Année politique Suisse 1997 : Allgemeine Chronik / Landesverteidigung
Défense nationale et société
Devant l'assemblée générale de la Société suisse des officiers (SSO), le chef du DMF A. Ogi a déclaré qu'il serait souhaitable de créer une petite formation de
professionnels au sein de l'armée dont la mission serait la participation à des opérations de maintien de la paix à l'étranger. De l'avis du conseiller fédéral, la création d'un corps de soldats professionnels participant à ce genre d'opérations de prévention des conflits est, au vu de l'état actuel de la menace, indispensable à la sécurité du pays. Président sortant de la SSO, l'ancien directeur de l'Office fédéral des réfugiés, P. Arbenz, a exprimé des opinions similaires. Il a en outre relevé qu'à ses yeux, l'armée devait sans tarder subir de profondes mesures de réorganisation. Les effectifs des troupes devraient notamment être réduits de moitié, de 400 000 à 200 000 hommes. L'obligation de faire du service militaire serait remplacée par un devoir général de servir, que ce soit dans l'armée, le service civil ou les pompiers
[1].
En fin d'année, un groupe composé principalement de militaires de haut rang à la retraite a lui aussi présenté ses vues sur l'
armée du futur. Défendant également une professionnalisation partielle des effectifs ainsi qu'une participation accrue à des actions internationales de maintien de la paix, le groupe d'experts a cependant souligné que l'engagement de soldats - fussent-ils armés uniquement pour assurer leur propre défense - devait se limiter à des actions humanitaires de type non militaire. Sans désigner nommément la commission présidée par l'ancien ambassadeur E. Brunner - commission composée essentiellement de personnalités extérieures à la sphère militaire et chargée en 1996 par A. Ogi de réfléchir à l'armée du futur - le groupe de réflexion a par ailleurs dénoncé l'amateurisme qui règne actuellement dans les discussions sur les réformes à venir
[2].
Chargée par le Conseil fédéral d'évaluer les possibilités d'introduire, à titre d'alternative au service militaire, un
service obligatoire à la communauté concernant tant les hommes que les femmes, une commission, présidée par la conseillère nationale Langenberger (prd, VD), a rendu publiques
ses conclusions en début d'année. Reconnaissant volontiers que les besoins étaient loin d'être satisfaits dans de nombreux domaines (activités sociales, santé, humanitaire, protection de l'environnement), le groupe de réflexion a cependant estimé que la solution d'un service obligatoire n'était de loin pas adéquate. Au dire de la commission, le genre de tâches envisagées nécessitait en effet des savoirs très spécialisés ainsi qu'une motivation importante, exigences ne pouvant que difficilement être satisfaites dans le cadre d'un système général et contraignant. De plus, en période de crise économique et de chômage persistant, il aurait été bien évidemment très malvenu de concurrencer par un tel service un marché du travail déjà très tendu. Enfin, concernant plus particulièrement l'idée de soumettre également les femmes à cette obligation, on ne pouvait, équitablement, mettre à contribution une catégorie de la population dont le travail (éducation des enfants, soins aux personnes âgées, etc.) est d'ores et déjà considérable et fort peu reconnu. En lieu et place de ce service obligatoire, la commission préconise un système qui soit à même, par le biais d'incitations financières par exemple, de susciter des vocations en nombre suffisant. Prenant connaissance de ce rapport, le Conseil fédéral a fait siennes les conclusions qui y étaient contenues
[3].
Suite à la décision prise en 1996 de répondre positivement au "Partenariat pour la Paix" (PPP) proposé par l'OTAN, le conseiller fédéral
A. Ogi a présenté, en juin, au siège de l'organisation nord-atlantique à Bruxelles,
le programme détaillé de la participation helvétique au PPP. Alors que les Etats neutres collaborant à ce projet (Autriche, Finlande et Suède) ont inclus dans leur offre l'engagement de leurs forces armées lors d'opérations militaires de maintien de la paix, le programme de la Suisse exclut toute action de ce type. En effet, selon le contrat de participation entre la Confédération et l'OTAN, valable jusqu'en 1999 et renouvelable pour une nouvelle période de trois ans, la Suisse ne pourra prendre part tout au plus qu'à des
actions de nature civile. Les domaines pour lesquels la Suisse offrira ses services ont trait à l'
aide en cas de catastrophe (corps en cas de catastrophe), à l'
aide humanitaire ainsi qu'à la
formation. Concernant ce dernier volet, de nombreux cours seront donnés à des militaires étrangers, notamment en matière de droit humanitaire, de politique de sécurité, de déminage, de gestion des armes chimiques et de médecine militaire. L'armée suisse apportera également son savoir et son expérience en matière de contrôle démocratique des forces armées. Au total, l'offre helvétique comprendra pas moins de 18 projets. En contrepartie, la Confédération pourra participer
aux réunions du Conseil de partenariat euro-atlantique. Nouvellement créé et remplaçant le Conseil de coopération nord-atlantique, cet organe vise à associer les pays membres du PPP aux décisions majeures prises par l'OTAN ainsi qu'à créer un forum de discussion où membres et non-membres de l'organisation nord-atlantique jouiront d'un même statut. La Suisse pourra y obtenir de nombreuses informations. Le contrat passé avec l'OTAN prévoit aussi la participation de militaires suisses à des cours ainsi qu'à des réunions d'experts. Présentant son programme au secrétaire général de l'OTAN, Javier Solana, le chef du DMF a souligné que le PPP permettrait à la Suisse de trouver une voie originale entre la nécessaire solidarité internationale et les exigences posées par la neutralité. S'il est dans l'immédiat exclu que la Suisse contribue de manière plus importante à la sécurité en Europe, A. Ogi n'a cependant pas écarté une intégration à terme quelque peu plus poussée à des mécanismes de défense collectifs
[4].
Le Conseil national a pour sa part décidé de ne pas donner suite à une initiative parlementaire du démocrate suisse Keller (BL) demandant que l'adhésion au PPP soit subordonnée à une décision des chambres sujette au
référendum facultatif. A l'instar de ce qu'elle avait argué en 1996 au sujet d'une motion du même auteur, la grande chambre a souligné que le PPP n'était ni un traité international ni une organisation internationale. Pouvant par conséquent à tout moment être dénoncé, il relevait à juste titre de la compétence exclusive de l'exécutif
[5].
Suite à une campagne de récolte de signatures qui ne fut pas sans difficultés, l'
initiative du parti socialiste
"Economiser dans l'armée et la défense générale - pour davantage de paix et d'emplois d'avenir"
a été déposée à la Chancellerie fédérale au mois de mars, munie de 108 541 signatures valables. Le texte déposé prévoit la réduction sur dix ans de moitié du budget consacré à l'armée. Deux tiers des ressources ainsi économisées - à terme quelque trois milliards de francs par an - devraient être affectés à la reconversion civile des entreprises d'armement et à des actions de promotion de la paix, le tiers restant étant laissé à l'appréciation du parlement. Rappelons que le lancement de cette initiative avait été décidé par le PS en 1995 suite à l'invalidation par les chambres de l'initiative "Pour moins de dépenses militaires et davantage de politique de paix". A la différence du nouveau texte, cette initiative prévoyait d'affecter en partie les ressources dégagées au financement des assurances sociales. Invoquant le principe de l'unité de la matière, le parlement avait invalidé l'initiative, arguant qu'il n'y avait pas de lien intrinsèque entre les domaines de la défense nationale et de la politique sociale
[6].
Confirmant une première décision prise l'année précédente, le GSsA a décidé de lancer deux nouvelles initiatives sur la question de la défense nationale. Intitulée "Pour une politique de sécurité crédible et une Suisse sans armée", la première initiative demande, à l'instar de celle refusée en 1989 par 64% des votants, l'abolition, après une période transitoire de 10 ans, de l'ensemble des forces armées. Les activités civiles développées par celles-ci ces dernières années devront par ailleurs être poursuivies par les autorités civiles. Toute participation pendant la période transitoire à des activités militaires de maintien de la paix devra en outre être obligatoirement soumise à l'approbation populaire. Dénommée "La solidarité crée la sécurité: pour un service civil volontaire pour la paix", la seconde initiative réclame la création d'un service contribuant à maîtriser les situations conflictuelles en Suisse et à l'étranger. Chaque personne devrait pouvoir suivre gratuitement une formation visant à développer le savoir et la pratique nécessaires au règlement pacifique des conflits. Basé sur le volontariat, ce service civil pour la paix est censé se substituer au service militaire.
Conformément à ce qu'il avait déclaré lors des assemblées précédentes du GSsA, le conseiller national socialiste
Andreas Gross (ZH), co-fondateur du mouvement,
a fait part, le jour même de l'annonce du lancement des deux initiatives,
de sa démission avec effet immédiat. Opposé au lancement de ces nouvelles initiatives pour des raisons tant tactiques que de principe, le parlementaire zurichois a ainsi fait savoir qu'il ne voulait pas assumer ce qu'il considérait être une grave erreur politique. Outre de n'avoir aucune chance d'obtenir en votation populaire un résultat semblable à celui de 1989, ces initiatives ne pouvaient à ses yeux que pousser dans les bras des isolationnistes certains milieux sur le point pourtant de réviser leurs opinions conservatrices en la matière. Les initiants se trompaient par ailleurs de cible dans la mesure où ce n'était plus l'armée, mais l'économie qui incarnait la violence aujourd'hui. A ces critiques dénonçant l'anachronisme de leur combat, les initiants ont répondu que leur démarche avait pour but de remettre sur la place publique la question militaire et de susciter la discussion sur les très importants projets de réforme actuellement en élaboration. De l'avis de nombreux commentateurs, le départ du conseiller national ainsi que le très improbable soutien du parti socialiste aux deux initiatives pourraient signifier des lendemains très difficiles pour le mouvement pacifiste, certains prédisant même sa disparition à terme
[7].
Le Grand Conseil genevois a déclaré irrecevable l'
initiative cantonale "Genève, République de paix" déposée en 1996 par le GSsA. La majorité de droite du parlement a en effet estimé que les exigences des initiants - notamment la reconversion des terrains militaires à des fins civiles - étaient contraires au droit fédéral. Rappelons que l'initiative avait été lancée par le mouvement pacifiste suite aux troubles qui avaient entouré un défilé militaire en 1995
[8].
Lors de la session de printemps,
les chambres ont pris acte du rapport portant sur l'affaire dite des CD-Rom que lui avait remis l'année précédente la délégation des commissions de gestion (CdG) du parlement. Devant des rangs quelque peu clairsemés, il fut relevé à plusieurs reprises que les dégâts causés par cette affaire étaient non seulement d'ordre strictement militaire, mais également, voire surtout, d'ordre psychologique et politique: les différentes défaillances en matière de sécurité d'informations top secrètes révélées par le rapport portaient en effet un coup important avant tout à la crédibilité de l'armée, certains orateurs ne manquant pas d'ajouter que plusieurs années seraient nécessaires pour rétablir la confiance dans l'institution militaire. Cette perte de crédibilité était par ailleurs d'autant plus importante que les fautes incriminées avaient été commises à un haut, voire au plus haut niveau hiérarchique. Malgré ce jugement dans l'ensemble négatif, les parlementaires ont cependant également tenu à saluer les mesures entre-temps prises par le DMF en matière de protection des données et d'organisation du département. Nombreux furent en outre les intervenants, plus particulièrement au sein du Conseil des Etats, à rendre hommage au chef de l'état-major A. Liener, qui, en démissionnant, avait contribué selon eux à désamorcer une crise dont il n'était de loin pas l'unique responsable. A ce sujet, les rapporteurs de la délégation des deux CdG ont également tenu à préciser que, contrairement à ce que d'aucuns avaient laissé entendre, jamais la démission du plus haut gradé de l'armée suisse n'avait été exigée par la délégation. A. Ogi a pour sa part également souligné que la démission d'A. Liener avait été prise librement par l'intéressé
[9].
Outre le rapport sur l'affaire de l'aide-mémoire électronique, le Conseil des Etats a également pris acte du
rapport publié par sa propre commission de gestion
concernant les deux autres affaires (Diamant et Didacta). Exprimant largement les mêmes critiques que celles faites au sujet de l'affaire des CD-Rom, les sénateurs ont plus particulièrement dénoncé la totale liberté dont avait bénéficié le colonel Nyffenegger. Cette absence de surveillance de la part des plus hauts échelons de la hiérarchie - Conseil fédéral inclus - était, aux yeux des conseillers aux Etats, à l'origine du faramineux dépassement de budget relatif à la commémoration de la mobilisation de 1939. Rapporteur de la commission, le socialiste Aeby (FR) a souligné que le "chèque en blanc" donné au colonel Nyffenegger s'expliquait sans doute par le fait que les autorités, soucieuses avant tout de donner une image positive de l'armée à quelques mois de la votation sur sa suppression, avaient été peu regardantes sur les moyens. Relevant également l'opacité totale de la comptabilité du DMF en la matière, le sénateur socialiste a dénoncé une volonté de dissimuler au parlement l'importance des ressources financières engagées pour ces opérations de relations publiques
[10].
S'étant saisi des aspects pénaux des trois affaires,
le juge d'instruction militaire
a pour sa part
clos son enquête et transmis le dossier à l'auditeur en chef de l'armée. Au sujet des deux principaux protagonistes de l'affaire des CD-Rom - à savoir F. Nyffenegger et G. Furrer (mandataire du projet) - l'instruction a pu confirmer le soupçon de
violations du secret militaire, l'enquête ayant révélé que des prescriptions élémentaires de sécurité n'avaient pas été respectées. La peine théorique maximale encourue par les deux hommes est de sept ans et demi de réclusion. En ce qui concerne les neuf autres personnes inculpées, le juge d'instruction a recommandé au procureur de dresser un acte d'accusation contre trois d'entre eux. Parmi les six autres, deux devraient pouvoir bénéficier d'un non-lieu, alors que pour les quatre derniers une ordonnance de condamnation (maximum 30 jours d'emprisonnement ou amende) devrait suffire. L'enquête civile n'est de son côté pas encore terminée. Portant également sur les affaires dites "Diamant" et "Didacta" et impliquant principalement, outre F. Nyffenegger et G. Furrer, l'entrepreneur H. Kronenberg, l'instruction civile confirmera ou non les soupçons de corruption et de faux dans les titres pesant sur les trois hommes. Le juge civil devrait rendre ses conclusions l'année prochaine
[11].
[1] Presse du 16.6.97;
24 Heures, 15.9.97.1
[2] Presse du 25.10.97. Voir également
APS 1996, p. 93. Relevons que le rapport de la commission Brunner est attendu pour le début de l'année 1998.2
[4] Presse des 2.5, 23.5, 14.6, 18.6 et 19.6.97. Il est à relever que le chef du DMF a participé, en tant que représentant d'un pays membre du PPP, au sommet de l'OTAN qui s'est tenu en juillet à Madrid: presse du 10.7.97.4
[5]
BO CN, 1997, p. 1443 ss. Voir également
APS 1996, p. 93 s.5
[6]
FF, 1997, III, p. 922 s.; presse du 27.3.97. Au sujet de la campagne de récolte de signatures, voir
JdG, 28.1.97. Voir également
APS 1995, p. 96 s.6
[7] Presse du 24.11.97. Voir également
APS 1996, p. 94. A noter qu'à la fin de l'année, les deux initiatives n'avaient toujours pas été formellement lancées.7
[8]
JdG, 28.6.97. Voir aussi
APS 1996, p. 94 s.8
[9]
FF, 1997, III, p. 750 ss.;
BO CN, 1997, p. 118 ss.;
BO CE, 1997, p. 236 ss. Voir également
APS 1996, p. 95 s.9
[10]
FF, 1997, III, p. 786 ss.;
BO CE, 1997, p. 242. Voir également supra, part. I, 1c (Regierung).10
[11] Presse du 19.9.97.11
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