 7) et refusé la minorité Stöckli (ps, BE) qui souhaitait que les commissions des deux conseils aient un droit de veto (par 23 voix contre 17). Le dossier repart donc à la chambre du peuple [3].
Au mois de mai, le Conseil fédéral a mis en consultation le projet de loi sur le blocage et la restitution des avoirs de potentats. En effet, suite aux bouleversements du printemps arabe, le gouvernement avait bloqué les avoirs des dirigeants politiques déchus d’Egypte (Moubarak) et de Tunisie (Ben Ali). Ce projet vise principalement à légiférer sur la pratique actuelle helvétique, qui se base sur la « Lex Duvalier » de 2011 [4].
Le délai de récolte des signatures de l’initiative populaire « Pour une Suisse neutre, à la fois ouverte sur le monde et attachée aux valeurs humanitaires (Initiative sur la neutralité) » a expiré en mars sans que les initiants aient récolté le nombre suffisant de signatures. Cette initiative avait été lancée par l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN) [5].
Début septembre, Eveline Widmer-Schlumpf a trouvé un successeur à Michael Ambühl, ancien secrétaire d’Etat aux questions financières internationales, en la personne de Jacques de Watteville, qui officiait jusqu’alors en tant qu’ambassadeur de Suisse à Pékin [6].
Afin de réaliser les économies souhaitées par le parlement, le Conseil fédéral a annoncé la fermeture de nombreux consulats. Malgré sa volonté d’effectuer des économies, le Conseil national a accepté une motion Büchel (udc, SG) demandant l’instauration d’un moratoire qui empêcherait toute nouvelle fermeture de consulats jusqu’à la fin de la législature en cours. Les conseillers nationaux ont accepté cette motion contre l’avis du gouvernement par 137 voix contre 41 et 11 abstentions. Insistant sur l’importance de garder une cohérence dans les décisions politiques, le Conseil des Etats s’est opposé à son homologue en refusant la motion [7].
Le Conseil national a transmis un postulat Feller (plr, VD) demandant au Conseil fédéral d’établir un rapport comparatif sur les différentes aides étatiques (primes à l’innovation, subventions diverses) que d’autres Etats versent aux entreprises étrangères installées sur leur territoire. Ce postulat s’inscrit dans le climat de tension que la Suisse entretient avec ses voisins européens concernant les régimes fiscaux cantonaux en faveur des entreprises étrangères [8].
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Rapport sur la politique extérieure
En mars, l’assemblée fédérale a pris acte du rapport de politique étrangère 2012 publié par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Ce rapport met l’accent sur les relations entre la Confédération et les Etats voisins. En effet, conformément aux lignes directrices du rapport sur les axes stratégiques de la politique étrangère 2012-2015, le DFAE a centré son action sur les pays frontaliers. Le rapport souligne ainsi l’amélioration des relations diplomatiques avec ces derniers en citant notamment l’exemple de la signature de l’accord fiscal avec l’Autriche, la signature de l’accord concernant l’aéroport du Zurich-Kloten avec l’Allemagne ou encore la convention concernant l’aéroport Bâle-Mulhouse avec la France. A plus large échelle, les relations avec l’Union européenne ont été qualifiées de « globalement bonnes ». Le rapport ne cache cependant pas que certains dossiers, tels l’activation de la clause de sauvegarde, les questions institutionnelles ou fiscales, restent épineux. La stabilité européenne et mondiale forgeant un autre axe stratégique de la politique étrangère suisse, le rapport a relevé les divers engagements de la Confédération dans ce domaine. Il salue les crédits adoptés par le parlement, soit le crédit-cadre pour la continuation des mesures de promotion de la paix et de la sécurité humaine 2012-2016 et le crédit concernant la coopération internationale 2013-2016. La présidence de la Suisse à l’OSCE en 2014, son engagement au Proche-Orient, sa participation dans la lutte contre la peine de mort et son implication dans la question de la restitution des avoirs des potentats étrangers sont également thématisés. En outre, le rapport note l’importance des relations bilatérales avec les pays émergeants de l’Asie de l’Est, de l’Amérique latine et du Golfe. Ces relations ont été intensifiées au cours de l’année sous revue. Le rapport donne en exemple l’entrée de la Suisse au forum Dialogue Europe Asie (ASEM). Au niveau multilatéral, le dixième anniversaire de l’adhésion de la Suisse à l’ONU, ainsi que les revendications helvétiques en faveur d’une réforme du Conseil de sécurité, a permis à la Suisse de marquer son engagement international. Un accent particulier a été mis sur la ville de Genève afin que cette dernière demeure un centre compétitif et attrayant pour la communauté internationale. Les autres thèmes abordés dans le rapport concernent les services mis en place pour les Suisses de l’étranger, tels la centrale téléphonique « Helpline » du DFAE, les stratégies de communication face aux critiques envers la place financière suisse et l’optimisation du réseau extérieur, qui passera par la fermeture de certaines représentations (ambassade du Guatemala, consulat général de Chicago et de Toronto) et l’ouverture de nouvelles ambassades (Qatar et Kirghizistan) [9].
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Suisses de l’étranger
Publiée à la fin du mois de janvier, la statistique des Suisses de l’étranger a recensé 732 183 ressortissants helvétiques vivant à l’étranger. Le nombre d’expatriés a augmenté de 2,3% par rapport à 2012. Cette « cinquième suisse » équivaut ainsi à la population résidante du canton de Vaud. Ce sont principalement les pays européens qui accueillent les expatriés helvétiques. En effet, 77,6% d’entre eux résident dans un des quatre grands pays voisins [10].
La commission de politique extérieure du Conseil national (CPE-CN) a proposé de permettre aux expatriés d’élire leurs délégués au Conseil des Suisses de l’étranger par voie électronique. La chambre basse a soutenu cette proposition par 134 voix contre 31, provenant principalement du groupe libéral-radical, et 3 abstentions. La chambre haute s’est alignée sur cette décision (pour le vote électronique voir partie I, 1c; Volksrechte) [11].
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Droits populaires en politique étrangère
Les questions relatives à la compatibilité entre droit international et initiatives populaires se trouvent dans la part I, 1c (Volksrechte).
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Place financière
L’année sous revue a été marquée par une pression croissante sur le secret bancaire. La Suisse a été bousculée non seulement par la volonté européenne d’instaurer l’échange automatique d’informations, mais aussi par la difficulté à régler le différend fiscal avec les Etats-Unis. Ces questions sont traitées dans la partie I, 4b (Geld, Währung und Kredit).
Au cours de l’année sous revue, la Suisse a conclu ou modifié de nombreux accords de double-imposition (CDI). Les détails de ces accords se trouvent dans le sous-chapitre « Relations Bilatérales ».
 
[1] FF, 2013, p. 1551; Communiqué du DFJP du 20.2.13 et 13.12.13.
[2] Po. 12.3980: BO CN, 2013, p. 179ss.
[3] MCF 12.069; Iv. pa. 10.457: BO CN, 2013, p. 628ss.; BO CE, 2013, p. 1012ss.; voir APS 2012, p. 116.
[4] FF, 2013, p. 3023; Communiqué du DFAE du 22.5.13; LT, 23.5.13.
[5] FF, 2013, p. 2035; voir APS 2011, p. 136.
[6] TG, 6.9.13.
[7] Mo. 12.3546: BO CN, 2013, p. 1517s.; BO CE, 2013, p. 953ss.
[8] Po. 13.3701: BO CN, 2013, p. 2208.
[9] MCF 13.009: FF, 2013, p. 895ss.; BO CE, 2013, p. 50ss.; BO CN, 2013, p. 306ss.; voir APS 2012, p. 115s.
[10] Communiqué du DFAE du 23.1.14.
[11] Mo. 13.300: BO CN, 2013, p. 718ss.; BO CE, 2013, p. 805s.