Année politique Suisse 2008 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
Politique énergétique
Au mois de février, le Conseil fédéral a adopté un premier ensemble de mesures au titre de la
mise en œuvre de sa stratégie énergétique et climatique. En 2007, il avait entériné quatre objectifs stratégiques : l’amélioration de l’efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables, la garantie de l’approvisionnement électrique par la construction de nouvelles installations et la formulation d’une politique extérieure en matière énergétique. Ce premier train de mesures concrétise les deux premiers et vise la réduction de 20% des énergies fossiles, l’augmentation de 50% de la part des énergies renouvelables et la limitation de la croissance de la consommation entre 2010 et 2020 à maximum 5%. Pour y parvenir, le gouvernement a adopté les
plans d’action « efficacité énergétique » et « énergies renouvelables ». Parmi les mesures prévues, certaines sont incitatives (par ex. l’instauration d’un système de bonus/malus pour l’imposition des véhicules à l’importation), d’autres procurent un soutien direct (par ex. un programme national d’assainissement des bâtiments) ou prescrivent des valeurs-cibles contraignantes. Le plan « efficacité énergétique » contient quinze mesures dans les domaines du bâtiment, des véhicules, des appareils, de la formation, de la recherche et du transfert de technologies. Le plan « énergies renouvelables » recèle quant à lui sept mesures, notamment en matière de production de chaleur pour les bâtiments, de production d’énergie à partir de la biomasse et de soutien à la production hydroélectrique. La majorité bourgeoise du gouvernement a cependant refusé l’introduction de la taxe incitative sur les carburants prévue par la loi sur le CO
2 et voulue par le chef du DETEC, Moritz Leuenberger. Enfin, le Conseil fédéral a décidé de procéder aux modifications nécessaires afin de raccourcir autant que possible la durée des procédures d’autorisation pour de nouvelles installations de production
[1].
En fin d’année, le DETEC a mis en
consultation des modifications de la loi sur l’énergie (LEn), de l’ordonnance sur l’énergie et de l’ordonnance sur la procédure d’approbation des plans d’installations électriques. La première règle l’exécution des mesures relevant du plan d’action « efficacité énergétique », la deuxième concerne les exigences relatives à l’efficacité énergétique des appareils électriques alimentés par le secteur et la troisième vise l’accélération des procédures d’approbation
[2].
Le Conseil national a approuvé sans discussion un postulat du groupe radical-libéral chargeant le Conseil fédéral de rapporter sur la
sécurité énergétique de la Suisse à moyen et long terme, en accordant une attention toute particulière à l’évolution des besoins de l’économie, au potentiel des énergies renouvelables et à la dépendance vis-à-vis de l’étranger. Il a par contre rejeté un postulat Glanzmann-Hunkeler (pdc, LU) demandant un rapport sur l’écobilan de la production d’énergie, conformément à la recommandation du Conseil fédéral qui estimait que ces données figurent dans le rapport « Perspectives énergétiques pour 2035 », publié par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) en 2007
[3].
L’achèvement du réseau national de transport à très haute tension (THT; soit 380 kilovolts) n’a que lentement progressé au cours de l’année sous revue en raison des très fortes oppositions subsistant au sein des populations concernées par les projets de Energie Ouest Suisse (EOS)
entre Chamoson et Chippis (VS) et entre Galmiz (FR) et Yverdon (VD). Les opposants dénoncent les atteintes au paysage et les risques pour la santé et exigent l’enfouissement des lignes. En face, EOS rappelle que ces deux lignes doivent permettre le raccordement de la Suisse romande au réseau THT national afin de sécuriser son approvisionnement électrique. Ils excluent d’enterrer les lignes litigieuses pour des raisons financières. La direction d’EOS estime que le coût de la ligne Chamoson-Chippis passerait de 70 millions de francs pour la variante aérienne à au minimum 560 millions pour la variante souterraine. Quant au tronçon Galmiz-Yverdon, son coût grimperait au minimum à 616 millions de francs (contre 77 millions pour le projet actuel). La direction a en outre fait valoir un argument environnemental en faveur de ses deux projets, soit la réduction considérable du nombre de pylônes dans la vallée du Rhône et sur le territoire fribourgeois
[4].
Lors de la session d’été, le Conseil des Etats est venu en soutien aux populations concernées en approuvant une motion Fournier (pdc, VS) chargeant le Conseil fédéral de
définir des critères précis permettant de déterminer dans quels cas une ligne à haute tension doit être enterrée. Les sénateurs souhaitent par là non seulement réduire la durée des procédures pour assurer l’approvisionnement, mais aussi et surtout garantir le respect de la santé publique et du paysage. Les entrerprises électriques ont fustigé cette décision, jugeant qu’elle aurait de lourdes conséquences économiques et financières pour la branche et pour les consommateurs
[5].
Les
projets moins controversés ont par contre suivi leur cours. Ainsi, Atel a présenté au public son projet de ligne THT entre Mörel et Ulrichen (VS). Ce tronçon fait partie de l’axe de transit est-ouest entre Airolo (TI) et Chamoson (VS). Après le segment Airolo-Ulrichen, achevé en 2005, il s’agit désormais de remplacer l’actuelle ligne de 220 kilovolts entre Mörel et Ulrichen par une ligne de 380 kilovolts. Devisés à 87 millions de francs, les travaux sont prévus pour 2010 et l’entrée en fonction en 2011. En juillet, les Forces motrices bernoises (FMB BKW Energie SA) ont quant à elles déposé une demande de permis de construire pour un projet de ligne de 132 kilovolts entre Leuzigen et Pieterlen (BE). Tenant compte des oppositions exprimées, l’entreprise publique a abandonné la variante aérienne initialement retenue au profit de la version enterrée. Le budget a par conséquent été révisé à la hausse (37 millions de francs au lieu de 10)
[6].
À l’instar de l’année précédente, le parlement a poursuivi ses travaux sur la problématique de l’efficacité énergétique. La presse a interprété cet investissement comme une marque de soutien à Moritz Leuenberger et à son plan d’action dans ce domaine. Les parlementaires ont d’abord débattu de mesures visant à
améliorer l’information des consommateurs. Ils ont ainsi décidé d’étendre le champ d’application de l’étiquette Energie aux installations électriques, véhicules et appareils non soumis à un régime harmonisé de l’Union européenne. Les chambres ont transmis au Conseil fédéral une motion en ce sens déposée par la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil des Etats (CEATE-CE), malgré le préavis contraire de la CEATE-CN, laquelle a critiqué le caractère superflu et redondant de cette proposition, puisqu’elle figure déjà dans les plans d’action « efficacité énergétique » et « énergies renouvelables » adoptés par le gouvernement fin février (cf. supra)
[7].
Les chambres ont en outre transmis au Conseil fédéral une deuxième motion de la CEATE-CE visant à
introduire un certificat énergétique pour les bâtiments. Obligatoire dans la version adoptée par le Conseil des Etats, cette nouvelle étiquette Energie est cependant devenue facultative à l’initiative de la CEATE-CN, qui a ainsi voulu éviter des complications lors d’assainissements importants ou de transferts d’immeubles, par exemple. La chambre des cantons s’est ralliée à celle du peuple, non sans avoir exprimé une certaine déception vis-à-vis de ce « pas en arrière ». Enfin, le Conseil national a refusé, par 99 voix contre 67, de créer une base légale obligeant les publicités pour des appareils et véhicules à indiquer clairement la consommation énergétique de ces derniers, comme le demandait une initiative parlementaire Teuscher (pe, BE)
[8].
Le parlement a également débattu de mesures concernant les prescriptions de consommation. Il a ainsi transmis une motion de la CEATE-CN visant à simplifier
la
procédure de définition de valeurs-cibles. Par une modification de la loi sur l’énergie (LEn), les chambres veulent généraliser l’objectif de réduction de la consommation à l’ensemble des installations, véhicules et appareils produits en série, et non plus seulement à ceux gourmands en énergie. La motion prévoit en outre l’application de ces prescriptions dès la procédure de mise sur le marché, sans obligation de négocier préalablement avec les acteurs de la branche concernée. Enfin, les dispositions d’application porteront non seulement sur l’efficacité en mode utilisation, mais également sur les pertes en mode veille
[9].
Les chambres ont aussi chargé le Conseil fédéral d’édicter
des
prescriptions de consommation pour les appareils ménagers et de bureau, les sources lumineuses, les moteurs électriques standard et les installations techniques des bâtiments. Elles ont approuvé une motion en ce sens émanant de la CEATE-CE. Ces prescriptions sont censées garantir que seuls les appareils présentant une efficacité énergétique conforme à l’état de la technique puissent être mis sur le marché. Le Conseil des Etats a cependant refusé de confier au gouvernement le mandat d’édicter des prescriptions dans le domaine du bâtiment comme le demandait une motion Teuscher (pe, BE) approuvée par la chambre basse l’année précédente. Le plénum a ainsi suivi l’avis de sa CEATE, laquelle a rappelé que, selon l’art. 89 al. 4 de la Constitution fédérale, l’édiction de normes en ce domaine relève de la compétence exclusive des cantons
[10].
Enfin, le parlement a débattu des propositions d’
incitations à destination des privés. Le Conseil des Etats a approuvé, par 26 voix contre 7, une motion Simonetta Sommaruga (ps, BE) visant à encourager les propriétaires à améliorer le rendement énergétique de leurs bâtiments par une meilleure information, par des incitations fiscales, ainsi que par l’affectation d’une partie du produit de la taxe sur le CO2. La chambre haute a en outre traité les motions en cette matière adoptées par le Conseil national l’année précédente. Elle a ainsi adopté la motion Leutenegger (prd, ZH) visant à modifier l’ordonnance sur la déduction des frais relatifs aux immeubles privés dans le cadre de l’impôt fédéral direct pour permettre une répartition de l’investissement déductible sur plusieurs années (une seule actuellement). Sur proposition de sa CEATE et à la demande du Conseil fédéral, elle l’a cependant transformée en mandat d’examen, de sorte qu’elle soit examinée dans le contexte plus large des mesures de performance énergétique. Elle a fait de même avec la motion du groupe démocrate-chrétien du Conseil national visant à réviser la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) pour exonérer de l’impôt le capital épargné destiné à financer des assainissements améliorant l’efficacité énergétique des immeubles. Le Conseil fédéral a reçu le mandat d’examiner et de faire rapport sur l’opportunité d’une telle révision de la LHID. Dans les deux cas, la CEATE-CE a rappelé que, depuis le dépôt et l’adoption de ces motions par le Conseil national, le DETEC a présenté un plan d’action et qu’un programme de mesures concrètes était en préparation. Elle a également souligné que les déductions existantes entraînent une complexification excessive du système fiscal et que ces incitations ne sont ni efficaces, ni efficientes. Le Conseil des Etats a en outre rejeté une motion Müller (prd, AG) allant dans le même sens, au motif qu’elle aurait permis de déduire un montant supérieur à l’investissement consenti pour la rénovation
[11].
À l’automne, la CEATE-CE a mis en consultation son avant-projet de loi concrétisant l’initiative cantonale déposée par le canton de Berne en 2005, laquelle proposait d’introduire au niveau fédéral un
système de bonus/malus à l’importation destiné à promouvoir les véhicules à moteur les plus efficients sur le plan énergétique et les plus respectueux de l’environnement. Elle a en outre obtenu du plénum la prorogation du délai de deux ans prévu par la loi sur le parlement et devra présenter son projet d’ici à la session d’hiver 2010. Contrairement à la chambre du peuple l’année précédente, le Conseil des Etats a rejeté la motion Donzé (pev, BE) visant à inciter les cantons à prendre en compte la consommation dans le calcul de l’impôt cantonal sur les véhicules, afin de promouvoir les véhicules à faible consommation. Le plénum a suivi sa CEATE, qui a rappelé que le Conseil fédéral ne peut pas intervenir dans ce domaine de la stricte compétence des cantons. La CEATE-CN a pour sa part obtenu du plénum la prorogation jusqu’à l’été 2010 du délai imparti pour lui présenter un projet de loi modifiant la loi sur le CO2, pour y introduire des incitations en faveur de mesures d’
économie d’énergie dans le bâtiment, conformément au mandat défini dans l’initiative parlementaire Hegetschweiler (prd, ZH)
[12].
Toujours dans le domaine de la construction, les chambres ont approuvé une motion de la CEATE-CN chargeant le Conseil fédéral de présenter un catalogue de mesures en faveur de
l’utilisation des énergies renouvelables pour la production de chaleur, notamment lors de rénovations. Le Conseil national a également adopté une motion Chevrier (pdc, VS) visant à introduire des aides financières destinées à
l’assainissement thermique du parc immobilier suisse. Financées paritairement par les cantons et la Confédération, ces aides prendront notamment la forme d’avances remboursables sans intérêts. Enfin, la chambre des cantons a rejeté la motion Bäumle (verts libéraux, ZH) adoptée par le Conseil national l’année précédente. Les sénateurs ont en effet jugé excessivement coûteux le soutien financier proposé pour la construction et la transformation de bâtiments selon les standards Minergie et Minergie-P
[13].
Parallèlement aux travaux de l’Assemblée fédérale, la
Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie a adopté des prescriptions plus strictes pour les bâtiments. La consommation maximale pour la production d’eau chaude est désormais fixée à 4,8 litres d’équivalent à l’huile de chauffage pour les bâtiments neufs et à 9 litres pour ceux assainis. Un certificat énergétique unique et facultatif sera en outre introduit dans tous les cantons au cours de l’année 2009. Ces mesures complètent le programme de soutien à l’assainissement énergétique des bâtiments. Par cette stratégie d’ensemble, les cantons espèrent atteindre une efficacité similaire à celle du programme fédéral SuisseEnergie, soit une réduction de la consommation de l’ordre de 4 milliards de kWh ou des 350 000 tonnes d’équivalent à l’huile de chauffage (1,5% de la consommation totale annuelle en Suisse). La Conférence a en outre exprimé sa volonté de financer l’assainissement des bâtiments par une hausse du « centime climatique » de 1,5 à 1,99 centimes par litre d’essence
[14].
Le 1er janvier, la loi sur l’approvisionnement électrique (LApEl) est partiellement entrée en vigueur, mais la première étape de la libéralisation du marché électrique ne débutera véritablement que le 1er janvier 2009. À partir de cette date, les entreprises consommant 100 megawattheure/an et plus pourront choisir librement leur fournisseur. L’année 2008 a par conséquent été placée sous le signe de la
préparation de la libéralisation, tant du côté des autorités fédérales que de celui des entreprises électriques. En mars, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance sur l’approvisionnement en électricité (OApEl) censée encadrer l’ouverture des réseaux de transport. Outre le respect de normes comptables garantissant la transparence de la tarification, les quelques 900 entreprises auront l’obligation de fixer le prix final du courant en fonction de leurs coûts internes de production et d’achat d’électricité (prix coûtant), et non en fonction du prix du marché européen. Le Conseil fédéral espère ainsi garantir un prix modéré, au moment où les tarifs sur le marché européen connaissent une hausse sans précédent. En outre, les entreprises électriques seront obligées de composer avec un taux de rendement des capitaux engagés de 5%, alors qu’elles en réclament 7% pour assurer l’entretien du réseau. Par la même occasion, le Conseil fédéral a approuvé la révision de l’ordonnance sur l’énergie. Il a ainsi arrêté les modalités de rétribution pour l’injection de courant vert dans le réseau : les prix moyens seront de 18 centimes/kWh pour l’hydraulique, 20 centimes pour l’éolien, 25 pour la géothermie et 70 pour le solaire. Il a enfin édicté des prescriptions plus strictes concernant la consommation des lampes domestiques. À partir du 1er janvier 2009, les ampoules des classes d’efficacité énergétique F et G disparaîtront du marché suisse
[15].
Début septembre, l’annonce d’une
hausse considérable des tarifs pour l’année 2009 a suscité l’indignation générale. Très variables selon les régions, les hausses étaient particulièrement fortes à Genève (+10 à 15% pour les particuliers et +25 à 30% pour les entreprises), en ville de Bâle (+23% en moyenne), de Lausanne (+15% en moyenne) et de Berne (+10% pour les ménages et +20% pour les entreprises), ainsi qu’en Suisse centrale (+18% en moyenne). La ville de Zurich faisait exception avec des prix 2009 inchangés par rapport à 2008, alors que dans le reste du canton la hausse atteignait en moyenne 10,8%. Cela s’explique par le fait que les services industriels zurichois sont la seule entreprise excédentaire. Par conséquent, ils n’ont pas besoin d’acheter du courant à la Bourse énergétique européenne de Leipzig, où les prix de l’électricité ont fait un bond similaire à ceux du gaz et du pétrole. Les autres entreprises doivent par contre payer le prix fort pour combler l’écart entre leur production (ou approvisionnement en courant indigène) et la consommation de leur clientèle. Les fournisseurs ont ainsi présenté les hausses comme la conséquence d’un alignement des prix suisses sur les prix européens rendu nécessaire à la fois par l’insuffisance de la production indigène et par la libéralisation
[16].
Le président de la
Commission de l’électricité (ElCom) et ancien conseiller aux Etats Carlo Schmid (pdc, AI) s’est dit surpris par l’ampleur des hausses et a annoncé leur examen par l’autorité de régulation. L’ElCom a en effet été rapidement submergée de plaintes contre les nouveaux tarifs (1000 au 23 septembre, puis 2000 au 15 octobre). La Fédération romande des consommateurs (FRC) a pour sa part dénoncé la communication lacunaire des entreprises électriques et l’impossibilité pour les ménages de comparer les tarifs. Du côté des partis politiques, le PS a fustigé les hausses de tarif tout en soulignant qu’elles sont la conséquence logique et, en cela, prévisible de la libéralisation voulue par les partis bourgeois. Il en a conclu à l’inévitabilité du référendum contre la seconde étape de la libéralisation prévue pour 2014. Le Conseil fédéral a quant à lui appelé les entreprises à faire preuve de mesure et à réviser leurs tarifs sans attendre que l’ElCom ne statue sur les plaintes. Il a également souligné que, en l’absence de correction, la libéralisation était vouée à l’échec, eu égard à la menace de referendum brandie par le PS. Le spectre du refus populaire de la première tentative de libéralisation, en 2002, a ainsi refait surface
[17].
Lors de la session d’automne, le Conseil national a consacré un débat urgent à cette problématique. Interpellé par les goupes radical-libéral, socialiste et UDC, ainsi que par le député Rudolf Rechsteiner (ps, BS), le Conseil fédéral s’est dit très préoccupé par l’ampleur des hausses annoncées et par leurs conséquences prévisibles pour la croissance et la compétitivité de l’économie suisse. Selon son analyse, les hausses sont principalement imputables aux coûts du réseau, à la forte hausse des prix de l’énergie sur le marché international, aux frais de restructuration des entreprises liés à la libéralisation, ainsi que, plus marginalement, à l’encouragement aux énergies renouvelables et à la croissance de taxes et prestations fournies aux collectivités publiques. Les coûts du réseau sont particulièrement élevés en raison d’une part de la pratique dite du « double amortissement » et d’autre part de la méthode de tarification des services-systèmes. Les entreprises électriques ont en effet tout d’abord amorti rapidement leurs installations en prévision de la libéralisation et les amortissent une seconde fois après l’entrée en force de la LApEl, afin de dégager des moyens financiers supplémentaires au titre de réserves ou pour des investissements. Ensuite, les services-systèmes constituent des réserves de puissance (appelées aussi énergie de réglage) permettant une adaptation rapide aux fluctuations de la demande (consommation) comme de l’offre (production). La société gestionnaire du réseau national Swissgrid facture aux entreprises électriques ce courant d’appoint au prix du marché européen, soit considérablement plus cher que son coût (indigène) de production. Le gouvernement a en outre rappelé que l’ElCom, en tant qu’autorité indépendante de régulation, disposait de compétences étendues en matière de contrôle des prix et pouvait ainsi ordonner des baisses ou interdire des hausses de tarifs. Au vu du nombre de plaintes déposées auprès de la ElCom depuis l’annonce des nouveaux tarifs, le Conseil fédéral a prévu d’en renforcer les effectifs en les faisant passer à 18 postes à plein temps par la voie du budget 2009. Il s’est par contre refusé à suspendre l’introduction du supplément de 0,45 centimes/kWh pour le soutien aux énergies renouvelables, aux motifs que des investissements conséquents avaient d’ores et déjà été réalisés et que ce soutien ne représentait proportionnellement qu’une part insignifiante de la hausse annoncée. Il a enfin rejeté les propositions du PS et de l’UDC de geler les tarifs ou de suspendre l’entrée en force de la libéralisation au 1er janvier.
Lors d’un débat droite/gauche relativement houleux, le
groupe radical-libéral a rappelé sa conviction dans la nécessité de la libéralisation du marché électrique et montré du doigt le manque de concurrence, le risque de pénurie et la dépendance de Swissgrid vis-à-vis d’intérêts politiques. Le
groupe UDC a pour sa part fustigé les taxes et les mesures d’encouragement aux énergies renouvelables. À l’unisson, les partis bourgeois ont fait valoir que la hausse des prix résultait avant tout de la disproportion entre la croissance de la demande et celle de l’offre, situant l’enjeu au niveau de l’approvisionnement. Ils ont ainsi souligné une fois encore la nécessité de construire de nouvelles centrales nucléaires. À l’inverse, les
groupes socialiste et écologiste ont mis en cause la libéralisation, réclamé son arrêt et plaidé pour un renforcement de la régulation et des mesures de soutien aux énergies alternatives et aux économies d’énergie. Ils ont en outre répété leur rejet de l’énergie nucléaire
[18].
Lors de sa séance du 5 décembre, le Conseil fédéral a discuté de
mesures urgentes proposées par Moritz Leuenberger et issues d’une table ronde réunissant les électriciens et les collectivités publiques actives dans la fourniture de courant. Il a adopté trois modifications de l’OApEl, réduisant pratiquement de moitié les hausses annoncées, soit globalement 500 millions au lieu de 1 milliard de francs et 1,1 centime/kWh au lieu de 2. Le gouvernement a d’abord estimé que les grands producteurs devaient participer au
financement des capacités de réserve du réseau d’approvisionnement (450 à 500 millions de francs par an), puisque ces coûts leur sont partiellement imputables. Il a par conséquent décidé de réduire la taxe prélevée par Swissgrid auprès des consommateurs finaux de 0,9 à 0,4 centimes/kWh, les coûts résiduels étant désormais répartis proportionnellement entre les exploitants des centrales ayant une capacité supérieure à 50 megawatts (MW). Partant du constat que les gestionnaires de réseau ont réalisé des gains supplémentaires par l’amortissement rapide et intensif de leurs installations (double amortissement), le Conseil fédéral a révisé à la baisse le
taux d’intérêt des valeurs patrimoniales au titre de mesure compensatoire. Enfin, le collège a introduit un malus de 20% pour l’usage de la méthode dite synthétique pour déterminer les
coûts historiques des installations. Cette mesure est censée mettre un terme aux usages abusifs de cette méthode de calcul. L’ordonnance révisée entrera en vigueur au 1er janvier 2009 et les fournisseurs d’électricité ont jusqu’au 1er avril pour publier leurs tarifs révisés
[19].
Parallèlement, lors de la session d’hiver, les chambres ont débattu d’un certain nombre de propositions déposées au cours de la session précédente. Les CEATE des deux chambres ont en effet déposé conjointement une motion et un postulat. La motion charge le Conseil fédéral de modifier l’OApEl d’ici au 31 décembre 2008, afin
d’empêcher la pratique du double amortissement et d’obliger les entreprises d’une part à
publier leurs tarifs et leurs comptes de façon transparente au plus tard le 30 juin et d’autre part à facturer les services-systèmes à prix coûtant, et non au prix du marché. Le postulat, pour sa part, charge le Conseil fédéral d’étudier l’opportunité de modifier la LApEl et l’OApEl, afin d’étendre les compétences de l’ElCom en matière de régulation (contrôle et sanctions), de modifier la méthode de tarification, de renforcer l’indépendance de Swissgrid (aujourd’hui propriété des grandes entreprises électriques suisses ; cf. infra), d’accroître la transparence des redevances et prestations fournies par les entreprises aux collectivités publiques et de faire toute la lumière sur la politique d’amortissement des entreprises durant les dix dernières années (double amortissement). S’il a pris acte avec satisfaction des mesures décidées par le Conseil fédéral entretemps, le Conseil national a néanmoins approuvé les deux objets pour marquer symboliquement son soutien à l’exécutif. À l’inverse, le Conseil des Etats n’a transmis que le postulat et renvoyé la motion, ainsi qu’une motion similaire du député This Jenny (udc, GL) à sa CEATE, jugeant que, si le postulat s’inscrivait dans le moyen, voire long terme, les motions poursuivaient des objectifs immédiats pour lesquels le Conseil fédéral avait pris des mesures entretemps. Par conséquent, la chambre haute a estimé qu’il conviendrait d’évaluer ces mesures courant 2009 et, au besoin, de reprendre les motions à ce moment là, ou à l’inverse de les classer. Le Conseil national a en outre transmis un
second postulat de sa CEATE donnant mandat au gouvernement de présenter un rapport détaillé sur le prix de l’énergie de réglage et décidé de donner suite à une
initiative parlementaire de sa commission de l’économie et des redevances (CER-CN) visant à l’édiction d’un arrêté fédéral urgent censé empêcher les hausses injustifiées, notamment celles relatives à l’utilisation des réseaux d’approvisionnement. Le Conseil des Etats, quant à lui, a adopté un postulat Stähelin (pdc, TG) demandant au Conseil fédéral de présenter un rapport sur l’évolution prévisible des prix de l’électricité à court, moyen et long terme, ainsi que sur les répercussions de cette évolution sur l’économie nationale
[20].
Swissgrid s’est fait condamner par la Commission de la concurrence (Comco) en raison de la composition de ses organes. Non seulement les grands groupes électriques sont propriétaires de la société nationale, mais surtout ils siègent dans les commissions spéciales chargées de proposer des cahiers des charges pour les mises au concours auxquelles ils peuvent eux-mêmes faire des offres et, ainsi, profiter d’une longueur d’avance sur leurs concurrents. La Comco a en outre sanctionné la composition du conseil d’administration et jugé illégal le cumul des charges de Hans Schweickardt, patron d’EOS et président de Swissgrid. La veille de l’annonce de ce jugement, le conseil d’administration a communiqué la nomination d’un nouveau président, en la personne de Peter Grüshow, membre du conseil d’administration de Siemens, sans lien apparent avec la branche électrique
[21].
Après deux ans de tractations,
Atel et EOS ont finalisé leur fusion, donnant naissance à Alpiq. Avec un chiffre d’affaires de plus de 16 milliards de francs, un tiers de l’approvisionnement électrique suisse et 15 000 employés, la nouvelle entreprise, basée à Neuchâtel, sera numéro un du marché suisse, devant Axpo. Outre les actionnaires d’Atel et EOS, Electricité de France (EDF) est entrée dans le capital d’Alpiq à hauteur de 25%, au titre d’un partenariat stratégique sur le marché européen. Hans Schweickardt, directeur général d’EOS, a pris la présidence du conseil d’administration
[22].
Consommation d'énergieAprès la baisse exceptionnelle enregistrée en 2007, la consommation d’électricité est repartie à la hausse en 2008 pour s’établir au niveau record de 58,7 milliards de kWh (contre 57,4 en 2007 et 57,8 en 2006). En comparaison aux périodes correspondantes de l’année précédente, cette augmentation globale de 2,3% s’est principalement réalisée lors des premier (+4,1%) et deuxième trimestres (+5,1%), demeurant modeste au cours du second semestre (+0,4%). L’OFEN a expliqué cette hausse par la croissance économique (+1,6%) et la rigueur des températures hivernales qui s’est traduite par une augmentation du nombre de degrés-jours de chauffage de 7,9%. Ces deux facteurs ont évolué de façon strictement analogue à la demande d’électricité. En outre, la croissance démographique s’est poursuivie (+1,2%) et, l’année 2008 ayant été bissextile, la journée supplémentaire a généré a elle seule une augmentation de 0,3% de la consommation. La production d’électricité des centrales suisses a crû de 1,6% pour s’établir 67,0 milliards de kWh (contre 65,9 milliards en 2007), soit le deuxième meilleur résultat derrière le record réalisé en 2001. Les centrales hydrauliques ont bénéficié de conditions d’exploitation supérieures à la moyenne, produisant 3,3% d’électricité en plus par rapport à 2007. Les centrales au fil de l’eau y ont contribué à hauteur de 0,8%, tandis que celles à accumulation ont affiché une hausse de 5,3%. À l’inverse, la production des centrales nucléaires a régressé de 0,8% pour s’établir à 26,1 milliards de kWh (contre 26,3 milliards en 2007). Il s’agit du troisième meilleur résultat à ce jour. La disponibilité des cinq centrales nucléaires suisses a par conséquent reculé à 92,7% (93,7% en 2007). Globalement, les centrales hydrauliques ont contribué à hauteur de 56,1% (2007 : 55,2%) à la production d’électricité, les centrales nucléaires à raison de 39,0% (2007 : 40,0%), tandis que l’apport des centrales thermiques conventionnelles et des autres installations a été de 4,9% (2007 : 4,8%). En 2008, la production nationale a excédé la consommation domestique pendant cinq mois. Avec des importations de 50,3 milliards de kWh et des exportations de 51,4 milliards, l’excédent des exportations s’est élevé à 1,1 milliard de kWh (contre un excédent des exportations de 2,1 milliards de kWh en 2006) .
[1]
Lib., 21.2.08; presse du 22.2.08; DETEC,
communiqué de presse, 21.2.08. Concernant la stratégie climatique, cf. infra, partie I, 6d (Politique de protection de l’environnement). Cf.
APS 2007, p. 156 s.
[3]
BO CN, 2008, p. 1558 (Glanzmann-Hunkeler) et 1958 (groupe radical-libéral). Concernant le rapport « Perspectives énergétiques pour 2035 », cf.
APS 2007, p. 152 s.
[4]
Lib., 15.2 et 14.5.08;
LT, 10.4.08;
Lib.,
LT,
NF,
Bund et
NZZ, 27.5.08. Cf.
APS 2007, p. 158.
[5]
BO CE, 2008, p. 524 ss.;
LT,
NZZ et
TA, 15.4.08.
[6]
NZZ, 17.1.08 (Atel);
Bund et
AZ, 10.7.08 (FMB).
[7]
BO CN, 2008, p. 558 s.;
BO CE, 2008, p. 138 s.; presse du 28.5.08.
[8]
BO CN, 2008, p. 556 s. et 1068 s. (Teuscher);
BO CE, 2008, p. 129 ss. et 1012 s.
[9]
BO CN, 2008, p. 551 s. et 558;
BO CE, 2008, p. 1011 s.
[10]
BO CE, 2008, p. 137 s. et 140 (Teuscher);
BO CN, 2008, p. 553 s. Cf.
APS 2007, p. 155.
[11]
BO CE, 2008, p. 468 ss. (PDC et Müller), 686 s. (Leutenegger), 1013 ss. (Sommaruga) et Annexes III, p. 62 ss. (CEATE-CE). Voir également supra, partie I, 5 (Indirekte Steuern) et infra, partie I, 6c (Wohnen). Concernant les motions Leutenegger, Müller et PDC, cf.
APS 2007, p. 142, 156 et 190 s. Selon les définitions retenues par le CF, une mesure (par ex. une incitation fiscale) est efficace, dans la mesure où elle permet de résoudre (au moins partiellement) le problème identifié. Elle est dite efficiente si son efficacité est plus grande que celle d’autres instruments politiques.
[12]
FF, 2008, p. 8011 (consultation);
BO CE, 2008, p. 144 s. (Donzé), 1015 (Berne) et Annexes V, p. 10 (CEATE-CE);
BO CN, 2008, p. 1002 (CEATE-CN). Cf.
APS 2007, p. 156.
[13]
BO CN, 2008, p. 560 et 1749 (Chevrier);
BO CE, 2008, p. 139 s. (Bäumle) et 1010 s. Cf.
APS 2007, p. 155 s.
[14]
NZZ, 10.4.08 (prescriptions);
LT, 26.8.08 (financement).
[15]
BaZ et
LT, 18.3.08. La hausse du prix de l’électricité à la Bourse énergétique européenne de Leipzig s’explique par sa dépendance au cours du gaz, lequel a connu une augmentation extrêmement forte dès 2007 (
Bund, 21.5.08).
[16]
BaZ,
LT,
NZZ et
TA, 2.9.08.
[17]
LT, 2.9.08 (ElCom et FRC);
LT et
TA, 3.9.08 (PS);
LT, 4.9 (CF) et 15.10.08 (plaintes).
[18]
BO CN, 2008, p. 1457 ss. et Annexes IV, p. 485 s. et 660 ss.; presse des 27.9 et 2.10.08. Concernant la libéralisation du marché de l’électricité, cf.
APS 2007, p. 157 s.
[19]
RO, 2008, p. 6467 ss.;
LT, 18.10 (table ronde) et 25.10.08;
NZZ, 20.11 et 13.12.08; presse du 6.12.08 (CF); OFEN,
communiqué de presse, 5.12 et 12.12.08. La méthode conventionnelle recourt au coût d’acquisition, mais, pour les installations les plus anciennes, il est parfois impossible d’établir précisément ce coût. En ce cas, les gestionnaires de réseau peuvent utiliser la méthode synthétique, qui se fonde sur la valeur de remplacement (selon l’état actuel du marché). Il en résulte des coûts en capital généralement plus élevés dont la charge est reportée sur les consommateurs.
[20]
BO CN, 2008, p. 1771 ss. et Annexes V, p. 509, 475 s. et 480 ss.;
BO CE, 2008, p. 800 ss. (Stähelin), 999 ss. et Annexes V, p. 197 ss. et 202;
LT, 16.10.08 (CER-CN) et presse du 10.12.08.
[22] Presse du 20.12.08. Cf.
APS 2007, p. 158.
[23] Presse du 16.4.09; OFEN,
Communiqué de presse, 15.4.09. Cf.
APS 2007, p. 158 s.
Copyright 2014 by Année politique suisse