Année politique Suisse 2012 : Sozialpolitik / Soziale Gruppen
Réfugiés
Le
nombre de demandes d’asile en 2012 a atteint 28 631, soit 27% de plus qu’en 2011. Les requérants proviennent principalement de l’Erythrée (4 407 demandes), du Nigéria (2 746 demandes) et de la Tunisie (2 239 demandes). Sur la totalité des demandes 2 507 personnes ont obtenu le statut de réfugié (-32.4% par rapport à 2011), 2 060 personnes ont été admises provisoirement (-32.9% par rapport à 2011) et pour 14 008 personnes, une non-entrée en matière a été décidée (+44.6% par rapport à 2011). L’importante variation entre 2011 et 2012 s’explique par un changement de stratégie dans le traitement des demandes d’asile. En effet, les demandes n’exigeant pas de plus amples clarifications sont traitées en priorité. Ce changement a influencé le nombre de personnes ayant obtenu l’asile, ainsi que le nombre de non-entrée en matière. Les départs ont également subi une hausse: +84% pour les départs volontaires contrôlés et +22% pour les retours vers les pays d’origine, pays tiers et Etats Dublin
[18].
Durant les quelques mois précédant l’entrée en vigueur de l’
exemption de l’obligation de visa pour la Serbie, la Macédoine et la Bosnie-et-Herzégovine, les demandes d’asile émanant de ces pays ont significativement augmenté. Pour exemple, le mois de juillet a été marqué par une augmentation de 83% des demandes provenant de Macédoine et de 68% de la Serbie. Afin de faire face à cet afflux, de nouvelles mesures sont entrées en vigueur le 20 août 2012. Les procédures ont été accélérées (jugement de première instance rendu en 48 heures), l’aide au retour et les indemnités pour le voyage aux personnes refusées ont été supprimées et finalement, en cas de refus de rentrer volontairement, les personnes ont reçu une interdiction d’entrée sur le territoire de l’espace Schengen. La plupart de ces demandes ont été refusées, puisque la Confédération considère les Etats susmentionnés comme « safe ». Ainsi, seul 0.5% des demandes ont abouti sur un octroi de l’asile
[19].
En janvier, Mario Gattiker a été nommé
directeur de l’Office fédéral des migrations. Il succède à Alard du Bois-Reymond
[20].
Contrairement au Conseil national en 2011, le Conseil des Etats a décidé de ne pas donner suite à la motion Müller (plr, AG) par 22 voix contre 12. Cette dernière demande que les personnes ayant obtenu l’asile en Suisse reçoivent leur
autorisation d'établissement selon les mêmes critères et conditions que les étrangers originaires d'Etats non membres de l'Union européenne ou de l'AELE qui déposent une demande d’établissement en Suisse. Dans les faits, la motion demande que les personnes ayant obtenu l’asile attendent dix ans, au lieu de cinq actuellement, avant de recevoir une autorisation d’établissement. Lors du vote, une minorité Föhn (udc, SZ) s’est positionnée sans succès en faveur de la motion
[21].
En mai 2011, le DFJP a exprimé sa volonté d’accélérer les procédures d’asile notamment en restructurant le domaine de l’asile et en créant de nouveaux
centres fédéraux, un changement qui devrait prendre six ans. Face à ce délai jugé trop important, une motion Müller (plr, AG) a été déposée afin que le gouvernement mette en œuvre ces décisions plus rapidement et présente son message de consultation d’ici à l’automne 2011. Le Conseil National s’est prononcé favorablement sur cette motion en 2011. En 2012, les sénateurs ont refusé la motion principalement pour des raisons formelles, la date butoir étant déjà passée
[22].
L’année sous revue a été le théâtre d’un important débat sur
les modifications de la loi sur l’asile. En 2011, le Conseil des Etats avait commencé à traiter ces modifications scindées en deux projets. Il avait approuvé le projet 1, qui répond principalement aux problèmes rencontrés par l’administration et avait renvoyé au Conseil fédéral le projet 2 visant particulièrement à accélérer les décisions en matière d’asile. Au cours de l’année sous revue, la commission des institutions politiques du Conseil national (CIP CN) s’est attelée à l’évaluation de cette révision. Les nombreux amendements déposés par l’UDC et la gauche ont ralenti les travaux de la CIP CN et, conséquemment, retardé les débats au parlement. Au final, la CIP CN s’est alignée sur le Conseil des Etats en abrogeant la possibilité de déposer une demande d’asile dans les ambassades suisses, ainsi qu’en refusant la désertion comme motif d’asile. Cette dernière mesure vise principalement les requérants érythréens. La commission a également apporté ses propres durcissements en proposant notamment que la Confédération puisse réquisitionner des bâtiments pour loger des requérants sans l’accord préalable des communes et des cantons, que les personnes admises provisoirement perdent leur passeport F en cas de voyage de plus de deux mois à l’étranger, que le statut de réfugié soit accordé uniquement au demandeur d’asile et non à ses enfants, son conjoint ou à d’autres membres de sa famille ou encore que soient créés des centres fédéraux pour placer les requérants récalcitrants. Cependant, la commission a refusé par une courte majorité (12 voix contre 10) de réduire le soutien financier accordé aux requérants d’asile et de passer ainsi de l’aide sociale à l’aide d’urgence. La commission a également proposé de créer un projet 3 qui déclarerait urgente la disposition demandant que le refus de servir ou la désertion ne soient plus reconnus comme motif d’asile. Déclarées urgentes, ces mesures seraient ainsi mises en œuvre dès leur acceptation par les chambres fédérales et soumises rétroactivement au droit populaire de référendum. Ces propositions ont été acceptées par 15 voix contre 5 et 3 abstentions
[23].
Lors de leur passage devant le Conseil national en juin 2012, les projets ont fait l’objet d’une cinquantaine de propositions de minorités. Le groupe des Verts a tout d’abord proposé de refuser l’entrée en matière, une proposition refusée malgré un faible soutien socialiste aux écologistes. Le Conseil national a ensuite suivi le Conseil des Etats en renvoyant le
projet 2 au Conseil fédéral
[24].
Concernant le
projet 1, soit les problèmes administratifs, ses dispositions ont été longuement discutées. Premièrement, le Conseil national s’est rangé sur la décision du Conseil des Etat en demandant de pénaliser les activités politiques des requérants, afin d’éviter que ces derniers utilisent ces activités comme motifs d’asile après leur fuite. Le Conseil national s’est également prononcé sur le droit de recours. Une minorité de l’UDC a proposé que le Département de Justice et Police se dote d’une instance qui traiterait les recours des requérants de manière interne afin d’accélérer les procédures. Le Conseil national a refusé cette proposition en la qualifiant de contraire à la Constitution, cette dernière garantissant que les contestations de droit public soient soumises à des autorités judiciaires et non, comme le souhaite la minorité, administratives. En outre, les conseillers nationaux ont débattu du soutien financier accordé aux requérants. Les parlementaires ont premièrement décidé que les personnes refusant de décliner leur identité se voient refuser l’aide sociale ou l’aide d’urgence. De plus, ils ont réduit l’aide financière aux requérants en cours de procédure d’asile. Ces derniers devraient toucher uniquement l’aide d’urgence et non l’aide sociale, comme le veut le statu quo. La gauche s’est opposée à cette mesure qualifiée de « pousse-au-crime » par l’ancien président des Verts, Ueli Leuenberger. Malgré les oppositions de la gauche, de la majorité du PBD et d’une minorité du PDC, la proposition emmenée par Müller (plr, AG) a été acceptée par 109 voix contre 76 et 5 abstentions. Cette décision n’a pas été suivie par le Conseil des Etats qui a refusé cette réduction financière par 33 voix contre 9. Les arguments ont notamment porté sur l’injustice de mettre à égalité les candidats à l’asile et les requérants déboutés, qui eux, perçoivent l’aide d’urgence, et sur le risque d’une augmentation de la criminalité due à la précarité. Les villes et certains cantons s’étaient également exprimés contre cette mesure redoutant une augmentation des coûts à leur charge. Ainsi, les arguments du conseiller aux Etats This Jenny (udc, GL) qui souhaitait suivre la proposition du Conseil national en expliquant que les requérants étaient « mieux habillé » que lui n’ont pas convaincu les sénateurs, mais ont trouvé un certain écho médiatique. Le Conseil des Etats a cependant fait un pas dans la direction du Conseil national en acceptant de réduire ou même de supprimer l’aide aux requérants délinquants qui trichent ou ne coopèrent pas. De retour à la chambre du peuple, les parlementaires ont suivi leurs homologues. Ils ont donc refusé la proposition Müller (plr, AG), défendue une dernière fois par Blocher (udc, ZH), par 123 voix contre 59, et se sont ralliés au compromis du Conseil des Etats par 124 voix contre 59. Concernant l’autorisation de séjour, le Conseil national a décidé de durcir les conditions. Jusqu’alors les personnes ayant obtenu l’asile devaient séjourner cinq ans pour obtenir une autorisation de séjour, les parlementaires ont augmenté cette durée à sept ans, mettant ainsi les personnes ayant obtenu l’asile au même régime que les autres étrangers. La modification a été acceptée par 92 voix contre 88. Le Conseil des Etats a refusé cette proposition. Au vue de l’opposition constante du Conseil des Etats, qui a maintenu le principe des cinq ans, le Conseil national a tacitement accepté d’en rester au statut quo en décembre. Finalement, la chambre basse a décidé d’autres tours de vis. De manière à répondre à l’initiative parlementaire Müller (plr, AG) à laquelle les commissions avaient donné suite en 2011, la CIP CN a proposé à son conseil de refuser l’octroi automatique de l’asile aux membres de la famille d’une personne ayant obtenu l’asile. Lors de son passage devant le Conseil national, une solution de compromis a été déposée sous la forme d’une proposition Fischer (pvl, LU). Par souci de respecter le droit international qui prévoit une protection de la famille, le conseiller national a demandé de préserver le regroupement familial pour les enfants mineurs et le ou la partenaire, mais de ne pas l’étendre aux autres proches. La proposition Fischer s’est finalement substituée à celle de la majorité par 90 voix contre 88 et 3 abstentions. En septembre, le Conseil des Etats s’est aligné sur ce compromis
[25].
Le Conseil national a également suivi sa commission en créant un
projet 3, déclaré urgent. En effet, lors de la discussion au sujet de la désertion comme motif d’asile, le Conseil national a suivi le Conseil des Etats qui avait proposé en 2011 d’exclure le refus de servir ou la désertion des motifs d’asile. Cette discussion fait suite à l’affluence de requérants provenant de l’Erythrée évoquant ce seul motif d’asile. Les implications de cette décision dans la pratique devraient cependant être minimes puisque, comme l’ont relevé Simonetta Sommaruga et le Chef de l’Office des migrations, Mario Gattiker, les persécutions liées au refus de servir resteront un motif d’asile valable. En outre, sur proposition de sa commission, le Conseil national, suivi par le Conseil des Etats en septembre, ont qualifié cette disposition d’urgente créant ainsi un nouveau projet 3. Sur l’impulsion de Philipp Müller (plr, AG), le Conseil national a ensuite décidé d’étendre cette clause d’urgence à d’autres dispositions et d’étoffer ainsi le projet 3. Premièrement, le Conseil national a accepté un changement concernant le dépôt des demandes d’asile. La pratique actuelle qui acceptait les demandes déposées dans les ambassades serait abrogée. La Suisse s’alignerait ainsi sur la pratique européenne. En septembre, le Conseil des Etats a suivi le Conseil national en reconnaissant également cette mesure urgente. Deuxièmement, le Conseil national a approuvé par 127 voix contre 64, la possibilité pour le gouvernement d’utiliser les installations et les constructions de la Confédération sans autorisation cantonale ou communale pour une durée maximum d’un an. En échange, les communes et les cantons recevront une contribution forfaitaire pour couvrir les coûts de sécurité. Suite à une proposition Leo Müller (pdc, LU), le gouvernement devra cependant informer les communes au moins 60 jours avant l’exploitation des lieux. En septembre, le Conseil des Etats a modifié cette proposition en demandant d’augmenter à trois ans l’utilisation des bâtiments par le Conseil fédéral. Finalement, le Conseil national s’est aligné sur la proposition de la chambre haute. Troisièmement, le Conseil national a abordé le problème des requérants récalcitrants. Au grand dam de la gauche, hostile à la création de centres spéciaux pour les requérants récalcitrants, deux propositions ont été discutées. L’UDC et la Lega ont exprimé la volonté de placer les requérants récalcitrants dans des camps d’internement fermés pour une durée maximale de trois ans. Cette disposition, rejetée par 136 voix contre 54, aurait été contraire au droit international et au principe d’Etat de droit. Cependant, le Conseil national a accepté la création de centres spécifiques où seront hébergés les requérants qui menacent l’ordre public ou nuisent sensiblement au bon fonctionnement des centres d’accueil. Pour pallier les frais de sécurité, le Gouvernement reversera une contribution forfaitaire aux cantons. Le Conseil des Etats a confirmé cette décision en septembre. Quatrièmement, le Conseil des Etats a souhaité inclure dans le projet des mesures urgentes une mesure autorisant le Conseil fédéral à effectuer des tests pilotes afin de trouver des solutions pour limiter la durée des procédures d’asile. Cette mesure permet ainsi au Gouvernement de déroger au droit en vigueur. Le Conseil national a refusé cette modification en septembre. De retour au Conseil des Etats, ce dernier a maintenu sa position malgré une proposition de minorité demandant de limiter ces tests à une durée de deux ans, proposition refusée par 21 voix contre 20. Le Conseil national a transmis le dossier à la Conférence de conciliation qui a proposé de limiter les tests à deux ans. Cette proposition a finalement été acceptée par les deux chambres. Le 28 septembre 2012, les deux chambres ont ainsi entériné le projet 3 par 122 voix contre 49 au Conseil national et 36 voix contre 9 au Conseil des Etats. Etant qualifié d’urgent, le projet 3 est ainsi entré en vigueur le 29 septembre 2012, soit un jour après la votation, pour une durée de trois ans. Ce principe d’urgence a été vivement discuté dans les deux chambres. En effet, des voix du clan rose-vert se sont élevées déclarant que les conditions justifiant un recours à la législation d’urgence n’étaient pas remplies. La clause d’urgence a finalement été acceptée par les deux chambres à la majorité qualifiée, 120 voix contre 57 au Conseil national et 36 voix contre 6 et 1 abstention au Conseil des Etats
[26].
De manière générale, les modifications de la loi sur l’asile ont été mouvementées sur le plan politique. Lors des débats, la quasi-totalité des articles soumis à une minorité ont ainsi divisé le parlement entre le camp rose-vert et le camp bourgeois. Beaucoup de décisions ont été l’objet de minorités socialistes ou vertes. Elles ont presque toutes échouées. A l’autre bout de l’échiquier politique, les propositions de l’UDC ont également peu convaincu, ne mobilisant souvent que leurs propres membres. La création du projet 3 a vu se profiler Philipp Müller (plr, AG) comme grand gagnant des débats. Les médias ont également relaté le glissement vers la droite
du PLR et du PDC. Ce positionnement a été vivement critiqué par l’ancien conseiller national Claude Ruey (plr, VD) ou la conseillère aux Etats Seydoux-Christe (pdc, JU). Les critiques contre cette révision se sont également traduites dans la rue. Les organisations religieuses et les organisations de défense des requérants, ainsi que le PS et les Verts ont réuni entre 4 000 et 5 000 personnes qui ont manifesté contre les nouvelles mesures à la fin du mois de juin à Berne. Pour d’autres raisons, le mécontentement au sujet de la révision a également éclaté à droite. En effet, l’UDC a fait savoir qu’elle n’était pas satisfaite de cette révision et qu’elle lancerait une initiative en 2013 demandant que les requérants d’asile soient logés dans des camps fermés, que les procédures soient raccourcies et que les recours soient adressés à une entité administrative. A gauche, malgré son insatisfaction face à la révision de la loi, le président du PS a annoncé ne pas vouloir lancer de référendum estimant ses chances de succès quasi-nulles et craignant qu’un remaniement ne durcisse encore la loi votée au parlement. Face à ce refus socialiste, les jeunes verts, appuyés par des organisations de défense des migrants ont lancé un
référendum contre le projet 3, soit les mesures décrétées urgentes par le parlement. Le référendum en marche, les Verts se sont ralliés à la cause. Lors de son assemblée des délégués, le PS a lui refusé de soutenir la récolte de signatures par 114 voix contre 92. Une score serré, notamment suite à l’engagement de certaines sections locales et cantonales en faveur du lancement d’un référendum, tels les PS du canton du Jura, de Genève, Thurgovie, Appenzell Rhodes-Intérieures, d’Argovie, de Bâle-Ville, de Saint-Gall et de Neuchâtel, ainsi que des jeunes socialistes. La gauche a motivé ce refus par un échec programmé du référendum, qui, au final, ne servirait qu’à renforcer les durcissements de la loi
[27].
En octobre, alors que les débats parlementaires sur les modifications de la loi sur l’asile battaient leur plein,
Amnesty a lancé une campagne d’affichage. On retrouve dans ce photomontage des politiques suisses, généralement favorables aux durcissements de l’asile, mis en situation de demandeurs d’asile. Amnesty a ainsi créé les personnages de « Jussuf Freysinger » ou « Filit Müller » avec l’intention de sensibiliser le public à la situation que vivent les requérants d’asile. Les membres de l’UDC ont réagi, qualifiant l’acte d’Amnesty d’« insultant, grossier et injuste »
[28].
Le Conseil des Etats a suivi le Conseil national en acceptant la motion «
Lutter contre la criminalité étrangère » déposée par le groupe PDC, PEV, PVL. Le groupe souhaite que le Conseil fédéral propose une modification de la loi sur l’asile sur les points suivants. Premièrement, les frais de détention en matière d’asile doivent être intégralement remboursés aux cantons. En contrepartie, les cantons devront s’assurer que les renvois soient exécutés, et ceci dans les délais. Deuxièmement, le groupe demande également une harmonisation des pratiques cantonales concernant la loi sur les étrangers et sur l’asile, une incitation à effectuer les éventuelles peines dans les pays d’origine et finalement un meilleur contrôle aux frontières suisses. Un dernier point demande que les procédures de recours durent un an au maximum. Cette dernière mesure a été intensément discutée, car elle mettrait en péril l'indépendance des autorités judiciaires. Malgré les mises en garde, le Conseil des Etats a accepté la motion par 20 voix contre 15
[29].
Une motion Flückiger-Bäni (udc, AG) a demandé au Conseil fédéral de
limiter les voyages à l’étranger des détenteurs d’un livret F, qu’ils aient obtenu l’asile ou non, si ces derniers ne sont pas au bénéfice d’une autorisation ou ne peuvent apporter la preuve de motifs particuliers. Les sénateurs ont adopté cette motion par 20 voix contre 17, corroborant ainsi la décision du Conseil national
[30].
Une motion Philipp Müller (plr, AG) demandant une nouvelle répartition des requérants d’asile saisis dans le système
Eurodac a été adoptée par le Conseil des Etats. Les détails de cet objet se trouvent dans la partie I, 2 (Politique étrangère)
[31].
Pour répondre à la surreprésentation des requérants originaires du Maghreb dans les statistiques de criminalité, le chef de la police du Jura, Olivier Guéniat, a proposé de
prélever l’ADN de tous les requérants d’asile, ou principalement celui des jeunes hommes seuls et sans-papiers, afin d’accélérer les procédures. Les représentants politiques des partis bourgeois se sont montrés ouverts à cette proposition. Quant à la gauche, elle est restée sceptique, mais ne s’est pas directement opposée à cette mesure. Les critiques ont surgi principalement du camp des défenseurs des droits de l’homme et des libertés individuelles. La proposition du jurassien a finalement été refusée par le comité de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police en août de l’année sous revue
[32].
Afin de répondre à diverses demandes du parlement, le Conseil fédéral a accepté une ordonnance visant à
limiter la liberté de voyager des personnes admises à titre provisoire. Elles ne pourront dorénavant voyager que pour des motifs clairement définis. Après trois ans, cette limitation sera assouplie mais sera toujours restreinte à une durée de 30 jours, une fois par an
[33].
Les précisions concernant l’accord bilatéral signé avec la Tunisie visant à accélérer le retour des requérants d’asile déboutés se trouve dans la partie I, 2 (Politique étrangère suisse).
L’année sous revue a été marquée par la problématique de la
pénurie de logements pour les requérants d’asile. L’augmentation importante des demandes d’asile en 2011 (+45% par rapport à 2010) a confronté les autorités au problème du logement de ces requérants. Ainsi, des requérants ont été logés dans un ancien hôpital (Boudry, NE) ou encore dans un hôtel de passe (Aadorf, TG). En outre, l’ouverture de nouveaux centres a maintes fois rencontré l’opposition des habitants et des autorités. Le principal exemple de l’année sous revue est probablement la commune de Bettwill (AG). Cette dernière a refusé d’ouvrir un centre, invoquant qu’aucun permis de construire ne pouvait être délivré pour transformer le cantonnement militaire en centre pour requérants. Le Département de la défense a également été accusé de refuser de mettre à disposition les centres militaires désaffectés ou sous-utilisés à disposition des requérants d’asile. Au final, la pression sur le département de la défense a permis d’ouvrir quelques nouveau centres d’hébergement temporaires pour requérants d’asile, notamment dans les communes de Hasliberg (BE), Bienne (BE), Schwarzenberg (LU), Boudevilliers (NE), Carouge (GE), Hauterive (FR) et Sufers (GR)
[34].
Toujours concernant les difficultés de
logement des requérants d’asile, une motion avait été déposée en 2011 par le conseiller national Philipp Müller (plr, AG) demandant au gouvernement de résoudre les problèmes dans ce domaine. La motion propose plus particulièrement de conduire ces réformes en intégrant tous les acteurs concernés, notamment les cantons, le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) et le Département fédéral de la justice et police (DFJS), et en répondant efficacement aux obstacles légaux et techniques. Le Conseil des Etats a accepté la motion, calquant ainsi sa décision sur celle du Conseil fédéral et du Conseil national
[35].
L’été 2011 avait été marqué par la découverte de 7 000 à 10 000
demandes d’asile irakiennes gelées dans les ambassades de Suisse en Syrie et en Egypte. Aucune suite n’avait été donnée à ces demandes. En 2012, l’ancien juge fédéral Michel Féraud a rendu un rapport expliquant qu’en ne traitant pas ces demandes, l’Office fédéral des migrations avait clairement violé le droit sur l’asile et d’autres garanties constitutionnelles de procédure. Malgré cette faute, le rapport exclut d’éventuelles sanctions envers les responsables. Il reste cependant des zones d’ombres notamment quant à savoir quels ministres étaient au courant de ces pratiques. En effet, le rapport n’a pas pu établir clairement qui, de Christoph Blocher, Eveline Widmer-Schlumpf ou Simonetta Sommaruga, était au courant de cette affaire
[36].
Les suites du
printemps arabe ont également été discutées dans les médias. En effet, la plupart des réfugiés d’Afrique du Nord sont considérés comme des réfugiés économiques et n’ont ainsi pas de raison valable de demander l’asile. Le traitement de ces dossiers engorge l’administration et de ce fait, ralentit encore les procédures. Les autorités suisses se sont montrées particulièrement inquiètes au sujet des Algériens. En effet, l’Algérie refuse de reprendre ses ressortissants déboutés et cela, malgré une ébauche d’accord de renvoi signé en 2006
[37].
En janvier, le Ministère public zurichois a rendu son verdict sur les causes de la
mort d’un jeune Nigérian décédé en 2010 sur le tarmac de l’aéroport de Kloten alors qu’il était en train d’être renvoyé de force dans son pays. L’enquête du ministère a conclu que le jeune homme était décédé de causes « naturelles et internes ». L’avocat de la famille du jeune homme a déclaré qu’il ferait recours à la Cour suprême du canton de Zurich
[38].
Toujours dans le domaine des renvois forcés, la Commission nationale de prévention de la torture a accepté d’endosser le rôle d’observateur lors des fameux
vols spéciaux. La Commission reprend ainsi la fonction de la Fédération des églises protestantes qui a quitté ses fonctions au terme d’un projet pilote
[39].
Le canton de Genève a développé un projet pilote pour tenter de renvoyer les étrangers délinquants ou les requérants déboutés récalcitrants. En effet, le canton de Genève compte une importante population algérienne d’environ 400 délinquants, qui suite au retard de la mise en œuvre de l’accord de renvoi avec l’Algérie, est inexpulsable. Ainsi, la ministre genevoise Isabel Rochat a développé un «
projet Maghreb » qui vise à encourager le départ volontaire de ces délinquants par une somme de 4 000 francs.
[40].
Jugeant les procédures dans le domaine d’asile trop lentes et administrativement trop chargées, le conseiller national Hugues Hiltpold (plr, GE) a déposé une motion demandant une
réduction de la bureaucratie dans le domaine de l’asile. La demande concerne notamment un regroupement des différentes auditions passées par les requérants d’asile. Suivant l’avis du Conseil fédéral et du Conseil national, le Conseil des Etats a accepté la motion
[41].
Face à la crise syrienne, Simonetta Sommaruga a décidé d’accueillir un
contingent de 36 réfugiés syriens. Cette mesure répond à une demande du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). L’UDC a vivement réagi à la décision de la ministre en publiant un communiqué au titre radical « Combien de temps encore prendrez-vous les Suisses pour des imbéciles, Madame Sommaruga? »
[42].
Le
centre des requérants d’asile de Chiasso a été l’objet d’une initiative cantonale tessinoise en mars 2012. Le canton du Tessin a demandé à la Confédération de renforcer les effectifs du centre, de soutenir les communes qui créent des programmes d’occupation pour ces requérants, de prendre en considération le comportement du requérant lors de l’octroi du statut de réfugié, de régler les peines privatives de liberté des requérants et finalement de s’investir dans la création de nouveaux centres. La commission des institutions politiques du Conseil national a donné suite à ces revendications
[43].
En réponse à l’immigration importante provenant de l’Afrique du nord, la commission des institutions politiques du Conseil national a déposé une motion afin que les communes qui abritent un centre d’accueil soient dédommagées pour les
frais de sécurité supplémentaires. Le Conseil fédéral et le Conseil national se sont dits prêts à suivre la proposition de la commission. Au Conseil des Etats, la commission responsable a proposé de rejeter la motion, puisque lors de la révision de la loi sur l’asile, un forfait de sécurité a été octroyé aux cantons. Les cantons répartiront ensuite les subventions aux communes.
[44].
La motion de la CIP CN demandant une
meilleure planification des hébergements pour les requérants d’asile a reçu le soutien de son conseil au mois de septembre. Plus précisément, la CIP CN souhaite que le Conseil fédéral prévoie une réserve de logements pour qu’en cas d’immigration massive, l’Etat puisse rapidement subvenir aux besoins des requérants. Le Conseil des Etats se penchera sur ce dossier l’année prochaine
[45].
En octobre, le Conseil fédéral a publié un rapport pour répondre au postulat Hiltpold (plr, GE) «
Migration en provenance de pays nord-africains. Situation en Suisse ». Les conclusions du rapport montrent que la Suisse a rapidement réagi. Elle a non seulement augmenté son soutien humanitaire, mais a aussi adapté sa politique de l’asile en traitant prioritairement les personnes issues de certains pays et ne présentant pas de motifs d’asile. Ainsi, de nombreux requérants sont rentrés grâce à des programmes d’aide au retour
[46].
En décembre, le Conseil fédéral a adopté un
plan d’urgence pour se préparer à des afflux extraordinaires de demandes d’asile. Ce plan, inspiré des conséquences du printemps arabe, devrait permettre au gouvernement d’accélérer et de simplifier les procédures, ainsi que de trouver rapidement des places d’hébergements
[47].
[18] Communiqué de presse de l’OFM du 22.1.13.
[19] Communiqué de presse de l’OFM du 21.8. et du 7.9.12;
LT, 22.8.12.
[21] Mo. 10.484:
BO CN, 2011, p. 1334ss.;
BO CE, 2012, p. 103ss.;
APS 2011, p. 326.
[22] Mo. 11.3732:
BO CN, 2011, 1738;
BO CE, 2012, p. 81s.;
APS 2011, p. 326s.
[23] Dépêche ATS du 11.5.12;
LT, 12.5.12;
APS 2010, p. 264;
APS 2011, p. 324s.
[24] MCF 10.052:
FF, 2012, p. 8943ss.;
BO CE, 2012, p. 681ss., 852ss., 1123ss., 1259;
BO CN, 2012, p. 1073ss., 1170ss., 1948ss., 2149s., 2280s.
[25] MCF 10.052:
FF, 2012, p. 8943ss.;
BO CE, 2012, p. 681ss., 852ss., 1123ss., 1259;
BO CN, 2012, p. 1073ss., 1170ss., 1948ss., 2149s., 2280s.;
LT, 13.6., 14.6.12 (Leuenberger), 4.12. et 12.12.12;
Lib., 14.6., 13.9.12 (Jenny) et 4.12.12;
NZZ, 14.6.12; Iv.pa. 10.483 (Müller).
[26] MCF 10.052:
FF, 2012, p. 8943ss.;
BO CE, 2012, p. 681ss., 852ss., 1123ss., 1259;
BO CN, 2012, p. 1073ss., 1170ss., 1948ss., 2149s., 2280s.;
NZZ, 12.5., 4.6., 18.6., 1.10. et 5.11.12;
Lib., 14.6. et 13.9.12;
LT, 14.6., 12.9., 18.9., 3.12. et 4.12.12.
[27]
LM, 14.6.12;
Lib., 15.6., 10.10., 21.9. et 3.12.12;
NZZ, 25.6.12;
TA, 25.10.12;
SGT, 28.11. et 3.12.12.
[28]
LT, 1.10.12;
Lib, 2.10.12.
[29] Mo. 10.3066:
BO CE, 2012, p.74s.;
NZZ, 6.3.12;
APS 2011, p.326,.
[30] Mo. 11.3383:
BO CN, 2011, p. 1735ss.;
BO CE, 2012, p. 79ss.;
APS 2011, p. 326
[31] Mo. 10.3174:
BO CN, 2011, p. 1706ss.;
BO CE, 2012, p. 79s.;
APS 2011. p. 145.
[32]
Lib, 20.8. et 24.8.12.
[33] Communiqué de l’OFM du 14.11.12.
[34] Communiqué de presse de l’OFM du 2.4., 25.4., 19.9. et 4.10.12;
LT, 13.1., 2.3. et 3.2.12.
[35] Mo. 11.3868:
BO CN, 2011, p. 2264;
BO CE, 2012, p. 537s.;
APS 2011, p. 328.
[36]
Lib., 12.1.12;
APS 2011, p. 324.
[38]
LT, 21.1.12;
APS 2010, p. 264.
[40]
LT, 13.4. et 7.12.12.
[41] Mo. 11.3809:
BO CN, 2011, p.2264;
BO CE, 2012, p. 537;
APS 2011, p. 328.
[44] Mo. 12.3338:
BO CN, 2012, p. 1192ss.;
BO CE, 2012, p.860s.
[45] Mo. 12.3653:
BO CN, 2012, p. 1677.
[46] Po. 11.3689: Communiqué de presse de l’OFM du 21.11.12.
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