Année politique Suisse 1969 : Economie / Agriculture
Politique agricole
En 1969, agriculture et sylviculture ont été l'objet de nombreuses et importantes mesures qui non seulement en font ressortir les multiples problèmes, mais qui témoignent de l'effort des autorités et des milieux intéressés pour y trouver une solution. Comme précédemment, la tâche des instances fédérales a été rendue difficile par la double nécessité, d'une part de concilier des impératifs économiques parfois divergents, par exemple d'assurer à la paysannerie un revenu 'décent et aux consommateurs des produits de base à un prix modéré, d'autre part de permettre à l'agriculture de réaliser pleinement son indispensable évolution, sans toutefois tomber dans un dirigisme excessif. Ces préoccupations de nature économique et politique transparaissent dans le 4e rapport du Conseil fédéral sur l'agriculture du 26 février 1969, mais aussi de façon plus ou moins explicite dans les décisions législatives prises par les Chambres et dans certaines mesures du gouvernement, les unes et les autres affectant les domaines les plus divers, parmi lesquels il convient de signaler principalement l'agriculture de montagne, l'économie sucrière, le statut du vin, la politique laitière, le marché du fromage et la sylviculture. Chaçun de ces points retiendra notre attention, sans oublier les démarches entreprises en d'autres secteurs, tels l'élevage et le marché du bétail ainsi que la pêche.
Le
4e rapport du Conseil fédéral sur l'agriculture constitue le document le plus important de l'année sur la situation et l'avenir de ce secteur de l'économie nationale
[1]. Comme les trois précédents, il doit sa publication au besoin ressenti par le gouvernement de répondre aux critiques émises à l'endroit de sa politique agricole. Autrement dit, il ne s'inscrit nullement dans le cadre d'une étude périodique à caractère obligatoire. Il se compose de trois parties. La première décrit l'évolution de l'agriculture suisse durant ces dernières années et jusqu'en 1969 et montre son caractère, sinon concurrentiel, du moins compétitif, grâce à la transformation de ses structures — diminution du nombre des exploitations et. agrandissement de la surface des domaines, régression de la population agricole et progression rapide de la mécanisation — et grâce aussi à l'accroissement de sa production et de sa productivité. Cette évolution a permis au pays d'augmenter son degré d'auto-approvisionnement — ainsi il produit actuellement 54% des céréales panifiables consommées par la population, au lieu de 32% à la veille de la dernière guerre — et a contribué à améliorer à tel point le revenu paysan qu'il est devenu l'un des plus élevés d'Europe
[2]. Alors que dans la seconde partie du rapport est exposée la politique agricole suivie jusqu'ici par la Confédération
[3], la troisième, composant plus du tiers du traité, est entièrement consacré aux objectifs que s'est fixés le gouvernement dans les années à venir. Conformément à la Constitution fédérale et à la loi sur l'agriculture, il s'agit de maintenir une classe rurale saine et une agriculture productive
[4]. De façon plus concrète, le Conseil fédéral se propose d'améliorer encore les bases de la production, de développer l'enseignement et la recherche agronomiques, d'orienter la production, de mener une politique plus rationnelle des prix et de renforcer l'aide à l'agriculture de montagne
[5]. Mais il ne s'agit là que d'indications, d'impulsions et non de règles impératives qui feraient du rapport une sorte de plan Mansholt helvétique. Aux Chambres, certains ont critiqué cette tendance trop libérale et auraient souhaité de la part du gouvernement une volonté de planification plus poussée
[6]. Conscients des difficultés de la tâche du Conseil fédéral et se souvenant que la politique était « l'art du possible »
[7], les députés et la majeure partie de la presse ont cependant réservé bon accueil aux grandes lignes tracées dans le 4e rapport
[8]. Par la même occasion, le Conseil national a adopté une quinzaine de postulats, dont sept déposés par des conservateurs, trois par le parti des paysans, trois également par des radicaux, un par les libéraux et le dernier par les évangéliques
[9].
La recherche et la formation professionnelle en matière agricole retiennent de plus en plus l'attention des autorités. Non seulement elles figurent en bonne place dans le 4e rapport, qui mentionne entre autres la création d'une station fédérale de recherches d'économie d'entreprise et de génie rural à Tänikon (TG), et qui prévoit l'intensification des recherches laitières et le renforcement de la recherche dans le domaine de l'économie rurale
[10], mais le Conseil national en a souligné l'importance en adoptant quatre postulats qui se rapportent aux objets. suivants: simplification des prescriptions concernant la formation professionnelle agricole, égalité de traitement entre les écoles ménagères rurales et les écoles d'agriculture, développement de la recherche alimentaire, enfin agrandissement de l'Institut suisse des vaccins à Bâle en vue d'études plus poussées sur certaines maladies à virus affectant les animaux
[11]. Les deux Chambres ont d'autre part ouvert un crédit de 40 millions pour transférer et développer à Grangeneuve (FR) la station fédérale de recherches sur la production animale
[12]. Par contre, le postulat Zeller de 1966 sur la création d'une station d'essais agricoles pour les régions de montagne n'a pas encore reçu de réponse
[13].
Non que l'agriculture de montagne soit délaissée. Au contraire. Le Conseil fédéral a déclaré que le soutien particulier dont elle bénéficie sera renforcé, mais selon un plan de développement déjà à l'étude et qui fera peut-être l'objet d'une vaste loi-cadre
[14]. En présentant son 4e rapport au Conseil national, le gouvernement a du reste accepté cinq postulats concernant divers aspects de l'agriculture de montagne: voies de communication, aide à la population par le développement touristique, zones marginales entre la plaine et la montagne
[15]. Au même titre que le plan projeté, ils doivent permettre une adaptation progressive des structures agricoles de la zone de montagne aux conditions de l'économie nationale. Adaptation qui se réalise déjà par l'introduction généralisée de la mécanisation et de la motorisation: le crédit de quatre millions de francs porté à cet effet au budget fédéral de 1969 a été épuisé
[16].
[1] FF, 1969, I, p. 389 ss.
[2] FF, 1969, I, p. 401 ss.; Bull. stén. CN, 1969, p. 688, réponse de M. Schaffner au CN. Sur la distinction entre le compétitif et le concurrentiel, cf. intervention Junod (rad., VD), à la séance du CN du 1er octobre: Bull. stén. CN, 1969, p. 646.
[3] FF, 1969, I, p. 425 ss.; APS, 1965 ss.
[4] FF, 1969, I, p. 389 et 503.
[5] FF, 1969, I, p. 504 s.
[6] Entre autres, interventions Junod (rad., VD), Gehrig (ind., GE) et Dubois (PdT, NE) au CN: Bull. stén. CN, 1969, p. 646 ss.; 651 s. et 685 ss.
[7] Intervention Carruzzo (ces, VS), président de la commission du CN: Bull. stén. CN, 1969, p. 687.
[8] Séance du CE du 25 juin: Bull. stén. CE, 1969, p. 131 ss.; NZZ, 382, 26.6.69; TLM, 177, 26.6.69; Bund, 146, 26.6.69; Vat., 145, 26.6.69; Lb, 145, 26.6.69; Ostschw., 146, 26.6.69; 148, 28.6.69; NZ, 285, 26.6.69; Tat, 148, 26.6.69; 149, 27.6.69. Séance du CN du 2 octobre: Bull. stén. CN, p. 637 ss.; NZZ, 602, 2.10.69; 603, 3.10.69; 604, 3.10.69; 605, 4.10.69; GdL, 229, 2.10.69; 230, 3.10.69; NZN, 228, 2.10.69; 229, 3.10.69; 232, 7.10.69; Bund, 230, 2.10.69; 231, 3.10.69; JdG, 229, 2.10.69; 230, 3.10.69; BN, 409, 2.10.69; 411, 3.10.69; Ostschw., 229, 2.10.69; 230, 3.10.69; Vat., 228, 2.10.69; 229, 3.10.69; Tw, 230, 2.10.69; 231, 3.10.69; NZ, 451, 2.10.69; 452, 3.10.69; 453, 3.10.69; TdG, 231, 3.10.69; VO, 228, 3.10.69; 230, 6.10.69; Tat, 232, 3.10.69; 233, 4.10.69; Vr, 231, 3.10.69; 232, 4.10.69; PS, 225, 3.10.69; La Gruyère, 114, 4.10.69; Lb, 233, 7.10.69.
[9] Postulats Broger (ccs, AI): Bull. stén. CN, p. 672; Hagmann (ces, SG), ibid., p. 671; Junod (rad., VD): ibid., p. 669; Keller (rad., TG): ibid., p. 661; Leu (ccs, LU), 2 postulats: ibid., p. 659 et 675; Rippstein (ccs, SO): ibid., p. 669; Schalcher (dém.-év., ZH): ibid., p. 674; Teuscher (PAR, VD): ibid., p. 666; Thévoz (lib., VD): ibid., p. 658; Tschanz (PAB, BE): ibid., p. 661; Weber (rad., SZ): ibid., p. 663; Wyer (ccs, VS): ibid., p. 662; motions Degen (PAB, BL) et Lehner (ccs, VS) transformées en postulats: ibid., p. 673 et 675.
[10] Cf. FF, 1969, I, p. 434 s.
[11] Il s'agit respectivement des postulats Junod, Leu, Weber et Degen cités à la note 9.
[12] Séance du CE du 4 mars: Délib. Ass. féd., 1969, p. Il s.; NZZ, 1.39, 4.3.69; NZ, 104, 5.3.69; Bund, 53, 5.3.69. Séance du CN du 13 juin: Délib. Ass. féd., 1969, II, p. 13; NZ, 247, 4.6.69; Bund, 127, 4.6.65; Lib., 203, 4.6.69; GdL, 127, 4.6.69; TLM, 155, 4.6.69; Ostschw., 128, 4.6.69. Arrêté du 3.6.1969: FF, 1969, I, p. 1319.
[13] Rapp. gest., 1969, motions et postulats, p. 38.
[14] FF, 1969, I, p. 548; cf. APS, 1967, p. 68; 1968, p. 74.
[15] Cf. supra, note 9, postulats Lehner, Rippstein, Schalcher, Tschanz et Wyer.
[16] Rapp. gest., 1969, p. 185 s.
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