Année politique Suisse 2006 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
Europe: UE
Ayant reçu l’agrément du Conseil fédéral, la
Commission européenne a nommé son premier ambassadeur en Suisse, en la personne de l’Autrichien Michael Reiterer
[4].
Le Conseil national a adopté une motion du député Robbiani (pdc, TI), qui demandait au Conseil fédéral de prendre très rapidement des mesures, afin que les pays de l’UE, et notamment les pays voisins, définissent et fassent connaître la
procédure à suivre pour que les entreprises suisses puissent travailler sur leur territoire. Le député partait en effet du constat que si la procédure applicable aux entreprises étrangères qui se prévalent de la libre circulation pour détacher des travailleurs en Suisse se caractérisait par sa précision et sa simplicité, la réciproque n’était pas de règle
[5].
Le Conseil national a décidé de ne pas donner suite à une initiative parlementaire Vanek (adg, GE), qui demandait un
renforcement des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes, et notamment l’extension du champ d’application d’une convention collective de travail, afin de mieux garantir la lutte contre la sous-enchère salariale. Le député souhaitait par ailleurs renforcer, dans le Code des obligations, la protection des représentants des travailleurs contre le licenciement
[6].
Le conseiller fédéral Christoph Blocher a déclaré en fin d’année que le Conseil fédéral avait l’intention de retarder l’entrée de la Suisse dans l’Espace Schengen d’une année au moins, la mise au point d’un nouveau
« Système d’information Schengen » (SIS II), auquel la Confédération a prévu de participer, ayant accusé beaucoup de retard
[7].
En début d’année,
les
25 pays membres de l’UE se sont finalement entendus, après de longues tractations,
sur la répartition du milliard de francs de l’aide suisse à la cohésion de l’UE élargie. La Suisse s’était engagée à apporter cette contribution financière à la réduction des disparités économiques et sociales au sein de l’UE en mai 2004 déjà, et cela en finançant différents projets (amélioration des infrastructures, modernisation de l’administration, etc.) à la hauteur d’un milliard de francs sur cinq ans dans les dix nouveaux pays membres (Pologne, Hongrie, République tchèque, Lituanie, Slovaquie, Lettonie, Estonie, Slovénie, Chypre et Malte), et cela en fonction d’accords-cadre conclus avec les pays partenaires. Des désaccords sur la clé de répartition de l’aide suisse étaient cependant vite apparus au sein de l’UE, Malte contestant notamment cette clé de répartition. Partant, l’UE avait tacitement décidé de geler le processus de ratification d’autres accords bilatéraux conclus dans le cadre ou en marge des bilatérales II (libre circulation des personnes, Schengen/Dublin, statistiques, médias, environnement). Cette décision a donc permis de débloquer ce dernier
[8].
Les choses n’ont toutefois pas été si simples que cela non plus du côté suisse, puisque la question du
financement du milliard de francs n’a pas été sans soulever problèmes et interrogations. L’UE ayant aplani les dernières divergences, le Conseil fédéral a approuvé le Mémoire d’entente entre la Suisse et l’UE concernant la contribution helvétique à la fin février. Il a notamment prévu que
la nouvelle loi sur la coopération avec les pays d’Europe de l’Est servirait de
base légale à la contribution suisse. La conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey s’est rendue quelques jours plus tard à Bruxelles, afin de signer le Mémoire d’entente avec les instances européennes. Le Conseil des ministres de l’UE a dès lors ratifié quatre des accords bilatéraux en suspens. La question du financement de la contribution suisse, ouverte depuis deux ans, n’en a pas été réglée pour autant. En effet, des difficultés sont apparues sur la question du partage de la compensation du milliard de francs entre le DFE et le DFAE, les deux départements ne parvenant pas à se mettre d’accord sur celle-ci jusqu’au mois de juin. Le parlement s’est ainsi prononcé en faveur de la contribution financière (voir infra) sans connaître véritablement le mode de financement et de compensation de celle-ci. A la mi-juin toutefois, le Conseil fédéral est parvenu à finaliser la clé de financement du don à l’UE : 300 millions de francs seront pris en charge par le DFE, 300 millions par le DFAE, et les 400 millions restants seront prélevés sur le budget général de la Confédération. Environ 60 millions de francs seront ainsi compensés chaque année en parts égales entre le DFE et le DFAE au détriment de l’aide traditionnelle aux pays de l’ex-bloc communiste et des Balkans. Suivant le vœu du parlement, le gouvernement a cependant prévu de ne pas toucher à l’aide aux pays du Sud (voir infra)
[9].
Faisant suite à son examen par le Conseil des Etats fin 2005, le projet de loi fédérale sur la coopération avec les Etats d’Europe de l’Est a été examiné par le Conseil national lors de la session de printemps. La poursuite de cette coopération au développement n’a pas été contestée. En revanche, la base légale au milliard de francs destiné à soutenir l’effort de cohésion de l’UE élargie a été contestée. Quatre propositions de minorité se sont opposées de manière différenciée au projet de loi en question. Une minorité Wobmann (udc, SO) a proposé de ne pas entrer en matière, ce que demandait également le conseiller national Bernhard Hess (ds, BE). Deux minorités ont demandé au plénum de renvoyer le projet de loi au Conseil fédéral, en le chargeant toutefois de tâches différentes. La minorité Schlüer (udc, ZH) a proposé de renvoyer le projet au gouvernement en le chargeant de demander à l’UE des contre-prestations pour le paiement de ce milliard de francs : 1) éviter toute discrimination de l’aéroport Zurich-Kloten par rapport aux autres aéroports internationaux européens, notamment en ce qui concerne l’exploitation et les possibilités d’approche ; 2) respecter, sur le long terme, le secret bancaire suisse tel qu’il est fixé dans le cadre de l’accord sur la fiscalité et l’épargne (refus de l’échange automatique d’informations) ; 3) respecter la souveraineté de la Suisse en matière fiscale, en particulier celle des cantons. Le député Zisyadis (pdt, VD) a, quant à lui, demandé le renvoi au Conseil fédéral, en chargeant ce dernier de revenir avec une proposition de loi qui respecte les objectifs fondamentaux des fonds structurels européens de tous les pays de l’UE (25 Etats). De nombreux orateurs des autres partis politiques s’étant inquiétés du financement du milliard de francs, la conseillère Micheline Calmy-Rey a déclaré que le Conseil fédéral donnerait des précisions sur son financement et soumettrait deux demandes de crédits : l’une pour l’aide aux pays de l’Est proprement dit et l’autre pour le financement du milliard de cohésion. Elle a en outre confirmé que ce dernier serait compensé sans incidence budgétaire auprès du DFE et du DFAE, et que l’aide au développement des pays les plus pauvres n’en pâtirait pas. Les propositions de non-entrée en matière ont toutes deux été refusées par 129 voix contre 45, l’UDC étant le seul parti gouvernemental à rejeter l’entrée en matière en bloc. Les propositions Schlüer et Zisyadis ont, quant à elles, été rejetées au plénum par 127 voix contre 48, et 143 voix contre 9, respectivement.
Lors de la discussion article par article, le plénum a émis quelques petites divergences par rapport au Conseil des Etats. Il a par exemple suivi la proposition de la majorité de la commission visant à faire de la loi, de manière explicite, un outil de politique extérieure et de politique économique extérieure. Au vote sur l’ensemble, le projet a été adopté par 116 voix contre 40, l’UDC dans sa grande majorité se prononçant à nouveau contre celui-ci.
Bien que le Conseil des Etats ait émis des critiques concernant la distinction opérée par la chambre basse entre politique extérieure et politique économique extérieure, il a éliminé les dernières divergences qui les opposaient. Au vote final, le Conseil des Etats a adopté le projet de loi par 37 voix contre 1, et le Conseil national par 127 voix contre 53, l’UDC se prononçant toutefois massivement contre le projet de loi
[10].
La Lega dei Ticinesi a annoncé le lancement d’un
référendum à l’encontre de la loi fédérale sur la coopération avec les Etats d’Europe de l’Est avant même le vote final des chambres. Les Démocrates suisses se sont joints à la Lega, alors que l’ASIN a prudemment annoncé attendre la décision de l’UDC sur un soutien éventuel au référendum. Après plusieurs tergiversations, les démocrates du centre ont finalement décidé, début avril, de lancer également le référendum. L’UDC ne s’est toutefois pas véritablement associée à la Lega et aux DS, car elle s’opposait à la loi fédérale pour des raisons différentes des deux partis précités. L’UDC n’a en effet pas développé, sur ce dossier, un argumentaire anti-européen, comme elle avait pu le faire auparavant, mais remettait en cause le manque de transparence dont le Conseil fédéral avait fait preuve dans le cadre du financement de la contribution de cohésion. Le référendum a été déposé à la mi-juillet par l’UDC, qui a récolté environ 70 000 signatures. Tenant à se distancier de la Lega et des DS, les démocrates du centre ont déposé leurs signatures séparément des 10 000 signatures récoltées par les deux petits partis d’extrême-droite. La date de la votation populaire a finalement été agendée au 26 novembre de l’année sous revue
[11].
La
campagne sur la votation a été lancée par le Conseil fédéral au début du mois de septembre, et n’a duré que deux mois environ. Elle a opposé deux camps distincts. Le Conseil fédéral a pu compter, dans le camp des
partisans de la loi fédérale sur la coopération avec les Etats d’Europe de l’Est – qui constituait la base légale à la contribution suisse à la cohésion de l’UE – sur la plupart des partis politiques et sur les principales associations et groupes d’intérêts : PS, PRD, PDC, Verts, PdT, Parti libéral, PEP, ainsi que les syndicats, Economiesuisse, l’USAM, l’USP et hotelleriesuisse. Le camp des
opposants, qui soutenait le référendum, comptait dans ses rangs l’UDC
[12], les DS, l’UDF, la Lega dei Ticinesi et l’ASIN
[13].
Les
arguments des opposants ont été différents suivant les acteurs. En effet, l’UDC a décidé de combattre le milliard francs destiné à financer l’effort de cohésion au sein de l’UE élargie, avant tout en raison du mode de financement choisi par le Conseil fédéral, c’est-à-dire officiellement pour des raisons de pure politique financière
[14]. A ce titre, les démocrates du centre ont plaidé pour un financement de la contribution de cohésion qui soit entièrement compensé par des baisses dans les budgets du DFAE et du DFE, afin que celle-ci ne coûte rien aux contribuables. Les DS et l’ASIN ont avancé des arguments plus anti-européens : pour ces derniers en effet, il était stupide d’aider des pays qui deviendraient les concurrents de la Suisse dans le futur. Le Conseil fédéral, qui a mené campagne avec 3 conseillers fédéraux (Micheline Calmy-Rey, Doris Leuthard et Hans-Rudolf Merz), n’a pas manqué de réfuter ces divers arguments. Les trois conseillers fédéraux ont en effet vanté les mérites politiques et économiques du projet. Ils ont notamment insisté sur le fait qu’il n’en découlerait pas de charge supplémentaire pour le contribuable suisse, ni de nouvelle dette pour l’Etat. Les partisans de la contribution suisse à la cohésion de l’UE ont insisté plus particulièrement sur l’intérêt que représentaient les nouveaux membres de l’UE pour l’économie suisse, tout en soulignant que la menace que constituerait un refus de cette contribution : il mettrait en effet en danger des années de négociations bilatérales avec l’UE, mais également les négociations à venir (dans le domaine de l’électricité notamment)
[15].
Loi fédérale sur la coopération avec les Etats d’Europe de l’Est
Votation du 26 novembre 2006
Participation: 44,98%
Oui: 1 158 494 (53,4%)
Non: 1 010 190 (46,6%)
– Oui: PS, PRD, PDC, Verts, PL, PdT, PEP; Economiesuisse, USS, USAM, USP.
– Non: UDC (1*), DS, Lega, UDF; ASIN.
* Recommandations différentes des partis cantonaux
La loi fédérale sur la coopération avec les Etats d’Europe de l’Est a été acceptée par 53,4% des votants. Les cantons de Suisse centrale et orientale, ainsi que le Tessin l’ont toutefois rejetée
[16].
L’
analyse VOX a montré que si le chiffre d’un milliard de francs a marqué les esprits, le facteur le plus déterminant a été celui de l’orientation politique des votants. En effet, alors que 86% des sympathisants du PS et tout de même encore 71% des partisans du PRD et 65% de ceux du PDC ont approuvé la loi fédérale, 90% des sympathisants de l’UDC ont rejeté celle-ci. Cette votation a d’ailleurs permis de confirmer deux constatations faites lors des deux votations populaires de 2005 sur l’Europe (Schengen/Dublin et extension de l’accord sur la libre circulation des personnes aux nouveaux Etats membres de l’UE) : c’est en premier lieu l’affinité avec un parti qui détermine le plus fortement le comportement de vote sur ce sujet ; ensuite, il apparaît que le fossé entre l’UDC et les autres partis bourgeois s’est massivement creusé par rapport à autrefois (la votation de 1992 par exemple). Les partisans de l’aide ont motivé leur décision de manière plutôt altruiste : 61% d’entre eux ont indiqué qu’il s’agissait pour eux de mettre à disposition des Etats d’Europe de l’Est les moyens de lutter contre la pauvreté. Les éventuels avantages économiques pour l’économie suisse sont arrivés seulement en deuxième position. Une grande majorité des opposants à l’aide à la cohésion (78%) ont motivé leur décision par le fait que la Suisse avait elle-même plus besoin du milliard de francs, afin de soutenir ses propres ressortissants disposant de ressources financières modestes. L’argument de l’UDC qui avançait que le financement de ce milliard n’était pas assuré a également souvent été mis en avant par les opposants
[17].
A la fin octobre, soit environ un mois avant la votation populaire sur l’aide à la cohésion de l’UE, le Conseil des ministres de l’UE a donné son feu vert à des négociations avec la Suisse en vue d’un accord sur le marché de l’électricité, réservant toutefois le lancement de négociations bilatérales à l’acceptation du milliard de cohésion en votation. Le Conseil fédéral avait, quant à lui, déjà donné son aval au mandat de négociation suisse au mois de mai. La Suisse souhaite, avec un tel accord, sécuriser à moyen et long termes l’importante fonction de plaque tournante du pays dans le commerce international de l’électricité. De son côté, l’UE aspire à une intégration complète du marché de l’électricité suisse
[18].
Le Conseil des Etats a adopté, lors de la session parlementaire d’été, une motion Briner (prd, SH), qui chargeait le Conseil fédéral de créer le
forum de coopération en matière de commerce et d’investissements lancé par les Etats-Unis et la Suisse à Davos, et d’engager des démarches en vue d’obtenir la conclusion d’accords bilatéraux avec les Etats-Unis. La motion demandait en outre que les négociations aient pour objectif de préserver les intérêts de l’économie dans son ensemble
[19].
Le Conseil national a adopté, par 103 voix contre 49, une motion de la Commission de l’économie et des redevances (CER-CN), qui chargeait le Conseil fédéral de
poursuivre les entretiens avec les Etats-Unis sur un accord commercial portant essentiellement sur la coopération générale, la libéralisation du commerce, les services et les investissements, et de faire rapport aux commissions compétentes
[20].
Dans sa réponse à une interpellation du conseiller national vaudois Pierre-François Veillon (udc), relative à conclusion d’un accord de libre-échange avec les USA, le Conseil fédéral a indiqué toutefois plus tard que la Suisse et les Etats-Unis étaient parvenus à la conclusion (suite aux évaluations menées entre septembre 2005 et janvier 2006) que les
conditions pour la conclusion à court terme d’un accord de libre-échange entre les deux pays n’étaient pas réunies. Le gouvernement suisse a signalé que les positions divergentes dans le domaine agricole en étaient notamment à l’origine, mais a cependant ajouté que les deux parties restaient néanmoins intéressées à un vaste accord de libre-échange
[21].
Le Nouveau Mouvement européen suisse (Nomes) a élu la conseillère nationale radicale bernoise
Christa Markwalder à sa présidence au mois de mai. Elle a succédé au conseiller national vaudois Yves Christen
[22].
[5]
BO CN, 2006, p. 1573.
[6]
BO CN, 2006, p. 921 ss.
[9]
Lib., 23.2.06 (approbation CF); presse du 28.2.06 (signature);
LT, 6.4.06 (difficultés liées à la compensation); presse du 17.6.06 (décision CF). Voir
APS 2006, p. 58 s.
[10]
BO CN, 2006, p. 165 ss. et 514 ss.;
BO CE, 2006, p. 197 ss. et 301. Voir
APS 2005, p. 62.
[11]
Bund, 15.3.06 ;
24h, 16.3.06 (Lega et DS);
TG, 16.3.06;
Lib. et
LT, 17.3.06;
LT, 25.3.06 (UDC); presse du 13.7.06 (dépôt référendum);
Exp., 10.8.06 (aboutissement formel);
FF, 2006, p. 6417 s.
[12] A l’exception de la section UDC du canton des Grisons, qui a été la seule à se prononcer en faveur de la contribution à la cohésion de l’UE.
[13]
LT, 2.9.06 (lancement de la campagne par le CF);
SGT, 24.11.06 (résumé des mots d’ordre).
[14] Cette vision des choses n’a pas été unanime au sein de l’UDC, l’aile dure du parti évoquant (de manière feutrée) des arguments plus anti-européens et s’opposant au principe même de la contribution à la cohésion de l’UE.
[15] Voir notamment: presse du 27.9.06.
[16]
FF, 2007, p. 425 ss. ; presse du 27.11.06.
[17] Hirter, Hans / Linder, Wolf,
Analyse VOX des votations fédérales du 26 novembre 2006, Berne 2007.
[19]
BO CE, 2006, p. 512 s.
[20]
BO CN, 2006, p. 950 ss.
[21]
BO CN, 2006, Annexes I, p. 488 s.
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