Pour l'Etat moderne, aux prises avec des tensions idéologiques, politiques et sociales quasi constantes voire avec des crises et des conflits déclarés, seule une stratégie globale de sécurité permet d'assurer à l'individu et à la société protection durable et plein épanouissement. C'est ainsi que le Conseil fédéral justifie, dans son rapport très remarqué du 27 juin 1973 sur la politique de sécurité de la Suisse, la présentation d'une conception d'ensemble, inexistante jusqu'ici, de la «défense générale» du pays. Le lien qu'il établit ainsi avec les autres secteurs de l'activité politique nationale, celui notamment de la conduite de nos relations extérieures, est donc capital. Les conséquences, positives ou négatives, qui en découlent ne le sont pas moins, ce qui explique, à côté de la nouveauté du document, l'intérêt suscité par sa publication. Fruit d'un travail collégial, ce premier livre blanc de la défense générale helvétique – le rapport de 1966 concernait la seule défense militaire – constitue la doctrine gouvernementale en la matière. L'emploi du terme de «sécurité» est peut-être révélateur d'une certaine évolution – ouverture plus grande au monde – et en tout cas significatif d'une volonté d'innovation à mettre en rapport avec les efforts accomplis en ce moment sur le vieux continent pour bannir la guerre froide entre l'Est. et l'Ouest, qu'il s'agisse des négociations de Genève sur la limitation des armes stratégiques (SALT), de celles de Vienne sur la réduction des troupes en Europe (MBFR) et surtout du déroulement, en Finlande puis en Suisse, de la Conférence de sécurité et de coopération européenne (CSCE) à laquelle notre pays, de façon très active, participe.
Sur la base, considérée comme immuable, de la neutralité armée, le rapport définit d'abord les objectifs: maintien de la paix dans l'indépendance (rejet de la non-violence érigée en principe absolu), de la liberté d'action, protection de la population, défense du territoire national. Il distingue ensuite divers types de menace – état de paix relative, guerre indirecte, guerre classique, recours aux moyens de destruction massive, chantage – pour opposer à chacun une riposte «proportionnée» et fixer aussi d'autres objectifs, généraux ou particuliers, d'une stratégie de défense, la dissuasion principalement. Les moyens correspondants, coordonnés et engagés tour à tour selon une certaine progression, sont d'ordre interne (au premier chef les quatre piliers de la défense nationale, mais aussi la recherche polémologique) et externe (politique étrangère et diplomatie). Sont ensuite examinés les problèmes relatifs à la conduite de la défense où sont abordés, entre autres, les rapports du politique et du militaire (priorité du premier sur le second). Un chapitre de conclusion dresse l'inventaire, à vrai dire impressionnant, des principes essentiels en matière de sécurité: de la volonté d'indépendance, condition sine qua non du comportement défensif, à l'esprit de sacrifice suprême en passant par la ténacité au combat, la guérilla, la résistance non violente, la collaboration éventuelle avec l'adversaire de notre agresseur, entre autres.
Armeeleitbild 80