Année politique Suisse 1992 : Bildung, Kultur und Medien / Bildung und Forschung
Hautes écoles
Le
nombre d'étudiants inscrits dans les hautes écoles a globalement augmenté de 4% au début de l'année académique 1991/92, ce qui représente la plus forte progression depuis 10 ans. Celle-ci a été particulièrement importante pour les femmes ainsi qu'en Suisse romande, à Bâle et à Saint-Gall. L'effectif total s'est élevé à environ 89 000 étudiants et devrait passer le cap des 100 000 en l'an 2000. Selon l'Office fédéral de la statistique, la détérioration de la situation économique a incité de plus en plus de jeunes bacheliers à s'inscrire dans les hautes écoles directement après avoir obtenu leur maturité, sans interrompre leurs études pendant une année pour voyager ou gagner de l'argent; ce type de comportement expliquerait pour une bonne part la forte progression du nombre d'étudiants. Cette évolution a pour effet d'accentuer la dégradation des conditions d'encadrement; durant les années 80, le nombre d'étudiants a augmenté de 40% alors que celui des professeurs ne progressait que de 10%. En 1992, on ne comptait plus qu'un professeur pour 40 étudiants avec d'importantes variations selon les disciplines: 1 pour 20 dans les sciences exactes et en théologie, mais seulement 1 pour 70 en sciences sociales
[15].
Constatant le dépassement de la
capacité d'accueil dans les facultés de médecine, la Conférence universitaire suisse (CUS) a recommandé aux cantons universitaires de se doter des bases légales leur permettant de limiter l'accès à ce type d'études. L'éventualité d'une participation à l'EEE, dont la plupart des pays connaissent déjà de fortes restrictions à l'inscription aux facultés de médecine, a également constitué un argument en faveur de l'instauration de conditions plus sévères afin d'éviter tout risque d'afflux d'étudiants étrangers. Face au nombre croissant d'étudiants et à la réduction des dépenses fédérales et cantonales en faveur des universités, la Fédération des médecins suisses (FMH) a également déclaré qu'elle était favorable à l'introduction d'un numerus clausus afin de maintenir la qualité des études et de ne pas aboutir à une pléthore de médecins
[16].
A l'occasion de la rentrée universitaire, l'Union nationale des étudiants de Suisse (UNES) s'est fermement opposée aux propositions d'introduire des
numerus clausus dans les universités. Selon elle, la sélection ne doit en aucun cas se faire avant l'admission, mais durant les études académiques. Pour répondre au problème de la forte progression des effectifs, l'association faîtière préconise entre autres de revaloriser des alternatives crédibles à la formation universitaire, comme la création d'écoles professionnelles supérieures. Une journée d'action contre le numerus clausus a été organisée à l'appel l'UNES et plusieurs actions de protestation, menées par les organisations étudiantes fédérées, ont eu lieu dans les universités suisses
[17].
Les
mesures d'assainissement des finances fédérales prévues par le Conseil fédéral ont soulevé les protestations des milieux responsables de la formation et de la recherche universitaire. Réunis sous un même front, la CUS, la CDIP, le FNRS et la Conférence des recteurs des universités suisses (CRUS) ont demandé que le crédit en faveur des universités pour la période 1992-95, adopté en 1991, soit maintenu. Selon elles, contrairement au chiffre de 5% avancé par les autorités fédérales, les subventions de base pour les universités seraient en réalité amputées de 12,35%, si l'on tenait compte d'autres restrictions déjà réalisées. De plus, les réductions les plus massives concernent des domaines de première importance, comme la relève universitaire (-55%), la mobilité des étudiants (–33%) ou les programmes de recherche prioritaire (l'informatique et la biotechnologie entre autres). Les représentants des milieux universitaires ont surtout souligné les répercussions négatives à long terme de ces mesures, notamment sur la qualité de la formation, l'accroissement du nombre d'étudiants risquant encore d'amplifier les difficultés. La linéarité des coupes budgétaires a également été montrée du doigt
[18].
Pour faire face aux difficultés budgétaires, le chef du Groupement de la recherche et de la science (GRS), H. Ursprung, s'est exprimé à plusieurs occasions en faveur d'une meilleure coordination des universités, notamment romandes, afin d'éviter le dédoublement des formations académiques similaires. Pour y parvenir, H. Ursprung préconise une spécialisation accrue de chaque université et la création, sur le modèle du Conseil des EPF, d'une instance supracantonale qui disposerait de compétences pour définir certaines orientations des universités. Les autorités académiques romandes ont réagi avec scepticisme aux propositions du chef du GRS, mais se sont déclarées prêtes à intensifier leur collaboration
[19].
A l'initiative des autorités de l'EPFL et de l'université de Genève, la première tentative d'envergure d'une meilleure
collaboration inter-universitaire a vu le jour avec le projet d'introduire une formation commune en architecture entre I'EPFL et l'école d'architecture de l'université de Genève (EAUG). Les deux premières années de formation devraient se dérouler à Lausanne alors que les enseignements des années suivantes auraient lieu dans les deux villes. Il était ainsi prévu d'aboutir à un plan d'études commun, avec un diplôme unique pour l'année académique 1993/94. Cependant, au mois de décembre, F. Cotti a fait savoir au chef de l'instruction publique genevoise qu'en raison des difficultés financières du canton de Genève, il était favorable à ce que I'EPFL prenne en charge la totalité de la formation en architecture, ce qui signifierait la fermeture de I'EAUG et le licenciement d'un certain nombre de professeurs. La lettre du chef du DFI a provoqué la réprobation des responsables académiques et politiques genevois qui ont jugé sa proposition inacceptable
[20].
Dans les cantons universitaires qui connaissent d'importants déficits budgétaires — particulièrement en Suisse romande —, les dépenses destinées aux universités ont été touchées par les mesures d'austérité prises par les autorités politiques. Les responsables académiques ont ainsi été contraints à redéfinir certaines priorités et à prendre différentes mesures telles que la stabilisation de certaines dépenses, la majoration des frais d'inscription ou encore la suppression de postes. La situation s'est avérée particulièrement difficile dans les cantons de Berne et de Genève. Ces mesures ont donné lieu à différentes protestations de la part des milieux étudiants et du corps intermédiaire
[21].
Le programme d'échange universitaire
ERASMUS de la CE, auquel peuvent participer les étudiants des pays de I'AELE depuis le mois d'octobre 1992, a connu un intérêt inégal auprès des universités helvétiques. Les hautes écoles romandes ont ainsi fait preuve d'un dynamisme remarquable dans la conclusion de programmes inter-universitaires de coopération (PIC) avec des universités européennes; en comparaison, les hautes écoles alémaniques se sont montrées beaucoup moins entreprenantes dans la réalisation de tels accords
[22].
En dépit des oppositions de certains députés de droite, le Conseil national a transmis le postulat Cotti (pdc, TI) qui invite le Conseil fédéral à examiner la possibilité de
créer un institut suisse d'études européennes où l'on pourrait étudier le droit européen, et qui pourrait servir de centre de documentation et de recherche dans ce domaine
[23]. Le Groupement de la science et de la recherche (GSR) a annoncé qu'un groupe de travail avait déjà été mandaté avant l'adoption du postulat Cotti pour étudier différentes questions relatives à la création d'un tel institut, notamment son emplacement et son financement. Après que celui-ci eut remis son rapport au chef du DFI, certaines craintes ont été exprimées quant au financement en raison des déficits budgétaires de la Confédération; selon le groupe de travail, 30 à 60 millions de francs, répartis sur 6 ans, seraient nécessaires. La plupart des universités, ainsi que certains instituts universitaires, ont déjà annoncé leur intérêt pour accueillir le «centre d'excellence» projeté par le GSR
[24].
[15] Presse des 4.4 et 18.9.92; JdG, 14.11.92 (étude comparative sur les conditions d'encadrement).
[16] Presse des 15.5 (FMMH) et 1.7.92; Suisse, 4.9.92; NZZ, 20.1 1.92. Diverses mesures visant à limiter l'accès aux universités sont envisagées par la plupart des cantons universitaires; certains d'entre eux (FR, BS, VD, GE) diposent déjà de bases légales pour édicter de telles dispositions: JdG, 5.12.92; LNN, 28.1 1.92; BaZ, 16.12.92; BZ, 1.7 et 16.10.92 (BE); 24 Heures, 7.2 et 20.10.92; JdG, 19.8.92 (VD); Suisse, 3.11.92 (FR); NZZ, 19.11.92 (ZH). Le Conseil des écoles polytechniques fédérales s'est prononcé contre l'introduction d'un numerus clausus dans les EPF: presse du 13.11.92.
[17] Presse du 16. 10 et 18. 11.92 (journée d'action). Dans le canton de Berne, les propositions de révision de la loi sur l'université qui prévoient l'inscription de bases légales pour l'introduction d'un numerus clausus ont suscité de vives protestations de la part des associations étudiantes (BZ et Bund, 11.1 et 17.7.92: Bund, 16.10.92.).
[18] Presse du 10.4.92; DP, 27.8.92; NQ, 22.9.92. Au sujet des réductions concernant les programmes prioritaires, cf. infra, Recherche.
[19] L'Hebdo, 16.4.92 (interview d'H. Ursprung); JdG, 4.6.92; DP, 12.11.92; NQ, 22.10, 17.12 et 18.12.92.
[20] Presse du 9.5.92; NQ, 6.12.92.
[21] GE: JdG, 13.10 et 1.12.92. BE: Bund, 1.7 et 4.12.92. NE: JdG. 14.2.92; Express, 5.3 et 9.11.92. VD: JdG, 14.5.92. BS: BaZ, 14.1, 4.3 et 12.12.92.
[23] BO CN, 1990, p. 1911 s.; BO CN, 1992, p. 271 ss.; JdG, 4.3.92.
[24] Presse du 27.3.92; NQ, 7.3 et 21.8.92; SGT, 11.7.92; JdG, 5.6.92. BE: BZ, 21.5 et 23.5.92. BS: BaZ, 9.4.92. SG: Ba:, 11.7.92. GE: presse du 29.4.92; JdG, 19.9.92. FR: Lib., 5.6.92. ZH: presse du 3.6.92 (création d'un institut de l'Europe).
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