Année politique Suisse 1967 : Wirtschaft / Geld, Währung und Kredit
 
Politique monétaire
Le marché de l'argent et des capitaux a connu en 1967 deux phases distinctes. Jusqu'à la fin de mai, en effet, la tension constatée en 1966 s'est poursuivie, accompagnée par une baisse de la propension à investir. Dans la seconde partie de l'année, en revanche, les capitaux ont été plus abondants, leur afflux étant provoqué d'une part par les baisses du taux de l'intérêt dans les autres pays occidentaux, et d'autre part par les incertitudes découlant du conflit du Moyen-Orient et des difficultés survenues aux monnaies de réserve. 1967 a démontré, si besoin était, les étroits liens du marché suisse des capitaux avec l'étranger. Pourtant, l'épargne intérieure a progressé au cours de l'année, plus rapidement que les investissements, renversant le courant constaté pendant les années de surchauffe.
Les nouveaux emprunts émis en Suisse ont ponctionné le marché de 3509 millions d'argent frais au total, marquant une augmentation de 210 millions sur 1966, alors qu'en 1966 ces émissions avaient progressé de 245 millions. Ils ont été couverts sans difficulté, malgré la baisse des taux intervenue dans le courant de l'année. La part des débiteurs suisses, où la progression des emprunts des pouvoirs publics a contrebalancé le recul des investissements privés, est restée pratiquement stationnaire, alors que celle des débiteurs étrangers progressait assez fortement [1].
Les taux d'intérét, qui étaient montés en 1966 sous l'influence de la raréfaction de capital et des taux étrangers, se sont stabilisés, puis ont marqué une légère tendance à la baisse; la Suisse reste un pays où les taux pratiqués sont bas, malgré le développement considérable de l'Euromarché où elle prend une place intéressante. La Banque nationale.a réduit le 10 juillet le taux d'escompte de 3,5 % à 3 %, et celui des avances sur nantissement de 4 % à 3,75 %, tenant ainsi compte des baisses intervenues sur l'Euromarché et de l'afflux de capitaux engendré par des rapatriements de capitaux suisses et l'arrivée de devises étrangères à la recherche d'un refuge lors de la crise du Moyen-Orient [2]. Ces baisses n'ont eu guère d'effets que sur le marché à court et moyen termes; sur le marché à long terme, les taux hypothécaires ont en revanche encore légèrement progressé [3]. La loi sur l'émission des lettres de gages a fait l'objet d'une révision tendant à accroître les possibilités d'engagements des deux établissements reconnus jusqu'à cinquante fois le montant de leur capital propre; cette modification permet d'augmenter les prêts des deux centrales de lettres de gages à leurs membres, sans obliger ceux-ci à contribuer trop fortement aux augmentations de capital [4]. L'arrêté conjoncturel urgent sur le crédit est arrivé à échéance le 17 mars 1967. Dans la mesure où ses dispositions n'avaient pas déjà été abrogées en 1966 [5], celles-ci furent remplacées par un système fondé sur un accord entre les banques et la Banque nationale, système qui autorisait la Banque nationale à émettre des directives concernant la politique de crédit à suivre. Le plafond global de l'accroissement du crédit fut ainsi fixé à 7 % des montants accordés en 1966. Au 17 mars, une autre convention, conclue au sein de l'Association suisse des banquiers, reprit le contrôle des émissions prévu dans l'arrêté; une commission fut constituée et chargée d'établir le calendrier en adaptant les émissions aux possibilités d'absorption du marché. La présidence en fut offerte à la Banque nationale [6]. Les directives limitant l'augmentation du crédit furent abrogées le 20 septembre, en raison de la stabilisation de la conjoncture; l'augmentation n'avait été utilisée pendant le premier semestre de l'année qu'à concurrence de 3 % [7]. A la fin de l'année, seuls subsistaient donc, mais sur la base d'accords volontaires, le contrôle des émissions et l'obligation pour les banques, acceptée à fin 1966, de communiquer leurs statistiques régulièrement à la Banque nationale.
Dans le domaine de l'épargne, il faut signaler l'entrée en vigueur, au ler février 1967, de la loi sur les fonds de placements, qui soumet ces derniers à une réglementation destinée à assurer la protection des preneurs de parts [8]. La Commission fédérale des banques, chargée de la surveillance des fonds, a dei réviser son règlement à cet effet; son activité a été chargée, du moment que l'application de la nouvelle loi a entraîné, pour les fonds qui n'avaient pas su s'entourer de garanties suffisantes, des difficultés qui, dans certains cas, ont conduit à des liquidations fracassantes [9]. La protection des investissements à l'étranger, au sujet de laquelle un projet de loi avait été soumis à la consultation préliminaire en 1966, a continué en 1967 à faire l'objet d'échanges de vues entre le DEP, le DFD et les milieux intéressés [10].
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Banque nationale
Le projet de révision des statuts de la Banque nationale qui, on s'en souvient, constituait un des piliers du programme complémentaire a été en sommeil au cours de 1967, après que les résultats de la consultation préliminaire eurent montré, à fin 1966, l'opposition des associations patronales et des banques aux mesures dirigistes entravant la liberté d'action de ces dernières [11]. Certes, l'unanimité s'était faite pour reconnaître la légitimité des objectifs poursuivis par le projet, à savoir assurer à la Banque nationale les moyens d'agir sur la monnaie et le crédit pour lutter contre l'inflation. Alors que, dans les mesures prévues, l'extension de la politique d'open-market, la possibilité de prescrire des avoirs minimaux fondés non pas sur le total des engagements mais en fonction de leur accroissement et dans des cas déterminés seulement, étaient acceptées généralement, ce fut le pouvoir de limiter le crédit qui constitua la pierre d'achoppement, en raison de son caractère interventionniste évident. La dispute porta essentiellement sur la constitutionnalité des propositions présentées par le DFD, dont il semble qu'elle avait été trop sommairement évoquée dans l'avant-projet. Soit que l'on se fonde sur l'article 31 quater de la Constitution (article sur les banques), soit que l'on évoque l'article 39 (Banque nationale), les adversaires du projet dénient aux mesures proposées le caractère de police du commerce, qui est admis pour déroger à la liberté du commerce et de l'industrie, ou l'interprétation qui ferait de la Banque nationale une véritable autorité en matière de crédit. Parmi les arguments échangés, sans grands débats publics, il faut relever celui qui prétend que les freins apposés à la liberté du commerce par le constituant, en même temps que celle-ci était reconnue, ne doivent pas être vidés de leur sens par une interprétation trop tendancieuse; de même, celui qui, partant du point de vue que les banques participent à l'émission de monnaie en créant des masses considérables de monnaie scripturale, estime que la Banque nationale doit pouvoir contrôler et infléchir au besoin cette forme d'émission comme les autres [12]. A la fin de l'année, les travaux avaient abouti à un projet de message du DFD [13].
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Système monétaire
Les liens étroits que la Suisse entretient avec l'étranger sur le plan financier se sont fait sentir, au cours de l'année, de plusieurs manières, au sujet de la monnaie notamment. Une pénurie croissante d'argent-métal s'est manifestée sur le marché, et les principaux fournisseurs, dont les Etats-Unis, ont cessé leurs ventes. Cela a entraîné aussitôt une vague de spéculation et une hausse des prix. Il s'est agi, pour le Conseil fédéral, d'envisager une adaptation des monnaies divisionnaires à titre d'argent aux nouvelles conditions. Alors qu'auparavant, les propriétés techniques des pièces (alliage, diamètre, poids, etc.) étaient de la compétence des Chambres, le Conseil fédéral a demandé, par une révision de la loi sur la monnaie, de posséder dorénavant ces compétences, qui lui permettraient d'agir rapidement selon l'état du marché. Cette révision a été acceptée par les Chambres sans difficultés, à la session d'automne [14].
La crise latente du système monétaire international n'a pas manqué d'avoir des répercussions en Suisse: celle-ci, malgré la couverture surabondante de sa monnaie en or et en devises, subit le contrecoup des distorsions entraînées par les fluctuations des taux d'échanges; elle est engagée profondément dans le commerce mondial; elle occupe, à l'égard du reste du monde, une position de créancière sans pareille, si l'on tient compte du nombre des habitants [15]; elle a profité aussi du développement du marché européen des dollars, qui florit grâce aux déficits de la balance des paiements des Etats-Unis. La multiplicité de ses relations extérieures constitue la raison pour laquelle la Suisse reste attachée à l'étalon de change-or, au système' instauré par les accords de Bretton Woods, même si elle en reconnaît les insuffisances, et même si elle doit subir, comme les autres pays à balance des paiements excédentaire, les effets inflationnistes des déficits américains. 1967 a vu une tentative réussie d'aménager les statuts du Fonds monétaire international en vue de pallier la pénurie des liquidités internationales qui pourrait se produire. Les membres du Fonds se sont mis d'accord, à la Conférence de Rio de Janeiro, sur une proposition du Club des Dix [16] préconisant la création de droits de tirage spéciaux; la création de nouvelles unités collectives de réserve, préconisée par les Etats-Unis, a été écartée au profit de cette solution qui s'accompagne d'un renforcement de la position politique de la CEE [17]. La Suisse ne fait pas partie du Club des Dix ni du Fonds monétaire, mais elle a approuvé les décisions prises [18]. La question de sa participation s'est d'ailleurs posée à nouveau, du moment que les obstacles existant lors de la conclusion des accords de Bretton Woods semblent avoir disparu [19]. L'évolution de la livre sterling, sa dévaluation le 18 novembre, puis les attaques contre le dollar et la spéculation sur l'or ont amené les autorités moné . taires suisses à agir pour le maintien de la parité or du dollar, en accordant des prêts à la Grande-Bretagne, en participant au pool de l'or des banques centrales, en augmentant le montant des accords de troc de devises destinés à stabiliser les cours, en recommandant enfin aux grandes banques de suspendre le marché à terme de l'or [20]. La pression sur le dollar et sur l'or a crû à la fin de l'année, sans que jamais le franc suisse ne se trouvât directement en danger. Les autorités suisses se sont déclarées opposées à la réévaluation du prix de l'or, qui, selon elles, déclencherait une vague inflationniste; elles n'ont cependant pas pu agir sur les institutions [21].
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F.R.
 
[1] Cf. La Vie économique, 41/1968, p. 82 s.
[2] Cf. NZZ, 2956, 7.7.67; GdL, 157, 8.7.67.
[3] Cf. 187e Rapport de la Commission de recherches économiques, supplément à La Vie économique, 41/1968, février, p. 17.
[4] Message du Conseil fédéral du 27 février 1967 in FF, 1967, I, p. 649 ss. Voir aussi Bull. stén. CE, 1967, p. 217 ss. et 317; Bull. stén. CN, 1967, p. 488 ss. et 500; RO, 1968, p. 225 ss.
[5] Cf. APS 1966, p. 42.
[6] Cf. NZZ, 1148, 16.3.67.
[7] Cf. NZZ, 3984, 24.9.67; JdG, 222, 23.9.67.
[8] Cf. RO, 1967, p. 125 ss. et 145 ss., et APS 1966, p. 48 s.
[9] Cf. Rapport du Conseil fédéral sur sa gestion en 1967, Département des finances et des douanes, p. 26 ss., ainsi que RO, 1968, p. 25 ss.
[10] Le Rapport du Conseil fédéral sur sa gestion en 1967, Département de l'économie publique, p. 7, fait prévoir un message pour l'été 1968. Cf. plus haut. p. 42.
[11] Cf. APS 1966, p. 49 ss.
[12] Arguments de l'opposition, cf. Union suisse des arts et métiers, Rapport du comité directeur..., 88/1967, p. 62; Association suisse des banquiers, Rapport..., 55/1966-67, p. 77 ss.; Rapport sur le commerce et l'industrie de la Suisse en 1966 ainsi que Communications sur les affaires traitées par le «Vorort» pendant l'exercice 1966/67, p. 179 ss.; Union centrale des associations patronales suisses, Rapport du comité..., 59/1966, p. 41; NZZ, 3990, 25.9.67. Arguments des promoteurs, cf. F. LEUTWILER, « Die Kreditbegrenzung im NotenbankInstrumentarium », in Wirtschaft und Recht, 19/1967, S. 78 ff.; PAUL EHRSAM, « Die Verfassungsgrundlage für den Ausbau des Instrumentariums der Nationalbank », ibid., S. 91 fr.; opinion de M. Bonvin in NZZ, 3990, 25.9.67; de M. Stopper in NZZ, 186, 22.3.68.
[13] Cf. Rapport du Conseil fédéral sur sa gestion en 1967, Département des finances et des douanes, p. 6 s.
[14] Cf. Message du 25 août 1967 in FF, 1967, II, p. 169 ss.; Bull. stén. CN, 1967, p. 453 ss. et 500; Bull. stén. CE, 1967, p. 302 s. et 318; FF, 1967, II, p. 546 ss.
[15] Sur ce point, voir les indications données par M. Iklé lors d'une conférence le 27 février; cf. NZZ, 977, 7.3.67. L'excédent d'actifs sur l'étranger s'élevait, en 1965, à plus de 43 milliards de francs, dont il faut déduire les quelque 12 milliards de réserves en or et en devises de la Banque nationale.
[16] Décision du Club des Dix à la Conférence de Londres du 26 août; cf. NZZ, 3538, 28.8.67; 3572, 30.8.67; GdL, 200, 28.8.67. Cet accord a eu une portée considérable, du moment qu'il lie les principaux pays industrialisés.
[17] Conférence de Rio, du 25 au 29 septembre; cf. GdL, 288, 30.9.67.
[18] Cf. TdG, 202, 29.8.67; Bund, 240, 3.9.67; NZZ, 2013, 8.5.67.
[19] Cf. M. IKLE, « Die Schweiz im internationalen Währungssystem », in Wirtschaft und Recht, 19/1967, S. 155 ff.
[20] Cf. NZZ, 4253, 10.10.67; 4265, 11.10.67; 4277, 11.10.67; TdG, 241, 14.10.67; JdG, 244, 19.10.67; 269, 17.11.67; GdL, 276, 25.11.67; TdG, 282, 1.12.67; Weltwoche, 1778, 8.12.67; GdL, 294, 16.12.67; TdG, 297, 19.12.67.
[21] Cf. NZZ, 1191, 18.3.67; 2013, 8.5.67; GdL, 285, 6.12.67; NZZ, 5404, 14.12.67; 5557, 27.12.67; 5563, 28.12.67; GdL, 294, 16.12.67.