Année politique Suisse 1992 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
 
Organisations internationales
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ONU
L'ampleur des changements intervenus sur la scène internationale depuis 1986 ainsi que la contribution efficace des Nations Unies dans la résolution de certains conflits régionaux ont relancé l'idée d'une adhésion de la Suisse à l'ONU. Deux motions, du groupe socialiste et de l'écologiste R. Bär (BE), ainsi qu'un postulat du groupe AdI/PEP, qui demandaient au Conseil fédéral de relancer le processus d'adhésion à l'ONU avaient été déposés la fin de l'année 1990 suite à la participation de la Suisse aux sanctions économiques adoptées par l'ONU à l'encontre de l'Irak. Bien que reconnaissant le regain d'efficacité de l'organisation mondiale depuis la fin de la guerre froide, le chef du DFAE a estimé, en raison du programme de législature très chargé, qu'il était prématuré de relancer cette question pour le moment. Comme le proposait le Conseil fédéral et malgré les oppositions des démocrates suisses et des automobilistes, les trois textes ont été transmis comme postulat, mais seulement à une courte majorité. Dans le courant de l'été, le groupe socialiste a déposé une initiative parlementaire demandant l'adhésion de la Suisse à l'ONU [62].
Comme il l'avait annoncé dans le programme de législature 1992-1995, le Conseil fédéral a publié un projet de loi concernant les troupes suisses chargées d'opérations en faveur du maintien de la paix. Selon le gouvernement, la création d'un tel contingent répond à la volonté du parlement et du gouvernement d'intensifier la participation de la Suisse aux efforts de la communauté internationale pour le règlement pacifique des conflits. Placé sous la responsabilité conjointe du DMFet du DFAE, le contingent de casques bleus sera composé de 600 volontaires qui auront déjà effectué leur école de recrue. Le projet initial a subi plusieurs modifications lors de la procédure de consultation. Ainsi, les frais de financement ont été fortement réduits: la création du contingent ne coûtera plus que 76 millions de francs au lieu des 123 prévus et les frais annuels ont pu être ramenés de 110 à 79 millions, dont 10 à 20% seront remboursés par l'ONU. De surcroît, les casques bleus pourront être mis à la disposition de la CSCE. Seuls les démocrates suisses et la Ligue tessinoise se sont opposés au texte législatif lors de la procédure de consultation [63].
Conformément aux propositions contenues dans le rapport du groupe d'étude sur la neutralité, le Conseil fédéral a décidé de façon autonome d'appliquer les mesures d'embargo militaire et aérien décrétées par le Conseil de sécurité des Nations Unies à l'encontre de la Libye. Pour motiver cette décision, le gouvernement a fait valoir la solidarité vis-à-vis de la communauté internationale dans la lutte contre le terrorisme, ce principe primant sur le respect d'une stricte neutralité. Le Conseil de sécurité en est arrivé à prendre de telles sanctions suite aux refus des autorités libyennes d'extrader deux de leurs ressortissants suspectés d'être impliqués dans l'attentat terroriste contre un avion civil américain qui avait explosé au dessus de Lockerbie (GB) [64].
Le Conseil fédéral a condamné vigoureusement les agressions commises par des éléments serbes contre les populations de Bosnie-Herzegovine. Il s'est également rallié de manière autonome à l'embargo commercial, financier et aérien adopté par le Conseil de sécurité de l'ONU à l'égard de la Yougoslavie (Serbie et Monténégro). L'ordonnance édictée par le Conseil fédéral prévoyait toutefois une exception pour ce qui concerne l'aide humanitaire et le versement de prestations sociales aux personnes des régions concernées. Par la suite, les mesures de l'embargo ont été renforcées et le DFAE a sommé les organisations culturelles et sportives d'interrompre leurs contacts avec ce pays. A la fin du mois d'août, le Conseil fédéral a condamné une nouvelle fois les violations du droit humanitaire international dans l'ex-Yougoslavie et la pratique dite de l’«épuration ethnique» dans la république de Bosnie-Herzegovine [65].
Dans le cadre de la mission de l'ONU pour le maintien du cessez-le-feu en ex-Yougoslavie, plusieurs officiers helvétiques ont été dépêchés sur le terrain en même temps que d'autres observateurs internationaux. Cependant, le Conseil fédéral qui avait annoncé, suite à une demande de l'ONU, son intention d'envoyer une trentaine de policiers helvétiques a finalement renoncé à cette contribution en raison de leur manque de formation pour ce type d'activités et du nombre insuffisant de volontaires [66]. Au total, les moyens mis à disposition par la Confédération pour l'aide sur place se sont montés à 45 millions de francs. Le Conseil fédéral a également contribué financièrement à l'installation du secrétariat de la conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie qui s'est partiellement tenue à Genève [67].
A l'occasion de la journée mondiale des droits de l'homme, plusieurs organisations féminines ont organisé différentes manifestations pour dénoncer les violences dont étaient victimes les femmes et les enfants dans l'ex-Yougoslavie; près de 15 000 personnes ont défilé dans les rues à travers toute la Suisse. Dans sa déclaration sur la situation en ex-Yougoslavie et dans ses réponses à plusieurs interpellations urgentes, le président de la Confédération, au nom du Conseil fédéral, a dénoncé le non-respect des règles fondamentales du droit humanitaire et les horreurs perpétrées sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, tout particulièrement les crimes contre les femmes. Il a également attribué une large responsabilité de ces actes à la partie serbe. D'autre part, il a annoncé son intention de collaborer avec les Nations Unies en vue de créer une juridiction pénale internationale [68].
L'unité sanitaire suisse envoyée au Sahara occidental pour soutenir l'opération de l'ONU a vu son mandat prolongé pour la durée de l'année 1992 dans un premier temps, puis pour 1993. Le Conseil fédéral a décidé de réduire l'effectif des personnes engagées dans cette mission en raison du nombre peu élevé de casques bleus de l'ONU [69].
Pour la première fois, a eu lieu en Suisse un stage de formation de trois semaines pour les futurs observateurs militaires non-armés de l'ONU; parmi ceux-ci se trouvait une forte proportion de Suisses [70].
A leur demande, le Conseil fédéral a mis à la disposition des Nations Unies plusieurs experts affectés à des missions de détection et de destruction de sites chimiques et nucléaires irakiens [71].
Le Conseil fédéral a soutenu la candidature de Genève pour devenir le siège du secrétariat de la Conférence sur le désarmement chimique; cependant, le comité de la Conférence a exprimé sa préférence pour les villes de Vienne et de La Haye. A la suite de cet échec et en raison de la restructuration interne des Nations Unies, plusieurs observateurs se sont interrogés sur l'avenir du statut de ville internationale de Genève. La fin de la guerre froide, qui a diminué l'attrait du territoire helvétique pour l'implantation des organisations internationales, et les conditions financières offertes par Genève font craindre le départ de certains institutions spécialisées vers d'autres villes européennes [72].
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Institutions de Bretton Woods
En additionnant les signatures récoltées par la gauche (un peu plus de 50 000) et celles du comité de la droite isolationniste, les référendaires ont transmis aux autorités fédérales au total près 90 000 signatures valables. Suite à la très large acceptation de l'adhésion aux institutions de Bretton Woods par le parlement, le Conseil fédéral, tout particulièrement O. Stich, s'est engagé vigoureusement en faveur de l'adhésion de la Suisse [73].
Après une campagne référendaire animée, les citoyens suisses ont accepté par 55,8% des suffrages l'adhésion de la Suisse aux institutions de Bretton Woods. Soutenu par le Conseil fédéral et une large majorité de la classe politique, l'adhésion au FMI et à la Banque mondiale était combattue par deux courants politiques diamétralement opposés, à savoir, d'un côté, la gauche tiers-mondiste et une partie du PS et de l'autre côté, l'extrême droite et une partie de l'UDC.
Les partisans du oui ont surtout mis l'accent sur le fait que seule l'action des Etats dans un cadre multilatéral pouvait encore être capable d'apporter des solutions aux problèmes économiques, sociaux et écologiques qui ont atteint une dimension internationale. Dans ce contexte nouveau, l'adhésion de la Suisse constituerait un acte de solidarité vis-à-vis de la communauté internationale et mettrait fin à son isolement. Pour un pays aussi fortement dépendant de l'économie internationale que la Suisse, il serait dans son intérêt de participer aux plus importantes organisations internationales de coopération économique et monétaire et d'en influencer les orientations. Ces dernières années, les commandes adressées à l'industrie helvétique, dues à la Banque mondiale, se sont montées à 500 millions de francs par année; un tel recours aux entreprises suisses aurait pu être remis en cause en cas de victoire du non. De surcroît, en adhérant avant la fin de l'année 1992, la Suisse aurait eu de bonnes chances d'être admise au Conseil d'administration des deux institutions.
Les opposants écologistes et de gauche ont surtout mis l'accent sur les répercussions sociales et écologiques des programmes d'ajustement structurel imposés par le FMI dans les pays du Tiers-monde et sur le fait que la participation de la Suisse à cette institution ne modifierait pas son orientation. Pour les opposants de droite, c'est surtout le coût financier de l'adhésion qui a motivé leur rejet [74].
Selon l'analyse Vox, la confiance des votants envers le gouvernement a joué un rôle prépondérant dans leur choix sur un objet aussi complexe et mal connu. Malgré les nombreux objets soumis à votation le 17 mai, les personnes interrogées semblent avoir plutôt bien compris les enjeux. Les Suisses romands, les rentiers et les personnes disposant d'une formation supérieure se sont montrés les plus favorables à l'adhésion, alors que les agriculteurs et les ouvriers se sont révélés les plus réticents. Contrairement aux sympathisants du PDC et du PRD, qui ont suivi les mots d'ordre du parti national, ceux de l'UDC ont majoritairement rejetés le projet des autorités. Les votants écologistes et proches du PSS ont dans l'ensemble plutôt penché pour le oui. Un quart des opposants ont invoqué des raisons financières pour justifier leur non; un autre quart s'est prononcé négativement pour des motifs tiers-mondistes. Parmi les partisans, les arguments anti-isolationnistes ont été exprimés le plus souvent, notamment la possibilité pour la Suisse de co-décider au sein des organisations internationales [75].
Participation: 38,8%
Arrêté fédéral concernant l'adhésion:
Oui: 923 685 (55,8%)
Non: 730 553 (44,2%)
Loi fédérale sur la participation:
Oui: 929 929 (56,4%)
Non: 718 254 (43,6%)
Mots d'ordre:
Oui: PRD (1*), PDC, UDC (6*), PL, AdI, PEP; Vorort.
Non: PES (4*), PdT, DS, PA; USAM, ASIN.
Liberté de vote: PS (7*); USS.
* Recommandations différentes des partis cantonaux.
Dès le résultat de la votation connu, le Conseil fédéral et la diplomatie helvétique ont mené des tractations serrées pour tenter d'obtenir un siège au Conseil d'administration du FMI et de la Banque mondiale. Bien que, depuis plusieurs mois, la création d'un 23e siège était prévue, son obtention par la Suisse devenait très compromise en raison de la candidature récente de la Russie. Durant les mois précédant l'assemblée annuelle du FMI de septembre où devaient avoir lieu certains remaniements en raison de nombreuses adhésions, les diplomates suisses ont multiplié les contacts avec les représentants de différents pays membres afin d'obtenir leur soutien ou d'accepter de participer au groupe de pays dont la Suisse deviendrait le chef de file [76]. La Turquie et l'Afrique du Sud ont ainsi été approchées, mais sans succès [77]. Par contre, plusieurs autres pays (Pologne, Azerbaïdjan, Tadjikistan, Ouzbékistan, Turkménistan et Kirghizie) ont accepté de se joindre à la Suisse en échange du financement d'une partie des frais d'adhésion [78]. Ces intenses efforts diplomatiques ont porté leurs fruits puisque le groupe de pays emmené par la Suisse s'est vu attribué par le Conseil des gouverneurs du FMI un 24e siège dans les organes exécutifs des deux principales institutions de Bretton Woods. Le groupe dirigé par la Suisse rassemble 2,77% du total des voix du Conseil d'administration du FMI, ce qui le met au 18e rang des 24 groupes de pays; à la Banque mondiale, le groupe dirigé par la Suisse représente 2,74% des voix [79].
Le choix du représentant suisse au Conseil des gouverneurs du FMI a donné lieu à plusieurs hésitations, la BNS et le DFF convoitant ce siège. Le Conseil fédéral a finalement désigné M. Lusser, président de la Banque nationale, au détriment d'O. Stich, chef du DFF, qui s'était également porté candidat. Ce choix a été critiqué par la gauche qui y a vu l'expression de la priorité accordée aux problèmes monétaires sur la politique d'aide au développement. Le siège au Conseil des gouverneurs de la Banque mondiale est revenu à J.P. Delamuraz, ce qui ne fut contesté par personne [80].
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GATT
Au début de l'année, les participants au huitième cycle des négociations multilatérales (dites de l'Uruguay Round) ont accepté comme base de discussion le projet d'acte final présenté par la direction général du GATT en décembre 1991. A cette occasion, il a été procédé à une modification des structures de négociation; le nombre de thèmes à débattre a ainsi été réduit à quatre. Le Conseil fédéral a fait savoir que le texte de compromis comportait selon lui de graves lacunes et des propositions excessives dans le domaine agricole.
Dans le courant de l'année, une cinquantaine des 108 Etats concernés, dont la Suisse, ont déposé leurs offres de négociation. Le volet agricole a représenté le principal point d'achoppement à la conclusion d'un accord. En 1992, les divergences entre les Etats-Unis et la CE sur ce dossier, en particulier sur la question des oléagineux, ont paralysé les négociations; certaines tensions sont apparues parmi les Etats membres de la CE, notamment entre la France, qui adopté une position ferme, et la Grande-Bretagne. A la fin de l'année, il semblait que les grandes lignes des désaccords entre les Etats-unis et la CE avaient pu être surmontées [81].
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CICR
Afin d'atténuer les difficultés financières du CICR, le parlement a accordé, non sans réticences de la part de certains députés bourgeois, une subvention de 2,2 millions de francs en faveur du musée international de la Croix-rouge et du Croissant-rouge à Genève pour les années 1992 et 1993. Ce geste de la Confédération devrait être complété par une aide financière du canton de Genève [82].
L'augmentation ces dernières années des opérations sur le terrain, combinée avec une diminution des recettes de financement, a eu pour effet d'accroître considérablement le déficit du CICR, lequel s'est monté à 70 millions de francs environ à la fin de l'année 1992. Cette situation financière risque de remettre en cause l'engagement de l'organisation dans certaines régions de la planète. Le président du CICR, Cornelio Sommaruga, a rendu visite au chef du DFAE pour, entre autres, lui faire part de ces problèmes et demander une augmentation des contributions de la Confédération [83].
 
[62] BO CN, 1992, p. 258 ss.; Délib. Ass. féd., 1992, IV/V, p. 31; Ww, 13.2.92; NQ, 26.2.02; cf. APS 1990, p. 69.
[63] FF, 1992, V, p. 1077 ss.; presse des 26.3. et 25.8.92; NZZ, 28.3.92; NQ, 22.5.92; APS 1991, p. 81.
[64] RO, 1992, p. 958 ss.; JdG, 15.4.92; presse du 16.4.92.
[65] RO, 1992, p. 1203 ss.; presse des 2.6., 4.6., 25.6. et 20.8.92; NZZ, 1.12.92.
[66] JdG et NZZ, 15.1.92; NQ, 15.2.92. Envoi de policiers: presse du 22.2.92; Suisse, 23.3.92; TA, 14.4.92.
[67] Rapp. gest. 1992, (1e partie) p. 54; presse du 29.9.92.
[68] BO CN, 1992, p. 2698 ss. et 2814 (déclaration du CF); presse des 10.12. et 11.12.92.
[69] NZZ, 16.1.92; NQ, 29.1.92; JdG, 2.3.92; Bund, 14.11.92; voir aussi BO CN, 1992, p. 2200 s.
[70] Presse du 14.5.92.
[71] Presse du 17.6.92.
[72] Presse des 27.3. et 17.6.92; JdG, 8.4.92; NQ, 15.10.92; au sujet de la candidature de Genève pour le secrétariat chargé du suivi de la conférence de Rio, voir infra, part. I, 6d (Politique de protection de l'environnement).
[73] FF, 1992, I, p. 1266 ss.; presse des 11.1. et 25.3.92; APS 1991, p. 82 ss.
[74] Presse des mois d'avril et mai 1992; cf. aussi APS 1991, p. 82 ss. pour une présentation plus complète des arguments des partisans et adveraires de l'adhésion.
[75] FF, 1992, V, p. 443 s.; presse du 18.5.92; Vox, Analyse des votations fédérales du 17 mai 1992, Berne 1992.
[76] Hormis pour les grandes puissances économiques, la participation au Conseil d'administration se fait par groupe de pays.
[77] Sur les négociations avec l'Afrique du Sud: NQ, 23.9. et 24.9.92.
[78] Le DFF a précisé que ce montant ne dépasserait pas 2 millions de francs et serait prélevé sur l'aide en faveur de l'Europe centrale et orientale (presse du début du mois d'août et 12.8.92).
[79] Presse des 19.5.. 25.8., 23.9., 24.9. et 25.9.92; NQ 14.6. et 5.9.92; BaZ, 11.7.92; FF, 1993, I, p. 365 ss.
[80] Presse du 3.6.92; Suisse 1.9.92.
[81] FF, 1993, I, p. 348 ss.; presse des 11.1., 14.1., 16.1. (reprise des négociations et prise de position du CF) et 2.4.92 (offre suisse); NZZ et JdG, 21.11.92; voir aussi infra, part. I, 4c (Politique agricole).
[82] FF, 1992, II, p. 621 ss. ; BO CE, 1992, p. 417 ss.; BO CN, 1992, p. 1149 ss.
[83] Presse des 3.4. et 1.5.92.