C'est en novembre 2022 que les autorités fédérales, par le biais de l'OSAV, ont demandé aux avicultrices et aviculteurs de prendre les premières mesures préventives pour éviter la propagation de la grippe aviaire. Cet appel répondait à l'augmentation des cas d'oiseaux malades à travers l'Europe et intervenait juste avant la découverte d'oiseaux infectés par le virus H5N1 de la grippe aviaire dans le canton de Zurich. Les mesures préconisées par les autorités n'étaient, à ce moment-là, pas particulièrement restrictives et consistaient à rappeler les règles de base permettant de limiter les contacts entre volailles domestiques et sauvages. Les modes de transmission les plus courants se font par le contact avec les fientes ou les plumes des oiseaux sauvages ou par le biais des chaussures des êtres humains.
Une semaine plus tard, la Confédération décidera, en concertation avec les cantons, de mettre en place des mesures plus strictes, restreignant encore un peu plus les possibilités de contact entre oiseaux sauvages et domestiques, sans pour autant complètement interdire à ces derniers l'accès à l'extérieur. Cette réaction s'expliquait par le danger que représentent les millions d'oiseaux migrateurs passant par la Suisse pour hiverner. En février 2023, ces mesures étaient prolongées jusqu'au 15 mars dans l'espoir qu'une fois les oiseaux d'eau partis (début mars), la situation s'apaise. Mais localement, la situation s'est, au contraire, tendue, à l'image du cas de grippe aviaire dans une exploitation du Weinland zurichois qui a mené à la prise de mesures plus poussées dans un périmètre de 10 kilomètres autour du lieu de découverte. Les autorités décideront ainsi de prolonger à nouveau les mesures jusqu'au 30 avril 2023, juste avant qu'un nouveau cas de grippe aviaire ne se déclare dans un poulailler comptant 40 têtes dans le canton de Zurich et ne mène à des mesures strictes au niveau local. Ce n'est finalement qu'au 1er mai 2023 que l'ensemble des mesures ont été levées, aucun cas de H5N1 n'ayant été détecté durant plusieurs semaines. Les autorités se montraient toutefois vigilantes, une résurgence n'étant pas à exclure. Et les inquiétudes des autorités se sont confirmées, avec de nouveaux cas chez des mouettes rieuses, incitant la Confédération à édicter une nouvelle ordonnance — d'une durée de deux mois — obligeant les cantons, si nécessaire, à mettre en place des mesures au niveau local afin d'endiguer toute propagation. Cette nouvelle ordonnance sera, elle aussi, finalement prolongée dans un deuxième temps jusqu'à la mi-octobre après la découverte de plusieurs foyers épidémiques.
La grippe aviaire et les mesures ordonnées par les autorités fédérales ont posé la question de la validité des labels «élevages en plein air», bio et autres qui obligent les éleveurs à sortir leurs volailles un certain nombre de jours par année. L'accès aux paiements directs touchant à cet aspect de l'élevage en plein air a également été discuté. Mais la Confédération a, dans un premier temps, rassuré les éleveurs qu'aucun changement n'était prévu. Le label Bourgeon Bio ne s'est pas montré inquiet quant à cette question, les volatiles ayant tout de même accès à un jardin d'hiver. Dans un deuxième temps, la Confédération a dit chercher une solution avec la branche pour adapter la dénomination. Les détaillants se sont eux résolus à informer la clientèle de cette situation directement en magasin, un nouvel étiquetage n'étant pas possible à court terme, sans pour autant que les producteurs ne soient financièrement lésés.
Cette saga aura eu une certaine résonance dans les journaux du pays. On apprenait ainsi que l'épidémie était si importante en Europe cette année, parce que, contrairement aux années précédentes, des cas ont été détectés en été. Cependant, de manière similaire à la grippe humaine, ce virus fonctionne selon une saisonnalité. «Die Epidemie hat 2021 angefangen und nie aufgehört», comme l'explique Barbara Wieland, responsable de l'institut de virologie et d'immunologie (IVI) de la Confédération, élevant ce virus au rang d'endémique. Le virus semble être également plus virulent chez les oiseaux sauvages, sans que l'on ne sache, pour l'heure, pour quelle raison. Alors que la mortalité chez les oiseaux domestiques était déjà très élevée, pas moins de 50 millions de têtes ont dû être abattues en Europe depuis 2021, posant des problèmes d'approvisionnement en viande et en œufs. Les inquiétudes des autorités ne se cantonnent pas qu'à la situation chez les oiseaux, mais également à la possible transmission chez les humains. Bien que les cas soient rares aujourd'hui, plus il y aura d'oiseaux infectés, plus il sera possible pour le virus de muter et de se transmettre à l'humain. Les conséquences pourraient être bien pires que la récente pandémie de Covid-19. Barbara Wieland voit dans un vaccin pour les animaux la meilleure solution pour éviter une propagation exponentielle du virus H5N1. Des tests d'un tel vaccin – génétiquement modifié – seront effectués dans le parc animalier de Berne et au Zoo de Bâle à partir de cette année et jusqu'en 2026, alors que la France a d'ores et déjà imposé une obligation de vaccination des canards élevés pour leur chair et le foie gras.
Plusieurs cas de transmission à des mammifères ont, de plus, été détectés durant cette vague de grippe aviaire, menant les autorités fédérales à analyser tout cas d'animal mort du H5N1 pour détecter des mutations du virus qui pourraient, en définitive, être dangereuses pour l'humain et les autres mammifères. On apprenait ainsi que des élevages de visons – animal sensible à ce type de virus – en Espagne étaient infectés, et ceci probablement par une transmission de mammifère à mammifère, menant à l'abattage de 50'000 de ces animaux destinés au marché de la fourrure. Pour le journal WoZ le problème vient, en premier lieu, des méga-élevages qui voient les animaux s'entasser et vivre dans une grande promiscuité, propice à la propagation du virus. Le journal alémanique nous rappelle que déjà lors de la pandémie de Covid-19, des dizaines de millions de visons ont été mis à mort, pour éviter la propagation du virus. Certain.e.s scientifiques formulent, par ailleurs, l'hypothèse que ces animaux entassés ont été des passerelles à l'émergence du SARS-CoV-1 et SARS-CoV-2. Quant au virus H1N1 de 2009, le porc semble avoir servi d'hôte intermédiaire, cet animal étant sensible aux trois virus Influenza A (porcins, humains et aviaires). L'institut de virologie et d'immunité travaille là aussi à un vaccin spécifique pour prévenir toute mutation qui pourrait se transmettre ensuite à l'humain. Pour Laurent Kaiser, spécialiste des maladies infectieuses, il est important que la Suisse ne répète pas les erreurs commises lors du Covid-19 et constitue suffisamment de réserves de masques, d'antiviraux, de vaccins et de tests diagnostiques.
Grippe aviaire - inquiétudes des autorités et mesures préventives