Année politique Suisse 2013 : Politique sociale / Groupes sociaux / Réfugiés
Lors de la Conférence nationale sur l’asile qui s’est déroulée en janvier de l’année sous revue, la Confédération et les cantons ont signé une
déclaration commune afin d’accélérer et d’optimiser les procédures. Selon cette déclaration, les cinq centres d’enregistrement et de procédure (CEP) actuels seraient dotés de plusieurs nouveaux centres d’hébergement de taille moyenne pouvant accueillir environ 400 personnes chacun. Cette version « décentralisée » a été préférée à la création d’immenses centres de 1 200 places. Ces mesures ont naturellement soulevé d’autres questions: quel mécanisme de compensation entre les cantons? Quelle participation de la Confédération? En outre, environ 500-750 places de détention administrative seront créées pour les requérants récalcitrants. L’accélération des procédures, objectif majeur de la réforme, devrait permettre de traiter les demandes dans un délai de 100 à 140 jours civils. Environ 40% des demandes devraient nécessiter plus de temps. Dans ce cas-là, les requérants seraient alors attribués à un canton. L’accent a également été mis sur l’importance de fournir un conseil et une protection juridiques gratuits
[15].
Les «
vols spéciaux », soit les vols prévus afin d’expulser des requérants, ont à nouveau fait parler d’eux. Certaines expulsions forcées seraient accompagnées d’une injection de psychotropes contre le gré des personnes concernées. Le personnel médical a rendu l’Office fédéral des migrations attentif à ce problème éthique. Un rapport de la commission nationale de prévention de la torture (CNT) a non seulement relevé le problème des médicaments, mais il a également critiqué les pratiques d’immobilisation totale (personnes ficelées à leur siège durant plusieurs heures de vols)
[16].
Adoptée en 2012 par la chambre du peuple, la motion de la commission de politique extérieure du Conseil national (CPE CN) «
Réserve stratégique de logements pour les requérants d’asile » a été débattue au Conseil des Etats. Cette motion demande que le gouvernement soit prêt à faire face à un afflux soudain de requérants d’asile, notamment dans le domaine du logement. Les sénateurs ont également adopté la motion
[17].
Lors de la session extraordinaire Schengen/Dublin, le Conseil national a approuvé une motion libérale-radicale demandant au Conseil fédéral d’appliquer la
clause de souveraineté prévue dans le règlement Dublin II. Selon cette clause, les pays recevant des demandes d’asile cataloguées Dublin peuvent exceptionnellement renvoyer eux-mêmes les requérants dans leur pays d’origine. Au vue de la surcharge de travail dans le domaine de l’asile en Italie, le groupe radical-libéral souhaite que le gouvernement suisse renvoie lui-même les requérants ne remplissant clairement pas les critères de l’asile et provenant d’un Etat avec lequel la Suisse a un accord de retour. Malgré l’avis défavorable du Conseil fédéral, la chambre basse a adhéré à la proposition du PLR par 159 voix contre 26 et 4 abstentions
[18].
Le parti agrarien a souhaité faire pression pour que l’
Algérie signe le protocole d’application relatif à l’accord de réadmission, accord signé par les deux parties en 2007. Le groupe UDC a ainsi déposé une motion afin que le Conseil fédéral prenne des contre-mesures (suppression de l’aide au développement ou rupture des relations diplomatiques) si l’Algérie ne signe pas ledit protocole. Le Conseil national a accepté cette motion par 111 voix contre 51 et 26 abstentions
[19].
Souhaitant un renvoi plus efficace des requérants d’asile criminels ou déboutés, le groupe UDC a soumis une motion au Conseil national. Le groupe souhaite que le gouvernement conclue des
accords de réadmission avec la Tunisie, le Maroc, l'Angola, la Guinée, le Ghana, l'Ethiopie, la Sierra Leone, l'Erythrée, la Côte d'Ivoire, le Niger, le Mali, l'Iran, le Népal, le Pakistan, le Yémen, l'Inde et l'Autorité palestinienne. La motion instaure également une menace de contre-mesures si les Etats susmentionnés ne s’engagent pas à signer un accord de réadmission. Les parlementaires de la chambre du peuple ont été séduits par les arguments de l’UDC et se sont exprimés en faveur de la motion par 107 voix contre 57 et 24 abstentions
[20].
La motion du groupe libéral-radical «
Pour des expulsions par le train! » a été traitée par le Conseil national lors de la session extraordinaire Schengen/Dublin. La motion demande que les requérants d’asile dits « cas Dublin » soient renvoyés vers l’Italie en train et non, comme le veut la pratique actuelle, en avion. Au parlement, suite à une erreur de la présidente, la motion a été votée deux fois. Au final, elle a été acceptée par 108 voix contre 75 et 5 abstentions
[21].
Le thème des
requérants en provenance d’Etats tiers sûrs (safe countries) a occupé la chambre du peuple lors de sa session extraordinaire Schengen/Dublin. Le groupe libéral-radical a déposé une motion demandant que les requérants originaires de ces pays ne soient plus confiés aux cantons. Les députés ont soutenu cette motion par 118 voix contre 66 et 2 abstentions
[22].
Par la voix de son président Philipp Müller (plr, AG), le groupe libéral-radical a présenté au Conseil national une motion demandant que les requérants d’asile troublant l’ordre public et résidant dans des cantons soient directement renvoyés dans un
centre d’accueil fédéral. C’est par 120 voix contre 63 et 5 abstentions que la chambre du peuple a accepté la motion
[23].
En août, le centre de Bremgarten (AG) a défrayé la chronique. Des informations contradictoires ont créé une rumeur selon laquelle les requérants d’asile seraient
restreints dans leurs déplacements, notamment dans leur accès à la piscine ou à la bibliothèque. La polémique s’est même étendue aux médias étrangers. Simonetta Sommargua a finalement désamorcé le problème en expliquant que la convention signée avec la commune argovienne avait été mal interprétée
[24].
Une motion Müri (udc, LU) a demandé au Conseil fédéral d’obtenir des
statistiques concernant le renvoi des étrangers criminels. Comme certains cantons n’effectuent pas de statistique, il est actuellement impossible de connaître le nombre d’étrangers devant quitter la Suisse et le nombre effectif de départs. La motion a été acceptée par le Conseil national
[25].
Deux
requérants d’asile déboutés en Suisse ont été renvoyés au Sri Lanka. A leur arrivée, les deux hommes ont été mis en détention par le gouvernement sri-lankais qui les a accusés d’être actifs au sein de LTTE (Liberation Tigers of Tamil Eelam). Le cas a créé un certain malaise au sein de l’Office fédéral des migrations
[26].
Fuyant le conflit sanglant dans leur pays, les premiers
réfugiés syriens sont arrivés en Suisse dans le courant du mois de novembre. Ces premières sept familles ont été accueillies dans le cadre d’un projet pilote du Conseil fédéral. Ce projet prévoit l’accueil de 500 personnes particulièrement vulnérables et ayant déjà reçu le statut de réfugié par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). De même, le Conseil fédéral a facilité pendant quelques mois les demandes de visas pour les syriens victimes du conflit et ayant des parents en Suisse. Ces personnes pourront ainsi séjourner légalement en Suisse pour une période limitée
[27].
En 2012, le canton du Tessin déposait une initiative cantonale demandant
de
renforcer le centre d’enregistrement des requérants d’asile de Chiasso. Le canton souhaitait de meilleures infrastructures et plus de moyens pour son centre. Au cours de l’année sous revue, la commission des institutions politiques du Conseil national (CIP CN) n’a pas donné suite à cette initiative. Elle a argumenté que l’acceptation des mesures urgentes de la loi sur l’asile (entrées en vigueur en septembre 2012) répondait déjà aux exigences tessinoises. Le Conseil national a suivi sa commission. Bien qu’elle ait soutenu ce projet en 2102, la CIP CE n’a pas non plus souhaité donner suite à l’initiative. Cette proposition a été suivie par les sénateurs qui n’ont pas donné suite à l’initiative tessinoise
[28].
[15] Communiqué du DFJP du 21.1.13;
LT, 22.1.13;
Lib. 22.1.13.
[17] Mo. 12.3653:
BO CE, 2013, p. 189;
APS 2012, p. 321.
[18] Mo. 12.3052:
BO CN, 2013, p. 651.
[19] Mo. 11.3832:
BO CN, 2013, p. 650.
[20] Mo. 11.3831:
BO CN, 2013, p. 650
[21] Mo. 11.3802:
BO CN, 2013, p. 649.
[22] Mo. 11.3800:
BO CN, 2013, p. 649.
[23] Mo. 11.3781:
BO CN, 2013, p. 649.
[25] Mo. 13.3455:
BO CN, 2013, p. 1744;
LT, 17.10.13.
[26] Communiqué du DFJP du 3.10.13.
[27] Communiqué du DFJP du 29.11.13.
[28] Iv.cant.12.305:
BO CN, 2013, p. 1399;
BO CE, 2013, p. 1146s.; Communiqué de presse de la CIP-CN du 27.6.13; Communiqué de presse de la CIP-CE du 21.10.13; voir
APS 2012, p. 321.
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