Année politique Suisse 2006 : Wirtschaft / Landwirtschaft
Expérimentation animale et protection des animaux
Le Conseil fédéral, dans sa réponse à une interpellation de la conseillère nationale Barbara Marty Kälin (ps, ZH) relative aux
transports internationaux d’animaux de boucherie sur les routes suisses, a précisé qu’il ne s’était pas encore prononcé sur une levée de l’interdiction de transit en rapport avec les négociations menées dans le domaine agricole avec la Commission européenne, et qui touchent à la modification de l’Ordonnance du 20 avril 1988 concernant l’importation, le transit et l’exportation d’animaux et de produits d’animaux (OITE). Il a ajouté que la délégation suisse s’engageait néanmoins au maintien de cette interdiction. Le gouvernement a précisé que les autorités cantonales, des cantons frontaliers en particulier, veilleront au respect de la législation sur la protection des animaux, et qu’il était prévu de leur donner un mandat pour qu’ils effectuent les contrôles nécessaires lors de l’entrée de camions étrangers sur le territoire suisse
[41].
La Suisse, qui avait demandé en 2005 de
déclasser le niveau de protection du loup de la catégorie des « espèces de faune strictement protégées » à celle des « espèces de faune protégées », a été déboutée par le Comité permanent de la Convention de Berne
[42].
Suite à l’adoption par les chambres, fin 2005, de la nouvelle loi sur la protection des animaux, le DFE a ouvert, à la fin de l’année sous revue, une procédure de consultation concernant la révision totale de l’ordonnance sur la protection des animaux. Le projet du gouvernement visait une amélioration de la protection des animaux en renforçant l’application de la législation au moyen de la formation et de l’information d’une part, et au moyen de nouveaux instruments d’exécution, d’autre part. Le gouvernement a proposé diverses mesures pour atteindre ces objectifs. Parmi celles-ci, une formation pour les personnes qui détiennent, élèvent ou transportent des animaux à titre professionnel (ainsi que pour le personnel des abattoirs qui prend en charge des animaux vivants), ainsi que pour les détenteurs de chiens (voir infra), le renforcement de l’information par l’Office vétérinaire fédéral, pour que les animaux soient traités conformément à leurs besoins, et l’institution de services spécialisés cantonaux, afin de rendre l’exécution de la législation plus efficace. Le Conseil fédéral a également proposé de réglementer désormais explicitement la détention des moutons, des chèvres, des chevaux, des dindes, des animaux sauvages dont la détention n’est pas soumise à autorisation, et celle des poissons. La détention à l’attache des moutons, des chèvres et des chevaux ne sera en outre plus admise.
Les
résultats de la procédure de consultation ont été dans l’ensemble relativement critiques vis-à-vis de cette révision totale. Aussi bien gauche, droite, qu’associations de protection des animaux et associations paysannes ont jugé celle-ci de manière négative, mais pour des raisons diverses cependant. Si l’Union suisse des paysans (USP) a dénoncé les coûts élevés qu’engendreraient les mesures proposées, l’UDC, le PDC et l’USAM ont estimé, de leur côté, que celles-ci réduiraient la marge de manœuvre entrepreneuriale des paysans et nuiraient par conséquent à l’amélioration de la concurrence dans le secteur alimentaire. Quant aux organisations de protection des animaux, elles ont salué les nouvelles mesures dans leur ensemble, en demandant toutefois des améliorations sur de nombreux points. Les Verts ont également souligné que la révision en question ne garantissait pas des conditions de détention conformes pour les animaux sauvages. Le PS et la « Stiftung für versuchstierfreie Forschung » ont demandé, de leur côté, que l’on renonce totalement aux expérimentations sur les animaux, dans la mesure où une détention conforme des primates en laboratoires est presque impossible
[43].
Le Conseil national a adopté, lors de la session de décembre, une motion du député bernois Bernhard Hess (ds), qui demandait au Conseil fédéral de veiller à ce que la Suisse fasse dorénavant en sorte que la protection de l’environnement, des animaux et de la santé des consommateurs soit prise en compte lors des
négociations commerciales. Pour des raisons dues à la protection des animaux, le gouvernement était également invité à faire en sorte que les négociations en cours avec l’UE abordent les questions de l’interdiction des transports d’animaux
[44].
La Protection suisse des animaux (PSA) a lancé une
nouvelle initiative populaire au mois de janvier. Intitulée « Contre les mauvais traitements envers les animaux et pour une meilleure protection juridique de ces derniers », cette dernière vise à inscrire dans la Constitution le fait qu’en cas de procédures pénales motivées par des mauvais traitements envers les animaux, ou par d’autres violations de la législation sur la protection des animaux, les cantons se dotent d’un avocat chargé de défendre l’intérêt des animaux. Ce dernier point avait en effet été refusé par les chambres lors de la dernière révision de la Loi sur la protection des animaux (LPA)
[45].
Malgré son adoption par le Conseil national l’année dernière, le Conseil des Etats a rejeté une motion Günter (ps, BE), qui demandait au Conseil fédéral d’édicter une interdiction d’importation générale de
peaux de chiens et de chats, et de produits dérivés
[46].
Suite à son adoption par la chambre du peuple en 2005, le Conseil des Etats a adopté une motion Aeschbacher (pep, ZH), qui demandait au Conseil fédéral de prévoir, dans l’ordonnance sur la protection des animaux, des dispositions claires sur la
détention convenable et acceptable
des animaux sauvages [47].
Suite aux événements tragiques survenus au mois de décembre 2005, la question de l’
interdiction des chiens dangereux a occupé une grande place dans le débat public au cours de l’année sous revue. Au mois de janvier, le DFE a proposé, dans un projet d’ordonnance, de ne pas interdire de race de chiens (sauf le pitbull, à moyen terme), mais d’en soumettre 13 à autorisation. Ce projet, mis en consultation accélérée (5 jours), a été bien reçu par 21 gouvernements cantonaux, tandis que Vaud et Neuchâtel, notamment, se sont élevés contre celui-ci, à l’instar des vétérinaires cantonaux, des organisations canines et des détenteurs de chiens. Sur la base de ces résultats, et sans doute à cause de rapports de force internes au collège, le Conseil fédéral, après avoir tout d’abord repoussé sa décision, a finalement décidé de ne pas légiférer sur la question des chiens dangereux. Le parlement s’est toutefois saisi de cette question lors de la session parlementaire de printemps. Les chambres se sont clairement prononcées en faveur de mesures d’interdiction à l’égard des chiens dangereux, en adoptant toutes deux une motion identique de leurs commissions de la science, de l’éducation et de la culture (CSEC), qui demandait au Conseil fédéral de mettre immédiatement en vigueur les articles 7a et 7c de la loi sur la protection des animaux, et d’inscrire les mesures nécessaires dans l’ordonnance correspondante, en
interdisant par exemple les chiens susceptibles de représenter un danger considérable pour l’homme. Le Conseil fédéral s’était pourtant prononcé contre la motion en question, estimant que la responsabilité de parer aux dangers pour la population incombait principalement aux détenteurs de chiens. Il a ajouté qu’il appartenait aux cantons de prendre des mesures pour protéger la population contre les chiens dangereux, et que les articles 7a et 7c de la loi sur la protection des animaux ne constituaient pas une base légale suffisante pour prendre de telles mesures
[48].
A la mi-avril, le Conseil fédéral a néanmoins présenté des
mesures concrètes, refusant toutefois de céder à la pression que le parlement exerçait sur lui au travers des deux motions. Le gouvernement s’est en effet contenté de fixer un cadre très général, relativement minimaliste et le moins contraignant possible, laissant aux cantons la latitude d’agir selon leurs sensibilités respectives. La principale mesure prise par le gouvernement a consisté à prévoir l’obligation pour les vétérinaires, médecins, douaniers et autres éducateurs canins d’annoncer à l’autorité cantonale tous les cas où un chien a « gravement blessé des êtres humains ou d’autres animaux », ou paraît « anormalement agressif ». Les chambres, à ce moment de l’année, devaient toutefois encore se prononcer sur d’autres interventions parlementaires relatives à une interdiction des chiens dangereux. Les cantons ont demandé de leur côté au gouvernement de prendre des mesures à l’échelon fédéral contre les chiens dangereux
[49].
A cet égard, les chambres ont lancé un message clair en direction du Conseil fédéral, en décidant de donner suite, plus tard dans l’année, à une initiative parlementaire du député Pierre Kohler (pdc, JU), qui demandait au gouvernement l’
interdiction des pitbulls, ainsi que la mise sur pied d’une liste de races de chiens dont la présence sur sol suisse serait interdite. Insatisfaits des mesures présentées par le Conseil fédéral (qui n’avait selon eux pas répondu à ces deux motions), les députés ont clairement montré qu’ils étaient prêts à prendre des dispositions plus strictes pour lutter contre les chiens dangereux
[50].
Durant l’année sous revue, les chambres ont encore adopté, sur avis favorable du Conseil fédéral, une motion du groupe radical-libéral, qui demandait au gouvernement de proposer au parlement des dispositions légales axées sur la
responsabilisation des propriétaires de chiens. Il s’agissait premièrement de la possibilité de rendre l’assurance responsabilité civile obligatoire pour les propriétaires de chiens, et, deuxièmement, de la possibilité d’exiger une formation minimale de la part des propriétaires de chiens
[51].
Dans le même ordre d’idée, les chambres ont adopté une motion du Groupe de l’Union démocratique du centre, qui demandait au Conseil fédéral de
prendre les mesures qui s’imposaient afin de protéger les gens des chiens dangereux, et notamment en responsabilisant les détenteurs de chiens
[52].
Si aucune mesure satisfaisante n’a finalement pu être adoptée au niveau fédéral d’ici la fin de l’année sous revue, les
cantons ne sont pas restés sans rien faire, puisque qu’un certain nombre d’entre eux n’ont pas hésité à prendre des décisions ou même des mesures concrètes à l’égard des chiens dangereux. Le canton de Fribourg a par exemple décidé de soumettre à autorisation obligatoire la détention de chiens dangereux, et a interdit les pitbulls et les chiens issus de croisements avec ce type de chiens, ainsi que les bâtards issus de croisements avec des canidés soumis à autorisation. Le canton de Zurich a prévu de soumettre la détention de chiens à des règles plus strictes, avec notamment un examen théorique pour les propriétaires et la souscription obligatoire de ces derniers à une assurance responsabilité civile. Disposant déjà de législations pionnières sur les chiens dangereux, les deux Bâles se sont résolus à durcir encore celles-ci, proposant des mesures identiques à celles du canton de Zurich. Le Grand Conseil vaudois a, de son côté, décidé de durcir le projet de loi du Conseil d’Etat et d’introduire une liste de chiens dangereux. A Genève, une initiative cantonale hors partis, qui demandait l’interdiction des chiens dangereux, a abouti au mois de mai. A la mi-août, le Conseil d’Etat genevois a décidé, suite à des morsures d’un chien dangereux sur un bambin dans un parc public genevois début août, de rendre obligatoire le port de la muselière pour tous les chiens se promenant dans les parcs publics. Quant aux molosses, il a été prévu qu’il la portent partout à l’extérieur
[53].
L’Office fédéral de l’environnement a mis en
consultation,
au mois de février, un
projet de « plan ours », dans lequel était affirmée la priorité de la sécurité humaine avant celle de l’ours, même si ce dernier est protégé. Les défenseurs de la nature et du tourisme se sont prononcés en faveur du projet, jugeant que, moyennant une bonne information du public et des milieux concernés, une cohabitation avec le plantigrade était possible. Les cantons du Valais, de Vaud et de Berne, ainsi que les milieux agricoles ont estimé, de leur côté, que la cohabitation était impossible. Le Conseil fédéral a publié le Plan Ours au mois de juillet. Le gouvernement s’est appuyé sur le principe qu’une coexistence pacifique de l’ours et de l’homme en Suisse était possible. Il a adapté pour cela la typologie de l’ours en tenant compte des avis exprimés lors de la procédure de consultation. Elle ne comprend ainsi plus que trois catégories : farouche, problématique et à risque. Le plan envisage à cet égard la possibilité d’abattre l’ours lorsqu’un animal problématique devient ours à risque, c’est-à-dire qu’il perd toute crainte de l’homme, que les actions d’effarouchement n’ont aucun effet, et que l’ours se rapproche des habitations pour trouver sa nourriture et cause de gros dégâts. Il est prévu que ce soit le canton concerné qui prenne la décision d’abattre l’ours, après avoir consulté la Commission intercantonale, dans laquelle siège aussi l’OFEV. Le Conseil fédéral a également prévu que les dommages aux cultures ou au bétail donneraient droit à indemnisation par la Confédération, à hauteur de 80%, et par le canton concerné, à hauteur de 20%
[54].
L’
initiative populaire « pour l’interdiction de la chasse » n’a pas abouti, celle-ci n’ayant pas été déposée dans le délai imparti pour la récolte des signatures
[55].
[41]
BO CN, 2006, Annexes V, p. 253 ss.
[43]
Communiqué de presse de l’OFAG, 12.7.06 (lancement de la consultation) ;
Bund et
NZZ, 13.11.06 (résultats).
[44]
BO CN, 2006, p. 2028.
[45]
FF, 2006, p. 1041 ss. ;
Bund et
Lib., 31.3.06. Voir
APS 2005, p. 111 ss.
[46]
BO CE, 2006, p. 554. Voir
APS 2005, p. 113.
[47]
BO CE, 2006, p. 554. Voir
APS 2005, p. 112 s.
[48] Presse du 14.1.06 (projet DFE) ; presse du 19.1.06 (résultats de la consultation) ; presse des 2.2 et 3.2.06, et des 6.3 et 7.3.06 (décision CF). Motions :
BO CE, 2006, p. 179 ss. et 552 s. ;
BO CN, 2006, p. 263 ss. et 949 s.
[49] Presse du 13.4.06 (mesures CF) ;
TA, 20.4.06 (cantons).
[50] Initiative parlementaire Kohler : 05.453.
[51]
BO CN, 2006, p. 1114 ;
BO CE, 2006, p. 699 s.
[52]
BO CN, 2006, p. 1112 ;
BO CE, 2006, p. 797 s.
[53]
24h, 8.7.06 ;
Lib., 11.10 et 4.11.06 (Fribourg) ;
LT, 19.8.06 (Zurich) ;
QJ, 5.7.06 (Bâles) ;
Lib., 6.9.06 (Vaud) ;
Exp., 9.5.06 ;
LT, 22.8.06 (Genève).
[55]
FF, 2006, p. 2713. Voir également :
FF, 2004, p. 4439 ss.
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