Année politique Suisse 1998 : Wirtschaft / Landwirtschaft
Production végétale
Le Conseil des Etats (unanimité) et le Conseil national (75 voix contre 3, 7 abstentions) ont accepté sans discussion la
révision partielle de la Loi sur les brevets datant de 1954. Il s’agissait pour l’essentiel d’introduire des certificats complémentaires de protection pour les
produits phytosanitaires (relatif aux soins à donner aux végétaux). La législation soumet en effet ces produits à une demande d’autorisation qui peut prendre dix ans jusqu’à l’admission sur le marché, ceci en raison des examens à effectuer. Or la durée de protection d’un brevet d’invention étant de 20 ans, la période effective pendant laquelle un producteur pouvait amortir ses coûts de développement était ainsi diminuée parfois de moitié. Pour des raisons de compatibilité et de non discrimination des intérêts suisses ou européens, la Confédération a choisi d’appliquer sur le fonds la solution de la Communauté européenne qui a introduit en 1997 un règlement dans ce sens. L’objectif visé est une durée effective de protection du brevet de quinze ans. La nouvelle réglementation reprend également ce qui avait été mis sur pieds en Suisse pour les médicaments
[39].
Le village
de Champagne (VD) n’aura plus le droit d’utiliser cette appellation pour commercialiser son chasselas. Lors des négociations bilatérales avec l’UE, la France s’est révélée intransigeante sur le fait qu’un produit, qu’elle jugeait similaire, puisse porter le même nom que le prestigieux Champagne hexagonal. Il faut dire que dans le cadre d’un
traité passé avec la France en 1974, concernant la protection des indications de provenance et appellations d’origine, la Suisse avait omis de protéger l’appellation «Champagne» vaudoise. Juridiquement, la France est ainsi dans son droit. Cette affaire a fait grand bruit en Suisse romande. L’Etat de Vaud a fait savoir au conseiller fédéral Pascal Couchepin qu’il s’opposait catégoriquement à la disparition de l’étiquette de l’appellation controversée. Il a estimé que les deux produits étaient suffisamment différenciés pour que l’on ne puisse pas les confondre et qu’en outre, la faible quantité de vin mis en bouteilles par le petit village vaudois était largement vouée à une consommation intérieure qui ne menaçait de loin pas le marché du pétillant vin français
[40].
Le
système des AOC (appellation d’origine contrôlée) a fait l’objet d’une vive
critique de la part de plusieurs producteurs réputés. Dans un manifeste intitulé «Vinum», ils ont dénoncé le fait que la quasi totalité des vins produits en Suisse bénéficient de ce label et réclamé une réduction de la production à 1 kg au mètre carré, contre 1,4 actuellement pour les blancs et 1,2 pour les rouges
[41]. La procédure de consultation nationale concernant une
nouvelle réglementation en la matière a pris fin au mois d’août. Outre la quantité à produire au mètre carré, le problème du coupage des vins suisses avec 10% de vins étrangers bénéficiant de l’AOC a été mis sur le grill
[42].
Le Conseil fédéral a refusé d’accéder à une interpellation urgente du conseiller aux Etats Edouard Delalay (pdc, VS), qui demandait la convocation, sous la présidence du gouvernement,
d’états généraux de la viticulture. Dans sa réponse écrite, il a communiqué qu’il était également préoccupé par la situation sur le marché des vins suisses, mais qu’il souhaitait que ce soient les cantons concernés qui s’entendent sur les mesures à prendre. Le conseiller fédéral Pascal Couchepin a précisé devant la chambre haute que si le marché suisse connaissait des surplus, c’était notamment parce que la consommation de vins indigènes avait diminué en 1997 de 3,2 millions de litres et que parallèlement, celle des vins étrangers avait augmenté de 1,6 millions de litres. Il a enfin posé qu’une intervention de la Confédération pour régler le problème ne se concrétiserait que si les cantons le lui demandaient et acceptaient par avance de se soumettre aux mesures qui pourraient être prises
[43].
Le conseiller national radical Bernard Comby (VS) a déposé une interpellation sur le même sujet dans l’autre chambre, proposant notamment d’utiliser le fonds vinicole à titre exceptionnel pour
assainir le marché indigène des vins rouges. Le Conseil fédéral a précisé que le fonds vinicole était prévu pour financer des mesures visant au maintien du vignoble et à favoriser l’écoulement de produits vitivinicoles de qualité. Il a ajouté qu’une aide à l’exportation ne pouvait avoir lieu que par le biais de mesures de promotion et de relations publiques, les règles de l’OMC interdisant un abaissement des prix des produits exportés. Par ailleurs, le gouvernement a souligné que l’adaptation de la production et de l’offre aux exigences du marché était du ressort des organisations de producteurs selon la nouvelle loi sur l’agriculture
[44].
Le deuxième point du paquet «Politique agricole 2002» était
l’arrêté fédéral sur un nouvel article céréalier de durée limitée. A la veille de la deuxième guerre mondiale, un article constitutionnel avait été adopté pour assurer l’approvisionnement suffisant du pays en blé panifiable. Or, selon le message y relatif du Conseil fédéral, la Suisse est désormais autosuffisante en blé indigène à plus de 100%. Il s’agissait dès lors de décharger la Confédération de la prise en charge du blé panifiable et d’adopter des mesures transitoires jusqu’au 31 décembre 2003, ceci afin de préparer progressivement la libéralisation et d’assurer au pays un approvisionnement en blé et farine. La Confédération achetait en effet la totalité de la production annuelle (580 000 tonnes) 4 fois plus cher que sur le marché mondial, alors que les besoins intérieurs ne sont que de 460 000 tonnes. Peu contestée en 1997 au Conseil national, le projet n’a soulevé en 1998 aucune opposition au Conseil des Etats. La proposition de la Commission d’adhérer à la décision de la première chambre a été adoptée par 35 voix contre une, sans que la discussion soit demandée. En votation finale, le Conseil national l’a accepté par 153 voix contre 8 et 8 abstentions
[45].
Soumis au
référendum obligatoire, cet arrêté fédéral a passé le cap du verdict populaire sans difficulté avec
1 318 585 oui (79,4%) contre 341 473 non (20,6%).
La totalité des cantons l’a également accepté, Genève se signalant même par un score favorable de 91,1%. Seuls Schwyz et Thurgovie sont descendus en dessous de la barre des 70%. Parmi les principaux partis, seuls les Démocrates suisses (DS) avaient recommandé de glisser un non dans l’urne. Même la Fédération suisse des producteurs de céréales s’était prononcée pour cette modification après avoir réussi à obtenir quelques compensations dans la nouvelle loi sur l’agriculture. Dans les médias, l’acceptation nette de l’article céréalier a été considéré comme la suite logique du rejet de l’initiative des petits paysans au mois de septembre
[46].
Arrêté fédéral sur un nouvel article céréalier de durée limitée
Votation du 29 novembre 1998
Participation: 37,7%
Oui: 1 318 585 (79,4%) / 20 6/2 cantons
Non: 341 473 (20,6%) / 0 canton
Mots d'ordre:
– Oui: PS, PRD, PDC, UDC (2*), PES, PL, AdI, PEP, PdL, UDF (1*), PCS, PdT; USAM, USP.
– Non: DS.
(* Recommandations différentes des partis cantonaux.)
Selon
l’analyse Vox, l’importance personnelle et pour le pays accordée par les votants à l’article céréalier était marginale. Parallèlement, l’étude a révélé que 75% des répondants avaient un niveau de compétence faible sur ce sujet. Quant aux personnes qui l’ont le plus massivement rejeté, ce sont celles qui observent une certaine défiance à l’égard du gouvernement. Dans l’absolu, ce vote n’a donné lieu à aucun clivage socio-démographique marquant. Tout au plus a-t-on noté dans les campagnes une
tendance au scepticisme, mais les agriculteurs ont également voté dans la moyenne nationale
[47].
[39]
FF, 1998, p. 1346 ss. et 4203 ss.;
BO CE, 1998, p. 573 ss. et 1144;
BO CN, 1998, p. 1802 ss. et 229639
[40]
LT, 28.10.98 (Traité);
TG, 30.10.98 (Vaud).Voir également supra, part. I, 2 (Europe: UE).40
[41]
24 Heures, 26.2.98.41
[43]
BO CE, 1998, p. 1058 ss.43
[44]
BO CN, 1998, p. 2939 s.44
[45]
BO CN, 1998, p. 968 s.;
BO CE, 1998, p. 367;
FF, 1998, p. 2111. Voir également
APS 1996, p. 136 ss. et
1997, p. 140 s. Pour les chiffres précis:
24 Heures, 12.11.98.45
[46]
FF, 1999, p.963 et 966;
NF, 20.11.98; presse du 30.11.98.46
[47] D. Wisler / L. Marquis,
Vox: Analyse der eidgenössischen Abstimmung vom 29. November 1998, Genf 1999.47
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