Année politique Suisse 2000 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
Organisations internationales
Le chef du DFE a pris part à la
deuxième journée du Conseil de l’OCDE. Il a participé aux discussions portant principalement sur un système unifié européen d’échanges d’informations garantissant une meilleure imposition des revenus. Cette mesure, qui menacerait le secret bancaire helvétique et à l’encontre de laquelle Kaspar Villiger s’est déjà opposé dans ses discussions avec l’UE, impliquait pour Pascal Couchepin une contrainte inacceptable pour la Suisse. De nouvelles solutions de taxation à la source seraient envisageables. De plus, le conseiller fédéral a signé la révision partielle des principes directeurs de l’organisation qui regroupe les vingt-neuf pays les plus riches du monde: ces recommandations, juridiquement non contraignantes, enjoignent les entreprises à adopter un comportement «responsable» dans des domaines tels que l’environnement, la lutte contre la corruption ou la protection des consommateurs
[27].
L’année a été rythmée par la relance du
projet d’adhésion à l’ONU, via l’aboutissement de l’initiative populaire lancée en 1998 par le comité d’initiative pour l’adhésion de la Suisse à l’ONU. Au début de l’année, ce dernier a récolté de justesse le nombre de signatures requis pour la poursuite de la procédure. A trois mois de la date butoir, seulement la moitié des signatures avaient été recueillies. La Suisse romande s’est montrée particulièrement frileuse dans sa participation
[28]. Dans la foulée de cette initiative, Joseph Deiss a pu engager le Conseil fédéral sur la voie vers l’adhésion. Le Chef du DFAE a lancé une procédure de consultation pour imposer la problématique à l’opinion. La réponse des partis politiques indique des positions inchangées depuis le rejet du premier projet d’adhésion en 1986: seul l’UDC s’est opposée fermement à l’horizon onusien du gouvernement; par contre, les milieux économiques ont changé leur fusil d’épaule et se sont en majorité déclarés favorables. En fin d’année, le Conseil fédéral a proposé au parlement l’acceptation de l’initiative
[29].
Parallèlement à la rencontre anti-OMC tenue à Genève en juin, la ville de Calvin a accueilli un
sommet social de l’ONU qui devait s’inscrire dans le suivi du sommet de Copenhague où, en 1995, 117 chefs d’Etat avaient édicté des principes communs afin de mieux maîtriser et réduire les disparités en germe dans le développement de la mondialisation et du néo-libéralisme. La rencontre a mobilisé une
session extraordinaire de l’ONU à laquelle son secrétaire général Kofi Annan avait enjoint les 186 Etats membres à participer. Au total, plus de 6800 personnes de 160 pays s’y sont rendues. Le sommet, qui n’a motivé le déplacement que de rares chefs d’Etat d’importance, n’a pas obtenu le succès escompté, et ses résultats concrets ont été unanimement jugés modestes. Le Chilien Juan Somavia, instigateur du sommet de 1995 et directeur général de l’Organisation internationale du travail (OIT), espérait profiter de la plate-forme genevoise pour relancer la lutte contre les inégalités. Au programme, les questions abordées eurent trait à l’abandon ou l’allégement de la dette, au montant de l’aide au développement, à l’environnement, à la taxe Tobin et à la question des brevets en matière de santé publique. Aucun suivi n’a été inscrit à l’agenda pour un troisième sommet social
[30].
Sous l’égide de l’ONU, Genève a ouvert ses portes à une
conférence internationale réunissant les pays signataires de la convention d’Ottawa pour l’interdiction des mines terrestres. Durant cinq jours, plus de 500 délégués ont évalué le déroulement des résolutions prises dans la ville canadienne en 1997, tirant un bilan nuancé vis-à-vis des objectifs de la convention. A l’heure de la rencontre genevoise, 88 pays étaient encore répertoriés pour les dangers courus par leur population civile
[31].
Le Conseil fédéral a mis en consultation une
loi sur les embargos destinée à lui octroyer une plus grande liberté de manœuvre dans la mise en pratique de sanctions internationales. Cet avant-projet de loi fédérale devra appuyer l’action du gouvernement dans les participation suisses aux sanctions militaires ou économiques, décrétées principalement par l’ONU. En dix ans, la Suisse a participé à de multiples embargos totaux ou partiels, notamment envers la Yougoslavie, la Sierra Leone, l’Irak ou Haïti. Pour ce faire, le Conseil fédéral devait jusqu’alors décréter des ordonnances au cas par cas. La nouvelle loi cadre lui permettra de disposer des mesures de coercition adéquates pour appliquer les sanctions trouvant un appui international
[32].
Réunis à Palerme (Italie), 124 Etats sur 148 ont signé la
Convention de l’ONU «contre la criminalité transnationale organisée». La Suisse a paraphé le document, mais s’est en revanche distancée vis-à-vis de deux protocoles additionnels, l’un sur la traite d’être humains, principalement des femmes et des enfants destinés à la prostitution, l’autre sur le «trafic de migrants» visant surtout les travailleurs clandestins. Interrogé à ce sujet, le DFAE a précisé que ce geste n’impliquait absolument pas une opposition de fond, mais devait permettre au département d’examiner la compatibilité des protocoles avec les lois suisses
[33].
Par voie de postulat, Rémy Scheurer (pl, NE) a demandé au gouvernement d’envisager l’adhésion de la Suisse à l’Union latine. Cette dernière regroupe 33 pays sur quatre continents, et s’articule autour d’un
angle principalement culturel dans l’enseignement et la promotion des langues issues du latin. Pour le parlementaire, l’adhésion helvétique serait une contribution importante pour la défense des spécificités de la Suisse latine et s’inscrirait dans une tradition de pluralisme culturel propre à la Suisse. Sans en faire un objet prioritaire, le Conseil fédéral s’est dit prêt à le développer dans le cadre de la prochaine législature. La chambre basse a transmis le postulat
[34].
Afin d’accentuer la rapidité et la flexibilité des bons offices et de renforcer son activité sur le terrain du maintien de la paix,
le Conseil fédéral a approuvé l’organisation d’un vivier de professionnels et d’experts de milice en matière de prévention des conflits, dans lequel le gouvernement pourra puiser pour offrir ses services diplomatiques. Le DFAE a rappelé que, durant l’année sous revue, il a envoyé 235 Suisses dans des missions civiles internationales, soit plus de 70 spécialistes occupés en permanence dans 15 pays. Les données personnelles de ces experts seront désormais rassemblées dans un même fichier, géré par le DFAE. Une formation spéciale sera mise sur pieds dès 2001, comprenant des cours de base de deux semaines organisés deux fois l’an. Sur le modèle de l’Aide suisse en cas de catastrophe, entre 500 et 600 experts seront ainsi à la disposition permanente du DFAE. Celui-ci a enfin indiqué que 41% des efforts helvétiques en matière de bons offices ont été investis dans les Balkans, particulièrement en Bosnie et au Kosovo où la Suisse a envoyé respectivement 45 et 78 personnes, 23% en Afrique australe et orientale, et 13% au Moyen-Orient. Les deux tiers des ressources ont été utilisées dans le cadres d’organisations internationales comme l’ONU et l’OSCE
[35].
Afin de parvenir à une amélioration de la situation en Colombie, le gouvernement suisse a invité à Genève les principaux acteurs de la guerre civile larvée qui déstabilise le pays depuis plus de trente ans. Réunis dans le même hôtel, des médiateurs suisses, des représentants du gouvernement, des responsables de l’Armée de libération nationale (ELN) et plus de 80 représentants de la société civile colombienne (entreprises, ONG, syndicats, médias) ont discuté les principes de base à un cessez-le-feu
[36].
Kaspar Villiger s’est rendu à Prague pour l’assemblée ordinaire du FMI (Fonds monétaire international). Les deux points forts de cette rencontre avaient trait au problème de la dette des pays en voie de développement et au renforcement du système financier international. Pour le premier objet, le désendettement des Etats pauvres devait être étudié à l’aune de nouveaux critères de gestion, aussi bien en matière d’octroi que de réduction de la dette. Dix-sept pays étaient concernés par un réajustement à la baisse de cette dernière
[37].
Les émeutes de Seattle (USA) qui accompagnèrent le sommet de l’OMC en 1999 ont créé une dynamique de contestation organisée qui s’est vérifiée à Genève par la mise sur pied d’un
sommet alternatif à l’OMC réunissant de nombreuses organisations anti-mondialisation. Revendiquant une répartition équitable des richesses et une redéfinition des buts des grandes organisations internationales telles que l’OMC, le FMI ou la Banque mondiale, les délégués venus des cinq continents ont siégé quatre jours à Genève. La rencontre s’est achevée par une manifestation dans le calme qui a réuni entre 4000 et 6000 personnes, au nombre desquelles plusieurs représentants de la gauche et de l’extrême gauche française (CGT, Ligue communiste révolutionnaire d’Alain Krivine, association Attac)
[38].
Après l’avoir rejeté, la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats a transmis sous forme de postulat une
initiative du canton du Valais en faveur de l’ajout d’une clause environnementale et sociale dans les accords entre la Confédération et l’OMC.
Soutenue par Christiane Brunner (ps, GE), l’initiative valaisanne a été finalement rejetée par les deux chambres du parlement par 66 voix contre 47
[39].
Dans un message, le Conseil fédéral a proposé aux Chambres de ratifier très rapidement l’adhésion de la Suisse à la future Cour pénale internationale, en approuvant son statut signé à Rome en 1998 par 155 Etats
[40].
Le Conseil fédéral a rejeté l’idée du PDC de reverser un tiers des réserves excédentaires d’or de la Banque nationale au Comité international de la Croix-Rouge (CICR), préférant appuyer le projet d’une œuvre d’entraide nationale comme la Fondation Suisse solidaire. Plus de 500 tonnes d’or devraient lui être allouée
[41].
Une étude de l’Office cantonale de la statistique a montré que la Cité de Calvin a subit un important essor de sa population de fonctionnaires internationaux. Les 16 organisations internationales gouvernementales (OG) installées sur le sol genevois occupent 21 715 personnes, soit 6,2% de plus que 1999. En vingt ans, l’augmentation du personnel des OG a été de 50%. Plus de quatre employés sur dix résident dans le canton, où trois milliards de francs sont annuellement dépensés par les OG. De leur côté, les Organisations non gouvernementales emploient 2852 personnes à Genève
[42].
Aux journalistes, Joseph Deiss a déploré le peu de promotion de la Suisse dans les médias internationaux. Pour y remédier, le premier responsable de la diplomatie helvétique a proposé d’
accentuer le rôle de plate-forme diplomatique de Genève, notamment par des contacts plus suivis et mieux organisés envers les journalistes étrangers qui gravitent autour de l’ONU. Une étude était en cours afin de parvenir à terme à la création d’un véritable service de presse à la Mission suisse
[43].
Au chapitre des nouveautés, trois événements sont à souligner. Tout d’abord,
le
Centre pour le contrôle démocratique des forces armées, sous l’impulsion des Départements fédéraux des affaires étrangères et de la défense, a été inauguré à Genève
[44]. De plus, la
Banque mondiale a annoncé son attention d’ouvrir un office dans la cité de Calvin, qui rejoint ainsi Bruxelles, Londres, Francfort, Rome et Paris (siège de l’organisation) au rang des villes choisies par la Banque mondiale. Enfin, la ville a officiellement déposé sa candidature pour accueillir la future
Organisation des armes biologiques, organisme destiné à vérifier la bonne application de la Convention signée en 1972 par 132 Etats interdisants ces armes. 100 à 250 fonctionnaires pourraient constituer le Secrétariat permanent de cette organisme international
[45].
[28]
FF, 2000, p. 2346 ss.;
LT, 12.2.00;
TG, 7.3.00; voir aussi
APS 1999, p. 92.28
[29]
FF, 2001, p. 1117 ss.;
LT, 30.6.00;
TG, 9.12.00 (positions du gouvernement).29
[30]
LT, 5.6 et 26.6.00;
Lib., 1.7.00.30
[34]
BO CN, 2000, p. 1196.34
[38]
TG, 22.6.00;
24h, 26.6.00. Pour le sommet social de l’ONU, voir supra.38
[39]
BO CE, 2000
, p. 125 s.;
BO CN, 2000, p. 663 s.39
[40] Voir supra, part. I, 1b (Grundrechte).40
[41] Voir infra, part. I, 4b (Geld- und Währungspolitik).41
[44] Voir infra, part. I, 3 (activité internationale).44
[45]
Lib., 12.4 (Banque mondiale) et 14.6.00 (Centre);
TG, 8.12.00 (armes).45
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