Année politique Suisse 2003 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
Politique énergétique
Sur le coup des 3h30, le dimanche 29 septembre, l’Italie, Genève, les Grisons et le Tessin ont été touchés par des pannes de courant. Alors que les entreprises électriques suisses sont parvenues à rétablir rapidement l’approvisionnement, il a fallu toute la journée pour que la situation se normalise en Italie.
La Suisse et l’Italie se sont rejetées la responsabilité. Les rapports de l’UCTE (Union pour la coordination du transport de l’électricité en Europe) et de l’OFEN ont tous deux conclu que deux accidents causés par des arbres sur le territoire suisse ont été à l’origine de la
panne générale. Il s’agissait tout d’abord de la ligne du Lukmanier, qui a été déconnectée à la suite d’un arc électrique avec le sommet d’un arbre, puis d’un deuxième arbre qui s’est abattu près de Sils (GR) provoquant une rupture de transmission sur la ligne du San Bernardino. Les deux rapports variaient quant aux responsabilités. L’UCTE jugeait la Suisse coupable du black-out. D’après elle, le Bureau de coordination du réseau haute tension « Etrans »
[1] n’avait pas saisi l’urgence de la situation entraînée par la surcharge de la ligne de haute tension du San Bernardino, suite à l’impossibilité de remettre en service le Lukmanier. En tardant et en ne demandant qu’une réduction de 300 mégawatts (MV) sur un total de 6700, Etrans a adressé au GRTN
[2] une demande inadéquate. Du coup, les lignes venant de France, de Suisse, d’Autriche et de Slovénie ont été surchargées et se sont déconnectées les unes après les autres. Le tout s’est passé en 26 minutes. Les experts de l’UCTE ont aussi mis en exergue des travaux d’entretien non satisfaisants. Le rapport de l’OFEN a admis ce dernier point, mais pas les autres. Selon l’office, le gestionnaire GRTN aurait dépassé son quota d’importations en provenance de la Suisse de près de 300 MV, provocant l’échauffement, puis la rupture de la ligne du Lukmanier. Cette nuit-là, l’Italie importait une quantité de courant correspondant à 24% de ses besoins. Malgré un téléphone de Etrans, une alarme online et une chute immédiate de l’approvisionnement, le GRTN aurait réagi tardivement et n’aurait pas suffisamment réduit sa demande. Afin d’éviter le black-out, le GRTN aurait dû mettre hors service les pompes à accumulation de ses centrales et l’exploitant français Réseau de transport électrique aurait dû faire transiter cette surcharge sur son réseau sous-exploité au moment de l’incident. Le rapport de l’OFEN remarquait, en outre, que les flux effectifs de courant à destination de l’Italie excédaient les flux de référence depuis un certain temps déjà. Ces
écarts chroniques étaient le fruit de décisions des exploitants italiens et français du réseau et de leurs autorités de régulation respectives. Aucune réglementation globale et contraignante ne régissait l’exploitation des réseaux transfrontaliers. Le règlement européen sur les échanges transfrontaliers de courant devrait en partie y remédier à partir du 1er juillet 2004. Afin de garantir la sécurité d’approvisionnement en Suisse et en Europe, l’OFEN a émis certaines recommandations, qui ont été reprises dans une appréciation sur la libéralisation du marché électrique suisse (voir infra)
[3]. Dans une déclaration commune, l’Italie et la France ont dénoncé la rupture par Berne de l’accord passé pour mener l’enquête à trois
[4].
L’UE et la Suisse ont décidé de renforcer leur collaboration en matière d’approvisionnement électrique. A cet effet, un groupe ad hoc sera mis sur pied. Son but sera d’assurer une plus grande sécurité de l’approvisionnement et de régler l’accès au réseau de manière uniforme
[5].
Libéralisant partiellement le secteur électrique en 2004 et totalement en 2007, l’UE a demandé à la Suisse de lui faire part de ses intentions en la matière. Lui répondant, ainsi qu’aux acteurs concernés, le Conseil fédéral a annoncé son intention de vouloir
asseoir l’approvisionnement électrique sur de nouvelles bases légales d’ici 2007 au plus tard. Suite au rejet de la loi sur le marché de l’électricité (LME) en 2002, le DETEC a procédé à un état des lieux et à des entretiens avec une trentaine de groupes d’intérêts. Il est apparu que ni des accords de branche, ni le droit des cartels, ne suffiraient à régler l’ensemble du marché et à garantir le service public. Afin d’y pallier et de respecter la volonté populaire, le Conseil fédéral a créé une commission d’experts dans le but de préparer cette nouvelle réglementation. Elle comprend 24 personnes représentant l’industrie électrique, l’économie, les cantons, les communes, les syndicats, les consommateurs et les organisations écologistes. Pour éviter toute confusion avec la LME, on parle d’OSEL - organisation du secteur de l’électricité. Trois éléments appellent à une loi sur le marché électrique. Premièrement, la Suisse ne peut rester à l’écart de l’ouverture du marché européen, car les activités des entreprises électriques dépassent le cadre des frontières de leur pays d’attache. Il s’agit donc d’assurer
la réciprocité des droits. Le Conseil fédéral considère par ailleurs indispensable de réglementer le transit de courant. Comme le problème ne peut être résolu par le cadre d’un accord bilatéral et que des accords de droit privé offrent une solution transitoire, une base légale est indispensable. Celle-ci devra en particulier désigner l’autorité qui supervisera le système
[6]. Deuxièmement,
les PME paient leur courant substantiellement
trop cher que la concurrence à l’étranger. La position dominante des entreprises électriques régionales empêche souvent les distributeurs locaux d’offrir aux PME des tarifs avantageux, ceux-ci étant réservés aux grandes entreprises. Il appartiendra à la commission d’experts de dire jusqu’où on libéralise et quels types de consommateurs pourront profiter de la concurrence. Troisièmement, la nouvelle loi doit
assurer la sécurité de l’approvisionnement dans un contexte d’ouverture des marchés. Les opposants à la LME y tiennent. Dans ce contexte, les importants écarts de prix entre les régions devront être analysés. La sécurité juridique nécessaire à des investissements d’équipement et de modernisation devra également trouver une assise
[7].
L’
OFEN a également donné son appréciation de la situation du marché électrique. L’Office fédéral ne voyait pas d’autre choix pour la Suisse que de s’adapter à la donne imposée par l’UE, c’est-à-dire de
libéraliser complètement l’accès à son réseau électrique d’ici à 2007. Il proposait de scinder le processus en deux. Une première étape de libéralisation entrerait en vigueur en 2005. Celle-ci ne concernerait que les gros consommateurs d’énergie et les PME. La seconde étape, qui marquerait la généralisation de l’accès libre au réseau, ferait l’objet d’un processus législatif ultérieur. Moritz Leuenberger a dû lever un malentendu: pour aucune de ces étapes, il n’était question de recourir au droit d’urgence. Afin d’éviter un nouveau black-out, l’OFEN proposait en outre d’intégrer dans le projet de loi deux mesures de renforcement des structures de régulation du marché. Il s’agirait de
créer une société nationale d’exploitation du réseau à haute tension qui chapeauterait les sept opérateurs régionaux, mais aussi une
autorité de régulation étatique « forte ». Cette dernière devrait notamment être capable de pouvoir influer – en concertation avec ses homologues dans les pays voisins – sur la manière dont les flux d’électricité qui transitent vers l’Italie se répartissent entre la Suisse, la France, la Slovénie et l’Autriche. Les experts de l’OSEL ont plébiscité ces deux derniers points
[8].
Le
Tribunal fédéral a rejeté le recours des Entreprises électriques fribourgeoises (EEF) qui refusaient d’acheminer le courant d’un concurrent. Les juges fédéraux confirmaient ainsi que
les seules dispositions légales réglementant le marché de l’électricité étaient la loi sur les cartels (les consommateurs peuvent acheter leur courant où ils le veulent) et
la loi sur le marché intérieur (elle combat les monopoles régionaux et l’abus de position dominante). Ayant épuisé toutes les voies juridiques, les EEF ont saisi le Conseil fédéral. Via une demande d’autorisation exceptionnelle, elles voulaient continuer à bénéficier d’une position dominante sur le marché local, en attendant la mise en place d’une réglementation dictant l’ouverture des marchés. Cette requête au Conseil fédéral était accompagnée d’une demande d’effet suspensif en attendant qu’il se prononce. Alors que la balle était dans le camp du politique, le Grand Conseil fribourgeois a été le premier à réagir en verrouillant son marché de l’électricité. Avec l’adoption d’une loi permettant de réserver le marché de l’électricité fribourgeois aux entreprises déjà implantées, il contournait la décision de la Comco. Par sa décision, Fribourg rejoignait Obwald et le Jura qui disposaient déjà d’un monopole « légal »
[9].
Rendant les considérants public, le
Tribunal fédéral a conclu que le scrutin populaire n’avait pas eu pour conséquence, sur un plan juridique, de soustraire le marché électrique à la loi sur les cartels. Les citoyens avaient été avertis avant le vote qu’un rejet ne stopperait pas l’ouverture du marché. Un distributeur régional peut donc se voir contraint de s’ouvrir à la concurrence pour le transport et la distribution de l’électricité sur un réseau tiers. Les juges fédéraux ont confirmé le raisonnement adopté par la Comco et la Commission de recours pour les questions de concurrence.
Le refus des EEF constituait un abus de position dominante. Sur la question des monopoles cantonaux, le Tribunal fédéral a dissuadé les cantons d’agir de la sorte et a averti que ceux-ci pourraient être anticonstitutionnels. Les juges ont considéré que la loi fédérale sur les cartels s’imposait aux lois cantonales, telles que celle fribourgeoise qui protège le monopole des EEF. Pour le TF, un monopole géographique de distribution, reconnu par la nouvelle loi fribourgeoise, n’impliquait pas un droit exclusif de livraison. Début novembre, les EEF ont subi un nouvel échec ; le
Département fédéral de l’économie (DFE) leur
a refusé un effet suspensif jusqu’à ce que le Conseil fédéral se prononce sur la demande d’autorisation exceptionnelle
[10]. L’affrontement entre les tenants de la loi cantonale fribourgeoise et ceux de la loi sur les cartels n’a pas eu lieu. En effet, après avoir accepté de laisser transiter le courant, les EEF ont finalement décroché le contrat d’approvisionnement avec Migros
[11].
Concernant les coupes du programme SuisseEnergie, voir chapitre supra, part I, 5 (Sanierungsmassnahmen).
Le conseiller fédéral Moritz Leuenberger a donné personnellement le coup d'envoi de la campagne d'information en faveur de l'étiquetteEnergie pour les
voitures neuves. Il en a profité pour exposer sa stratégie afin de diminuer les émissions de CO2 dues au trafic routier. L'accent a été mis sur trois domaines. Il s'agissait tout d'abord de modifier l'impôt fédéral sur les véhicules à moteur de manière à
favoriser les modèles respectueux de l'environnement et présentant une efficacité énergétique élevée. Un système de bonus/malus a été mis à l'étude dont le principe consisterait à alléger l'impôt fédéral perçu sur les véhicules économes et à pénaliser, à l'inverse, ceux qui affichent de mauvaises performances écologiques. Une recommandation sera adressée aux cantons afin qu'ils adaptent la taxe sur les véhicules à moteur dans ce sens. La
promotion d'un mode de conduite écologique constituait le deuxième axe de la stratégie de SuisseEnergie dans le domaine de la mobilité. Le DETEC estimait qu'une généralisation de la méthode Eco-Drive entraînerait entre 10% et 15% d'économies de carburant, sans porter atteinte au confort des usagers de la route. En vertu d'une ordonnance (voir infra, part. I, 6b, Trafic routier), la conduite écologique fait partie intégrante de la formation des nouveaux conducteurs et figure au programme de l'examen du permis de conduire. Le troisième axe avait trait à la
promotion du trafic non motorisé et au trafic lent, en collaboration avec des partenaires comme La Suisse à vélo, Mobility Car Sharing et les Cités de l'énergie
[12].
Le Conseil fédéral a transposé une directive européenne concernant l’indication de la consommation d’énergie des fours électriques. Complétant l’ordonnance sur l’énergie (OEne), le nouvel appendice entrera en vigueur le 1er janvier 2004. Selon celui-ci, la
classe d’efficacité des fours électriques à usage domestique doit désormais figurer sur une étiquetteEnergie de manière à informer de façon compréhensible la clientèle
[13].
Le ministre de l’énergie Moritz Leuenberger a lancé la campagne pour le bâtiment 2004. Elle soulignera les avantages de
l’efficacité énergétique dans la construction et l’assainissement dès le printemps 2004. Son moteur sera une plateforme internet qui servira de portail d’entrée pour des informations approfondies, des conseils et des instruments de planification
[14].
La consommation d'électricité s'est élevée en 2003 à 55,1 milliards de kWh, soit une hausse de 1,1 milliard de kWh (2%) par rapport à l'année précédente.
La progression s'est déroulée lors des troisième et quatrième trimestres. Pendant les mois de grande chaleur (juin à août), la consommation a dépassé les valeurs de l'année précédente de 2,6 à 3%. Pour l'OFEN, la croissance démographique (augmentation de 61 000 individus) était le principal facteur de l'augmentation. De son côté, l'économie a freiné sa consommation. Par ailleurs, le nombre de degrés-jours de chauffage a surpassé de 7,1% le nombre de l'année précédente. Les mois de février, octobre et décembre ont été nettement plus froids qu'en 2002. La production d'électricité des centrales suisses a augmenté de 0,4% en 2003, passant à 65,3 milliards de kWh. Les centrales hydrauliques, qui ont connu des conditions d'exploitation moyennes, ont produit 0,2% d'électricité de moins que l'année précédente. La baisse de production des centrales au fil de l'eau (-12,6%) a pu être compensée par l'activité renforcée des installations à accumulation (+11,4%). Grâce à une utilisation à 92,2% de leur capacité, les cinq centrales nucléaires suisses ont établi un nouveau record avec 25,9 milliards de kWh produits. Globalement, l'apport à la production d'électricité a été de 55,9% pour les centrales électriques, de 39,7% pour les centrales nucléaires et de 4,4% pour les centrales thermiques conventionnelles et les autres installations. En 2003, la production nationale a excédé les besoins (consommation nationale) pendant neuf mois. Avec des importations de 42,4 milliards et des exportations de 45,5 milliards de kWh,
le résultat est un excédent d'exportations de 3,1 milliards de kWh. Aux premier et quatrième trimestres 2003, il a fallu importer 2,3 milliards de kWh pour rétabli l'équilibre entre offre et demande. Aux deuxième et troisième trimestres en revanche, on a enregistré un excédent d'exportations de 5,4 milliards de kWh
[15].
[1] Etrans avait été créé en 1999 par sept compagnies suisses d’électricité.
[2] GRTN est la société publique italienne en charge de la gestion du réseau.
[3] Presse du 29.9, 30.9, 3.10, 28.10 (UCTE) et 26.11.03 (OFEN); DETEC,
communiqué de presse, 29.9 et 25.11.03.
[4]
24h, 2.12.03 (dénonciation).
[5]
LT, 12.12.03 (collaboration).
[6] Cette autorité constitue le principal correctif à la LME. Au lieu d’une instance de régulation forte, celle-ci répartit la surveillance entre plusieurs organismes.
[7]
LT, 8.1.03 (UE); presse du 8.3.03; DETEC,
communiqué de presse, 7.3.03. Voir
APS 2002, p. 126 ss.
[8]
LT, 26.11, 27.11 et 18.12.03 (OSEL).
[9]
24h, 25.6.03 (TF); presse du 20.8.03 (demande d’autorisation);
TG, 12.9.03 (Grand Conseil FR). Voir également
APS 2002, p. 129 s.
[10]
LT, 1.11.03 et
Lib., 3.11.03 (considérants); presse du 6.11.03 (DFE).
[11] Presse du 19.11.03;
LT, 21.11.03;
Lib., 21.11.03.
[12]
24h, 25.2.03; DETEC,
communiqué de presse, 24.2.03. Voir aussi
APS 2002, p. 131.
[13] DETEC,
communiqué de presse, 19.11.03.
[15] OFEN,
communiqué de presse, 28.4.04.
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