Année politique Suisse 2012 : Sozialpolitik / Soziale Gruppen
 
Politique à l’égard des étrangers
En 2009, une initiative parlementaire Brunner (udc, SG) demandant une interdiction systématique de se marier pour les sans-papiers avait été acceptée par le parlement. Le Tribunal fédéral a remis en question cette initiative, car elle n’est pas applicable en pratique. En effet, l’article, en vigueur depuis 2011, ne peut être appliqué systématiquement étant contraire notamment à la Constitution et à la Convention Européenne des droits de l’homme. Le Tribunal fédéral a ainsi décidé qu’il appartenait à la police des étrangers d’examiner chaque cas afin d’éviter les mariages blancs. Suite à cet examen, la police des étrangers délivrera des autorisations temporaires afin que les mariages puissent avoir lieu [1].
En février, la commission fédérale pour les questions de migration (CFM) a rendu son rapport de consultation relatif à la révision partielle de la loi sur les étrangers. La commission a premièrement salué la volonté du Gouvernement de mieux ancrer le principe d’intégration dans la loi. Elle propose d’ailleurs que les étrangers bien intégrés aient droit à une autorisation d’établissement après 10 ans. Elle n’a cependant pas soutenu l’idée de contrôler l’intégration des migrants qui souhaitent prolonger leur autorisation de séjour, ceci un an déjà après leur arrivée. La commission a également refusé d’utiliser les conventions d’intégration comme sanctions envers les étrangers. Elle préfère renforcer l’encouragement et élargir les possibilités de réussir une bonne intégration. La commission a néanmoins reconnu nécessaire d’introduire des conventions d’intégration avec les personnes admises provisoirement afin d’améliorer leur intégration. Finalement, elle a refusé d’obliger les migrants à suivre des cours de langue, mais a souhaité, ici aussi, un élargissement de l’offre en matière de cours de langue et d’intégration [2].
Contrairement à son homologue en 2011, le Conseil des Etats a rejeté la motion Wehrli (pdc, SZ) qui demandait que les assurances sociales aient le droit de contrôler l’existence réelle et la légalité de la résidence de leurs membres. Cette question est traitée plus en détail dans le chapitre 7c (Sozialversicherungen) [3].
Lors de la modification de la loi sur les étrangers, le Conseil fédéral a instauré des amendes pouvant s’élever jusqu’à 16 000 francs, afin de sanctionner les compagnies aériennes qui transportent des passagers n’étant pas en possession de papiers valides pour entrer sur le territoire suisse [4].
En novembre, le gouvernement a publié un message concernant le traité avec le Kosovo sur le transfert de personnes condamnées. Ce traité permettrait aux deux parties de transférer dans leur pays d’origine les personnes condamnées dans l’autre pays. Ainsi, le gouvernement suisse a demandé le soutien du parlement arguant que ce traité permettrait non seulement une meilleure réinsertion sociale des détenus, mais aussi un désengorgement des prisons suisses [5].
Au cours de l’année sous revue, les travaux de mise en œuvre de l’initiative pour le renvoi, initiative acceptée par le peuple en 2010, n’ont pas satisfait les membres de l’UDC à l’origine du texte. En effet, le Conseil fédéral a mis en consultation deux variantes: une première variante qui s’éloigne du texte de l’initiative, mais qui évite une trop grande incompatibilité avec la Convention Européenne des droits de l’homme et la libre circulation des personnes, et une deuxième variante, proposée par l’UDC, qui suit minutieusement le texte de l’initiative UDC, mais qui semble incompatible avec le droit international. Afin d’imposer sa propre interprétation de la mise en œuvre et de mettre le gouvernement sous pression, l’UDC a ainsi lancé une initiative populaire fédérale « pour le renvoi effectif des étrangers criminels (initiative de mise en œuvre) ». Le texte a été déposé à la Chancellerie fédérale à la fin de l’année en question [6].
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Racisme
Après opposition, le Conseil national a transmis un postulat Naef (ps, ZH) par 109 voix contre 82. Ce dernier demande un rapport sur le droit à la protection contre la discrimination. Plus particulièrement, le motionnaire souhaite un examen de l’étendue de ce droit, des potentiels obstacles à sa mise en œuvre, des avantages et inconvénients, ainsi qu’une étude des instruments juridiques à disposition pour faire respecter ce droit [7].
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Population étrangère
A la fin de l’année 2012, 1 869 000 personnes de nationalité étrangère résidaient en Suisse, soit 23.3% de la population. La population étrangère a ainsi augmenté de 53 000 personnes (+3%). Cette augmentation est semblable à celle des deux années précédentes. Comme en 2011, la majorité des ressortissants étrangers provient des Etats de l'UE-27/AELE. Plus précisément, les ressortissants sont originaires d'Italie (294 359), d'Allemagne (285 379), du Portugal (238 432), de France (103 929) et de Serbie (94 851). Les plus fortes augmentations d’immigration se comptent parmi les Portugais (+ 14 261), les Allemands (+ 8 551) et les Kosovars (+ 7 319). A l’inverse, le nombre de ressortissants de Serbie (– 8 106), de Croatie (– 995), du Sri Lanka (– 645) a reculé. En 2012, Leysin est la commune avec la plus grande proportion d’étrangers (60.7%). Concernant les frontaliers travaillant en Suisse, leur nombre a augmenté de 4% (+ 12 000 personnes) au cours de l’année sous revue. Une augmentation moins importante que les 8.5% de l’année 2011 [8].
En août, l’annonce par l’OFS du passage de la barre des huit millions d’habitants en Suisse a remis au centre du débat la politique envers les étrangers. Les médias ont rappelé les solutions proposées par les partis politiques pour limiter la croissance. Parmi les solutions discutées, on retrouve l’initiative contre l’immigration de masse de l’UDC, les tours de vis dans le domaine des naturalisations pour le PDC, les restrictions du droit au regroupement familial pour le PLR ou encore la limitation de l’immigration pour les initiants d’Ecopop. Ce thème est également traité dans la partie I, 7a (Population et travail) [9].
Deux motions ont été déposées par le groupe UDC et le groupe libéral-radical qui visent à lier l’aide au développement et la politique migratoire. La motion du parti agrarien demande que le pays bénéficiaire de l’aide au développement démontre un comportement coopératif en matière de migration. La motion libérale-radicale se concentre sur le Maghreb et demande que l’aide au développement soit liée à la politique migratoire. Après l’annulation d’un premier vote, la motion du groupe libéral-radical a été préférée à celle de l’UDC par 25 voix contre 17. La partie I, 2(Politique étrangère suisse) traite de cet objet en détail [10].
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Immigration
En début d’année, le président du PS Christian Levrat a annoncé que son parti allait lancer un débat interne au sujet de l’immigration. Il a notamment exprimé vouloir répondre aux inquiétudes des citoyens concernant la concurrence étrangère. Il a ainsi lancé quelques propositions dont par exemple, un durcissement des mesures d’accompagnement, l’introduction de contingents régionaux ou encore l’introduction d’une clause de sauvegarde plus efficace. Ces propositions ont fait réagir des élus socialistes, en particulier les jeunes socialistes qui ont accusé leur président d’entrer dans le jeu de l’UDC. En septembre, le congrès du PS a adopté un texte sur la politique migratoire. Bien que la direction souhaitait un texte acceptant les renvois forcés en dernier recours, le texte adopté s’est opposé à cet objet (181 voix contre 159), mais a accepté de durcir les mesures d’accompagnement concernant la libre circulation des personnes [11].
En février, l’UDC a déposé son initiative „Contre l’immigration de masse“ dotée de 135 557 paraphes valables. Les initiants souhaitent instaurer des contingentements annuels d’immigration. Ils demandent que ces contingents soient calculés en fonction des besoins économiques de la Suisse tout en respectant le principe de préférence nationale. L’initiative précise que les traités qui sont contraires au texte, notamment la libre circulation des personnes, devront être renégociés dans un délai de trois ans. Plus particulièrement, l’accord sur la libre circulation des personnes devrait ainsi être renégocié sur trois points: le contingentement, la préférence nationale et l’inclusion des frontaliers dans le contingentement. En juillet, le Conseil fédéral a pris position contre l’initiative et ne lui a pas opposé de contre-projet. Selon le gouvernement, la proposition de l’UDC n’est pas compatible avec l’accord sur la libre circulation des personnes et une renégociation de cet accord risquerait de pousser Bruxelles à déclencher la clause guillotine. En outre, l’initiative créerait une importante hausse du travail administratif et serait néfaste pour l’économie suisse et pour les citoyens suisses qui ne jouiraient plus du droit de séjour et de l’accès au marché du travail actuellement garantis dans les pays de l’UE et de l’AELE. L’initiative de l’UDC a beaucoup été comparée à l’initiative « Halte à la surpopulation » déposée par le groupe Ecopop qui demande notamment une limitation de l’accroissement de la population migrante à 0.2% par an. Cette initiative est traitée dans la partie I, 7a (Population et travail) [12].
Parallèlement à sa prise de position, le Conseil fédéral a présenté en juillet un rapport faisant état des impacts de la libre circulation des personnes en Suisse afin de répondre aux interrogations formulées dans les postulats Girod (verts, ZH) et Bischof (pdc, SO) et dans la motion Brändli (udc, GR). Le rapport relève premièrement les effets bénéfiques de l’accord pour l’économie suisse, qui retire 1 franc sur 2 de ses relations commerciales avec l’UE. Il met cependant en lumière l’augmentation de la population qui met sous pression le marché du logement, les infrastructures, l’aménagement du territoire ou encore la politique de formation. Les réactions à ce rapport ont fusé à droite comme à gauche. L’UDC a accusé le rapport d’embellir la situation, alors que le PS a regretté que le Conseil fédéral n’ose pas prendre des mesures effectives, telle l’instauration d’un salaire minimal, afin de lutter contre le dumping salarial [13].
L’activation par le Conseil fédéral de la clause de sauvegarde pour réintroduire des contingentements de travailleurs européens est discutée dans la partie I, 2 (Politique étrangère suisse).
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Intégration
Une étude de l’OCDE parue en février a analysé l’intégration des immigrés sur le marché du travail suisse. L’OCDE a salué la bonne intégration des migrants en Suisse. Selon l’étude, cette réussite est due à la fois à la bonne situation du marché du travail en Suisse, et aussi à l’origine des migrants qui sont principalement des personnes à hauts revenus et originaires des pays de l’OCDE. Dans les manquements, l’analyse a relevé une mauvaise intégration des femmes avec de jeunes enfants et des migrants humanitaires. De plus, les enfants d’immigrés font souvent face d’abord à des difficultés scolaires dues à une scolarisation relativement tardive, puis ensuite à d’importantes discriminations à l’embauche. L’étude de l’OCDE confirme ainsi la volonté du gouvernement, exprimée en 2011, de renforcer les dispositions pour l’intégration [14].
Lors de sa session de printemps, le Conseil national a refusé une initiative parlementaire Reimann (udc, SG) qui, prenant exemple sur le Canada, la Nouvelle-Zélande et l’Australie, demandait que l’immigration soit réglée par un système de points. Les immigrants seraient ainsi jugés en fonction des besoins économiques de la Suisse, ainsi qu’en fonction de leurs connaissances linguistiques, qualifications, état de santé, âge, état financier, respect de la loi, pays d’origine et volonté ou aptitude à l’intégration. Le conseiller national n’a su convaincre que son groupe en ne récoltant que 49 voix contre 130 voix opposées à l’initiative [15].
L’intégration linguistique a également été à l’honneur au cours de l’année sous revue. Le nouveau système d’apprentissage des langues destiné aux migrants, « fide », a été lancé en mai lors de la première conférence nationale « fide », inaugurée par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga [16].
Au mois de décembre, le Conseil fédéral a accepté une ordonnance autorisant les jeunes étrangers sans-papiers à faire un apprentissage. Cette mesure vise à résoudre le problème que rencontrent les jeunes sans-papiers qui terminent l’école obligatoire et se retrouvent face à l’impossibilité d’entreprendre un apprentissage. Les jeunes devront cependant remplir certains critères dont la maîtrise d’une langue nationale, le respect de l’ordre juridique suisse et une scolarité de minimum 5 ans en Suisse. En cas d’acceptation, une autorisation de séjour pour cas de rigueur sera également délivrée aux parents et aux frères et sœurs du jeune. Cette mesure répond à une motion Barthassat (pdc, GE) acceptée par les chambres en 2010 [17].
 
[1] LT, 30.1.12; APS 2009, p. 229s.
[2] Communiqué de presse de la CFM du 13.2.12; NZZ, 14.2.12.
[3] Mo. 10.3206: BO CE, 2012, p.12.
[4] LT, 29.6.12.
[5] MCF 12.097: FF, 2013, p.591ss.
[6] FF, 2012, p. 6873ss.; LT, 29.12.12.
[7] Po. 12.3543: BO CN, 2012, p. 1794, 2247.
[8] Communiqué de presse de l’OFS du 4.3.13 et 25.4.13, Communiqué de presse de l’OFM du 8.2.13.
[9] LT, 6.8. et 10.9.12.
[10] Mo. 10.3558: BO CN, 2011, p. 1729; BO CE, 2012, p. 143ss., 157s., 167; Mo. 11.3510: BO CN, 2011, p. 1735; BO CE, 2012, p. 143ss., 157s., 167; APS 2011, p. 153.
[11] Lib, 3.1. et 10.9.12; LT, 10.9.12 ; cf. IIIa (SP).
[12] MCF 12.098: FF, 2012, p. 3611ss.; 2013, p. 279ss.; LT, 15.2. et 5.7.12.
[13] Po. 09.4301 (Girod); Po. 09.4311 (Bischof); Mo. 10.3721 (Brändli); LT, 5.7.12; APS 2011, p. 321.
[14] Communiqué de presse de l’OFM du 14.2.12; NZZ, 15.2.12; Lit. Liebig et al.; APS 2011, p. 322s.
[15] Iv. parl. 10.535: BO CN, 2012, p. 246ss.; Lib. 7.3.12.
[16] Communiqué de presse de l’OFM du 15.5.12.
[17] Mo. 08.3616: Communiqué de presse de l’OFM du 7.12.12; Lib, 3.3.12; APS 2010, p. 257.