Année politique Suisse 1996 : Wirtschaft / Landwirtschaft
Produits alimentaires
Dans le cadre du Paquet agricole 95, le Conseil national avait à se prononcer sur le
complément à la loi sur l'agriculture devant permettre à l'exécutif d'édicter des prescriptions en matière de dénomination des produits agricoles. La disposition la plus discutée fut celle concernant les exigences à remplir pour obtenir le
label "bio". A ce sujet, plusieurs propositions furent avancées. Alors que le projet précédemment adopté sans modification par le Conseil des Etats laissait au gouvernement le soin de préciser par voie d'ordonnance les conditions pour l'octroi d'une telle dénomination, la commission de l'économie et des redevances (CER) a exigé qu'un produit agricole déterminé ne puisse bénéficier, sauf exception, de cette appellation que si l'ensemble de l'exploitation produisant ce bien se conformait à des normes écologiques. Une proposition de la minorité rose-verte de la CER prévoyait pour sa part de ne désigner - et ce sans exception - que les produits d'exploitations se conformant à des normes écologiques encore plus élevées. Au terme de votes relativement serrés, la grande chambre a opté pour la version de la commission, estimant que cette dernière constituait un juste milieu entre, d'une part, un projet gouvernemental trop peu contraignant en matière de respect de l'environnement et, d'autre part, une proposition rose-verte jugée dangereuse pour la compétitivité de la paysannerie indigène. Lors de la procédure d'élimination des divergences, le Conseil des Etats s'est plié à la volonté exprimée par la grande chambre
[45].
En fin d'année, le Conseil fédéral a mis en consultation les
ordonnances d'application y relatives. En ce qui concerne l'attribution du label "bio", l'exécutif a exempté la viticulture ainsi que les cultures fruitières pérennes de l'obligation de convertir l'ensemble de l'exploitation à l'agriculture biologique. L'ordonnance prévoit néanmoins l'obligation de pratiquer pour le moins la production intégrée. Quant aux produits importés, ils pourront également bénéficier de cette dénomination à condition que l'importateur apporte la preuve qu'ils ont été obtenus conformément aux normes valables en Suisse. Enfin, au sujet des appellations d'origine contrôlée (AOC) et des indications géographiques protégées (IGP), le gouvernement a repris la réglementation en vigueur dans l'Union européenne
[46].
La chambre des cantons a pour sa part transmis comme postulat certains des points contenus dans une motion Weyeneth (udc, BE) adoptée précédemment par le Conseil national. Les sénateurs ont en effet été de l'avis qu'introduire une déclaration obligatoire s'appliquant aussi bien aux marchandises indigènes qu'à celles importées était sans doute judicieux si le but était d'informer le consommateur sur l'origine géographique, le mode de production et les méthodes de conservation. La petite chambre a en revanche estimé que l'exigence de mentionner le nom du producteur et le mode de transport était inacceptable, une telle obligation impliquant des coûts administratifs trop élevés. Le Conseil des Etats a également transmis sous la forme d'un postulat une motion Epiney (pdc, VS) adoptée comme telle par la grande chambre en 1995 et demandant l'introduction d'un label "montagne" pour les produits - agricoles et non agricoles - issus des régions montagneuses. La majorité des sénateurs a estimé que si des prescriptions similaires pour les produits ne relevant pas du secteur primaire étaient sans doute souhaitables, le complément à la loi sur l'agriculture adopté pendant l'année sous revue répondait déjà pleinement aux exigences du motionnaire en ce qui concernait les produits paysans. Le Conseil national a pour sa part transmis comme postulat une motion Eberhard (pdc, SZ) enjoignant le gouvernement de faire en sorte que l'indication de la provenance des denrées alimentaires soit suffisamment détaillée pour que le consommateur puisse distinguer les produits "authentiquement helvétiques" de ceux produits en Suisse à partir de matière premières étrangères. Selon le motionnaire, il s'agit d'éviter ainsi toute possibilité d'abuser du label "made in Switzerland".
La Commission européenne a décidé de ne pas comprendre l'
emmental dans la liste des produits agricoles bénéficiant d'une dénomination protégée: l'appellation emmental devenant générique, elle pourra être utilisée par n'importe quel producteur européen. Si l'OFAG a regretté la décision concernant ce fromage particulier, il a néanmoins exprimé son souhait de pouvoir aboutir à un accord qui permette aux autres produits helvétiques bénéficiant en Suisse d'une dénomination protégée de jouir d'une telle protection également au sein de l'UE. Cet accord devrait constituer l'un des objets du deuxième paquet des négociations bilatérales avec l'UE
[48].
Ayant pour la première fois à se prononcer sur l'importation d'un végétal modifié génétiquement, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) a autorisé l'importation du soja transgénique produit par un consortium américain. A la différence de l'autorisation sans condition de la Commission européenne, l'OFSP a exigé que les produits contenant le soja transgénique soient déclarés comme tels. Seuls les produits (tels que l'huile de soja) qui auront été épurés de tout matériel génétique modifié ainsi que la viande de boucherie provenant d'animaux nourris à l'aide de soja transgénique échapperont à la déclaration. L'office compétent a souligné que ce soja - conçu par le consortium américain pour résister à l'utilisation d'un herbicide - ne présentait de risque ni pour la santé des êtres vivants ni pour l'environnement. Les autorités ont également relevé que la mention OGM (organisme génétiquement modifié) figurant sur les produits concernés devrait permettre au consommateur de choisir en toute connaissance de cause.
La décision de l'OFSP n'a pas manqué de susciter des
réactions contrastées. Ainsi, du côté des importateurs et des gros distributeurs, l'autorisation fut accueillie très positivement. Les milieux économiques ont notamment souligné qu'une décision contraire aurait signifié l'interdiction d'importation de l'ensemble du soja américain - la production transgénique étant mélangée à celle normale - et aurait eu de graves conséquences pour l'économie helvétique étant donné l'importance de la production américaine (55% de l'ensemble de la consommation intérieure de soja). A l'inverse, les associations de protection de la nature et de défense du consommateur ont dénoncé, de concert avec l'UPS et le VKMB, la "capitulation des autorités devant les pressions exercées par les milieux économiques". Annonçant par ailleurs qu'elles feraient recours contre la décision de l'OFSP, ces associations ont relevé que le soja modifié génétiquement pouvait causer des allergies à l'être humain ainsi que bouleverser les équilibres naturels, le gène modifié étant susceptible de se transmettre à d'autres végétaux. A ces affirmations, l'OFSP a rétorqué que de nombreuses études avaient montré que le caractère allergène du soja modifié n'était nullement supérieur à celui du soja normal. Au sujet du danger de voir le gène transmis à d'autres organismes, l'OFSP a souligné que la probabilité d'un tel événement était nulle dans la mesure où seule l'importation de cette variété de soja - et non la culture - avait été autorisée.
[45]
BO CN, 1996, p. 475 ss. et 1280;
BO CE, 1996, p. 422 ss. et 589;
FF, 1996, III, p. 93 ss. Voir aussi
APS 1995, p. 136.45
[46] Presse du 2.11.96.46
[48]
JdG, 6.3.96; presse du 7.3.96.48
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