Année politique Suisse 1970 : Infrastructure, aménagement, environnement / Sol et logement
 
Aménagement du territoire et droit foncier
1970 a été une année de gestation dans le domaine de la législation sur le droit foncier et l'aménagement du territoire. Après l'acceptation par le peuple en 1969 d'un article constitutionnel en la matière, il a fallu préparer la loi d'application [1]. C'est dans le cadre de travaux préparatoires que viennent s'inscrire les études prospectives aux conceptions directrices de l'Institut pour l'aménagement du territoire (ORL) de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich. Une partie d'entre elles avait déjà paru dans un premier rapport intermédiaire. Elle portait sur seize domaines sur lesquels elle exprime brièvement les idées directives et les buts matériels réalisables. Le second rapport, publié au début de 1971, présente comme base de discussion une dizaine de dispositifs d'aménagement applicables à l'ensemble de la Suisse [2]. De divers côtés on a toutefois relevé que, de la planification à la politique, de l'aménagement théorique de l'espace à sa réalisation, il y avait encore plusieurs pas à franchir. Aucune décision n'a encore été prise, mais on s'attend à ce que la question soit largement débattue au niveau de l'opinion publique [3].
Deux groupes d'experts nommés par le Conseil fédéral ont examiné les mesures à prendre pour réaliser dans les faits un plan d'occupation du sol. La préparation de la législation d'application de l'article sur le droit foncier a été confiée à une commission présidée par le conseiller national Schürmann (ces, SO) et chargée de soumettre un projet de loi ainsi qu'un rapport explicatif. De son côté, le groupe de travail gouvernemental 'pour l'aménagement du territoire, dirigé par l'ancien conseiller d'Etat argovien Kim, a reçu mission d'élaborer les bases d'une politique fédérale dans ce domaine [4]. Le ler septembre déjà, le conseiller fédéral von Moos était en mesure de donner la teneur du projet du groupe Schürmann. Il s'agit principalement d'une législation sur l'occupation du sol. L'aménagement du territoire a pour objectif l'utilisation rationnelle du sol national et son occupation judicieuse. Les deux tâches qui s'imposent en priorité sont: pour les cantons, délimiter des zones; pour la Confédération, coordonner l'activité des cantons. Le projet distingue des zones à bâtir, des zones à cultiver, et une dernière catégorie, constituant comme une sorte de zones-tampons. Le but fonctionnel réside dans l'élaboration, d'une part, de plans globaux ou limités qui lient les autorités et dont la fonction est organisatrice; d'autre part, de plans régionaux et communaux liant aussi les propriétaires. Le projet aborde en outre la question des dédommagements, de la protection légale et prévoit la création d'un office fédéral pour l'aménagement du territoire [5]. En réponse à deux petites questions, le Conseil fédéral a annoncé que la procédure de consultation serait engagée en 1971 et qu'un projet de loi serait soumis aux Chambres au terme de cette même année [6].
Le concept d'aménagement du territoire semble avoir gagné du terrain. La comparaison entre cantons montre de grandes disparités dans l'effectif des plans de zones existants [7]. Par ailleurs on constate qu'en 1970 une série de cantons ont adopté ou préparé une législation moderne de construction tenant compte de l'importance de l'aménagement régional [8]. Des organisations privées, notamment dans les milieux du tourisme [9], ont reconnu la nécessité d'une planification, étant donné l'exiguité du territoire. Mais les idées que l'on s'est faites sur l'ampleur et la forme des interventions sont encore très partagées [10]. L'année de la protection de la nature a permis de développer, en ce qui concerne l'environnement, des exigences qui ne peuvent être satisfaites indépendamment de l'aménagement du territoire. L'initiative en faveur de la création de zones vertes dans le canton de Zurich et celle d'une loi visant la protection de la vallée de la Reuss dans le canton d'Argovie in sont la preuve [11].
Combien le droit foncier soulève encore de questions, on a pu s'en rendre compte lors de la révision, proposée par le Conseil fédéral, de la loi d'expropriation. Il s'agissait d'accélérer la procédure d'expropriation en élargissant la commission d'estimation et en déchargeant le président de la commission. Le projet prévoyait encore d'adapter cette loi à celle, nouvelle aussi, de l'organisation judiciaire fédérale qui règle la procédure à suivre en cas de divergences: ce n'était plus le Conseil fédéral qui trancherait, mais le Département compétent, contre lequel il y aurait possibilité de faire appel au Tribunal fédéral [12]. Sur ces divers points, la révision n'a pas été combattue. La commission du Conseil national a toutefois demandé, sur proposition du conseiller national socialiste Muheim (LU), la présentation d'un rapport complémentaire du DFJP sur la question de la date à laquelle il fallait fixer la valeur de l'objet à exproprier [13]. Dans une seconde séance, la commission a décidé, par 14 voix contre 4, de fixer comme point de repère la date de la séance de conciliation, cela pour éviter que le propriétaire d'un terrain qui voudrait bénéficier d'une augmentation de prix ne retarde délibérément la fixation de cette valeur. Cette solution, issue d'une requête directe des CFF à la commission du Conseil national, a été approuvée par 115 voix contre 25 à la session de décembre du Conseil national [14].
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Acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger
En 1969 déjà, le Conseil fédéral avait proposé la prorogation pour cinq ans du régime de l'autorisation pour l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger [15]. La commission du Conseil national l'a approuvé à une forte majorité, mais une nette opposition s'est déjà dessinée de la part des cantons dans lesquels l'application du régime de l'autorisation était particulièrement souple et où, d'après les statistiques les ventes de terrains à des étrangers sont les plus fréquentes [16]. A la session de printemps, après le retrait de la proposition formelle de non-entrée en matière du Tessinois Masoni (rad.), la discussion s'est concentrée sur la définition, inexistante dans l'ancien arrêté fédéral, de l'intérêt légitime à l'acquisition. Un amendement, appuyé surtout par les députés romands et consistant à autoriser l'acquisition d'habitations à loyers modérés (HLM), n'a été repoussé que par 68 voix contre 591 [17]. Le Conseil des Etats qui, pour l'essentiel, a suivi le Conseil national, a repris cet amendement, mais a fini par y renoncer sur la persistance du Conseil national à maintenir sa position, appuyée entre autres sur l'argument que de tels achats n'augmenteraient en aucune manière le nombre des appartements [18].
 
[1] Cf. APS, 1969, p, 106 ss.
[2] Les domaines concernés sont les suivants: occupation du sol, industrie, arts et métiers, agriculture, détente et tourisme, protection de l'environnement, défense nationale, forêt, économie hydraulique, transports et communications, relations publiques, éducation et instruction, santé et énergie. Cf. Conceptions directrices d'aménagement du territoire national, Premier rapport intermédiaire, Collection des documents pour l'aménagement national, régional et local, no 2, publ. par l'Institut ORL de I'EPF de Zurich, novembre 1969. Cf. aussi: NZZ, 135, 22.3.70; 591, 19.12.70. Le second rapport a été publié en février 1971; cf. NZZ, 61, 7.2.71.
[3] Bund, 123, 31.5.70; NZZ, 377, 16.8.70.
[4] NZZ (ats), 135, 22.3.70; 242, 29.5.70; NZ, 238, 29.5.70; TdG, 154, 4./5.7.70.
[5] Vat., 202, 2.9.70; Bund, 203, 1.9.70.
[6] Vat., 124, 2.6.71.
[7] Le nombre des communes qui ont introduit une réglementation sur les constructions et un plan de zones est particulièrement grand dans les cantons de GE, NW, AI, SH et ZH, très petit par contre dans ceux du TI et de FR. Cf. GdL, 29, 5.2.70; NZZ, 61, 6.2.70.
[8] Adoption de lois de construction dans les cantons de Berne: Tw, 128, 3.6.70; Bund, 130, 8.6.70; Lucerne: Vat., 214, 16.9.70; NZZ, 571, 8.12.70; Uri: Vat., 65, 19.3.70; NZZ, 213, 11.5.70; Schwyz: Vat., 100, 1.5.70; NZZ, 450, 28.9.70. Loi en préparation à Saint-Gall: Ostschw., 231, 3.10.70.
[9] On pense essentiellement ici à une planification efficace des stations climatiques. Cf. RAPHAEL SCHRANER, Grundlagen der Ortsplanung für Kurorte, Zug 1969; NZZ, 14, 10.1.70; Bund, 267, 15.11.70.
[10] Session de l'Association suisse de l'art et de l'industrie (BN, 161, 20.4.70), Journées du Mont-Pèlerin 1970 (TdG, 195, 21.8.70; Revue économique et sociale, 28/1970, p. 81 ss.); Assemblée annuelle de l'Association suisse pour l'industrie et l'agriculture (NZZ, 429, 15.9.70); Session de l'Association suisse pour le plan d'aménagement national et de la Fédération suisse du tourisme (NZ, 442, 26.9.70); Symposium de l'Institut ORL (NZ, 561, 4.12.70). Cf. aussi NZZ, 66, 10.2.70; Vat., 72, 28.3.70; NZZ, 171, 15.4.70; 418, 9.9.70; AZ, 268, 18.11.70.
[11] Cf. infra, p. 125 s.
[12] FF, 1970, I, p. 1022 ss.
[13] TdG, 208, 5./6.9.70.
[14] Bund. 266, 13.11.70; NZZ, 562, 2.12.70; Bull. stén. CN, 1970, p. 782 ss.; AZ, 293,17.12.70.
[15] Cf. APS, 1969, p. 108 s.; FF, 1969, II, p. 1393 ss.; NZZ, 61, 6.2.70.
[16] NZZ, 32, 21.1.70; AZ, 18, 24.1.70; NZN, 22, 28.1.70. Il s'agit surtout des cantons suivants: GR, TI, VD et VS.
[17] Bull. stén. CN, 1970, p. 73 ss.; GdL, 58, 11.3.70; 59, 12.3.70.
[18] Bull. stén. CE, 1970, p. 209 ss., 239 ss. et 246; Bull. stén. CN, 1970, p. 401 as. et 474. Cf. aussi NZZ, 231, 22.5.70; 275, 17.6.70.