Année politique Suisse 1988 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
 
Politique énergétique
Si les desseins des autorités, en matière de politique énergétique, semblent parfois peu clairs, d'importants dossiers en suspens tels l'article constitutionnel, l'abandon de Kaiseraugst, les deux initiatives antiatomiques et les scénarios énergétiques modèleront certainement les orientations de la conception fédérale. Mais la dualité entre un refus de l'expansion nucléaire – facilité par l'abondance énergétique actuelle et les bas tarifs pratiqués – et la croissance régulière de la consommation d'énergie, pose à terme la redoutable question de notre approvisionnement.
Le Conseil fédéral désire assurer un approvisionnement suffisant, à des conditions économiques, tout en respectant l'environnement, en évitant le gaspillage et en ne recourant pas davantage aux énergies fossiles. Un tel programme, en partant de l'hypothèse de l'abandon du nucléaire (deuxième agent énergétique suisse en 1987 [1]), suppose soit des économies drastiques d'énergie soit une augmentation de nos importations de courant, donc de notre dépendance face à l'étranger. Optant pour la première alternative, le gouvernement désire non seulement que l'article énergétique soit rapidement voté, mais propose en sus un projet d'arrêté sur les économies d'énergie.
top
 
print
Article énergétique
Lors de sa session d'automne, le Conseil national a approuvé l'article énergétique proposé par le gouvernement, avec cependant quelques modifications mineures liées à sa forme [2]. Les partis démocratique du centre, libéral et radical, pouvant compter sur le soutien du Vorort et des entreprises du secteur énergétique, ont combattu en vain l'adoption de cette formulation relativement active [3]. La'chambre basse a par contre refusé deux arrêtés fédéraux, proposés par deux minorités de la commission et soutenus par la gauche, les écologistes et les indépendants, demandant d'inscrire le principe d'une taxe énergétique dans une norme constitutionnelle séparée. Si l'un prévoyait une taxe affectée sur l'énergie, l'autre stipulait que les besoins fondamentaux des ménages pourraient être exonérés de cet impôt [4].
Dans le cadre du programme de législature 1987–1991, débattu dans les deux chambres lors de la session d'été, une motion – transmise par les deux conseils — propose la suppression de la taxe occulte; en contrepartie, les agents énergétiques devraient être taxés dans le cadre de l'ICHA [5]. Si les partis bourgeois gouvernementaux et certains milieux économiques sont favorables à cette extension de l'ICHA, ils sont par contre opposés à toute taxation de l'énergie en-dehors du cadre d'une réforme des finances fédérales [6]. C'est pourquoi tant la version de l'article énergétique du Conseil' fédéral que celle votée par la chambre basse ne contiennent aucune mention quant à l'imposition de l'énergie.
top
 
print
Economies d'énergie
Le Conseil fédéral, ayant fixé pour priorité les économies d'énergie, a adopté en décembre un projet d'arrêté anticipé pour l'utilisation économe et rationnelle de l'énergie, la loi sur l'énergie ne pouvant, dans le meilleur des cas, entrer en vigueur avant 1994 [7]. Inspiré par la crainte liée à la sécurité de notre approvisionnement en cas de renonciation au nucléaire et reposant sur un certain consensus politique, cet arrêté se base également sur des initiatives tant publiques (cantons) que privées (entreprises et particuliers). Susceptible d'entrer en vigueur dès 1990, il cessera d'être valable lors de la promulgation de la loi sur l'énergie. Afin que sa mise en oeuvre soit rapide et n'entre pas en collision avec celle de la loi susmentionnée – auquel cas il serait inutile –, le gouvernement a délibérément renoncé à la procédure de consultation habituelle [8]. Le Conseil fédéral propose, dans cet arrêté, d'instaurer des prescriptions sur l'utilisation rationnelle de l'énergie comme les décomptes individuels, la limitation du chauffage électrique ainsi que l'affichage obligatoire de la consommation d'énergie des appareils et véhicules.
Les réactions faisant suite à sa présentation ont été, dans l'ensemble, très nuancées. Les protagonistes du débat énergétique semblent déçus. S'il est favorable à cet arrêté, le parti socialiste le qualifie néanmoins "d'exercice de politique énergétique" et dépore l'absence de structures tarifaires contraignantes, par ailleurs volontairement abandonnées par le DFTCE afin d'éviter un échec devant le parlement [9]. Le parti écologiste, pour qui cet arrêté illustre le manque de volonté politique du gouvernement dans la résolution des problèmes énergétiques, se range malgré tout parmi ses partisans. Il en va de même de la Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie qui, bien qu'au départ hostile, l'admet en insistant sur le maintien des compétences cantonales. Si les associations en faveur de la protection de l'environnement le veulent beaucoup plus sévère, contenant, outre des principes tarifaires contraignants, des normes de qualité et des mesures en faveur des énergies renouvelables, elles ne peuvent cependant le renier. Seuls les démocrates-chrétiens lui sont franchement favorables car il traduit, selon eux, un début de consensus en la matière. Par contre, le parti radical, hostile, le rejette car il craint ses répercussions sur les discussions concernant l'article constitutionnel et conteste la priorité donnée à l'électricité. Pour l'UDC, ce texte est simplement inutile. Du côté des organisations de l'économie énergétique, on est opposé à toute intervention de la Confédération dans le secteur des prix. Cependant, cet arrêté aurait pour le moins le mérite d'étendre à l'ensemble du pays des mesures ayant fait leurs preuves dans certains cantons [10].
La volonté de promouvoir des mesures d'économie d'énergie s'est également concrétisée dans la campagne de publicité "Bravo". Lancée par le Conseil fédéral, elle a pour but de sensibiliser la population aux économies d'énergie et d'inciter chacun à modifier en conséquence son comportement quotidien. Composée de réclames télévisées et d'insertions dans les journaux, elle se déroulera d'octobre à mars durant trois ans; son coût est estimé à 1,7 millions de francs. En 1988, elle s'est adressée plus particulièrement aux ménages afin de permettre l'optimalisation de leur consommation énergétique sans pour autant porter atteinte au confort. Par la suite, elle visera, sous le nom de "Bravo +", les entreprises [11].
Peu de temps auparavant, l'Union des centrales suisses d'électricité avait initié sa propre campagne de promotion, budgétisée à 4 millions de francs et qualifiée de "dépassée" par L'Office fédéral de l'énergie [12]. Utilisant les mêmes moyens médiatiques que "Bravo", elle désirait amener les consommateurs à un comportement plus rationnel envers l'électricité [13].
top
 
print
Propositions parlementaires
Lors des sessions de printemps et d'été des Chambres fédérales, quelque 39 interventions touchant le domaine de l'énergie ont été présentées. Le gouvernement, plutôt que de répondre individuellement, a préféré présenter un rapport global, lui permettant également de cerner et définir ses grandes options énergétiques. Il y donne la priorité à l'article énergétique qu'il espère pouvoir soumettre au vote populaire en 1990. S'il accepte l'abandon de la construction de la centrale de Kaiseraugst, il désire néanmoins maintenir ouverte l'option nucléaire. Les économies d'énergie et la recherche constituent ses autres intérêts [14].
Le Conseil national a rejeté les demandes les plus extrêmes ayant trait aux économies d'énergie. Ainsi en va-t-il des motions des groupes AdI/PEP et socialiste, exigeant notamment des tarifs basés sur les coûts marginaux ainsi que l'interdiction des rabais de quantité et des contrats spéciaux [15]. Il a transmis, sous forme de postulat, la motion Jaeger (adi, SG) sollicitant des mesures fiscales de soutien à ces économies ainsi que celle du député Schmidhalter (pdc, VS) souhaitant un arrêté fédéral sur les économies d'énergie [16]. Si la chambre basse a rejeté les propositions de loi sur l'électricité du député Thür (Grünes Bündnis, AG) et du groupe socialiste, elle a par contre accepté la motion Oester (pep, ZH) concernant la promotion de grandes installations de chauffage au bois déchiqueté [17]. Elle a également transmis sous forme de postulat le premier point de la motion Bundi (ps, GR) exigeant la formation d'experts en économies énergétiques ainsi que les motions Grendelmeier (adi, ZH) ayant trait à la généralisation des systernes de décompte individuel de chauffage et Salvioni (prd, TI) sur l'approvisionnement énergétique [18].
La motion Onken (ps, TG), proposant une loi sur les économies d'énergie, n'a pas passé le cap du Conseil des Etats [19]. Celui-ci a également refusé de limiter les importations de courant électrique même s'il envisage de prévenir une dépendance croissante de la Suisse face à l'étranger [20].
 
[1] Cf. Statistique suisse de l'électricité 1987, p. 2. et Statistique globale suisse de l'énergie 1987, p. 6.
[2] Accepté par 127 voix contre 42; BO CN, 1988, p. 1055 ss.; Suisse, 27.9.88.
[3] RFS, 38, 20.9.88; TA et NZZ, 27.9.88. Voir aussi APS 1987, p. 132 ss.
[4] Rapp. gest. 1988, p. 382; BO CN, 1988, p. 1141 ss.
[5] BO CN, 1988, p. 493 ss.; BO CE, 1988, p. 301 ss. Cf. supra, part. I, 5 (Einnahmenordnung).
[6] Tel que l'ont montré les débats ayant eu lieu dans le cadre de la discussion sur le programme de législature 1987—1991 et la procédure de consultation de l'article énergétique. Pour les résultats de cette procédure, cf. APS 1987, p. 133. Voir aussi FF, 1988, I, p. 297 ss.; RFS, 14, 5.4.88; SAZ, 20, 19.5.88; Documenta, 1988, no 1, p. 3 ss; JdG, 30.5.88.
[7] FF, 1989, I, p. 485 ss.
[8] BO CE, 1988, p. 687 ss.
[9] Signalons que l'USS est favorable à cet arrêté (SGB, 17, 19.5.88).
[10] Suisse, 15.11.88; JdG, LNN, et 24 Heures, 23.12.88.
[11] LNN, 28.7.88; JdG, Suisse, et LM, 25.10.88.
[12] SZ, 10.5.88.
[13] Lib., 3.3.88.
[14] BO CE, 1988, p. 687 ss.
[15] BO CN, 1988, p. 1 170 et 1230 (motion AdI/PEP); p. 1161 s. et 1228 (motion socialiste).
[16] BO CN, 1988, p. 431 s. (motion Jaeger); p. 1 163 et 1229 (motion Schmidhalter).
[17] BO CN, 1988, p. 1161 et 1228 (motion Thür); p. 1161 s. et 1228 (motion groupe socialiste); p. 1 171 ss. et 1230 (motion Oester).
[18] BO CN, 1988, p. 1 165 ss. et 1229 (motion Bundi); p. 1168 s. et 1229 (motion Grendelmeier); p. 1162 s. et 1229 (motion Salvioni).
[19] BO CE, 1988, p. 731.
[20] Motion Gadient (udc, GR): point 1 sur la prévention de la dépendance face à l'étranger transformé en postulat (cf. BO CE, 1988, p. 720 et 730 s). Motion Schoch (prd, AG): BO CE, 1988, p. 720 et 731.