Année politique Suisse 1974 : Grundlagen der Staatsordnung / Föderativer Aufbau
Rapports entre la Confédération et les cantons et entre les cantons
Les rapports entre la Confédération et les cantons se sont ressentis également de la trop forte mise à contribution des institutions. En 1973 déjà, on parlait d'une crise dans l'exécution des lois fédérales par les cantons. Pour venir à bout de ces difficultés, le gouvernement saint-gallois a proposé des conférences annuelles placées sous la houlette du président de la Confédération et regroupant les présidents des gouvernements cantonaux ainsi que ceux des conférences spécialisées des directeurs cantonaux. L'idée a été accueillie favorablement au Palais fédéral ; dans divers cantons et dans la presse, on a cependant relevé que de telles rencontres ne pouvaient prétendre à une bien grande efficacité, vu la durée limitée des mandats des participants (une année le plus souvent)
[1]. Le Conseil fédéral a néanmoins convoqué une telle conférence en novembre ; le gouvernement fédéral in corpore, les hâuts fonctionnaires de la Confédération, 42 conseillers d'Etat et plusieurs chanceliers y ont pris part. L'existence d'une réelle crise en matière d'exécution a été contestée et l'on a parlé de manière approfondie de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons. Cette conférence n'a pas été institutionnalisée, mais il a été convenu qu'à l'avenir le Conseil fédéral ou cinq cantons pourront en demander la convocation
[2].
L'article conjoncturel et la loi sur l'aménagement du territoire tout particulièrement ont prévu un
transfert de compétences des cantons à la Confédération. Approuvés en 1974 par les Chambres, ils ont suscité en Suisse romande une opposition fédéraliste dont la Ligue vaudoise constitue le noyau. Cette association avait réussi, en 1949 déjà, à limiter par voie d'initiative le droit d'urgence inscrit dans la Constitution (art. 89 bis) ; leur chef de file, Marcel Regamey, d'entente avec le radical vaudois et conseiller d'Etat Debétaz et des personnalités des milieux de l'économie vaudoise, ont proposé cette fois-ci une revision de l'art. 89 bis en vertu de laquelle le Conseil fédéral se verrait attribuer la compétence de prendre de sa propre initiative des arrêtés urgents de politique conjoncturelle, sous réserve d'approbation par les Chambres dans les trois mois. De cette manière, on voulait réduire au maximum la marge de manoeuvre de la Confédération dans le domaine conjoncturel. La même Ligue vaudoise a lancé un référendum contre la loi sur l'aménagement du territoire
[3].
L'idée saint-galloise de rencontres périodiques entre présidents de gouvernements ne vise pas seulement à aplanir les difficultés entre Confédération et cantons, mais aussi à favoriser les rapports entre cantons. Les consultations proposées doivent compléter les conférences des chefs de départements cantonaux, constituer un forum pour les questions relevant de plusieurs dicastères. La Fondation pour la collaboration confédérale a tenté de son côté de jetet un pont par-dessus les limites imposées aux conférences des chefs de départements. Un accord, né de conversations avec les représentants de diverses conférences, stipule que la Fondation s'occupera de l'échange des informations ainsi que de l'impulsion à donner à l'examen des problèmes interdépartementaux
[4].
A Bâle-Ville et Bâle-Campagne, on a réussi — pour la première fois en Suisse à ancrer dans la Constitution la collaboration intercantonale. Le texte convenu en 1973 entre les gouvernements respectifs pour un article établissant des liens de partenaires entre les deux demi-cantons a été légèrement modifié par les commissions de l'un et l'autre parlement siégeant parfois en commun ; après quoi l'article a été adopté sans opposition par les législatifs et accepté à de fortes majorités par les citoyens. L'article prévoit la conclusion de conventions, la création d'institutions communes, une péréquation des charges ainsi qu'une harmonisation des textes législatifs. Précisons qu'il concerne non seulement les deux cantons, mais toute la « région ». A Bâle-Campagne, on a aboli par la même occasion l'article sur la réunification, ce qui n'a pas été fait à Bâle-Ville
[5]. Les socialistes de Bâle-Campagne ont alors demandé que les deux demi-cantons, par voie d'initiative cantonale, soient élevés au rang de cantons de plein droit. Illustration de ces relations institutionnalisées entre partenaires, Bâle-Campagne a passé un accord avec Bâle-Ville sur sa participation financière à l'Université de Bâle. En outre, la péréquation pour l'utilisâtion réciproque des hôpitaux des deux demi-cantons a fait l'objet d'une revision
[6].
De nouveaux arrangements entre plusieurs cantons ont été notamment conclus en matière d'éducation. Dans le nord-ouest de la Suisse, sept partenaires se sont entendus sur la nécessité, d'une part d'unifier les conditions appelées à régir la fréquentation d'écoles extra-cantonales dans les régions limitrophes, d'autre 'part de coordonner la planification. Les cantons de la Suisse centrale ont adopté un projet de concordat sur la fondation et l'exploitation de la future Université de Lucerne. Pour la première fois, Schaffhouse a participé à la conférence des cantons de Suisse orientale ; au premier plan figurait la collaboration entre les établissements hospitaliers et entre les polices
[7].
Au niveau des communes, cette surcharge qui pèse sur les institutions s'est surtout exercée dans le domaine des finances. Les demandes de financement adressées à la Centrale d'émission des communes suisses ont dépassé de très loin la somme totale prévue par le contrôle fédéral des émissions. Le comité de l'Association des communes suisses a donc demandé des allégements à la Confédération et aux cantons, invités à revoir les tâches d'investissements transférées aux communes et à desserrer les restrictions de crédit. Recommandation a été adressée aux communes d'user de la plus grande retenue en matière financière et cela aussi à l'égard des exigences des instances supérieures
[8]. Vers la fin de l'année, on a tenté, par la création d'une Communauté d'emprunts de villes suisses, d'agrandir le volume du crédit pour les communes de petite et moyenne grandeur et de le répartir plus équitablement
[9]. Dans les Grisons et à Nidwald, le peuple a, pour la première fois, voté des lois sur les communes. Dans le canton de Fribourg, en revanche, un mouvement référendaire, appuyé par les milieux campagnards surtout, a fait échouer la loi sur la fusion des communes
[10].
L'idée de créer des corporations régionales, disposant d'organes et de compétences propres, a gagné du terrain. Il sera question plus bas de la constitution d'une région Inter-Jura dans la partie francophone du canton de Berne. Une association de communes a été créée dans l'agglomération d'Olten (SO). Son objectif est la planification ; elle comprend des autorités régionales et prévoit des votations populaires. La création d'une association semblable a été proposée par le groupe d'aménagement régional de la vallée de la Wigger, à laquelle appartiennent des communes argoviennes et lucernoises
[11].
[1] Ostschw., 84, 10.4.74 ; TA, 86, 13.4.74 ; NZZ, 172, 14.4.74 ; 210, 8.5.74 ; JdG (ats), 88, 17.4.74 ; BN, 92, 20.4.74. Cf. APS, 1973, p. 23.
[2] JdG, 261, 8.11.74 ; NZZ, 486, 8.11.74 ; TA, 260, 8.11.74. Sur l'exécution des lois fédérales par les cantons, cf. G. Müller, « Darf der Bund die Rechtsform kantonaler Ausführungserlasse bestimmen ? » in Schweiz. Zentralblatt für Staats- und Gemeindeverwaltung, 75/1974, p. 369 ss. Cf. aussi Y. Hangartner, « Die Erfüllung der Staatsaufgaben durch Bund und Kantone », in Revue de droit suisse, n.s., 93/1974, I, p. 379 ss.
[3] Cf. infra, part. I, 4a (article conjoncturel) et 6c (aménagement du territoire). Pour l'opposition fédéraliste, cf. notamment BN, 19, 23.1.74 ; GdL, 45, 23/24.2.74 ; Bund, 258, 4.11.74.
[4] Fondation pour la collaboration confédérale, Rapport annuel, 1974, p. 4s.
[5] Cf. APS, 1969, p. 28 s. ; 1973, p. 23 et infra, part. II, 1k. Les votations populaires eurent lieu le 8.12. Bâle-Ville a dit « oui » par 41 181 voix contre 7925, Bâle-Campagne par 33 371 contre 14 214.
[6] Initiative cantonale : TA, 291, 14.12.74 ; cf. APS, 1969, p. 29, note 141 ; 1971, p. 25, note 149. Université : cf. infra, part. I, 8a. Hôpitaux : NZ, 125, 23.4.74 ; BN, 196, 23.8.74.
[7] Suisse du nord-ouest : TA, 155, 8.7.74 ; cf. APS, 1973, p. 23 et infra, part. I, 8. Suisse centrale : Vat., 14, 18.1.74 ; cf. APS, 1973, p. 23 et infra, part. I, 8. Suisse orientale (AI,. AR, . GL, GR, SG, SH, TG) : Ostschw., 108, 10.5.74 ; cf. G. Hoby, « Interkantonale Zusammenarbeit in der Ostschweiz », in Verwaltungs-Praxis, 28/1974, p. 346 ss.
[8] GdL (ats), 60, 13.3.74 ; TG, 114, 17.5.74 ; LNN, 290, 14.12.74. Cf. infra, part. I, 4b.
[9] NZZ, 520, 18.12.74 ; TG, 295, 18.12.74. L'adhésion à la Communauté est réservée aux villes de 10 000 à 30 000 habitants.
[10] Cf. APS, 1973, p. 24 et infra, part. II, 1i.
[11] Inter-Jura : cf. infra, question jurassienne. Olten : Bund, 150, 1.7.74 ; SZ, 149, 1.7.74. Vallée de la Wigger : TA, 257, 5.11.74. A Lucerne, l'initiative radicale lancée en 1973 a abouti (cf. APS, 1973, p. 23 et infra, part. II, 1i). Cf. aussi M. Lendi, « Die Region zwischen Kanton und Gemeinden », in Verwaltungs-Praxis, 28/1974, p. 66 ss.
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