Année politique Suisse 1984 : Sozialpolitik / Bevölkerung und Arbeit
 
Conventions collectives de travail
Comparé au climat social particulièrement conflictuel de l'année 1983, le redressement de la conjoncture a quelque peu détendu les relations professionnelles. L'inclinaison au compromis a fini par l'emporter sur la confrontation bien que de longues périodes de vide contractuel aient précédé au renouvellement de conventions collectives de travail (CCT) régissant d'importants secteurs économiques. Les résultats des négociations 1984 permettent de dégager deux dominantes : Sur la question de la compensation automatique du renchérissement, controversée depuis près de deux ans, les syndicats ont plus ou moins atteint leur but. Au contraire, la revendication générale d'une diminution de la durée du travail s'est heurtée à la résistance concertée des entreprises [18].
Dans le domaine des arts graphiques, le début de l'année s'est caractérisé par un durcissement des fronts. Les positions des parties comme le rapport des forces en présence restent toutefois représentatifs de la tendance observée sur le terrain des négociations conventionnelles. Le différend qui opposait depuis le printemps 1983 l'Association suisse des arts graphiques et le Syndicat du livre et du papier (SLP) portait pour l'essentiel sur la protection des hommes de confiance du syndicat et l'extension de la convention au personnel temporaire ou occupé à temps partiel. Contrairement aux événements de 1980, le Comité de la centrale ouvrière, auquel sa base avait accordé la compétence de déclencher des mesures de lutte, a préféré sauvegarder la paix sociale. La signature d'un nouvel accord n'est intervenue qu'en mai, au terme d'un processus de concertation riche en rebondissements. Les représentants des employeurs n'ont cependant pas cédé aux revendications de base du syndicat, mais des concessions salariales et l'attribution d'une cinquième semaine de vacances aux salariés de plus de 50 ans ont sans doute eu raison du conflit. Si la direction syndicale n'a pas caché sa déception, elle a par ailleurs concédé, qu'en renonçant à la pression de la grève, les résultats ne pouvaient être plus favorables aux travailleurs. Une part importante des adhérants du SLP a également manifesté son insatisfaction. Lors du référendum, seuls les deux tiers d'entre eux ont approuvé la nouvelle convention [19].
De laborieuses tractations ont aussi été enregistrées dans les branches de la maçonnerie et du génie civil. Pour leurs 160 000 employés, la Convention nationale (CN) en vigueur devait produire ses effets jusqu'à fin 1984. En février, la Fédération des ouvriers du bois et du bâtiment (FOBB) a toutefois pris le parti de la dénoncer. Cette décision se place dans le prolongement de négociations portant sur la fixation controversée du seuil de compensation du renchérissement; les employeurs désirant pour leur part l'établir au dessous de l'indice du coût de la vie. Du côté syndical, on entendait obtenir l'inscription du principe de l'indexation intégrale des traitements dans une nouvelle convention, l'introduction progressive des 40 heures de travail hebdomadaires ainsi que la soumission des apprentis au contrat. Des manifestations de soutien se sont déroulées avant tout en Suisse romande mais le recours à la grève n'a pas été envisagé. Le litige s'est soldé en novembre par la reconduction d'une nouvelle CN valable dès le ler janvier 1985. Ce compromis prévoit un ajustement automatique des salaires, ce système ne s'appliqúant que si le taux d'inflation n'excède par les 3%. Au-delà, les partenaires sociaux devront convenir ensemble de l'ampleur de l'adaptation, comme le stipulait l'ancienne disposition. De même, les travailleurs bénéficieront dès 1986 d'une réduction d'une heure de leur horaire hedbomadaire de travail. Les résultats sont donc bien en deçà des espérances syndicales mais peuvent certes s'expliquer par les difficultés économiques qui frappent certaines entreprises de la construction, notamment des problèmes de surcapacité [20].
La CCT de la chimie bâloise fonctionne également comme contrât-type pour l'ensemble des industries chimiques des régions romandes et du Nord-Ouest de la Suisse. En 1983, le syndicat FICP avait refusé de la proroger aux mêmes conditions. Suite à sa dénonciation, intervenue en janvier, les pourparlers sont restés bloqués tant sur la question du maintien ou de l'annulation de la clause d'indexation automatique et rétroactive du renchérissement que sur le problème des 40 heures. La FTCP n'a obtenu qu'un succès partiel. Ainsi sur le principe de l'automaticité les oppositions patronales ont été repoussées. A titre exceptionnel les entreprises en difficulté pourront toutefois obtenir une dérogation et n'accorder que des prestations minimales. Quant à la clause de rétroactivité et aux positions visant l'abaissement de la durée du travail ou l'amélioration du régime des vacances, elles ont buté sur le veto des employeurs [21]. Dans l'hôtellerie et la restauration, les parties ont convenu de l'introduction dès 1987 de la semaine de cinq jours. Cette disposition figure dans la nouvelle CCT entrée en vigueur en juillet et pour quatre ans [22]. Enfin, depuis le ler janvier 1983, les 12 000 travailleurs de l'industrie du bois sont libérés de tout contrat collectif de travail. La FOBB a abandonné tout espoir de renouveler la CCT nationale et tente la négociation d'accords sur le plan local ainsi qu'au niveau des entreprises [23].
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Conflits du travail
Malgré un certain durcissement du discours syndical à l'égard du droit de grève, le nombre de conflits du travail ayant conduit à des arrêts d'activité a encore régressé. Pour 1984, les statistiques officielles n'ont recensé que 2 grèves d'une journée au moins (5 en 1983). Ces deux cas d'espèce ont mobilisé 50 ouvriers ( 985 en 1983), occupés respectivement dans 2 entreprises ( 5 en 1983) et 662 jours de travail ont par là même été perdus (4438 en 1983). A l'appel des sections régionales de la Fédération ouvrière du bois et du bâtiment (FOBB) et de la Fédération chrétienne de la construction (FCTC) 35 ouvriers de l'entreprise «Bois Homogène» ont cessé le travail pendant trois jours. En mettant fin à 30 ans de paix sociale en Valais, ils entendaient riposter au refus patronal d'optempérer à leurs prétentions salariales. Des négociations ont débouché sur l'adoption d'une solution de compromis. Par ailleurs à Berne, 15 employés du service des transports de la «Kranken- und Invalidenorganisation » (KIO) ont observé une grève de deux mois pour s'opposer au licenciement jugé abusif de six conducteurs. Les grévistes ont obtenu des réparations matérielles, mais les suppressions d'emploi ont été maintenues [24].
Une étude du Bureau international du travail (BIT), consacrée aux effets de la récession sur les négociations collectives, souligne, comme l'expérience suisse de 1984 semble l'accréditer, une tendance générale à la diminution des grèves. Confrontés à la menace du chômage, les travailleurs hésiteraient davantage à y recourir. D'autre part, les contraintes économiques les placeraient dans une position de faiblesse lors des concertations sociales [25]. Afin de contrevenir à cette évolution, les délégués de la Fédération du personnel du textile, de la chimie et du papier (FTCP) ont adopté une nouvelle réglementation de l'exercice du droit de grève. Celle-ci introduit notamment une distinction entre la grève d'avertissement, pouvant être décidée dans un bref délai, et les grèves limitées ou illimitées. De son côté, la Société suisse des fonctionnaires postaux a revendiqué le droit de grève. Elle a en effet estimé qu'il constituait «le dernier recours» pour contrer l'attitude jugée obstinée du parlement à l'égard du blocage du personnel [26].
 
[18] SP, VPOD, 6.7.84; voir aussi infra, part. III b (Sozialpartner) et APS, 1983, p. 133 et 138.
[19] VO, 1, 5.1.84; TW, 8.5.84; NZZ, 7.6.84; Le Gutenberg, 21/22, 24.5.84; voir aussi APS, 1983, p. 138, ainsi que APS, 1980, p. 122.
[20] Suisse, 23.2.84; 22.6.84; TW, 14.5.84; NZZ, 5.11.84; 7.11.84; cf. APS, 1983, p. 122.
[21] TLM, 5.1.84; BaZ, 6.1.84; 25.1.84; 26.1.84. Cf. APS, 1983, p. 138.
[22] BaZ, 11.1.84.
[23] NZZ, 16.3.84; 23.3.84; 29.3.84.
[24] La Vie économique, 58/1985, p. 222. Conflit de «Bois Homogène»: Suisse, 11.1.84; 13.1.84; TLM, 11.1.84; 12.1.84; FOBB, 44, 17.1.84. Conflit de la KIO: Bund, 20.9.84; 21.9.84; 18.10.84; TW, 18.10.84; 22.10.84. Une 3e grève, non répertoriée dans les statistiques officielles, a éclaté à l'Hôpital cantonal de Genève. 117 nettoyeurs, pour la plupart étrangers et syndiqués à la VPOD, ont débrayé cinq jours durant pour s'opposer au bouleversement de leur horaire de travail, prévu par la direction (JdG, 11.5.84; 14.5.84; Suisse, 12.5.84; 15.5.84; 26.6.84; VO (édition genevoise), 20, 17.5.84; 26, 28.6.84. Concernant le climat social cf. aussi infra, part III b (Sozialpartner).
[25] La négociation collective face à la récession dans les pays industrialisés à économie de marché, BIT, Genève 1984 (SAZ, 49, 6.12.84).
[26] FICP: NZZ, 25.10.84; Vr, 29.10.84. Fonctionnaires postaux: Suisse, 28.6.84.