L'Office fédéral des affaires économiques extérieures considérait l'adhésion aux institutions de Bretton Woods comme plus urgente que l'entrée à l'ONU

Dossier: UNO-Beitritt

MIGRIERT On s'est aperçu d'une concurrence possible pour l'entrée à l'ONU lorsque M. McNamara, président de la Banque mondiale, a fait une visite en Suisse. On a alors constaté, en effet, que l'Office fédéral des affaires économiques extérieures considérait l'adhésion aux institutions de Bretton Woods (Banque mondiale et Fonds monétaire international) comme plus urgente que l'entrée à l'ONU. Les partisans de l'adhésion de notre pays à l'ONU ont protesté contre ce renversement des priorités. C'est surtout le PSS qui estime que notre entrée à l'ONU tarde, mais qui met, en revanche, un grand point d'interrogation quant à l'opportunité d'adhérer aux institutions de Bretton Woods. Le Conseil fédéral a continué à s'en tenir à sa déclaration selon laquelle le référendum sur l'entrée à l'ONU doit avoir lieu si possible durant la présente législature. L'ONUDI, organisation spécialisée des Nations-Unies pour l'industrialisation des pays en développement, compte la Suisse parmi ses membres depuis 1980 (79.080); une collaboration existait déjà depuis 1968.
(c.f. aussi: La demande d'adhésion de la Suisse à l'ONUDI en 1979 et l'adhésion de la Suisse à la Banque africaine de développement en 1980 (80.042))

La demande d'adhésion de la Suisse aux institutions de Bretton Woods

Lors de sa visite à Berne en mars, le directeur général du FMI, Michel Camdessus, ne put cependant se prononcer sur le statut qui serait accordé à la Confédération au sein des organes de décision. En effet, elle pourrait y être représentée de façon permanente — option fortement souhaitée par le gouvernement — ou seulement par rotation avec d'autres pays, en fonction de sa quote-part. Une solution à ce problème — telle qu'elle est parfois mentionnée en Suisse — consisterait en la création d'un 236me siège au sein du Conseil administratif du Fonds.

Le 31 mai 1990, les autorités fédérales ont officiellement déposé la demande d'adhésion de la Suisse aux organismes composant ces institutions, à savoir le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, laquelle regroupe la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), l'Association internationale de développement (AID) et la Société financière internationale (SFI). Les autorités sont d'ores et déjà soutenues par la commission économique extérieure du Conseil des Etats, qui estime une telle participation formelle souhaitable.

Après cette acceptation par les instances du FMI, les procédures d'approbation en Suisse se sont révélées plus délicates

Après cette acceptation par les instances du FMI, les procédures d'approbation en Suisse se sont révélées plus délicates. La question a suscité un large débat, aussi bien au parlement que dans les médias.

En avril déjà, les principales oeuvres d'entraide helvétiques (Swissaid, Helvetas, Pain pour le prochain et Action de carême), ont transmis au Conseil fédéral un certain nombre de conditions pour leur soutien à l'adhésion de la Suisse aux institutions de Bretton Woods. Tout en admettant l'utilité du FMI et de la Banque mondiale, elles ont exigé que l'attitude de la Suisse au sein de ces institutions s'inscrive dans la continuité de sa politique de développement et s'appuie sur la loi pour la coopération et l'aide humanitaire. Dans le domaine de l'environnement, la Suisse devrait aussi adopter une position très stricte en ce qui concerne les programmes d'ajustement structurel ou de développement. De plus, il faudrait instaurer une forme de contrôle parlementaire afin d'assurer la transparence de l'action des représentants helvétiques.

Pour sa part, la droite isolationniste, emmenée par Ch. Blocher (udc, ZH) et l'ancien conseiller national O. Fischer (vice-président de l'Association suisse pour une Suisse indépendante et neutre), a annoncé dès la publication du message du Conseil fédéral qu'elle envisageait de lancer un référendum pour s'opposer à l'adhésion de la Suisse.

Les conditions d'admission imposées à la Suisse par le comité d'adhésion du FMI ont été acceptées par le Conseil d'administration du FMI

En mai 1990, les autorités fédérales avaient déposé une demande d'adhésion aux institutions de Bretton Woods, à savoir le FMI (Fonds Monétaire International) et la Banque Mondiale qui regroupe la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), l'Association internationale de développement et la Société financière internationale (SFI). Sans être membre de ces institutions, la Suisse entretient déjà depuis longtemps des relations étroites avec celles-ci.

Au mois de mars, les conditions d'admission imposées à la Suisse par le comité d'adhésion du FMI ont été acceptées par le Conseil d'administration du FMI (organe exécutif du FMI) et le Conseil des gouverneurs. La quote-part dont la Suisse devra s'acquitter a été fixée à 1,7 milliards de droits de tirage spéciaux (DTS), ce qui correspond à 3,34 milliards de francs suisses; suite à la révision des quotes-parts de l'ensemble des membres, entrée en vigueur à la fin de l'année 1991, le montant de la participation helvétique a été établi à 2,47 milliards de DTS (4,8 milliards de francs). 20% de cette somme devront être versés en devises puisées dans les réserves de la BNS et, pour les 80% restant, la Suisse devra mettre à disposition du FMI des obligations en francs suisses sans intérêt. Le financement de l'adhésion de la Suisse au Groupe de la Banque mondiale (432,8 millions sur cinq ans) devra en revanche être assumé par la Confédération. Par ailleurs, O. Stich, en raison du montant de la quote-part, attribuée à la Suisse, s'est montré optimiste quant à la possibilité d'obtenir un siège au Conseil d'administration du FMI et de la Banque mondiale.

L'adhésion de la Suisse aux institutions de Bretton Woods

Les raisons qui motivent la participation de la Suisse aux institutions de Bretton Woods ont été soulignées par le Conseil fédéral dans son message aux Chambres. Premièrement, face aux bouleversements intervenus à la fin des années 80 sur le plan européen et mondial, il est de plus en plus nécessaire de reconsidérer la place de la Suisse sur la scène internationale; son absence dans les principales institutions internationales risque de la marginaliser de plus en plus. Deuxièmement, l'internationalisation croissante des relations économiques amène les institutions de Bretton Woods à jouer un rôle plus important qu'auparavant dans le maintien d'un ordre monétaire stable et d'un système libéral d'échanges et de paiements. Pour un pays comme la Suisse, grand exportateur et disposant d'une monnaie forte, il est dans son intérêt de participer au FMI et à la Banque mondiale. De plus, l'augmentation des problèmes de portée internationale tels que la dette, l'environnement ou les migrations, exige des solutions multilatérales; pour ce faire la Suisse a besoin de coordonner sa coopération avec celles des autres Etats.

Lors de la session de juin, le Conseil des Etats a adopté sans grande opposition le projet d'arrêté fédéral concernant l'adhésion de la Suisse aux institutions de Bretton Woods, le projet de loi qui définit la participation de la Suisse à ces institutions et le projet d'arrêté ouvrant un crédit cadre, destiné à financer l'adhésion. Par 19 voix contre 9, la chambre haute a rejeté une proposition de la minorité de la commission du commerce extérieur qui proposait l'instauration d'une commission consultative qui devrait être largement informée sur les activités des représentants suisses.

Au Conseil national, le débat a été beaucoup plus long, près de 5 heures, bien qu'il n'ait finalement apporté qu'une seule modification mineure par rapport au projet adopté par le Conseil des Etats; le Conseil national a ainsi accepté une proposition du genevois J.P. Maître. (pdc) qui exige que les Chambres soient informées de toute augmentation du capital des institutions de Bretton Woods. L'opposition à l'adhésion est venue d'une alliance contre-nature réunissant à la fois des membres de l'extrême droite (DS, PA), de l'extrême gauche tiers-mondiste (même si les députés socialistes ont dans l'ensemble voté en faveur de l'adhésion), des écologistes et d'une partie de l'UDC. Une minorité de la commission, emmenée par le socialiste Vollmer (BE) a proposé un texte de loi définissant de façon plus contraignante la participation de la Suisse; une autre minorité, avec J.S. Eggly (pl, GE) à sa tête, voulait au contraire que les représentants suisses ne s'inspirent des principes et des objectifs de la politique de développement de la Suisse uniquement pour les décisions relevant de la politique de développement (à l'exclusion de la politique monétaire). Finalement ces deux propositions furent rejetées. Au vote final, l'adhésion au FMI et à la Banque mondiale a été approuvée par une large majorité.

La gauche tiers-mondiste, essentiellement alémanique, a lancé un référendum contré l'adhésion de la Suisse aux institutions de Bretton Woods

Estimant que les conditions posées au sujet de la loi sur l'adhésion n'ont pas été remplies par les Chambres, la gauche tiers-mondiste, essentiellement alémanique, a lancé un référendum contré l'adhésion de la Suisse aux institutions de Bretton Woods. Pour ces référendaires, les programmes d'ajustement structurel imposés par le FMI ont des conséquences sociales et économiques catastrophiques pour les pays du Tiers-monde; ils reprochent aussi le caractère anti-démocratique de l'institution, le poids décisionnel de chaque membre étant tributaire du montant alloué par chacun. Cette décision n'a pas manqué de diviser aussi bien le PS, les organisations humanitaires que le PE. Le comité directeur du PS, contre le vote de la majorité des parlementaires socialistes, s'est prononcé pour le référendum. Par la suite, un grand nombre de personnalités socialistes (environ 80), ainsi que plusieurs sections romandes du parti, se sont distancées de la prise de position de leur comité directeur. Autre exemple: la section alémanique de la Déclaration de Berne a décidé de soutenir le référendum, alors que la section romande s'y est opposée. Finalement, les grandes organisations d'entraide ont décidé de ne pas soutenir le référendum. Même si leurs conditions n'ont pas été entièrement satisfaites, elles ont estimé avoir obtenu les garanties suffisantes du Conseil fédéral sur plusieurs points et considèrent que la Suisse représentée au FMI apportera plus aux populations pauvres du tiers monde qu'en restant en dehors, d'autant qu'une certaine évolution du FMI semble se dessiner. L'alliance de fait avec l'extrême droite a constitué un autre argument de poids contre le lancement du référendum.

Les tenants de la droite isolationniste ont lancé un référendum pour s'opposer à l'adhésion de la Suisse aux institutions de Bretton Woods

De leur côté, les tenants de la droite isolationniste ont aussi lancé un référendum. Pour eux, c'est avant tout les raisons financières qui les amènent à s'opposer au FMI; selon eux, les coûts de l'adhésion seraient plus importants que prévus et retomberaient sur les contribuables. D'autre part, la Suisse n'aurait aucun intérêt à retirer de sa participation aux institutions de Bretton Woods et son influence y serait nulle.

L'adhésion de la Suisse aux institutions de Bretton Woods

En additionnant les signatures récoltées par la gauche (un peu plus de 50'000) et celles du comité de la droite isolationniste, les référendaires ont transmis aux autorités fédérales au total près 90'000 signatures valables. Suite à la très large acceptation de l'adhésion aux institutions de Bretton Woods par le parlement, le Conseil fédéral, tout particulièrement O. Stich, s'est engagé vigoureusement en faveur de l'adhésion de la Suisse.

Selon l'analyse Vox, la confiance des votants envers le gouvernement a joué un rôle prépondérant dans leur choix sur un objet aussi complexe et mal connu. Malgré les nombreux objets soumis à votation le 17 mai, les personnes interrogées semblent avoir plutôt bien compris les enjeux. Les Suisses romands, les rentiers et les personnes disposant d'une formation supérieure se sont montrés les plus favorables à l'adhésion, alors que les agriculteurs et les ouvriers se sont révélés les plus réticents. Contrairement aux sympathisants du PDC et du PRD, qui ont suivi les mots d'ordre du parti national, ceux de l'UDC ont majoritairement rejetés le projet des autorités. Les votants écologistes et proches du PSS ont dans l'ensemble plutôt penché pour le oui. Un quart des opposants ont invoqué des raisons financières pour justifier leur non; un autre quart s'est prononcé négativement pour des motifs tiers-mondistes. Parmi les partisans, les arguments anti-isolationnistes ont été exprimés le plus souvent, notamment la possibilité pour la Suisse de co-décider au sein des organisations internationales.


Votation du 17 mai 1992

Participation: 38,8%
Arrêté fédéral concernant l'adhésion:
Oui: 923 685 (55,8%)
Non: 730 553 (44,2%)
Loi fédérale sur la participation:
Oui: 929 929 (56,4%)
Non: 718 254 (43,6%)

Mots d'ordre:
Oui: PRD (1*), PDC, UDC (6*), PL, AdI, PEP; Vorort.
Non: PES (4*), PdT, DS, PA; USAM, ASIN.
Liberté de vote: PS (7*); USS.
* Recommandations différentes des partis cantonaux.

Après une campagne référendaire animée, les citoyens suisses ont accepté par 55,8% des suffrages l'adhésion de la Suisse aux institutions de Bretton Woods. Soutenu par le Conseil fédéral et une large majorité de la classe politique, l'adhésion au FMI et à la Banque mondiale était combattue par deux courants politiques diamétralement opposés, à savoir, d'un côté, la gauche tiers-mondiste et une partie du PS et de l'autre côté, l'extrême droite et une partie de l'UDC.

Les partisans du oui ont surtout mis l'accent sur le fait que seule l'action des Etats dans un cadre multilatéral pouvait encore être capable d'apporter des solutions aux problèmes économiques, sociaux et écologiques qui ont atteint une dimension internationale. Dans ce contexte nouveau, l'adhésion de la Suisse constituerait un acte de solidarité vis-à-vis de la communauté internationale et mettrait fin à son isolement. Pour un pays aussi fortement dépendant de l'économie internationale que la Suisse, il serait dans son intérêt de participer aux plus importantes organisations internationales de coopération économique et monétaire et d'en influencer les orientations. Ces dernières années, les commandes adressées à l'industrie helvétique, dues à la Banque mondiale, se sont montées à 500 millions de francs par année; un tel recours aux entreprises suisses aurait pu être remis en cause en cas de victoire du non. De surcroît, en adhérant avant la fin de l'année 1992, la Suisse aurait eu de bonnes chances d'être admise au Conseil d'administration des deux institutions.

Les opposants écologistes et de gauche ont surtout mis l'accent sur les répercussions sociales et écologiques des programmes d'ajustement structurel imposés par le FMI dans les pays du Tiers-monde et sur le fait que la participation de la Suisse à cette institution ne modifierait pas son orientation. Pour les opposants de droite, c'est surtout le coût financier de l'adhésion qui a motivé leur rejet.

Le Conseil fédéral et la diplomatie helvétique ont mené des tractations serrées pour tenter d'obtenir un siège au Conseil d'administration du FMI et de la Banque mondiale

Dès le résultat de la votation connu, le Conseil fédéral et la diplomatie helvétique ont mené des tractations serrées pour tenter d'obtenir un siège au Conseil d'administration du FMI et de la Banque mondiale. Bien que, depuis plusieurs mois, la création d'un 23ème siège était prévue, son obtention par la Suisse devenait très compromise en raison de la candidature récente de la Russie. Durant les mois précédant l'assemblée annuelle du FMI de septembre où devaient avoir lieu certains remaniements en raison de nombreuses adhésions, les diplomates suisses ont multiplié les contacts avec les représentants de différents pays membres afin d'obtenir leur soutien ou d'accepter de participer au groupe de pays dont la Suisse deviendrait le chef de file. La Turquie et l'Afrique du Sud ont ainsi été approchées, mais sans succès. Par contre, plusieurs autres pays (Pologne, Azerbaïdjan, Tadjikistan, Ouzbékistan, Turkménistan et Kirghizie) ont accepté de se joindre à la Suisse en échange du financement d'une partie des frais d'adhésion. Ces intenses efforts diplomatiques ont porté leurs fruits puisque le groupe de pays emmené par la Suisse s'est vu attribué par le Conseil des gouverneurs du FMI un 24e siège dans les organes exécutifs des deux principales institutions de Bretton Woods. Le groupe dirigé par la Suisse rassemble 2,77% du total des voix du Conseil d'administration du FMI, ce qui le met au 18e rang des 24 groupes de pays; à la Banque mondiale, le groupe dirigé par la Suisse représente 2,74% des voix.