Année politique Suisse 1988 : Sozialpolitik / Sozialversicherungen
Assurance-vieillesse et survivants
Après différents groupements politiques ou économiques, le Conseil fédéral a, à son tour, présenté des propositions relatives à la 10e révision de l'AVS et a chargé le DFI de préparer la rédaction du futur message s'y référant. A l'exception de l'âge donnant droit à la rente vieillesse, le programme élaboré par le. gouvernement prévoit une égalité parfaite entre hommes et femmes. En raison de la vive opposition qu'elle avait suscité lors de la présentation en 1986 du programme pour la 10e révision de l'AVS, le Conseil fédéral a abandonné l'idée d'un relèvement à 63 ans de l'âge de la retraite pour les femmes et l'a maintenu à 62 ans. Pas de changement non plus en ce qui concerne l'âge de la retraite pour les hommes, celui-ci reste toujours fixé à 65 ans. Toutefois, ceux qui le désirent pourront bénéficier d'une retraite anticipée dès l'âge de 62 ans avec en contrepartie une réduction de la rente de 6,8% par année d'anticipation. Quoiqu'il en soit, le problème de l'âge donnant droit à la rente demeure le plus épineux de cette 10e révision de l'AVS. Présenter un message qui suive la voie obligée du compromis et tienne compte à la fois des perspectives démographiques, des impératifs financiers et du principe de l'égalité entre les sexes, constituera à ne pas en douter une tâche plus que difficile pour le gouvernement.
Toujours dans le cadre de l'élaboration de la 10e révision de l'AVS, le Conseil fédéral a décidé de maintenir la rente couple et, par conséquent, a
refusé de passer à un système de rentes indépendantes de l'état civil. Dans ce modèle, appelé splitting, les revenus obtenus par les époux durant le mariage sont additionnés puis versés par moitié sur le compte de chaque conjoint. Pour justifier son choix, le gouvernement a estimé que le principe des rentes individuelles entraîne une détérioration de la situation pour toute une série de rentiers et ne correspond pas à la réalité sociale en Suisse. En effet, à ses yeux, la famille reste la cellule de base et seules 38% des femmes mariées exercent une activité professionnelle. Toutefois, il a apporté une modification au système de rente couple qui va permettre à la femme de bénéficier de son propre droit. Le montant total de la rente couple sera divisé en deux et payé séparément à chaque conjoint. Quant aux principales mesures de politique sociale, elles concernent l'extension du droit à l'allocation pour impotent, l'instauration d'une rente de veuf et l'introduction de bonifications pour les tâches éducatives afin compenser les pertes de revenu dues au temps consacré à l'éducation des enfants. La 10e révision de l’AVS telle qu'elle est proposée par le Conseil fédéral s'écarte du principe de la neutralité des coûts. Les 290 millions de francs de dépenses supplémentaires par année représentent 2% du budget total de l’AVS et seront financés par l'Etat ainsi que par une augmentation de l'impôt sur le tabac. Le Conseil fédéral a d'ores et déjà exclu toute augmentation des cotisations
[1].
Les propositions du gouvernement ont suscité
diverses critiques et réserves, émanant aussi bien de la droite et des milieux patronaux que de la gauche et des syndicats. Les premiers ont reproché au Conseil fédéral en particulier de n'avoir pas respecté le principe de la neutralité des coûts et ont regretté qu'en raison d'une évolution démographique caractérisée par un vieillissement de la population, il ait renoncé à relever l'âge de la retraite pour les femmes. Si les seconds se sont félicités de l'abandon d'un relèvement de l'âge de la retraite, ils ont cependant déploré que l'égalité entre les sexes n'ait pas été atteinte et que le modèle de rentes individuelles n'ait pas été retenu. Seuls les démocrates-chrétiens ont approuvé le projet
[2]. Quant aux organisations féminines, elles ont regretté que le Conseil fédéral ait renoncé à introduire des rentes indépendantes de l'état civil. Et d'une façon plus générale, elles ont trouvé les propositions du projet gouvernemental trop timorées
[3].
Pour le groupe de travail du
Parti radical, l'attention doit être portée en premier lieu sur le vieillissement démographique et ses retombées financières sur l'AVS. Dans ce contexte, il estime nécessaire de réaliser des économies et préconise par conséquent l'introduction générale de l'âge de la retraite à 65 ans dans les douze ans qui suivront l'entrée en vigueur de la loi. Mais il n'écarte pas la possibilité de toucher une rente dès 62 ans, moyennant une réduction des prestations de 6,8% par année. Le modèle radical, neutre du point de vue des coûts, prévoit également un système de rentes calculé indépendamment de l'état civil ainsi qu'un bonus pour les assurés à faible revenu et pour ceux qui doivent assumer des tâches éducatives ou ont des parents handicapés à charge
[4].
La
Commission fédérale pour les questions féminines est d'avis que la révision de I'AVS doit parvenir à concrétiser le principe constitutionnel de l'égalité des droits entre hommes et femmes ainsi que l'égalité de traitement entre les femmes. Dans son projet, neutre du point de vue financier, elle a affirmé sa volonté de supprimer toutes les inégalités, préjudiciables ou non à la femme. Elle se prononce en faveur des rentes individuelles et souhaite l'introduction d'un bonus dont l'effet consisterait à améliorer la rente vieillesse des assurés célibataires et divorcés qui ont accompli des tâches éducatives. A une faible majorité, elle a préconisé une augmentation de l'âge de la retraite pour les femmes assortie de la flexibilité dès 60 ans
[5].
Suivant les recommandations du Conseil fédéral et des Chambres, le peuple a rejeté l'initiative lancée par les Organisations progressistes (POCH) demandant qu'en l'espace de trois ans
l'âge ouvrant le droit à la rente AVS soit abaissé à 62 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes. Soutenue par le Parti du travail et le Parti socialiste ouvrier, l'initiative précisait en outre que cet âge pouvait être ultérieurement abaissé par voie législative, mais qu'il ne pouvait être relevé. En effet, les initiants proposaient que l'âge donnant droit aux rentes soit atteint en deux étapes. La première fixant la limite à 62 ans pour les hommes et 60 pour les femmes, la seconde devant établir l'égalité entre homme et femme. Au cours du débat qui a précédé le scrutin populaire, partisans et adversaires de l'abaissement de l'âge de la retraite ont tour à tour invoqué des motifs d'ordre démographique, financier, économique et social pour étayer leur argumentation
[6].
Les opposants ont estimé que les conséquences financières de cette requête populaire n'étaient supportables ni pour les salariés ni pour l'économie et pas davantage pour les pouvoirs publics. L'acceptation de cette initiative aurait entraîné, selon le Conseil fédéral, des dépenses supplémentaires de l'ordre de 2,1 milliards de francs par an. Comme les initiants excluaient toute possibilité d'abaisser le montant des rentes, il en aurait résulté, toujours selon les estimations du gouvernement, une augmentation des prélèvements sur les salaires de 1,55% ainsi qu'un accroissement de la charge de la Confédération et des cantons de 295 millions de francs. L'initiative aurait également eu des répercussions d'ordre financier sur d'autres branches de la sécurité sociale, notamment sur le régime des prestations complémentaires à l'AVS et sur la prévoyance professionnelle. A propos du financement, les initiants ont tenu à rappeler que les contributions de la Confédération avaient été réduites de 25 à 20% lors de la 9e révision de l'AVS et ont suggéré que l'accroissement de la charge des pouvoirs publics soit compensé par une diminution des dépenses militaires afin de n'entraîner aucune augmentation des cotisations salariales.
L'inexorable vieillissement de la population, conjugué à une espérance de vie en constante augmentation, a permis aux opposants de présenter l'initiative comme dangereuse pour le financement futur de l'AVS. En effet, l'évolution démographique de la Suisse entraîne une détérioration du rapport entre cotisants et rentiers. Une baisse de l'âge donnant droit à la rente constituerait à leurs yeux une mise en danger de la sécurité sociale. Autre argument brandi par les opposants, la menace que fait peser l'initiative sur la 10e révision de l'AVS.
L'aspect social et humain de l'âge de la retraite a également servi d'argument pour les partisans comme pour les adversaires de l'initiative. Pour les premiers cités, un abaissement de l'âge de la retraite permet une réelle amélioration de la qualité de la vie, répond à une nécessité sociale et s'appuie sur un réel désir de nombreux salariés. Quant aux seconds, ils ont souligné que, face à une espérance de vie toujours plus longue, de nombreux travailleurs redoutent un retrait prématuré de la vie professionnelle, signe pour eux d'une mise au ban de la société
[7].
Initiative visant à abaisser l'âge donnant droit à la rente AVS. Votation du 12 juin 1988
Participation: 42,0%
Non: 1 153 540 (64,9%) / 21 cantons
Oui: 624 390 (35,1%) / 2 cantons (TI, JU)
Mots d'ordre :
Non: PRD, PDC, UDC, PLS, AdI, PEP, PES, AN, PA; Vorort, UCAP, USAM, USP, Assoc. suisse des employés.
Oui: PSS, POCH, PST, Alliance verte; USS, CSCS, Confédération romande du travail.
L'analyse Vox réalisée à l'issue du scrutin a démontré que le souverain avait rejeté l'initiative en raison des risques financiers qu'elle aurait pu entraîner. Pour les opposants, la Suisse n'est pas assez riche pour supporter un accroissement du nombre des personnes jouissant des rentes AVS. Toujours selon cette analyse, le déséquilibre croissant entre le nombre de cotisants et celui des bénéficiaires des rentes a également constitué un motif de rejet. La minorité qui s'est dégagée des urnes et les motifs qui ont incité les votants à rejeter l'initiative, permettent cependant d'avancer l'hypothèse suivant laquelle un relèvement de l'âge de la retraite serait mal perçue par une large part de la population. Ce résultat peut conforter la position du Conseil fédéral qui, malgré les pressions des milieux économiques, a refusé de procéder à un relèvement de l'âge de la retraite pour les femmes dans son programme pour la 10' révision de l'AVS
[8].
Les Chambres fédérales ont adopté l'arrêté fédéral urgent concernant la
prolongation du délai pour l'octroi de subventions de construction prévu par la loi sur l'assurance-vieillesse et survivants. En conséquence, il sera encore possible d'allouer des subventions pour la construction, l'agrandissement et la rénovation d'établissements et autres installations pour personnes âgées sous réserve que le projet ait été déposé avant le lei janvier 1986 et que les travaux débutent au plus tard le 30 juin 1990. Cet arrêté fédéral fait suite à l'approbation par le parlement d'une motion Fischer (pdc, LU) exigeant une prorogation de deux ans du délai de l'octroi de subventions pour la construction de homes pour personnes âgées. En effet, dans le cadre du premier train de mesures en vue de la nouvelle répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, l'aide financière que l'AVS octroyait depuis 1975 avait été supprimée et deux délais avaient été fixés pour régler cette période transitoire, soit le ler janvier 1986 pour l'envoi des demandes et le 30 juin 1988 pour le début des travaux de construction
[9].
[1] Presse du 9.4.88. Cf. aussi L'Hebdo, 14.4.88. Interview Cotti: Ww, 14.4.88; Vat., 7.5.88. Sur l'égalité: BaZ, 7.4. et 27.4.88. Sur l'âge de la retraite pour les femmes: Ww, 31.3.88. Cf. aussi APS 1987, p. 197 s.
[2] Réactions: presse du 9.4.88. Positions patronales: SAZ, 21.4.88. Positions syndicales: USS, 13.4.88. Positions radicales: NZZ, 14.4.88; JdG, 23.4.88. Cf. aussi L'Hebdo, 2.6.88.
[3] Femmes Suisses, mai 1988, p. 5 s.
[5] Questions au féminin, 1988, no 1, p. 56 ss. ; L'Hebdo, 4.2.88; presse du 29.1.88.
[6] Résultat: FF, 1988, III, p. 446 ss. Cf. aussi presse du 13.6.88. Pour l'historique de l'initiative: APS 1987, p. 198. En 1978, le souverain avait déjà rejeté une initiative lancée par les POCH demandant un abaissement de l'âge de la retraite à 60 ans pour les hommes et 58 ans pour les femmes, APS 1978, p. 128 s.
[7] Généralités sur l'initiative: Bund, 16.5., 4.6. et 8.6.88; LNN, 7.5., 17.5. et 7.6.88; NZZ, 21.5.88; BZ, 31.5.88; TA, 28.5. et 4.6.88. Arguments des opposants: NZZ et SZ, 28.5.88; JdG, 6.4.88; Arguments des partisans: VO, 14.4. et 26.5.88; SZ, 27.5. et 3.6.88; JdG, 20.5.88. Position du Conseil fédéral et des Chambres fédérales cf. APS 1986, p. 162. Positions patronales: SAZ, 26.4. et 7.6.88. Positions syndicales: USS, 4.5. et 15.6.88.
[8] Vox, Analyse de la votation du 12 juin 1988, Genève 1989.
[9] FF, 1988, I, p. 754 ss. et 1373; BO CE, 1988, p. 1 ss., 104, 119 et 120; BO CN, 1988, p. 315, 379 et 473; RO, 1988, p. 556.
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