Année politique Suisse 1973 : Allgemeine Chronik / Landesverteidigung
 
Armement
Le résultat serré de la consultation de 1972 sur l'exportation d'armes — rejet de justesse de l'interdiction par le peuple — a contribué à entretenir la controverse à ce sujet. Les livraisons au tiers monde apparaissent particulièrement discutables. Au Conseil national, des députés ont demandé, qui une forte limitation, qui une suspension générale des ventes à ces pays [38]. Au nom du Conseil fédéral, M. Gnägi s'y est opposé tout en se déclarant prêt à étudier de plus près la question. La grande chambre l'a suivi en rejetant, par 90 voix contre 40, la motion Jaeger (ind., SG), pourtant transformée en postulat, visant l'interdiction pure et simple des exportations vers ces régions du monde. Sur quoi, le socialiste et pacifiste bernois A. Villard, se disant choqué, a laissé entendre le lancement éventuel d'une nouvelle initiative populaire. Dans la région lausannoise, 70 % de l'opinion estimerait la neutralité suisse incompatible avec les exportations d'armes vers le tiers monde précisément [39].
Exportatrice, la Suisse est aussi importatrice d'armement et d'équipement, à l'usage de sa propre défense. La politique d'austérité financière à l'ordre du jour incite à mieux contrôler les dépenses militaires. Deux postulats Baumann (udc, AG) et Hubacher (ps, BS) allant dans ce sens ont été adoptés par le Conseil national [40]. Les Chambres ont en outre transmis à l'exécutif une motion Dürr (pdc, SG) consistant à renoncer à l'introduction de nouveaux insignes et parements [41]. Les autorités fédérales considèrent toutefois que les économies à réaliser ne sauraient aller jusqu'à priver l'armée de ses moyens indispensables. Les critiques et oppositions traditionnelles n'ont pas empêché le parlement de voter les crédits demandés par le Conseil fédéral : 347 millions de francs au titre du programme d'armement pour 1973 [42] ; 193 millions pour des constructions et des acquisitions de terrain [43] ; 136 millions pour l'achat d'une nouvelle série de 30 Hunter d'occasion [44]. Par ailleurs, le gouvernement a proposé, pour la somme de 74 millions de francs, la création à Spiez (BE) d'un centre d'instruction pour la défense contre les armes atomiques et chimiques (centre AC). Il a encore adopté le programme d'investissements du DMF, d'un montant total de 4,7 milliards de francs, pour la période 1975-1979, dont une large part ira à la défense aérienne et antichars, au support de l'artillerie, à l'infanterie et surtout à l'acquisition d'un nouvel avion de combat [45].
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Nouvel avion de combat
C'est vers 1980 seulement que l'armée sera en possession de ce nouvel avion de combat. Il s'agira d'un appareil d'interception, destiné à maintenir l'indépendance de notre espace aérien. Telles sont les deux décisions principales prises en ce domaine par le Conseil fédéral au cours de l'année écoulée [46]. La priorité maintenant accordée à la défense de la couverture aérienne constitue en fait un nouveau rebondissement dans l'histoire, déjà longue et parfois mouvementée, de la modernisation de notre aviation militaire : dans la doctrine aérienne de 1966, la primauté allait à l'appui au sol. Ce faisant, le gouvernement s'est rangé à l'avis du chef de l'état-major général, lui-même guidé par les conséquences du décalage dans le temps du programme d'acquisition. La querelle entre les tenants de l'une et l'autre conception ne semble pas liquidée pour autant [47]. Le financement du nouvel engin en sera l'un des points cruciaux. Dans une motion Hubacher (ps, BS) qu'il a adoptée sous forme de postulat, le Conseil national a d'ores et déjà attiré l'attention du Conseil fédéral sur cet aspect de la question, à l'origine de la fameuse « affaire Mirage » de 1964. L'exécutif est notamment invité à garder ouverte l'alternative du maintien ou de l'abandon de l'aviation militaire. La quatrième guerre du Proche-Orient, dite du Kippour, de l'automne 1973 a par ailleurs montré, face aux fusées, la vulnérabilité de cette arme. A la fin de l'année, le gouvernement a été interpelé sur les leçons militaires à tirer du dernier affrontement israélo-arabe [48].
 
[38] Cf. notamment l'interpellation Oehler (pdc, SG) et les petites questions Hubacher (ps, BS), Reiniger (ps, SH) et Villard (ps, BE) : respectivement BO CN, 1973, p. 217 s., 1839 et 1004 s., et Délib. Ass. féd., 19'73, IV, p. 54. Cf. aussi Domaine public, 233, 28.6.73. Cf. APS, 1972, p. 53 s.
[39] Motion Jaeger : BO CN, 1973, p. 221 ss. Villard : ibid., p. 227. Sondage : Lib., 177, 4.5.73 ; supra, p. 45 et note 12.
[40] BO CN, 1973, p. 252 s. et 364 s.
[41] Ibid., p. 980 s. (CN) et BO CE, 1973, p. 616 (CE).
[42] Cf. FF, 1973, I, no 10, p. 528 ss. ; II, no 41, p. 570. CN : BO CN, 1973, p. 611 ss. CE : BO CE, 1973, p. 615.
[43] Cf. FF, 1973, no 8, p. 350 ss. ; II, no 41, p. 574 s. CN : BO CN, 1973, p. 618 ss. CE : BO CE, 1973, p. 612 ss.
[44] Message du CF : FF, 1973, I, no 8, p. 345 ss. CE : BO CE, 1973, p. 41 ss. CN : BO CN, 1973, p. 115 ss.
[45] Centre AC : FF, ,1973, II, no 46, p. 869 ss. Investissements : Bund, 230, 2.10.73 ; GdL, 229, 2.10.73. La motion Furgler (pdc, SG)-von Arx (pdc, ZH)-Albrecht (pdc, NW) de 1971, adoptée par le CN en 1972, l'a été par le CE en 1973: BO CN, 1973, p. 2068 s. ; BO CE, 19'73, p. 51 s. Au titre de la défense aérienne, signalons en outre l'adoption par le CN d'un postulat Baumann (udc, AG) pour l'achat d'hélicoptères : BO CN, 1973, p. 632 s.
[46] BN, 230, 2.10.73 ; GdL, 229, 2.10.73 ; Ldb, 227, 2.10.73 ; Rapp. gest., 1973, p. 167. En se prononçant sur la question, le CF donnait suite à deux postulats des commissions parlementaires des affaires militaires : BO CN, 1973, p. 135 s., 364 ; BO CE, 1973, p. 51.
[47] Cf. notamment Revue politique, 51/1972, p. 140 ss. (article de R. L. Bindschedler, partisan de la nouvelle conception) ; Lib., 131, 9.3.73 (colonel Pierre Henchoz, tenant de la conception de 1966).
[48] Hubacher : BO CN, 1973, p. 1636 ss. Kippour : Kurz, op. cit., p. 41 s. Interpellation Millier (an, ZH) : Délib. Ass. féd., 1973, IV, p. 48.