Déposée en 1986 par les milieux écologistes et les Organisations progressistes (POCH), l'initiative «halte au bétonnage – pour une stabilisation du réseau routier» avait pour but de geler la superficie du réseau suisse dans son état du 30 avril 1986. Ce texte prévoyait que, pour toute nouvelle construction de route, une surface équivalente du réseau soit, dans la même région, affectée à d'autres usages. Considéré comme extrémiste et irréaliste, il avait été largement repoussé par les Chambres en 1989.
Le résultat de la votation montre un vote assez compact de la part du souverain, dans le sens d'un rejet massif et général de ce texte. La disparité traditionelle entre les cantons alémaniques et romands lors de scrutins relatifs au domaine des transports s'est sensiblement atténuée bien que ces derniers aient été tout de même les plus farouchement opposés à l'initiative. Les cantons où le rejet a été le moins net sont ceux de Bâle-Ville, habituellement sensible aux arguments écologiques, et de Uri, touché de façon importante par les nuisances de l'autoroute du Saint-Gothard.
Les opposants à l'initiative, émanant principalement des partis bourgeois et des organisations d'automobilistes, considérèrent ce texte comme dogmatique, politiquement inapplicable et rendant aléatoire le développement économique futur du pays. Selon eux, le principe de compensation aurait été impossible à mettre en oeuvre puisqu'il en aurait résulté la destruction de la majeure partie des routes réalisées depuis 1986. De plus, de nouveaux tronçons n'auraient pas pu être construits, ce qui aurait signifié qu'il aurait été impossible d'adapter le réseau routier aux besoins à venir; cela aurait été particulièrement injuste pour les régions périphériques où celui-ci est moins dense qu'ailleurs. Dans le domaine de la protection de l'environnement, on prétendit qu'un tel texte allait à l'encontre des buts fixés par les initiants car la construction de nouvelles routes peut être un facteur de réduction des nuisances occasionnées par le trafic routier en désengorgeant, par exemple, certaines localités.
Initiative «Halte au bétonnage – Pour une stabilisation du réseau routier»
Votation du 1er avril 1990
Participation: 41.1%
Non: 1'255'175 (71.5%) / tous les cantons
Oui: 500'605 (29.5%)
Mots d'ordre:
– Non: PRD, PDC, UDC, PL, PEP, PA; Vorort, USAM USS, CSCS, TCS, ACS, ASTAG, FRS.
– Oui: PS (3*), PE, AdI, DS, Alliance verte; AST et les organisation de protection de l'environnement.
*Recommendations différentes des partis cantonaux
Les partisans de l'initiative ont axé leur discours sur des considérations d'ordre écologique principalement; selon eux, limiter la surface routière se justifie en raison, d'une part, de la menace que fait peser une trop grande emprise superficielle du réseau routier sur la variété des espèces animales et végétales, la qualité des sols et des eaux ou le paysage en général et, d'autre part, de la possibilité que cela donnerait d'atténuer la pollution de l'air; une limitation de l'offre inciterait à l'utilisation des transports publics. Ils insistèrent également sur le principe de compensation proposé par l'initiative; celui-ci, conçu sur le même mode que la loi sur les forêts, n'aurait pas interdit toute construction de route, mais aurait simplement impliqué le transfert d'une surface identique à d'autres utilisations (pistes cyclables, zones piétones, etc.). Enfin, selon les initiants, renoncer à achever le réseau routier aurait permis à la Confédération d'économiser dix à douze milliards de francs.
Durant la campagne, le front des opposants s'attaqua âprement à cette initiative; les qualificatifs qui lui furent accolés (irréaliste, inapplicable, fondamentaliste, dogmatique, etc.) en témoignent. Cela poussa souvent les initiants à tenir des positions essentiellement défensives où ils durent justifier que leurs propositions étaient réalisables. Toutefois, l'intensité de cette campagne fut légèrement en retrait par rapport à celle relative aux initiatives trèfles sur lesquelles le souverain devait se prononcer le même jour.
Si l'analyse Vox de ce scrutin met en évidence le comportement en partie divergent des Alémaniques et des Romands, elle relève deux autres variables significatives; le traditionnel clivage droite-gauche existant dans ce type de consultation et l'opposition entre citadins et habitants de la périphérie, ces derniers cherchant à se désenclaver par le biais de la route. Quant à la motivation de vote, celle des partisans de l'initiative a tourné essentiellement autour des atteintes que la route fait subir à l'environnement alors que celle des opposants se résume, principalement, au sentiment que le texte proposé allait trop loin et n'était guère réalisable.
Initiative Halte au bétonnage – pour une stabilisation du réseau routier (VI 88.060)