Les exportations suisses de matériel de guerre

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La commission de gestion du Conseil national a accompli, en 1989, une évaluation de l'exécution de la loi fédérale sur l'exportation de matériel de guerre. Concluant que la mise en oeuvre de cette norme a lieu dans un environnement fortement politisé, elle constate que la Suisse «ne peut réfuter le reproche qui lui est fait de tolérer qu'on élude la réglementation en laissant exporter, dans des régions où règnent des tensions, du matériel propre à être utilisé comme moyen de combat», c'est-à-dire du matériel dont l'exportateur ne peut déterminer l'utilisation future, civile ou militairé. C'est pourquoi la commission propose d'examiner la pertinence de l'introduction d'un régime d'autodéclaration, de prendre davantage en considération les intérêts humanitaires dans la procédure d'autorisation et de renseigner l'opinion publique sur les ventes suisses de matériel de guerre.

En 1990, le Conseil fédéral a pris connaissance du rapport de la commission de gestion du Conseil national sur l'application de la loi fédérale sur l'exportation de matériel de guerre. Il a annoncé, dans ce contexte, que le DMF publierait désormais une fois par an la liste des destinations finales du matériel de guerre. Il s'est par contre montré plus sceptique quant à la notion, définie par la commission afin de tenir compte des principes des droits de l'homme et de l'aide au développement, de "tensions dangereuses" laquelle, selon lui, ne peut être définie une fois pour toutes.

Les exportations suisses de matériel de guerre ont atteint, en 1990, un montant de 329,7 millions de francs (contre 390 millions en 1989) et constitué 0,37% des ventes totales à l'étranger (contre 0,46% en 1989). Cette diminution résulte d'une concurrence accrue entre pays fournisseurs, de la réduction des budgets militaires et de l'arrêt des exportations vers la péninsule arabique. Les principaux acheteurs furent le Canada (46,7 millions de francs), l'Autriche (44 millions), l'Allemagne (39,7 millions), la Grande-Bretagne (24,5 millions), Singapour (20,3 millions), l'Espagne (18,9 millions), la Suède (17,6 millions), les Pays-Bas (16,8 millions), l'Italie (16,4 millions) et les Etats-Unis (15,9 millions).

La chambre du peuple refusa, lors de ce même débat, une motion de la minorité de la commission de gestion (88.231), qui demandait une révision de la loi sur le matériel de guerre tenant compte des appréciations faites par la commission dans son rapport. De cette dernière, le Conseil national transmit les deux postulats relatifs (90.001), pour le premier, aux mesures à prendre afin de lutter contre le crime organisé au niveau international et, pour le second, à l'extension du champ d'application de la loi fédérale sur le matériel de guerre au courtage en la matière. Il transforma en un postulat une motion du groupe socialiste souhaitant aussi un élargissement de cette norme (89.838).

Le Conseil national a tenu, en 1990, un débat conséquent sur ce rapport. Dans ce contexte, l'initiative parlementaire du député Longet (ps, GE), demandant l'assimilation du matériel civil à celui de guerre s'il y a présomption d'utilisation à des fins militaires, a été rejetée. Ce texte donna lieu à une scission entre les groupes parlementaires bourgeois, qui le refusèrent, et socialiste, écologiste et indépendant, qui le soutinrent. Formellement, la modification de la loi sur le matériel de guerre n'est, selon les partis bourgeois, pas nécessaire pour atteindre le but visé; un changement de l'ordonnance d'application suffirait. De plus, une telle modification contribuerait à diminuer l'indépendance dans le domaine industriel. Selon les partisans d'une révision législative, l'inspection de la commission de gestion démontre que la notion retenue par l'ordonnance est plus restrictive que celle de la loi.