Année politique Suisse 1996 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
 
Energie hydro-électrique
L'avant-projet de loi fédérale sur la responsabilité civile en matière d'ouvrages d'accumulation - selon lequel l'exploitant d'une installation hydro-électrique est tenu de répondre des dommages causés par des séismes, des événements de guerre ou encore des sabotages - a rencontré un accueil globalement favorable auprès des acteurs ayant pris part à la procédure de consultation que le Conseil fédéral avait ouverte à la fin du mois d'avril 1995. Plusieurs d'entre eux, à l'image du Vorort et du PDC, ont néanmoins requis des compléments d'information concernant en particulier la charge financière à laquelle les propriétaires de barrages devront faire face suite à l'introduction de ce nouveau dispositif légal. De son côté, la Conférence des gouvernements des cantons de montagne a demandé que le système de répartition des barrages en trois classes de risques consacré par le projet fasse l'objet de dispositions plus précises. L'UDC et les producteurs d'électricité ont pour leur part refusé que la responsabilité des exploitants s'étende aux événements de guerre [34].
La Fondation suisse de la Greina (FSG) pour la protection des fleuves alpins s'est prononcée à la mi-août en faveur de l'instauration d'un moratoire de dix ans en matière de construction de nouvelles centrales hydro-électriques. Ce moratoire devrait en outre être accompagné de mesures visant à utiliser l'énergie de manière plus rationnelle ainsi que de travaux de rénovation et de modernisation des installations hydrauliques existantes. A peine formulée, la proposition de la FSG s'est heurtée aux critiques nourries de l'Union des centrales suisses d'électricité [35].
Une expertise mandatée par l'Office fédéral de l'économie des eaux (OFEE) est parvenue à la conclusion que sur l'ensemble des moyens de production d'électricité (centrales nucléaires, centrales hydrauliques, photovoltaïque, énergie éolienne), les aménagements hydro-électriques présentent le meilleur rapport entre la quantité d'énergie qu'ils fournissent et la quantité d'énergie nécessaire de leur construction à leur élimination comparativement aux autres installations passées sous la loupe [36].
Le différend qui avait éclaté fin 1995 entre la Confédération et les autorités grisonnes concernant les indemnités fédérales à attribuer au canton des Grisons et aux communes de Vrin et Sumvitg en raison de la non-réalisation de la centrale hydraulique de la Greina a trouvé une issue favorable: sur la base de l'ordonnance entrée en vigueur en novembre 1995, la Confédération consentira - comme prévu initialement - une compensation globale de 900 000 francs par année pendant 40 ans, somme que le gouvernement cantonal et les autorités communales avaient dans un premier temps jugée nettement insuffisante. Les parties sont tombées d'accord pour que chacune des deux communes concernées reçoive 2/5 des indemnités fédérales (soit 360 000 francs), le canton des Grisons se contentant pour sa part du cinquième restant [37].
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Redevances hydrauliques
La révision de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques a sans conteste constitué l'enjeu majeur de la politique énergétique suisse durant l'année 1996. Au centre des discussions particulièrement enflammées qui ont animé les Chambres fédérales durant plusieurs jours a bien évidemment figuré le problème de l'augmentation des redevances hydrauliques que les exploitants des centrales hydroélectriques se voient contraints de verser annuellement aux cantons de montagne pour l'utilisation de leurs ressources publiques en eau. Le débat sur cette question a principalement opposé deux coalitions regroupant, pour l'une, les représentants des milieux industriels et de l'économie électrique, et pour l'autre, les représentants des cantons alpins - toutes tendances partisanes confondues - ainsi que des partis de la gauche en général qui, en contrepartie de leur soutien aux revendications des cantons de montagne, ont obtenu de ceux-ci la reprise des discussions devant conduire à terme à la ratification de la Convention des Alpes.
Première des deux Chambres à se prononcer sur cet objet, c'est à l'issue d'un débat fleuve que le Conseil des Etats a décidé - conformément à une proposition issue de la majorité de sa Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie - de porter le montant de la redevance annuelle à 80 francs par kilowatt de puissance brute, soit une augmentation de 10 francs par rapport aux 70 francs retenus initialement par le Conseil fédéral. Les deux propositions des minorités Iten (prd, ZG)/Forster (prd, SG) et Leumann (prd, LU)/Cavadini (pl, NE) - l'une demandant que les sénateurs s'en tiennent au projet du gouvernement, l'autre prévoyant d'arrêter le montant de la redevance à 60 francs jusqu'à la fin de l'an 2000, puis à 70 francs dès 2001 - devaient ainsi être rejetées plus ou moins nettement. Parmi les partisans de la plus forte hausse ont bien évidemment figuré les députés des cantons alpins qui ont mis l'accent sur le fait que les 80 francs retenus permettront d'améliorer la capacité financière endogène des cantons de montagne, puisque cette augmentation devrait leur permettre de se partager annuellement quelque 130 millions de francs de recettes supplémentaires. Leurs arguments se sont heurtés à ceux des défenseurs des intérêts des milieux industriels et énergétiques en particulier qui ont fait valoir qu'un pareil accroissement du montant de la redevance nuirait à la compétitivité de la place économique helvétique et menacerait par là-même le maintien de places de travail dans le pays.
Si par sa décision relative à la redevance hydraulique la Chambre haute a ainsi fait une importante concession aux revendications des cantons de montagne, les sénateurs ont en revanche refusé à une faible majorité de permettre à ces derniers de prélever un supplément de 40 francs au plus par kWh pour les bassins d'accumulation. La proposition du député socialiste Onken (TG) - aux termes de laquelle la Confédération est habilitée à percevoir un franc au plus par kilowatt pour dédommager les collectivités publiques qui renoncent à l'utilisation de la force hydraulique pour des motifs de protection de la nature et du paysage - a été par contre acceptée assez largement. Lors du vote sur l'ensemble, la petite Chambre a finalement adopté par 29 voix contre 10 la révision de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques qui, hormis les dispositions relatives à la redevance, introduit également de nouvelles prescriptions en matière de compensation pour pertes d'impôts, de transformation des aménagements hydro-électriques ainsi que de navigation et de protection du tracé des voies navigables [38].
C'est à l'issue d'un débat tout aussi animé, au cours duquel les arguments déjà invoqués au sein du Conseil des Etats devaient être repris par de nombreux députés, que le Conseil national a à son tour décidé d'augmenter la redevance hydraulique de 54 à 80 francs par année, et ce malgré les menaces de référendum proférées peu auparavant par les milieux industriels et électriques. L'ensemble des propositions visant à consentir des hausses plus modérées - telle que celle de la majorité de la Commission de l'énergie (70 francs, puis progressivement 80 francs au cas où la situation économique l'aurait permis) ou encore celle défendue par la majorité du groupe de l'UDC (60 francs au plus jusqu'à la fin de l'an 2000, puis 70 francs dès 2001) - a ainsi été balayé par le front uni composé des représentants des cantons alpins et des partis de la gauche en général. Le même sort devait être réservé à la position défendue par la majorité des groupes radical et libéral, favorables aux 70 francs retenus dans le projet du gouvernement.
Concernant le supplément pour les ouvrages de retenue, la Chambre du peuple s'est ralliée de justesse à la décision du Conseil des Etats, puisqu'il a fallu que ce soit le président de l'Assemblée fédérale, le libéral vaudois Jean-François Leuba, qui départage les partisans et opposants à ce prélèvement supplémentaire. C'est en revanche à une assez large majorité que les députés du Conseil national ont à leur tour accepté d'autoriser la Confédération à percevoir un franc par kilowatt pour assurer les montants compensatoires attribués aux cantons ou communes qui renoncent à exploiter un cours d'eau à des fins énergétiques [39].
La Chambre du peuple ayant introduit certaines modifications d'importance mineure par rapport à la version adoptée par le Conseil des Etats, une procédure d'élimination des divergences a dès lors été instituée. Principal objet de dissension entre les deux Chambres, l'éventuelle exemption totale ou partielle de la redevance pour les petits aménagements hydro-électriques à laquelle tenaient les sénateurs devait finalement trouver également un écho favorable auprès du National [40].
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Barrages
La publication du rapport des Forces motrices bernoises (FMB) sur les alternatives possibles à l'utilisation de l'énergie nucléaire sur le site de Mühleberg (BE) ainsi que l'établissement début mai, par le Conseil fédéral, de l'inventaire des sites marécageux dignes d'être protégés (concrétisation de l'initiative populaire Rothenturm) ont fait ressurgir le projet d'agrandissement des installations hydro-électriques de Grimsel-Ouest (BE) à l'avant-plan du débat sur les ouvrages d'accumulation susceptibles d'être encore réalisés en Suisse. Conformément à la requête qui lui avait été adressée en novembre 1995 par les autorités bernoises, le gouvernement fédéral a suspendu une première fois sa décision concernant l'opportunité de faire figurer les marais du Grimsel aux côtés des zones humides répertoriées dans l'inventaire, auquel cas la réalisation du barrage aurait d'emblée été condamnée. Appelé à se prononcer jusqu'à la fin août sur la nécessité de protéger ou non le Grimsel, l'exécutif bernois a recommandé au gouvernement de ne pas inscrire ce site marécageux dans l'inventaire fédéral, tant que la pesée des intérêts entre écologie et énergie n'aurait pu être exhaustivement tranchée. A la satisfaction des autorités cantonales, le Conseil fédéral a décidé de repousser une seconde fois sa prise de position concernant ce site marécageux afin de déterminer si son inscription dans l'inventaire irait à l'encontre d'un intérêt national prépondérant. A l'annonce de cette non-décision, les associations écologistes ont fait part de leur déception et ont à nouveau clamé leur opposition au projet alors que de nombreux juristes ont émis des doutes quant à la constitutionnalité de la démarche adoptée par le gouvernement [41].
Fin mars, la société Hydro-Rhône a réaffirmé son attachement au projet visant à construire dix barrages successifs au fil du Rhône entre Chippis (VS) et le Lac Léman. Après que le Tribunal administratif du canton de Vaud eut partiellement admis, en 1994, le recours de deux associations écologistes concernant la réalisation du palier de Bex-Massongex, les promoteurs du projet ont conduit, en collaboration avec les opposants, trois études complémentaires destinées à réduire l'impact de l'infrastructure sur l'environnement. Celles-ci ayant été menées à bien, la société Hydro-Rhône a projeté de déposer une nouvelle demande de concession auprès des autorités vaudoises et valaisannes [42].
Le Tribunal fédéral a rejeté la plainte déposée par trois habitants de la commune du Misox (GR) qui s'insurgeaient contre le fait que le gouvernement grison ait décidé d'attribuer une nouvelle concession aux Forces motrices du Misox pour la réalisation du barrage du Val Curciusa sans avoir préalablement consulté les autorités communales. Un second jugement de la Haute Cour est attendu l'année prochaine concernant la plainte déposée en 1995 par sept organisations de protection de l'environnement contre cette même concession [43].
 
[34] NZZ, 9.1.96; presse du 10.1 et 1.10.96. Voir aussi APS 1995, p. 164 s.34
[35] BüZ, 12.8 et 13.8.96; presse du 13.8.96.35
[36] Presse du 9.8.96.36
[37] Bund, 3.1.96; presse des 11.1, 27.1 et 12.8.96; SoZ, 28.1.96; Lib. 30.1.96; BüZ, 29.4.96; NLZ, 20.8.96. Il est par ailleurs à souligner que la motion Engler (pdc, AI) - qui visait à ce que l'indemnisation fédérale octroyée aux régions qui renoncent à l'utilisation de la force hydraulique pour des motifs de préservation du paysage n'ait aucune incidence pour les finances fédérales - a été retirée par son auteur: BO CN, 1996, p. 1501. Cf. aussi APS 1995, p. 164.37
[38] BO CE, 1996, p. 71 ss.; presse des 13.3 et 14.3.96.38
[39] BO CN, 1996, p. 1058 ss.; presse des 30.1, 17.4, 31.5, 19.6 et 20.6.96; BüZ, 19.4.96; NF, 7.6.96; TW, 13.6.96. Relevons que la hausse de la redevance décrétée par les Chambres devrait avoir pour conséquence une augmentation du prix du kWh d'environ 0,4 centime, hausse que l'Union des centrales suisses d'électricité a envisagé de reporter uniquement sur les ménages afin de ne pas affaiblir la compétitivité des milieux industriels helvétiques: Express, 16.7.96; BüZ, 10.8.96.39
[40] BO CE, 1996, p. 661 ss., 863 s. et 1194; BO CN, 1996, p. 1726 ss., 2141 s. et 2492 s.; presse des 20.9 et 4.12.96. Concernant les petites centrales hydro-électriques, le TF a par ailleurs rappelé que les entreprises assurant l'approvisionnement public en énergie se devaient - conformément à l'arrêté fédéral sur l'énergie - de rétribuer convenablement les petits producteurs d'électricité hydraulique, soit à raison de 16 centimes par kWh: presse du 24.7.96. Voir aussi APS 1993, p. 148, 1994, p. 144 et 1995, p. 165.40
[41] BaZ, 17.2.96; presse des 4.4, 22.4, 29.8, 25.9, 29.10 et 19.12.96; NZZ, 6.4.96; TA, 2.5 et 23.7.96; TW, 10.5, 11.5 et 15.8.96; BZ, 14.5.96; NQ, 3.6.96; Bund, 14.9.96; SGT, 1.11 et 20.12.96; AZ, 14.12.96. Voir également infra, part. I, 6d (Protection des sites et de la nature). Concernant le rapport des FMB, cf. supra (centrales nucléaires). Voir aussi APS 1991, p. 156.41
[42] Presse du 30.3.96. Cf. également APS 1994, p. 144 s.42
[43] BüZ, 6.1, 20.1 et 16.11.96. Voir aussi APS 1995, p. 165 s.43