Année politique Suisse 1982 : Sozialpolitik / Soziale Gruppen
 
Condition de la femme
L'entrée en vigueur, en 1981, de l'article constitutionnel sur l'égalité des droits entre les sexes marque incontestablement une étape importante dans la lutte pour l'émancipation et l'amélioration de la condition de la femme en Suisse. Si ce principe est désormais acquis devant la loi, de nombreux obstacles devront encore être surmontés pour parvenir à l'égalité de fait sur le plan politique, économique, familial ou dans le cadre de la formation [29]. Chargée de répertorier les normes juridiques discriminatoires contenues dans la législation, la Commission fédérale pour les questions féminines a publié dans le courant de l'année un catalogue des inégalités de traitement dont sont encore victimes les fernmes au niveau du droit fédéral. Cet inventaire exhaustif se complète d'un tableau des révisions en cours et de propositions concrètes de modifications législatives. Un long réquisitoire est ainsi consacré au droit matrimonial et aux assurances sociales, sources de nombreuses inégalités [30].
La commission a en outre publié deux études. La première concerne le second volet du volumineux rapport consacré à la situation de la femme en Suisse. Elle examine plus particulièrement sa sphère intérieure, son «domaine d'activité réservé» — famille et répartition des rôles, vieillesse et situation des femmes ou mères non mariées — et souligne le décalage existant entre l'image traditionnelle de la femme et sa condition actuelle [31]. La seconde traite du problème des femmes maltraitées; malgré ses carences statistiques, elle fournit des données précieuses sur l'ampleur de ce phénomène et propose un certain nombre de mesures préventives [32].
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Avortement
Les projets de libéralisation de l'avortement se trouvent actuellement dans une impasse. Après les échecs successifs devant le souverain de l'initiative dite «du délai» en 1977 et du contreprojet gouvernemental préconisant la solution des indications sociales en 1978, c'est au tour des propositions visant à une réglementation «fédéraliste» de l'interruption de la grossesse d'être bloquées au stade de la procédure parlementaire [33]. Chargée de réexaminer ce dossier, la commission ad hoc du National a décidé en effet de suspendre ses travaux en attendant de connaître le sort réservé à l'initiative populaire «pour le droit à la vie». Les auteurs de cette initiative s'opposent à tout régime permissif de l'avortement et de l'euthanasie active pour les malades incurables [34]. Tout en recommandant son rejet, le Conseil fédéral a rédigé un contreprojet qui s'appuie largement sur les dispositions contenues dans le projet des experts de révision totale de notre Charte fondamentale. Si ce texte est adopté, il empêcherait pratiquement l'interruption de la grossesse selon le principe des délais [35].
Pour relancer le débat sur le front de la décriminalisation de l'avortement, les organisations qui militent en sa faveur ont cherché fébrilement à élaborer une nouvelle initiative [36]. Mais les tractations en vue de remettre sur pied une solution du délai — interruption autorisée pendant les douze premières semaines de la grossesse — applicable à l'ensemble du territoire suisse n'ont pas abouti. Les divergences ont porté notamment sur la question de savoir si la solution préconisée devait être assortie ou non d'une clause prévoyant le remboursement des frais par les caisses maladie [37]. Une minorité, comprenant l'Association suisse pour le droit à l'avortement et la contraception (ASDAC), l'Organisation pour la cause des femmes (OFRA) et les Organisations progressistes (POCH), était favorable à cette mention, alors qu'une majorité groupée autour de l'Union suisse pour la décriminalisation de l'avortement (USPAD) s'était ralliée à la solution dite «du délai simple» [38].
 
[29] C'est ainsi que le CF a accepté un postulat de la CN Deneys (ps, NE) lui demandant de réaliser «rapidement» l'égalité des chances dans le domaine de la formation (BO CN, 1982, p. 538 s.). Voir aussi CN H. Lang (ps, ZH), «Présence des femmes dans la politique et dans l'économie», in La Vie économique, 55/1982, p. ls.; 24 Heures, 95, 26.4.82 (8leassemblée des déléguées de l'Alliance des sociétés féminines suisses sur le thème: «Egalité = responsabilité»): Suisse, 118, 28.4.82; 163, 12.6.82; USS, 20, 16.6.82 (Congrès des femmes de l'USS); VO, 24, 17.6.82; Gendron G. / Hiestand G. / Stuebig K., Le temps d'après... Recyclage et retravail des femmes, Lausanne 1982, ainsi que APS, 1981, p. 147 s. et supra part. I, 7c (Assurance maternité).
[30] 24 Heures, 134, 12.6.82 ; NZZ, 133, 12.6.82 ; TA, 134, 14.6.82 ; Bund, 136, 15.6.82. Cf. également les données d'une recherche bâloise sur la situation de la femme en Suisse in BaZ, 156, 157, 8-9.7.82; 161, 14.7.82; 170, 24.7.82; 175, 30.7.82 ainsi que APS, 1980, p. 141.
[31] Commission fédérale pour les questions féminines, La situation de la femme en Suisse, Partie II: Bibliographies et rôle, Berne 1982; presse du 13.1.82. Deux rapports avaient déjà été publiés en 1979 et 1980 (Partie I, «Société et économie»; Partie III, «Droit»). Cf. APS, 1979, p. 138; 1980, p. 141, ainsi que Spoerry-Toneatti V., «Auf dem Weg zu einer freiheitlicheren Gesellschaft», in Schweizer Monatshefte, 62/1982, p. 233 ss. D'autre part, le CF a accepté un postulat du CN Hubacher (ps, BS) l'invitant à examiner si le Bureau fédéral de la condition féminine ne pourrait pas être transformé en un organe responsable de la politique de la condition féminine (BO CN, 1982, p. 970 ainsi que APS, 1979, p. 138).
[32] Presse du 7.7.82 ainsi que APS, 1980, p. 140, note 37.
[33] JdG, 13, 18.1.82; Domaine public, 628, 4.3.82. Cf. aussi APS, 1977, p. 129 s.; 1978, p. 126 s.; 1981, p. 148 s.
[34] Déposée en 1980, cette initiative avait réuni quelque 227 472 signatures en l'espace de 18 mois. Un record quasi historique; seule l'AVS en 1945 avait fait mieux. Cf. APS, 1980, p. 14 s. Commission du CN: BO CN, 1982, p. 1384; 24 Heures, 8, 12.1.82 ainsi que APS. 1979, p. 139.
[35] FF, 1983, II, p. 1 ss.; presse du 18.11.82. Voir également supra, part. I, 1b (Grundrechte).
[36] Une pétition réclamant le «déblocage des débats relatifs à l'avortement et à la libéralisation immédiate de ce dernier» a même été déposée à Berne. Cf. BO CN, 1982, p. 878 s. ; TLM, 23, 23. 1.82 ; 64, 5.3.82 ; 110, 20.4.82 ; BaZ, 28, 3.2.82.
[37] Selon un arrêt du Tribunal fédéral des Assurances de mars 1982, les caisses maladie ont désormais l'obligation de rembourser un avortement «légal». Cf. NZZ, 147, 29.6.82; 198, 27.8.82 (M. Reichlin). Voir aussi RO, 1982, p. 196 et BO CN, 1982, p. 249 (question Ziegler, pdc, SO).
[38] Etaient groupés autour de l'USPAD: PS, USS, femmes PRD, UDC et AdI (Suisse, 293, 20.10.82; JdG, 277, 27.11.82). Voir aussi TW, 37, 15.2.82; BaZ, 40, 17.2.82; 225, 25.9.82; Suisse, 124, 4.5.82; 270, 27.9.82; 293, 20.10.82; 314, 10.11.82; 335, 1.12.82; TLM, 131, 11.5.82; 330, 26.11.82.