Année politique Suisse 1992 : Infrastruktur und Lebensraum / Erhaltung der Umwelt
Protection des eaux
Le souverain a eu la tâche de se déterminer, le 17 mai, sur deux textes relatifs à la protection des eaux, soit une initiative populaire «pour la sauvegarde de nos eaux» et un contre-projet indirect consistant en une révision de la loi de 1971 sur la protection des eaux. L'
initiative, déposée en 1984 par des organisations de pêcheurs et de protection de l'environnement, prescrivait notamment une
protection quasi-totale des eaux encore à l'état naturel ou proche de cet état. Elle prévoyait de limiter drastiquement toute atteinte aux. eaux et d'assainir les cours d'eau modifiés par l'homme. Lorsqu'un cours d'eau aurait été utilisé à des fins énergétiques, l'initiative stipulait que des débits minimaux suffisants pour la biocénose locale devaient être garantis. En outre, elle prévoyait la création d'un fonds d'indemnisation lorsque des droits acquis étaient touchés et octroyait la qualité de partie à des procédures aux organisations de pêche et de protection de la nature. Quand à la
loi, elle allait dans le sens des initiants en
prescrivant des débits minimaux plus sévères que précédemment et en instaurant un fonds d'indemnisation sur un mode quelque peu différent. De plus, elle limitait l'épandage d'engrais de ferme. Le processus parlementaire dura plus de deux ans, la procédure d'élimination des divergences nécessitant de nombreuses navettes entre les Chambres. En 1991, tandis qúe les propriétaires de petites centrales hydro-électriques lançaient un référendum contre la loi, les initiants, la considérant comme insuffisante, décidaient de maintenir leur texte
[40].
Prenant le contre-pied d'une
campagne quelque peu manichéenne, le souverain a suivi la position des autorités fédérales en rejetant l'initiative par deux tiers des votants (et tous les cantons) et en acceptant la loi révisée, dans les mêmes proportions. Cette dernière était cependant largement rejetée dans la plupart des cantons alpins, en tête desquels se trouvait le Valais (77%). A l'autre extrême, les citoyens de Bâle-Ville, de Genève et de Berne l'approuvaient avec des majorités allant de 73% à plus de 80%
[41].
Révision de la loi sur la protection de eaux. Votation du 17 mai 1992
Participation: 39,2%
Oui: 1 151 706 (66%)
Non: 591 240 (34%)
Mots d'ordre:
Oui: PDC (10*), PS, UDC (8*), AdI, PEP (1*), PE, DS, PdT; USS, CSCS, USP, organisations de protection de l'environnement et de la nature, Fédération suisse de pêche et de pisciculture.
Non: PRD (7*), PL (1*), PA; Vorort, USAM, Conférence gouvernementale des cantons alpins, organisations de producteurs d'électricité, en particulier les propriétaires de petites centrales hydro-électriques.
*Recommandations différentes des partis cantonaux
L'essentiel du débat a tourné autour de la
problématique des débits minimaux et, plus loin, de l'approvisionnement énergétique de la Suisse. La protection qualitative des eaux prévue par la loi ou l'initiative fut largement occultée. D'autre part, la position médiane, défendue par le gouvernement, le parlement, le PDC et l'UDC, consistant à prôner l'adoption de la loi, considérée comme souhaitable et économiquement supportable, mais à rejeter l'initiative, jugée excessive, n'occupa qu'une place très marginale durant la campagne. On assista plutôt à l'affrontement de deux blocs défendant le double oui pour l'un et le double non pour l'autre
[42].
Les
défenseurs de la révision légale ont souligné que la loi instaurait des débits minimaux permettant l'existence d'une certaine vie aquatique. Ils précisèrent toutefois que les délais prévus pour la mise en oeuvre de ces prescriptions étaient suffisants pour permettre à l'économie énergétique de s'adapter et même de renforcer son efficacité. Ils ont également mis l'accent sur l'étendue de l'action de cette loi; elle permet également d'améliorer la protection des eaux dans le domaine agricole en limitant l'épandage des engrais de ferme, de favoriser le cycle naturel de l'eau et l'assainissement des lacs pollués, d'empêcher la surexploitation des nappes souterraines et de réglementer la manipulation des substances polluantes. L'initiative, d'un champ d'application moins large mais aux normes plus exigeantes, a été présentée comme susceptible de stopper la détérioration des cours d'eaux encore plus ou moins naturels et d'en réhabiliter d'autres. En prévoyant des débits résiduels plus élevés que la loi, elle aurait assuré une meilleure protection de la faune et de la flore aquatiques. D'autre part, elle aurait permis aux organisations de protection de la nature de s'opposer efficacement à de nouveaux projets de captage
[43].
Les
opposants à toute nouvelle réglementation en matière de protection des eaux ont axé leur argumentation essentiellement sur les problèmes d'approvisionnement énergétique. Selon eux, l'entrée en vigueur de la loi devrait se traduire par une diminution de la production d'électricité de 8 à 15%, et d'environ 25% avec l'initiative. Cela serait en totale contradiction avec le moratoire nucléaire ainsi qu'avec le programme Energie 2000 qui prévoit une augmentation de 5% de la production. Beaucoup de petites usines hydro-électriques seraient mises en danger; cela provoquerait de nombreuses pertes d'emploi, un affaiblissement de la production autonome de la Suisse et un renchérissement de l'énergie électrique. Cela serait en outre absurde dans la mesure où les petites centrales sont une source d'électricité bon marché, non dommageable pour l'environnement, utilisant une énergie renouvelable et constituant une activité essentielle pour les cantons alpins. Il a par ailleurs été souligné que ces deux textes restreignaient la souveraineté cantonale
[44].
Initiative «pour la sauvegarde de nos eaux». Votation du 17 mai 1992
Participation: 39,2%
Non: 1 093 987 (62,9%) / tous les cantons
Oui: 644 083 (37,1%)
Mots d'ordre:
Non: PRD, PDC, UDC, PL, PA; CSCS, Vorort, USAM, USP, Conférence gouvernementale des cantons alpins, organisations de producteurs d'électricité.
Oui: PS (3*), Adl (1 *), PEP (2*), PE, DS, PdT; organisations de protection de l'environnement et de la nature, Fédération suisse de pêche et de pisciculture.
Liberté de vote: USS.
* Recommandations différentes des partis cantonaux
La
campagne vit se dérouler d'importantes batailles de chiffres, souvent contradictoires, sur les conséquences de ces textes sur l'avenir énergétique de la Suisse. Les opposants furent emmenés par l'industrie hydro-électrique qui investit de gros moyens; sa présence dans les médias fut d'ailleurs dominante. L'analyse Vox de ce scrutin montre que les jeunes, les sympathisants de la gauche ou des écologistes et les habitants des villes ont acceptée la loi au-delà de la moyenne tandis que les personnes âgées, les ouvriers et les sympathisants de droite eurent tendance à s'y opposer. Pour l'initiative, les clivages furent identiques. Il faut y ajouter un fossé Alémaniques-Romands, ces derniers étant les plus négatifs sur cet objet, conformément à ce qui a toujours été observé lors de scrutins touchant à la protection de l'environnement. Par ailleurs, les femmes furent significativement plus nombreuses à accepter l'initiative que les hommes
[45].
Le Conseil fédéral a présenté son message concernant le
protocole additionnel à la Convention relative à la protection du Rhin contre la pollution par les chlorures, ceci afin d'assurer l'approvisionnement en eau potable, notamment aux Pays-Bas. Ce texte entend abaisser la teneur en sel du fleuve en agissant sur les déversements opérés par les mines de potasse d'Alsace, seul endroit ou les chlorures se présentent sous forme solide. Les mines doivent moduler leurs déversements en fonction du niveau d'eau afin que la concentration de chlorures ne dépasse pas 200 milligrammes par litre à la frontière germano-néerlandaise. La Suisse participera à cette action pour une somme de 4,5 millions de francs. Le parlement a adopté à l'unanimité ce protocole
[46].
Par ailleurs, le Conseil fédéral a signé la
Convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux. Ce texte, élaboré dans le cadre de la Commission de l'ONU pour l'Europe, doit permettre d'éviter des dommages graves causés aux eaux de surface ou souterraines et d'assurer une utilisation écologique de ces dernières
[47].
En début d'année, à Dublin, une réunion internationale sur l'eau et l'environnement, organisée par une vingtaine d'agences des Nations Unies, a réuni plus de 500 spécialistes en provenance d'une centaine de pays. Le but principal de cette conférence était de formuler des recommandations en vue du sommet de la terre de Rio et destinées à figurer dans l'Agenda 21
[48]. Partant de la constatation que les besoins en eau douce ne font que croître depuis le début du siècle et que cette tendance n'est pas près de s'atténuer, les deux enjeux majeurs de ces débats furent la gestion internationale des ressources aquatiques (en particulier le problème des sources partagées par plusieurs Etats et souvent causes de conflits) et la définition d'un prix de l'eau (reflétant sa valeur de bien naturel disponible en quantité limitée)
[49].
[40] Voir APS 1983, p. 129, 1984, p. 123, 1985, p. 129, 1986, p. 143 s., 1987, p. 172 s., 1988, p. 177 s., 1989, p. 176 s., 1990, p. 190 s. et 1991, p. 195.
[41] FF, 1992, II, p. 704 s.; presse du 18.5 et 19.5.92. La loi est entrée en vigueur le ler novembre: presse du 6.10.92.
[42] Presse des mois de mars, avril et mai 1992.
[43] Presse des mois de mars, avril et mai 1992.
[44] Presse des mois de mars, avril et mai 1992.
[45] Vox,.Analyse des votations fédérales du 17 mai 1992, Zurich 1992: BZ, 28.7.92; BüZ, 30.12.92.
[46] FF, 1992, II, p. 633 ss.; BO CE, 1992, p. 329; BO CN, 1992, p. 2728 ss.; BaZ, 23.1. et 3.6.92. Voir aussi APS 1939, p. 178 et 1991, p. 195.
[47] Presse du 3.3.92; NZZ, 19.3.92.
[48] Cf. supra, Politique de protection de l'environnement.
[49] SGT, 27.1 et 28.1.92; JdG, 28.1 et 1.2.92; NZZ, 1.2.92. Voir aussi L'Hebdo, 4.6.92.
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