Année politique Suisse 1978 : Sozialpolitik / Soziale Gruppen
Famille
La politique familiale a connu, en 1978, une activité particulièrement fébrile. Un rapport fédéral analysant la situation de la famille en Suisse a d'ailleurs paru cette année. Dans une première partie, il traite de la composition et de l'évolution de celle-ci, de sa situation économique et des conditions de logement des ménages. Un second volet dresse une sorte d'inventaire des mesures prises par la Confédération en la matière
[21]. Lors de la première conférence nationale sur la famille, organisée sous les auspices de Pro Familia, un certain nombre de thèmes majeurs ont été retenus. Parmi ceux-ci, l'assurance-maternité et une protection accrue de la femme enceinte se sont révélées être des sujets brûlants
[22].
L'introduction d'une assurance-maternité dans la législation fédérale a également fait l'objet d'une importante discussion au Conseil national. En effet, pas moins de
trois motions, dont deux émanaient des milieux démocrates-chrétiens, et une initiative parlementaire de la socialiste G. Nanchen (VS), déposées en 1977 déjà, restaient pendantes
[23]. C'est sur les propositions du groupe PDC, dont le conseiller national fribourgeois Butty était le porte-parole, que le débat à la Chambre s'envenima. Ce projet mettait l'accent sur quatre points primordiaux: 1) amélioration des allocations familiales sans porter atteinte aux compétences cantonales; 2) adaptation de mesures substantielles en faveur de la protection de la grossesse; 3) institutionnalisation de l'assurance-maternité, ainsi qu'une protection contre les résiliations de contrat; et enfin 4) droit donné aux mères de bénéficier de mesures de réintégration professionnelle. Le Conseil fédéral accepta les points 2 et 3 comme motion, mais souhaita transformer les autres en postulats. Si le défenseur du groupe démocrate-chrétien accepta la proposition du gouvernement, par contre, G. Nanchen intervint et exhorta les députés à rester ferme sur le principe de la motion. Au terme du débat, une faible majorité de la Chambre se rallia in extremis aux voeux de notre exécutif. Ce dernier devra cependant présenter assez rapidement des mesures destinées à protéger la grossesse, instituer une assurance-maternité et veiller à la protection des travailleuses contre les résilations de contrat durant le congé de maternité
[24]. Au début du mois de novembre, une initiative populaire a été lancée par une dizaine d'organisations féminines, groupements politiques et syndicaux
[25]. L'objectif de celle-ci, intitulée «pour une protection efficace de la maternité», consiste à réaliser une assurance-maternité financée selon le principe de l'AVS et qui garantirait: une couverture intégrale des frais médicaux, hospitaliers et pharmaceutiques, un congé de maternité de 16 semaines avec compensation de la perte de gain et un congé parental de neuf mois, également compensé
[26].
La modification de la réglementation concernant la
répartition du bénéfice dans l'union des biens, acceptée par le Conseil national en septembre 1977, a été dûment contestée par le Conseil fédéral. Ce dernier préférerait l'inclure dans les dispositions nouvelles résultant de la révision globale du droit matrimonial actuellement en cours
[27]. Le lei janvier 1978 est entré en vigueur le nouveau droit de filiation qui consacre le principe selon lequel tout enfant, né hors mariage, a le droit d'être reconnu juridiquement comme l'enfant de son père. Le statut de l'enfant est désormais fixé par deux règles essentielles, à savoir que la filiation à l'égard de la mère résulte du seul fait de la naissance et que, seconde règle, le mari est considéré comme le père de l'enfant
[28].
Pour la seconde fois en moins d'une année, les citoyens se sont prononcés sur le problème de l'avortement. Cette nouvelle votation résultait d'un
référendum lancé contre la «loi fédérale sur la protection de la grossesse, ainsi que sur le nouveau régime de son interruption»
[29]. Ce nouveau projet de loi, adopté en mai 1977, soit quatre mois avant le scrutin populaire de septembre sur l'initiative des délais, maintenait certes le caractère punissable de ces derniers, mais introduisait une notion supplémentaire, les indications sociales
[30]. A la veille de la votation,
les positions étaient clairement tranchées et l'on se trouvait devant une situation pour le moins paradoxale. En effet, la plupart de ceux qui avaient soutenu la loi lors de ses multiples passages aux Chambres, comme le PRD et le PSS, la condamnaient maintenant, alors que le PDC, qui fut son irréductible adversaire, la défendait. Ce dernier était du reste le seul parti gouvernemental à recommander le oui, estimant que cette loi avait pour vertu essentielle de mettre définitivement un terme à toute solution jugée par trop libérale
[31]. Du côté des opposants, les arguments en faveur du rejet variaient selon que l'on adhérait à tel ou tel système de valeur. Ainsi pour la gauche, la loi ne s'écartait guère, du moins dans son esprit,,des objectifs visés par le Code pénal où l'avortement restait encore par essence criminel. Les cantons plus libéraux ont jugé pour leur part que son application équivaudrait à une limitation trop restrictive par rapport à la pratique actuellement en cours. Enfin, les partisans d'une solution restrictive ont affirmé, qu'une autorisation de l'interruption de la grossesse pour motif social porterait gravement atteinte à leur conviction profonde du respect intégral de la vie
[32]. En définitive, c'est sans surprise que
cette loi a été massivement refusée par le souverain (68,8% de non contre 31,2% de oui; avec un taux de participation de 48,8%). On a pu constater que les cantons catholiques de Fribourg (38,9% de oui) et Zoug (38,6 % de oui) lui ont réservé le meilleur accueil, tandis que Genève (19,8 % de oui) l'a refusée en force
[33]. Au lendemain du scrutin, une avalanche de projets relatifs à l'interruption de la grossesse s'est abattue sur Berne. Pas moins de quatre initiatives individuelles et une motion ont été déposées au parlement. Trois des quatre initiatives sont d'origine romande et ont en commun le fait qu'elles désireraient laisser aux cantons une relative autonomie en matière de réglementation de l'interruption de la grossesse, tandis que G. Condrau (pdc, ZH) inclinerait plutôt en faveur d'une extension de l'indication sociale et médicalo-sociale
[34]. Par ailleurs, les cantons de Genève, Neuchâtel et Bâle-Ville ont déposé chacun une initiative cantonale proposant également une réglementation plus souple de l'avortement. Ils souhaiteraient notamment que la législation fédérale donne aux cantons la faculté d'introduire dans leur propre constitution la solution du délai
[35].
[21] Rapport sur la situation de la famille en Suisse, Office fédéral des assurances sociales, Berne 1978. Cf. également les études chiffrées sur la situation des ménages suisses in Mouvement populaire des familles, Résultats comparatifs 1967-1977, Genève 1978 et M. Jäggi / H. Lerch, Autour du ménage et des ménagères, Genève 1978 (Annales du centre de recherche sociale, 6).
[22] 24 Heures, 166, 19.7.78 ; NZZ, 216, 18.9.78 ; Lib., 293, 19.9.78 ; Cf. également, Questions au féminin, éd. par la Commission fédérale pour les questions féminines, no 1, janvier 1978.
[23] BaZ, 20; 21.1.78 ; 24 Heures, 117, 25.3.78 ; 160, 20.4.78 ; LNN, 230, 4.10.78 ; cf. également APS, 1977, p. 128.
[24] BO CN, 1978, p: 1323 ss.: TG, 231, 4.10.78; TLM, 278, 5.10.78.
[25] Comité de lancement comprend: OFRA, Mouvement de libération de la femme (MLF), Commission féminine de I'USS, Femmes suisses pour la paix et le progrès (SFF); de même que les partis et organisations suivantes: PSS, PdT, POCH, LMR, USS et Association suisse pour une santé sociale (SGSG): VO, 243, 31.10.78.
[26] Cf. Documentation du comité de coordination, Berne 1978; OFRA: Für einen wirksamen Mutterschutz, Muttenz 1978 ; MLF: La Maternité: une affaire de femmes, Lausanne 1978 ; 24 Heures, 253, 31.10.78 ; NZZ, 253, 31.10.78; VO, 264, 25.11.78; 268, 30.11.78.
[27] TG, 23, 28.1.78; JdG, 138, 16.6.78; NZZ, 137, 16.6.78.
[28] Bund, 1, 3.1.78; 2,4.1.78 ; 4,6.1.78; TG, 2, 4.1.78; 5, 7.1.78 ; NZZ, 9,12.1.78; 234, 9.10.78; TLM, 204, 23.7.78.
[29] Cf. APS, 1977, p. 130 et pour le texte du référendum: FF, 1978, I, p. 246.
[30] FF, 1977, II, p. 92ss.; 24 Heures, 111, 16.5.78; TLM, 137, 17.5.78; NZZ, 113, 19.5.78; TA, 117, 24.5.78.
[31] Vat., 92, 28.4.78; 101, 2.5.78; 108, 11.5.78; JdG, 100, 1.5.78; Ostschw., 107, 10.5.78; 109, 12.5.78; 24 Heures, 106, 9.5.78; TA, 112, 18.5.78; TLM, 143, 23.5.78.
[32] TW, 36, 14.4.78; TG, 88, 17.4.78; 112, 17.5.78; 117, 23.5.78; 24 Heures, 112, 17.5.78; TLM. 117, 24.5.78.
[33] FF, 1978, I, p. 686 s.; Vox, Analyses des votations fédérales, 28.5.78; ainsi que l'ensemble de la presse, 29.5.78.
[34] Délib. Ass. féd., 1978, III. p. 4 et 13 s.; 24 Heures (ats), 127, 3.6.78; LNN, 128, 6.6.78; TA, 133, 12.6.78 139, 19.6.78; TG, 138, 16.6.78; JdG, 141, 20.6.78
[35] Délib. Ass. féd., 1978, V, p. 10 et VII, p. 10; JdG, 143, 22.6.78; 151, 1.7.78; 289, 11.12.78.
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