Année politique Suisse 1996 : Wirtschaft / Landwirtschaft
Production végétale
Au mois de mars, le peuple et les cantons étaient appelés à se prononcer sur une
mesure d'assainissement des finances fédérales impliquant une modification de la Constitution. Il était en effet proposé aux citoyens d'abroger l'obligation pour la Confédération de racheter les appareils à distiller ainsi que de prendre en charge l'eau-de-vie fabriquée dans le pays. Cette modification constitutionnelle était censée permettre une économie annuelle de 3,5 millions de francs. Au terme d'une campagne quasi inexistante,
le souverain a très largement accepté cette mesure par 80,8% de oui et à l'unanimité des cantons. Parmi ces derniers, les cantons de Schwytz, Valais et Uri ont été - même si de manière très relative - les plus réticents à adopter cette modification
[34].
Arrêté fédéral concernant l'abrogation de l'obligation de rachat des appareils à distiller et de la prise en charge de l'eau-de-vie
Votation du 10 mars 1996
Participation: 30,9%
Oui: 1 090 783 (80,8%)
Non: 259 215 (19,2%)
Mots d'ordre:
- Oui: PS, PRD, PDC, UDC, PE, PL, PEP, AdI, PdL, DS, PdT; Vorort, USAM, USS.
- Non: -
La
campagne précédant le vote fut caractérisée par une absence de débat, la totalité des acteurs politiques et économiques approuvant la modification constitutionnelle. Un argument souvent entendu lors de la campagne mettait en évidence que ces obligations de rachat n'étaient plus nécessaires du point de vue de la santé publique, le nombre d'appareils à distiller et la quantité consommée d'eau-de-vie ayant baissé considérablement
[35].
L'
analyse VOX a confirmé par ailleurs cette absence de débat contradictoire. En effet, du fait de l'inexistence d'une campagne d'information rejoignant leur point de vue, les électeurs opposés à cette mesure n'ont donné soit aucune explication à leur comportement de vote, soit ont avancé des justifications très peu explicites. Parmi les citoyens ayant approuvé la modification constitutionnelle, la principale motivation a résidé dans le caractère obsolète de l'obligation de rachat, les considérations d'ordre financier venant en seconde position
[36].
En début d'année, le Conseil fédéral a présenté son message concernant la révision partielle de la loi fédérale sur l'alcool. Le projet du gouvernement prévoit principalement une égalisation des taux d'imposition grevant actuellement de manière plus lourde les spiritueux étrangers. Rendue nécessaire par les accords du GATT ainsi que par le souci d'aboutir plus rapidement à un accord dans le cadre des négociations bilatérales avec l'UE, cette égalisation se fera par le biais d'une hausse du taux d'imposition pour les alcools helvétiques et d'une baisse pour ceux importés. Par égard pour les producteurs indigènes, l'introduction de ce taux unique se fera par étapes. Au terme de cette phase d'adaptation, celui-ci devra cependant avoisiner les taux en vigueur dans l'Union européenne. Le message du gouvernement propose également l'abolition de l'impôt sur l'alcool destiné à la fabrication de produits pharmaceutiques et cosmétiques. Cette mesure avait été réclamée par les milieux industriels eu égard au régime fiscal en vigueur au sein l'UE.
A part quelques changements de détails, le
Conseil des Etats a adopté
à l'unanimité
le projet du
Conseil fédéral. La
grande chambre a elle aussi salué
les
mesures proposées. Elle a néanmoins tenu à accorder un régime de faveur aux petits producteurs indigènes et étrangers (production non industrielle). Alors que le gouvernement prévoyait uniquement la possibilité d'octroyer un avantage fiscal à cette catégorie de producteurs, la majorité du Conseil national a opté, sur proposition de la commission de l'économie et des redevances, pour une formulation plus contraignante. Lors de la procédure d'élimination des divergences, la petite chambre s'est ralliée à l'opinion exprimée par le Conseil national
[38].
Le nouveau système de répartition du contingent tarifaire de vins blancs importés a conduit derechef à une situation chaotique suscitant un mécontentement quasi général. L'ordonnance de l'exécutif prévoyant que la distribution du contingent se fasse selon l'ordre d'arrivée des prétendants (principe du lévrier), les 150 000 hectolitres prévus ont été épuisés deux jours après l'entrée en vigueur du nouveau système du fait de l'achat par les plus gros importateurs d'énormes parts du contingent. Ces derniers avaient pu mettre en effet à disposition d'énormes moyens logistiques (camions) afin d'importer d'un seul coup de grandes quantités. A l'inverse, les petits importateurs furent quasiment privés, faute de moyens, de toute possibilité d'acheter leur part et durent de ce fait annuler de nombreux engagements tant auprès de leurs fournisseurs étrangers que de leur clientèle. Outre cette conséquence néfaste pour la grande majorité des importateurs, le principe du lévrier eut également comme résultat le fait que seul du vin blanc de faible qualité put être importé dans le cadre du contingent tarifaire, les vins de qualité moyenne ou supérieure n'étant disponibles que plus tard dans l'année.
Les réactions à cette situation ne manquèrent pas d'être vives. Accusant le chef de l'économie publique de vouloir, par sympathie personnelle, protéger la viticulture helvétique pour la plus grande partie romande, les négociants en vin ont exigé la
globalisation immédiate des contingents respectifs de vins blancs et de vins rouges. Les associations de défense du consommateur se sont pour leur part plaintes du renchérissement très conséquent des vins de qualité intermédiaire, soulignant que la taxe de 5,70 francs pour toute bouteille importée hors contingent signifiait une hausse de prix de 50% et plus. Face à ces critiques et conformément aux voeux exprimés tant par les milieux viticoles helvétiques que par la commission de l'économie et des redevances du Conseil national, J.-P. Delamuraz a accepté de réduire de moitié le montant des taxes concernant les vin blancs importés hors contingent. En revanche, il a refusé la proposition de regrouper avec effet immédiat les contingents de vins blancs et rouges, soulignant que le caractère abrupt d'une telle mesure - prévue de toute façon pour 2001 - pourrait être fatal à de nombreux vignerons helvétiques. Le chef de l'économie publique a également rejeté sur les gros importateurs les accusations dont il était l'objet: selon lui, les négociants avaient saboté tant le système introduit en 1996 que celui essayé en 1995, fâchés qu'ils étaient de la disparition des rentes de situation que leur garantissait l'ancien système des contingents individuels
[40].
Non content des propositions faites par le ministre de l'économie,
le Conseil national a profité du toilettage de l'arrêté sur la viticulture prévu dans le Paquet agricole 95 pour
y
inscrire des dispositions à même de remédier à la situation. La vice-présidente de la grande chambre s'étant quelque peu embrouillée dans une série de votes en cascade, les députés ont même adopté deux systèmes d'importation contradictoires. Le premier, proposé par le démocrate-chrétien Caccia (TI), prévoyait en effet de remplacer le mode de répartition selon le principe du lévrier par un système de mise aux enchères, tout en maintenant la séparation des contingents de vins blancs et de vins rouges. Le second, défendu par le radical Stucki (ZG), prônait au contraire l'introduction immédiate d'un contingent global unique pour les vins blancs et rouges avec le maintien en revanche du principe du lévrier
[41].
Devant le Conseil des Etats, ni l'un ni l'autre des deux systèmes d'importation ne furent retenus. Concernant la solution préconisée par le député Stucki, les sénateurs ont estimé que le passage immédiat à un contingent global aurait des conséquences fâcheuses pour la viticulture helvétique, cette dernière devant bénéficier d'un certain temps d'adaptation. Au sujet de la proposition du conseiller national Caccia, la majorité de la petite chambre a été convaincue par l'argumentation du chef du DFEP: tout en promettant que le mode actuel de répartition du contingent de vins blancs importés serait remplacé dès 1997 par un système basé sur la mise aux enchères, le ministre de l'économie a en effet insisté pour que cette question ne soit pas tranchée dans la loi, mais reste de la compétence de l'exécutif afin que ce dernier puisse jouir d'une marge de manoeuvre maximale. Lors de la procédure d'élimination des divergences,
la chambre du peuple s'est ralliée, devant la décision quasi unanime des sénateurs, à la position défendue par ces derniers
[42].
Conformément à ce qu'il avait annoncé, le gouvernement a opté en fin d'année pour un
système de répartition du contingent basé sur la mise aux enchères. A l'avenir, l'adjudication des parts du contingent tarifaire se fera sur la base des prix de mise: les premiers servis seront ceux qui auront fait les offres les plus élevées. Selon l'exécutif, ce système permettra de mettre sur un pied d'égalité grands et petits importateurs. Le Conseil fédéral a également souligné que la mise aux enchères devrait favoriser l'importation de vins de bonne qualité. En effet, dans la mesure où ce seront les mises les plus élevées qui seront retenues en premier, les distributeurs seront incités à importer des vins d'un certain prix. Le gouvernement a en outre relevé que chaque commerçant en vin pourra au maximum miser 10 000 hectolitres, ce afin d'éviter tout risque d'accaparement par quelques uns de l'ensemble du contingent. Les producteurs ainsi que les associations de défense du consommateur ont salué la solution adoptée. Les négociants de la branche ont en revanche dénoncé le fait que le nouveau système entraînerait vraisemblablement une hausse des prix du vin importé
[43].
Le parlement a adopté à la quasi-unanimité l'arrêté relatif à la
Convention sur le commerce des céréales de l'Accord international sur les céréales de 1995
[44].
[34]
FF, 1996, II, p. 1038 ss.; presse du 11.3.96. Voir aussi
APS 1995, p. 133.34
[35]
JdG, 23.1.96;
NQ, 19.2.96;
Lib., 27.2.96.35
[36] M. Delgrande / W. Linder,
Analyse des votations fédérales du 10 mars 1996. Vox no 58, Berne 1996.36
[38]
BO CE, 1996, p. 30 ss., 599 ss. et 855;
BO CN, 1996, p. 1147 ss., 1515 s. et 1927;
FF, 1996, IV, p. 866 ss.38
[40]
24 Heures, 28.2.96; presse des 29.2 et 5.3.96;
JdG et
NZZ, 1.3.96.40
[41]
BO CN, 1996, p. 475 ss.; presse du 21.3.96.41
[42]
BO CE, 1996, p. 422 ss. et 589;
BO CN, 1996, 1022 s. et 1280;
FF, 1996, III, p. 107 s.; presse des 14.6 (CE) et 19.6.96 (CN). Conformément à ce qu'il avait décidé dans le cadre du toilettage de l'arrêté sur la viticulture, le CN a par ailleurs rejeté une motion Baumann (pe, BE) exigeant la globalisation des contingents de vins blancs et rouges dès l'an 2000:
BO CN, 1996, p. 1636 ss.42
[43] Presse du 21.11.96.43
[44]
BO CE, 1996, p. 2 s.;
BO CN, 1996, p. 154 ss. Voir
APS 1995, p. 135.
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