Alors que la droite faisait bloc en faveur de la loi sur le marché de l'électricité, la gauche montrait des signes de division. Le WWF, l’Agence des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (AEE), les protagonistes des énergies nouvelles et renouvelables comme SOFAS et Swissolar pour l’énergie solaire, SVW pour l’éolienne, SGG pour la géothermie, ainsi que les antinucléaires comme Gewaltfreie Aktion Kaiseraugst (GAK) et le Komitee gegen Atomkraftwerke (NWA) apportaient un appui ferme à la LME. Ces associations estimaient qu’un rejet de la LME n’arrêterait pas la libéralisation et voyaient dans cette législation des règles du jeu protégeant les consommateurs et favorisant les énergies nouvelles. Sur ce dernier point, la LME prévoyait la gratuité de l’acheminement du courant provenant de l’énergie solaire, éolienne ou du biogaz pendant dix ans. Certains ténors socialistes (Simmonetta Sommaruga (BE), Rudolf Strahm (BE) et Rudolf Rechsteiner (BS)), ainsi que le groupe parlementaire socialiste, se sont alignés sur leur représentant au Conseil fédéral – Moritz Leuenberger, en charge du dossier – et ont rejoint un comité rose-vert qui plaidait en faveur de la libéralisation. Le PS, suivant sa direction, a toutefois émis un mot d’ordre négatif envers LME. En votation finale, ce sont les Romands, en persuadant une majorité d'Alémaniques, qui ont fait basculer la balance. Les Verts se sont également opposés à la LME. Ils ont estimé que la loi ne changerait pas les rapports de forces entre énergies "propres" et énergies non renouvelables. Au clan des référendaires, emmené par l’USS, l’Alliance de gauche, le Syndicat Industrie publics (SIB) et le Syndicat des services publics (SSP), sont venus s’ajouter les maires de Lausanne, Berne, Delémont et Granges (BE). Les opposants reprochaient à la LME de vouloir remplacer un système performant, où les prix sont stables et des réserves constituées compte tenu de la planification connue de la demande, par une situation chaotique. D’après eux, la libéralisation entraînerait une hausse des prix pour les petits et moyens consommateurs et ceci malgré l’offre, alors qu’ils baisseraient pour les grandes entreprises. Ils déploraient que la LME ne prévoie ni de limite maximale des prix, ni de contrôle sévère pour éviter les fluctuations qu’engendreraient le marché et les spéculateurs. Autre défaut ; la loi n’obligeait pas suffisamment les producteurs à entretenir des réserves de courant. Un vrai devoir d’approvisionnement n’y figurait pas et les mesures imaginées par la Confédération étaient inapplicables face à un marché où l’offre s’adapte à la demande. Les opposants à la LME craignaient également qu’un oui permette aux géants étrangers d’écouler du courant à des prix de dumping afin de conquérir le marché suisse. Face à cette brutale intrusion, les compagnies suisses seraient trop petites pour résister, d’où une complète réorganisation de l’industrie électrique suisse et des alliances avec des grandes compagnies étrangères. La conséquence directe serait la suppression de 6000 des 25'000 emplois du secteur. Les opposants déploraient que l’ordonnance n’ait prévu aucune mesure sociale contraignante. Quant à l’évolution du marché suisse, ils imaginaient une situation de privatisation d’abord partielle puis complète. Le service public, dont il n’était pas fait mention dans la loi, serait ainsi progressivement démantelé par les privatisations. Les communes perdraient tout contrôle sur la production et une hausse des pannes et un abaissement dans la sécurité des installations seraient à craindre. Les référendaires se montraient aussi perplexe quant aux avantages de la loi pour l’électricité "verte". Le coup de pouce – acheminement gratuit – n’était pour eux que de la poudre aux yeux. Quant à l’argument que la libéralisation était déjà en cours, ils le contestaient fermement en rappelant qu’il fallait un acte législatif pour le rendre effectif. Les changements intervenus étaient uniquement pour certains gros consommateurs qui avaient réussi à négocier des précontrats plus favorables avec leur fournisseur dans la perspective d’une acceptation de la LME.

MCF 99.055: la loi sur le marché de l'électricité (LME)
Dossier: Strommarktöffnung/Strommarktliberalisierung