Année politique Suisse 1980 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
Politique énergétique
A l'occasion de la consultation au sujet de la
conception globale de l'énergie (CGE), une nette majorité des organisations interrogées s'était exprimée en faveur de l'introduction d'un article sur l'énergie dans la Constitution fédérale. De même, plus de la moitié des cantons s'était déclarée d'accord d'attribuer à la Confédération des compétences plus larges en matière de politique énergétique
[1]. C'est en tenant compte de ces opinions que le Conseil fédéral a chargé le DFTCE d'élaborer un message sur la politique énergétique, dans lequel il doit proposer entre autres un article constitutionnel sur l'énergie. Les adversaires d'un
article constitutionnel étaient principalement opposés à l'impôt sur l'énergie proposé par la majorité de la commission pour la CGE. Après de longues réflexions, le Conseil fédéral a décidé de renoncer à une telle contribution à affectation spéciale
[2]. La politique financière générale a beaucoup influencé cette décision. Dans le but de se procurer de nouvelles recettes pour assainir les finances fédérales, le gouvernement avait proposé, en été déjà, de soumettre à l'impôt sur les chiffres d'affaires (ICHA) les agents énergétiques non taxés jusqu'à maintenant. Une telle extension hypothéquerait lourdement la réalisation du projet d'article constitutionnel relatif à l'impôt spécial sur l'énergie, pourtant prévu. La Fondation Suisse pour l'Energie (FSE) a vivement critiqué le fait que l'on sacrifie l'un des instruments clés de la politique énergétique, dans le seul but de rééquilibrer les finances fédérales.
Du point de vue de la politique énergétique, la
soumission de toutes les sources d'énergie à la taxation unique de l’ICHA ne produira pas les effets souhaités. Ceci d'autant plus que dans le cas du carburant, dont l'utilisation devrait être limitée, selon l'opinion générale, on n'introduira pas de charge supplémentaire, puisque celui-ci est déjà soumis aujourd'hui à l’ICHA. Les recettes provenant de l'assujettissement des agents énergétiques à l'impôt n'auraient pas d'affectation spéciale, c'est-à-dire qu'elles ne seraient pas utilisées uniquement pour le financement d'activité de recherche et d'économie, comme on l'avait prévu pour l'impôt sur l'énergie
[3]. La question de l'imposition future des matières productrices d'énergie n'est pourtant pas encore résolue du tout. La commission compétente du Conseil national a décidé d'abandonner ses délibérations au sujet du projet d'ICHA jusqu'à la publication du message sur la politique énergétique. Cette décision a été amenée par une «coalition» — typique des rapports de forces politiques dans ce domaine — formée d'un côté par les parlementaires proches de l'Union suisse des arts et métiers, qui s'opposent à tout nouvel impôt sur l'énergie, et de l'autre côté par les partisans d'une taxe de base à affectation spéciale
[4].
La proposition faite par les socialistes de
promulguer un arrêté fédéral urgent valable jusqu'à l'entrée en vigueur de l'article constitutionnel sur l'énergie n'a pas rencontré plus de succès au Conseil des Etats qu'elle n'en avait eu un an auparavant à la chambre populaire. Le gouvernement, comme la majorité des conseillers aux Etats, a estimé que l'approvisionnement en énergie de la Suisse n'était pas gravement menacé et a refusé en conséquence l'utilisation d'un droit d'exception
[5]. La FSE, de même que diverses grandes organisations pour la protection de l'environnement, ont lancé parallèlement à une initiative contre les centrales nucléaires, dont nous reparlerons plus loin, une initiative populaire «pour un approvisionnement sûr, économique et respectueux de l'environnement». Selon les promoteurs, on doit atteindre ce but à l'aide d'un article constitutionnel sur l'énergie. La Confédération serait ainsi autorisée et chargée de mettre en vigueur des prescriptions sur l'isolation des bâtiments et le développement des moyens de transport, qui économisent l'énergie, et d'interdire les tarifs énergétiques qui encouragent la vente. Les matières énergétiques non renouvelables (pétrole, gaz, charbon, uranium) et l'énergie hydraulique devraient être frappés d'un impôt dont les montants seraient utilisés pour le financement d'activités d'économie et de recherche. Cette initiative n'est d'ailleurs pas soutenue par tous les adversaires du nucléaire. La partie dissidente, assurément bien plus faible du point de vue de ses membres, refuse pour des raisons fédéralistes la tendance à l'extension des compétences fédérales
[6].
Selon la majorité de la commission pour la CGE, les montants produits par l'impôt sur l'énergie devraient en partie servir à soutenir la recherche en matière d'énergie. Le conseiller fédéral Schlumpf a donné l'assurance que même si l'énergie était soumise à l’ICHA (en renonçant ainsi à l'impôt sur l'énergie) la Confédération encouragerait plus que maintenant la recherche en matière d'énergie
[7]. La motion du conseiller national Grobet (ps, GE) visant à réduire la part de la recherche nucléaire au profit d'autres sources d'énergie dans les subventions actuelles à la recherche, n'a été acceptée que sous la forme de postulat. La motion de la conseillère nationale Mauch (ps, AG), qui avait demandé un engagement plus actif de la Confédération en faveur de la production décentralisée de chaleur et d'électricité dans des installations de couplage de ces deux éléments, a connu le même destin
[8]. Les deux chambres du parlement éprouvent de grandes difficultés à s'entendre sur le projet de construction d'une centrale solaire par la Confédération en collaboration avec d'autres intéressés. Après que la motion du Conseil national avait été modifiée en 1979 par le Conseil des Etats, les représentants du peuple ont dü s'occuper de cette affaire une deuxième fois. Eu égard à la superficie nécessaire pour la construction d'une centrale solaire et du développement de nouvelles techniques, permettant une utilisation différente de l'énergie solaire (par exemple les cellules solaires), le Conseil national s'est écarté de sa position antérieure. Il a rejeté la motion du Conseil des Etats et a chargé sa commission d'élaborer un nouveau texte, qui doit tenir compte des objections exprimées
[9].
Les milieux intéressés par la protection de l'environnement ont critiqué à plusieurs reprises l'existence de
tarifs dégressifs et la pratique propre aux sociétés d'électricité d'octroyer des prix bas destinés à encourager la consommation pendant les heures creuses. Ils les ont décrits comme des incitations au gaspillage d'énergie. Le Conseil national n'a accepté que sous forme de postulat la motion Petitpierre (prd, GE) qui voulait obliger la Confédération à lutter contre les tarifs dégressifs, le gaspillage de l'électricité et l'exportation démesurée du courant
[10]. Divers essais, tentés au niveau cantonal, pour accroître l'influence directe du peuple ou de ses représentants sur la politique des grandes sociétés d'électricité, ont échoué. C'est ainsi que le Grand Conseil thurgovien a refusé une telle proposition. Dans le canton de Berne, une initiative populaire lancée par l'extrême-gauche et les adversaires du nucléaire pour une étatisation des Forces motrices bernoises (FMB) n'a pas obtenu le nombre de signatures nécessaires
[11]. Dans le canton de Vaud, en revanche, l'augmentation de la consommation d'électricité pouvait être bien freiné, puisque, à l'avenir, on n'autorisera l'installation de chauffages électriques qu'après avoir prouvé leur nécessité. C'est une des mesures contenues dans la loi cantonale sur les constructions et l'aménagement du territoire révisée en 1980. Le gouvernement avait opéré cette révision en tenant compte des revendications de l'initiative sur l'énergie acceptée par le peuple en 1979
[12]. En ce qui concerne l'introduction de lois sur l'énergie, il faut relever des progrès dans quelques autres cantons aussi. Les administrations ont pu s'appuyer sur le modèle de loi publié par le DFTCE et qui se présente maintenant dans sa forme définitive. Celui-ci propose, comme mesures principales, des prescriptions sur l'isolation des bâtiments, la soumission à autorisation des installations d'air conditionné et l'introduction des factures de chauffage individuelles dans les blocs locatifs
[13]. Bâle-Campagne est le premier canton à s'être doté d'une telle loi sur l'énergie. Le projet, qui n'était combattu par aucun parti, fut largement accepté par les citoyens. A Neuchâtel, le Grand Conseil a accepté un projet de loi gouvernemental et a refusé divers durcissements proposés par le PS. Les gouvernements de Berne et de Soleure ont soumis leurs projets aux délibérations des parlements. Dans les cantons de Genève, Lucerne et Uri, les adversaires du nucléaire ont lancé des initiatives populaires visant à créer des législations sur l'énergie
[14].
La consommation totale d'énergie
s'est accrue de 3,5% en 1980 (1979 : -1,9%) et cela malgré les appels à l'économie. La forte croissance de la consommation de carburant (6%) a fait augmenter la'consommation des produits pétroliers de 1,2% (1979: — 4,5%). C'est surtout l'électricité et le gaz qui ont su profiter des mesures de substitution dans la production de chaleur. Leurs taux d'augmentation se sont élevés en 1980 à 4,4%, resp. 19,4% (1979: 3,4%, resp. 13,3%). Le charbon a connu la plus forte augmentation en chiffres relatifs avec 44,4%. La part du pétrole et de ses dérivés dans la consommation totale s'est de nouveau abaissée pour se fixer à 71,4% (1979: 73,0%)
[15].
[1] APS, 1979, p. 100 s.; LNN, 33, 9.2.80; 51, 1.3.80; TLM, 93, 2.4.80; TA, 80, 5.4.80; BaZ, 167. 19.7.80.
[2] Suisse, 178. 26.6.80; TA, 247. 23.10.80. Cette décision contre un impôt spécial sur l'énergie a reçu l'approbation de l'industrie (RFS. 44, 27.10.80; P. Bourgeaud, Que signifie l'énergie pour l'industrie suisse?, Zurich 1980).
[3] FF, 1980, II, p. 925 ss.; BaZ, 159, 10.7.80. Voir aussi supra, part. I. 5 (Plan financier).
[4] Suisse, 309, 4.11.80. L'USAM et la Fondation Suisse pour l'Energie ont toutes deux, mais pour des raisons bien différentes. menacé de combattre la soumission de l'énergie à l'ICHA par un référendum (USAM : NZZ, 224, 26.9.80; FSE: NZZ, sda, 196, 25.8.80; BaZ, 250, 24.10.80).
[5] BO CE, 1980, p. 68 ss. Cf. aussi APS, 1979, p. 101. Afin de se prémunir contre une éventuelle pénurie d'énergie électrique, le Conseil fédéral propose la prolongation de l'arrété qui arrivera à échéance d'ici 1981. Cet arrêté permet aux autorités, en cas de besoin, d'imposer des prescriptions concernant un rationnement temporaire (FF, 1981, I, p. 255 ss.; 24 Heures, 174. 28.7.80).
[6] FF, 1980, Il. p. 523 s.; Bund, 89, 17.4.80; NZZ, 92, 21.4.80; BaZ, 187, 12.8.80.
[8] BO CN, 1980, p. 956 ss. (motion Grobet) et p. 869 ss. (motion Mauch).
[9] BO CN, 1980, p. 850 ss.; cf. aussi APS, 1979, p. 101 s. et 1978, p. 92.
[10] Motion Petitpierre: BO CN, 1980, p. 879 ss.; cf. également APS, 1979. p. 102. En ce qui concerne le problème des tarifs dégressifs cf. BaZ, 10, 11, 12—15.1.80; 22. 26.1.80; 23, 28.1.80; TA, 88, 16.4.80.
[11] Thurgovie: Ldb, 58, 11.3.80. Berne: Bund, 48, 27.2.80; 201, 28.8.80. Une commission extraparlementaire propose au Grand Conseil bernois de ne rien changer aux structures actuelles des FMB (Bund, 218, 17.9.80; cf. aussi APS, 1978, p. 96).
[12] NZZ (sda), 241. 16.10.80; 24 Heures, 280, 2.12.80; 291, 15.12.80; 292, 16.12.80; APS, 1979, p. 102.
[13] Modèle de loi: Lib., 211, 14.6.80; cf. aussi APS, 1979, p. 102. Le PSS a cependant élaboré son propre modèle de loi (Vr, 61, 27.3.80).
[14] Bâle-Campagne: BaZ, 50, 28.2.80; 53, 3.3.80 (résultat du vote: 34 933 oui: 7912 non). Neuchâtel : TLM, 78, 18.3.80; 293, 23.10.80. Berne: Bund, 95, 24.4.80. Soleure: SZ, 239, 11.10.80. Genève: JdG, 53, 4.3.80; Suisse, 180, 28.6.80. Lucerne: LNN, 13, 17.1.80. Uri: LNN, 267, 27.11.80. Voir également APS, 1979. p. 102.
[15] 24 Heures, 81, 7.4.81.
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