Année politique Suisse 2001 : Allgemeine Chronik / Landesverteidigung
 
Armement
L’année a commencé sous le coup d’une controverse monstre suite aux décès suspects de plusieurs militaires italiens engagés en ex-Yougoslavie. Les accusations ont tout de suite visé l’emploi par les forces de l’OTAN d’armes contenant de l’uranium appauvri, dont la toxicité pourrait être source de cas de leucémies, maladies foudroyantes responsables du décès des soldats italiens. Au cours de ses attaques, l’Alliance Atlantique aurait utilisé plus de 10800 de ces projectiles en Bosnie et près de 30 000 au Kosovo [49]. Afin de désamorcer un débat qui, en un laps de temps très court, a monopolisé la première place des médias suisses et étrangers, le Conseil fédéral s’est immédiatement montré rassurant par la voix de Samuel Schmid. Celui-ci a rappelé qu’il n’y avait aucun lien scientifiquement prouvé entre les décès et l’usage de munitions à uranium appauvri. De plus, il a précisé que les soldats suisses n’avaient pas séjourné au Kosovo dans les régions où ces armes avaient été utilisées. Le Conseiller fédéral s’est toutefois joint aux nombreux gouvernements européens qui ont demandé des éclaircissements rapides à l’OTAN [50].
Malgré ces appels au calme, le DDPS a tenu à mettre en place un certain nombre de mesures destinées à parer des cas de leucémies parmi les 900 soldats ayant été en Bosnie ou au Kosovo, et 250 civils de la Direction du développement et de la coopération (DDC). Environ 500 soldats de la Swisscoy et 400 Bérets jaunes ont reçu une convocation à un contrôle médical. Ce dernier a révélé quelques anomalies et de rares «cas pathologiques», sans apporter pour autant la confirmation définitive de développements cancérigènes [51]. Au cœur de la polémique, plusieurs anciens soldats de la Swisscoy ont critiqué, via les médias helvétiques, le peu de transparence sur le problème de la part de l’état-major qui, selon eux, était au courant des risques latents liés à l’utilisation de l’uranium appauvri depuis le printemps 1999 [52]. Dans ce contexte, et afin de contrer les éventuelles futures plaintes, le contrat d’engagement des volontaires s’est vu rajouter une clause nouvelle rendant obligatoire une prise de sang au départ et au retour des soldats envoyés au Kosovo [53].
Enfin, au faîte de la polémique internationale, la Suisse a annoncé à la communauté internationale son intention de demander l’interdiction des munitions à uranium appauvri, dans le cadre de la révision de la convention internationale de Genève sur les armes. Cette prise de position de Moritz Leuenberger n’a pas trouvé un écho unanime dans l’état-major suisse, où plusieurs conseillers militaires en appellent à l’utilisation de ces armes tant que le lien entre l’uranium appauvri et le développement de leucémies n’a pas été prouvé scientifiquement [54].
Un document du DDPS a été remis en début d’année au Conseil fédéral, inventoriant les principales lignes des dépenses d’armement du Département militaire. Bien que le texte s’en tienne à des projections générales, il apparaît clairement que la part des investissements à moyen terme devrait augmenter de façon manifeste au dépend des coûts d’exploitation, qui absorbent 60% des dépenses militaires. Sur une enveloppe constante de 4,3 milliards de francs prévue par Armée XXI, ceux-ci représentent 2,65 milliards de francs de dépense, soit 1 milliard de plus que les investissements en armement. Le DDPS entend ajuster la part de ces derniers à 2 milliards par an. La réforme Armée XXI, avec ses réductions d’effectifs et d’arsenaux, fournirait l’occasion d’un tel remaniement [55].
Afin de lutter plus concrètement contre la prolifération d’armes nucléaires en Europe et dans le monde, le parlementaire Roland Wiederkehr (pep, ZH) a enjoint le Conseil fédéral a proposer l’adjonction d’un article au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), que la Suisse a signé. Cet article désirait fixer des mesures de droit international contraignantes, afin d’interdire à terme l’emploi de ces armes de destruction massive. Il se serait accompagné d’une démarche envers l’Autriche, afin de se joindre à elle dans la création d’une zone européenne exempte d’armes nucléaires, selon les principes de l’ONU. La motion a été jugée irréaliste par le Conseil fédéral, qui a rappelé qu’un tel amendement devrait obtenir l’approbation des cinq Etats nucléaires actuels, lesquels le refuseraient évidemment. Même principe pour la création d’une zone dénucléarisées en Europe, avec le voisinage de l’OTAN et de la Russie. Une courte majorité des conseillers nationaux s’est ralliée à l’avis du gouvernement en refusant la motion (73 contre, 68 pour) [56].
Autre arme de destruction discutée sous la Coupole: les mines antipersonnelles. Afin d’adapter la loi fédérale sur le matériel de guerre (LFMG) à la Convention d’Ottawa, le conseiller national Dupraz (prd, GE) a déposé une initiative parlementaire visant à en modifier les alinéas 4 et 8 de l’article 8. Pour le parlementaire, le texte suisse souffre d’imprécisions dommageables sur le plan international, qui devraient être corrigées sur la base du traité interdisant les mines personnelles. Le premier article devrait mieux expliciter l’autorisation de stockage de mines en vue de la formation des démineurs; le second devrait offrir une définition plus précise du terme «système antimanipulation», afin d’exclure tout dispositif dangereux pour les civils. Le Conseil national a accepté les modifications de la LFMG par 106 voix contre 40 [57].
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Programme d’armement
Un paquet financier de 980 millions de francs a été budgétisé pour le programme d’armement 2001, soit 198 millions de francs de moins que l’année précédente [58]. Principal objet de discussion au sein du Conseil fédéral : la pertinence de l’acquisition par l’armée de nouveaux avions de transport Casa, achat défendu par Samuel Schmid mais contesté par le reste du gouvernement. Selon ce dernier, le résultat serré des votations du 10 juin et la conjoncture internationale ne rendaient pas indispensable l’investissement immédiat dans ce type d’appareil. Au final, le Conseil fédéral a préféré mettre en attente les deux bimoteurs espagnols, pour une économie de 120 millions de francs [59].
Soumis aux Chambres après un passage réussi auprès de la Commission de la politique de sécurité du National, le texte a été accepté par le Conseil national, par 98 voix contre 55 (gauche). Dans un contexte extrêmement fébrile – le vote a eu lieu neuf jours après les attentats contre le World Trade Center –, les députés ont donné leur aval au programme. L’enveloppe budgétaire se répartit comme suit : 220 millions de francs pour la modernisation des avions F/A 18, 293 millions pour l’achat de nouveaux missiles sol-air Mark 2, 168 millions pour l’acquisition d’obus d’artillerie à fragmentation, 166 millions pour l’achat de 25 chars de dépannage, 80 millions pour huit systèmes de surveillance mobiles pour la protection d’ouvrages et 53 millions pour de nouveaux simulateurs de conduite pour les formations mécanisées. Selon le DDPS, 80% du budget total devrait affecter directement l’économie nationale et assurer l’équivalent de 4500 emplois pendant une année. Malgré un vif débat porté par les arguments des radicaux, des socialistes et des verts romands, pour qui l’urgence était moins dans l’achat de stocks disproportionnés d’armes lourdes et de munitions que dans la coopération internationale antiterroriste, le National a finalement abondé dans le sens du chef de la Défense [60]. Le Conseil des Etats a lui aussi donné son accord en fin d’année, bien que le résultat du vote – 32 voix contre 10 – trahit les critiques internes que le programme de Samuel Schmid a essuyé. Principal leader de la fronde, le socialiste vaudois Michel Béguelin a mis en relief la situation nationale (crise de Swissair, catastrophe du Gothard) et internationale pour proposer, en vain, une meilleure répartition des priorités budgétaires [61].
Suite à une initiative cantonale de Genève, la Chambre du peuple a avalisé une révision de la loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions (Larm): celle-ci prévoit une nouvelle formulation, plus précise, du commerce des armes entre particuliers via une plus large compétence offerte aux cantons. De plus, un marquage plus systématique des armes devra être instauré, afin d’améliorer la traçabilité du matériel en circulation. Après avoir été acceptée au National (62 contre 41), l’initiative a été transmise sous forme de postulat par décision du Conseil des Etats [62].
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Forces aériennes
Alors que l’achat désiré par le DDPS de deux avions de transport de type Casa, budgétisés à 180 millions de francs, a été refusé par le Conseil fédéral (voir supra), Samuel Schmid a annoncé lors d’une conférence de presse son intention de moderniser la flotte des F/A 18 de l’armée helvétique. Ce projet, qui doit s’étendre jusqu’en 2005, consiste en l’aménagement des avions de combats aux standards techniques de l’OTAN. Une enveloppe de 220 millions de francs a été immédiatement comprise dans le budget 2001 : 340 millions supplémentaires devraient être ensuite répartis sur les quatre années suivantes, et chacun des 33 chasseurs être ainsi modernisé à hauteur de presque 20 millions de francs [63].
Au niveau de la force héliportée, le commandant de corps Hansruedi Fehrlin a annoncé l’acquisition par l’armée de douze hélicoptères de transport de type Cougar, version moderne et plus performante du Super-Puma, alors en service. La mise en fonction de cette flotte, dont les premiers appareils sont arrivés en Suisse en début d’année, devrait s’étendre jusqu’en été 2002 et coûter au total 320 millions de francs [64].
Mécontents de la fréquence et de la puissance des turbines des F/A 18, plusieurs habitants de la région de Sion se sont constitués en association et ont adressé une pétition au Conseil fédéral pour réclamer une mise en application plus stricte de l’ordonnance sur le bruit. En 1983, une interpellation au gouvernement avait déjà, en vain, mis en lumière ce problème, alors que les vols s’étendaient sur 20 semaines : aujourd’hui, l’association rappelle que ceux-ci durent 35 semaines et provoque des nuisances sonores néfastes à la qualité de vie et à la valeur patrimoniale des régions touchées. Plusieurs cas de ce type, comme ceux de Payerne (VD), Dübendorf (ZH) et Meiringen (BE) , étaient encore pendant auprès du Tribunal fédéral [65].
Un rapport sur l’entraînement des pilotes suisses à l’étranger entre 1993 et 2000 a été publié par le DDPS. Il répond officiellement à une volonté de transparence vis-à-vis des militaires suisses détachés à l’étranger, principalement suite aux remous d’un premier rapport paru en 1993 où étaient décrits les échanges militaires entre la Suisse et le régime d’apartheid de l’Afrique du Sud, entre 1983 et 1988. Dans ce nouveau rapport sont détaillés tous les entraînements de pilotes suisses à l’étranger, soit 43 engagements dans neuf pays européens et aux Etats-Unis. Des buts et des appréciations pour le futur y sont aussi répertoriés [66].
 
[49] Selon le DDPS, la Confédération ne possède pas de telles armes.49
[50] LT, 6.1.01.50
[51] LT, 3.2.01.51
[52] Lib. et LT., 11.1.01.52
[53] LT, 5.2.01.53
[54] TG, 19.1.01.54
[55] LT, 27.2 et 30.4.01.55
[56] BO CN, 2001, p. 169 s.56
[57] BO CN, 2001, p. 1072 s.57
[58] APS 2000, p. 198 s.58
[59] Presse du 4.7.01.59
[60] BO CN, 2001, p. 1039 ss.60
[61] BO CE, 2001, p. 948 ss.61
[62] BO CN, 2001, p. 203 ss.; BO CE, 2001, p. 521.62
[63] BZ, 19.1.01.63
[64] 24h, 14.9.01.64
[65] LT, 4.5.01. Voir aussi infra, part. I, 6b (Trafic aérien).65
[66] FF, 2001, p. 104 ss.66