Année politique Suisse 1986 : Sozialpolitik / Soziale Gruppen
Condition de la femme
L'égalité des droits entre les hommes et les femmes est inscrite dans la Constitution fédérale depuis 1981. Il en découle que la législation, notamment dans les domaines de la famille, de l'instruction et du travail, ainsi que les réglementations tant fédérales que cantonales doivent s'adapter en conséquence afin de supprimer les discriminations de toutes sortes, généralement au désavantage des femmes. Mais dans les faits, la condition de la femme s'est-elle véritablement améliorée? Le Conseil fédéral a fait
l'inventaire de toutes les inégalités que subissent encore femmes et hommes dans la société et le monde du travail et a même donné un aperçu des réglementations cantonales qui comportent encore des différentiations d'application selon le sexe. Parallèlement, il a proposé des solutions tout en mettant en évidence les difficultés politiques et financières qui empêchent ou retardent l'instauration générale et rapide d'une égalité complète. Le gouvernement s'est ainsi acquitté de la motion déposée par les Chambres fédérales demandant de dresser la liste des inégalités et d'établir un programme dont le but est d'éliminer les dispositions légales à caractère sexiste. Les discriminations les plus marquées au niveau fédéral se situent dans le domaine des assurances sociales et plus particulièrement en ce qui concerne l'AVS où le statut de l'assuré est largement déterminé par le sexe. L'unification de l'âge de la retraite, que ce soit par un abaissement de celui des hommes ou une élévation de celui des femmes, rencontrerait des obstacles politiques et financiers difficilement surmontables. Un autre problème crucial est l'exigence d'un salaire égal pour un travail de valeur égale. Si peu d'actions sont intentées, c'est essentiellement pour des raisons économiques ou de procédure. A la suite du postulat Jaggi (ps, VD), le Conseil fédéral a institué un groupe de travail chargé d'examiner les problèmes liés à la réalisation du principe de l'égalité de rémunération et de proposer, le cas échéant, une solution législative. Concernant le droit de la nationalité, les Suisses et Suissesses mariés à des étrangers seront placés sur un pied d'égalité avant la fin de cette législature. Les cantons ne sont pas près d'avoir tous établi un inventaire détaillé des inégalités dans leurs propres législations. Certes, une bonne part d'entre elles découlent du droit fédéral; mais les cantons sont autonomes pour ce qui est du ressort de la fonction publique, de l'instruction et des droits politiques notamment. Et puis, il y a le cas des deux Appenzell où les femmes continuent à être considérées comme des citoyennes de second ordre et où l'instauration du suffrage universel rencontre une vive opposition. Même si ces résolutions sont traduites dans les faits, il faudra encore d'autres efforts pour parvenir à l'égalité réelle, a indiqué le gouvernement. Il n'est pas exclu qu'il faille créer de nouveaux organes pour l'examen de cette question et recourir à des encouragements ou parfois à des sanctions, a-t-il conclu
[15].
Si les organisations féminines ont accueilli favorablement cette démarche, elles n'ont cependant pas manqué de souligner que le Conseil fédéral ne proposait pas de solutions concrètes et immédiates. Elles ont encore insisté sur la lenteur à parvenir à établir l'égalité des sexes, notamment dans le domaine des assurances sociales où les discriminations sont les plus criardes. Toujours en vue de parvenir à établir l'égalité des sexes, la conseillère nationale Fetz (poch, BS) a
déposé une initiative parlementaire réclamant une loi «antidiscrimination». Cette initiative a pour but de réaliser l'égalité des sexes et de promouvoir la femme dans tous les domaines. Celle-ci doit disposer des instruments légaux pour se défendre contre les discriminations, ont expliqué des représentants du POCH. L'initiative a été déposée sous forme non rédigée avec un projet de loi-cadre. Le projet demande que la moitié des fonctions publiques, des emplois et des places de formation soient occupées par des femmes. Pour y parvenir, il faut accorder, à qualification égale la préférence aux femmes
[16].
La Commission fédérale pour les questions féminines, qui a fêté en 1986 ses dix ans d'existence, a présenté un
rapport relatif aux dispositions protectrices spéciales applicables aux femmes sur le marché du travail. Celui-ci dresse un inventaire de la situation actuelle et notamment des prescriptions privilégiant les femmes; privilèges qui, selon l'auteur du rapport, ne visent en réalité qu'à légitimer et asseoir une répartition traditionnelle des tâches et une hiérarchie déterminée, à réduire la flexibilité de la main-d'oeuvre féminine ; ils exercent par ailleurs des effets négatifs sur les salaires des femmes. La Commission conclut à la nécessité de réviser le droit du travail en vue de le rendre compatible avec le principe d'égalité entre hommes et femmes. Pour y parvenir, il faut se défaire des dispositions visant à protéger les femmes en tant que groupe et prévoir une protection individuelle, de caractère neutre quant aux sexes et fondée sur des critères sociaux
[17]. Toujours dans le cadre de la situation des femmes dans le monde du travail, s'est tenue la conférence féminine de la Fédération suisse des travailleurs du commerce, des transports et de l'alimentation (FCTA). Une des propositions élaborée par le comité des femmes de la FCTA et demandant à la Commission féminine de l'Union syndicale suisse (USS) de préparer une grève nationale d'avertissement a été approuvée par la majeure partie des participantes. But de cette grève, attirer l'attention sur les revendications syndicales des femmes, notamment en matière de rémunération. Les membres de la FCTA combattent fermement toutes les tentatives patronales de faire supprimer l'interdiction du travail de nuit pour les femmes dans l'industrie, ainsi que toute demande d'ouvrir les magasins 24 heures sur 24, de même que le dimanche. Ces priorités avaient déjà été retenues lors du congrès annuel des femmes de l'USS qui, en l'occurrence, avait choisi de débattre sur le thème «Santé économique, mais pas au prix de la nôtre»
[18].
Depuis près de quinze ans, partisans et adversaires d'une libéralisation de l'avortement s'affrontent, sans qu'aucune solution acceptable pour les uns comme pour les autres n'ait pu être trouvée. En mars 1981, le Conseil national avait approuvé une solution fédéraliste qui aurait permis aux cantons de recourir, sur leur territoire, à la solution des délais (avortement autorisé durant les trois premiers mois). Mais le Conseil des Etats refusait toute discussion sur cette proposition et, plutôt que de se lancer dans la procédure d'élimination des divergences, la commission du Conseil national jugeait préférable d'attendre le résultat de la votation sur l'initiative «Droit à la vie». Ce n'est qu'en janvier 1986, après le rejet de cette initiative, que la commission du Conseil national se saisit à nouveau du dossier et, par 13 voix contre 9, proposait le rejet de toute solution fédéraliste.
E. Segmüller (pdc, SG) a expliqué qu'accepter une solution fédéraliste équivaudrait à recantonaliser le droit pénal sur cette question de vie ou de mort. Ce serait, a-t-elle encore indiqué, contraire à la Constitution et qui plus est, la législation doit être la même pour tous dans un domaine aussi important. Cependant, la minorité de la commission va présenter au Conseil national une motion chargeant le Conseil fédéral de soumettre au parlement un nouveau message sur la solution à apporter à la question de l'interruption de grossesse qui propose une solution des indications
[19].
[15] Rapport sur le programme législatif« Egalité des droits entre hommes et femmes»: FF, 1986, I, p. 1132 ss. Pour réaliser l'égalité dans les domaines où les femmes bénéficient de privilèges, il faut selon le CF en premier lieu améliorer la situation juridique des hommes, et non pas supprimer les avantages des femmes. Cf. aussi presse du 27.2.86; TA, 8.3.86 ; JdG, 2.5.86 ; wf, Dok., 43, 27.10.86 ; APS, 1981, p. 147 s. ;1982, p. 140 s. AVS : supra, part. I, 7c (Assurances sociales) ainsi que N. Kohler, La situation de la femme dans l'AVS, Lausanne 1986. Appenzell et nationalité: supra, part. I, 1 b (Stimmrecht et Bürgerrecht). Comportement politique des femmes: C. Longchamp, «L'homme et la femme aux urnes — Signes d'un nouveau clivage dans les votations fédérales», in Questions au féminin, 1986, ni 1, p. 20 ss.
[16] Loi contre la discrimination de la femme: Délib. Ass. féd., 1986, I, p. 20. Cf. aussi PZ, 9, 5.3.86. Voir également Questions au féminin, 1986, no 2, p. 35 ss. (salaire) et 3, p. 74 ss. et Emanzipation, 1986, Nr. 3. J. Stamm (pdc, LU) a déposé une motion qui demande la création d'un service fédéral qui aurait la compétence pour faire appliquer au niveau de la Confédération l'article constitutionnel établissant l'égalité des droits entre l'homme et la femme (Délib. Ass. féd., 1986, III/IV, p. 102).
[17] Rapport relatif aux dispositions protectrices spéciales applicables aux femmes sur le marché du travail: TA, BaZ et NZZ, 23.1.86 ; JdG et 24 Heures, 29.5.86. Cf. aussi PZ, 6, 12.2.86 ; Emanzipation, 1986, Nr. 4 ; A. Fetz, « Zukunft der Frauen-Arbeit », in Positionen, 1986, Nr. 63. Dix ans d'existence de la Commission fédérale pour les questions féminines: Bund, 11.6.86; NZZ, 13.6.86; presse du 14.6.86.
[18] Conférence FCTA: BaZ, 16.6.86; USS, 20, 18.6.86. Congrès USS: presse du 27.1.86; USS, 4, 29.1.86. Femmes et travail de nuit: VO, 36, 11.9.86 ; cf. aussi APS, 1985, p. 162 et supra, part. I, 7a (Temps de travail). Le TF a annulé sur recours de la FCTA une décision du DFEP autorisant dans une filature zurichoise le travail en continu et le travail des femmes le dimanche (BaZ, JdG et NZZ, 12.7.86).
[19] Commission du CN: presse du 17.1.86; cf. aussi JdG, 28.8.86; A. Sax, « Schwangerschaftabbruch, föderalistische Lösung oder Kantonalisierung?», in Emanzipation, 1986, Nr. 9. Motion : Délib. Ass. féd., 1986, V, p. 17. Cf. aussi APS, 1981, p. 148 s. ainsi que supra, part. I, 7c.
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