Année politique Suisse 1980 : Eléments du système politique / Structures fédéralistes
Rapports entre la Confédération et les cantons et entre les cantons
En ce qui concerne le remodelage des rapports entre la Confédération et les cantons, les projets de révision totale de la Constitution fédérale ont passé quelque peu à l'arrière-plan durant l'année écoulée. En revanche, un ensemble de premières propositions relatives à une
nouvelle répartition des tâches entre la Confédération et les cantons a suscité une discussion nourrie, après consultation des milieux intéressés par le DFJP. De l'avis de la commission d'experts, il s'agit surtout de renforcer la position des cantons en leur confiant des compétences plus accrues dans certains domaines, afin qu'ils les aménagent et les financent de façon indépendante. De cette décentralisation dans l'accomplissement des tâches, on attend, de surcroît, un effet secondaire positif, à savoir une diminution des charges administratives et par conséquent des frais. Le train de mesures présentées touche en premier lieu certains domaines de la politique sociale et de celle des transports. Il doit aussi permettre à la caisse fédérale d'économiser quelque 200 millions de francs chaque année. Si les prestations des pouvoirs publics ne sont pas réduites, les cantons auraient donc des charges supplémentaires correspondantes
[1].
Les cantons, dont les gouvernements ont collaboré étroitement avec le groupe d'étude du DFJP, se sont toutefois déclarés, en principe, favorables aux mesures proposées. Cependant, les cantons financièrement faibles ont exprimé la crainte de ne plus pouvoir maintenir intactes les prestations subventionnées jusqu'alors par la Confédération, si la péréquation financière n'est pas améliorée du même coup
[2]. C'est sur ce point précis également qu'ont porté les critiques des milieux politiques de gauche. L'USS, le PdT et, moins catégoriquement cependant, le PSS ne pensent pas que tous les cantons disposent de la volonté et des ressources financières nécessaires pour accomplir sans restrictions les tâches que la Confédération veut leur confier. La nouvelle répartition des tâches ne conduirait pas à renforcer la position des cantons, mais aboutirait au contraire à diminuer l'activité et l'intervention des pouvoirs publics, ce qui, pour la gauche, ne ferait qu'accroître les inégalités économiques et sociales. Compte tenu de ces conséquences, l'USS préférait que l'on s'attache bien plus au développement et à une péréquation sur le plan social et régional, qu'à un renforcement des structures fédéralistes en Suisse
[3]. Les partis bourgeois et le Vorort ont, en revanche, approuvé la nouvelle répartition des tâches telle qu'elle est proposée. Le PDC s'associe, toutefois, aux cantons pauvres, qui revendiquent une amélioration de la péréquation financière. Le PRD insiste, dans sa réponse, sur le profit d'ordre politique qu'il y aurait à transférer certaines attributions à un niveau inférieur, plus proche des citoyens. En outre, les milieux radicaux de Suisse romande ont avancé l'argument selon lequel un fédéralisme aussi développé que possible est le fondement d'une coexistence harmonieuse des différents groupes linguistiques
[4]. Pour le Vorort, le principal avantage de la décentralisation proposée réside dans les économies auxquelles il faut s'attendre, dans la mesure où une seule et même autorité prendrait les décisions et supporterait les conséquences financières
[5].
Les différentes mesures proposées dans un premier train — nous les avons mentionnées dans notre chronique de l'an passé — ont trouvé un accueil varié. Le projet tendant à faire supporter aux cantons la moitié du déficit des CFF provenant du trafic régional a suscité une vive opposition. Quant au projet de nouvelle répartition des charges dans le domaine des assurances sociales, il constitue, en matière de politique financière, la pièce maîtresse de l'étude des experts, mais n'est pas encore le fruit d'une réflexion suffisante de l'avis du PDC. De son côté, le PSS le rejette carrément. En revanche, les propositions visant à réduire les subventions dans les domaines de l'exécution des peines, de la protection civile, de l'enseignement et de la santé publique en général ne se sont guère heurtées à des oppositions.
Tandis que le DFJP est sur le point de présenter le message à l'appui de ce premier train de mesures, le groupe d'étude a déjà abordé d'autres secteurs dans lesquels il convient de décentraliser les attributions et les charges de la Confédération. Cette seconde étape prévue pour la législation 1983–1987 mettra l'accent sur l'éducation et la formation, la politique agricole, la protection des eaux et la défense nationale
[6].
La collaboration intercantonale s'est étendue grâce à l'entrée en vigueur d'un arrangement intercantonal concernant les subventions aux universités et d'un concordat régional de police pour la Suisse centrale
[7]. La tendance visant à réaliser par la voie d'arrangements entre cantons des projets qui ont été rejetés par le peuple en votation fédérale, signifie que les citoyens manifestent plus largement leur confiance aux gouvernements cantonaux qu'aux autorités fédérales. Résoudre les problèmes par des concordats présente, toutefois, le danger de priver le parlement et le peuple de participation lorsque le contenu matériel de ces arrangements est élaboré. En outre le législatif n'a guère la possibilité d'imposer une adaptation à de nouvelles données
[8].
La décision prise l'an passé par la Conférence des directeurs cantonaux de l'instruction publique de déplacer à Berne les centres d'information, de documentation et de recherche établis à Genève et à Aarau a été annulée à la suite de vigoureuses protestations contre cette centralisation
[9].
Par analogie à ce qu'entreprend la Confédération, les cantons de Bâle-Campagne, Lucerne, Soleure et Zoug se sont efforcés de parvenir à une répartition plus nette des attributions entre les communes et le canton. Etant donné que l'objectif premier est de réduire les dépenses administratives, les gouvernements cantonaux sont d'avis que les communes devront supporter des charges financières égales ou légèrement supérieures au niveau actuel
[10]. Dans le canton de Fribourg, la fusion de très petites communes s'est poursuivie. Afin d'accélérer ce processus, le gouvernement examine l'utilisation de la péréquation financière cantonale comme moyen de persuasion contre les communes récalcitrantes. Les divergences vieilles de plusieurs années concernant la subdivision de la commune de Bolligen, située dans la banlieue bernoise, en trois communes indépendantes, ont pris fin par la décision du Grand Conseil bernois de procéder à cette division
[11].
[1] 24 Heures, 50, 29.2.80; BaZ, 51, 29.2.80; APS, 1979, p. 28 s. En ce qui concerne la révision totale de la Constitution, cf. supra, part. I, 1a (Totalrevision der Bundesverfassung).
[2] Prises de position des cantons financièrement pauvres: LNN, 172. 26.6.80 (UR); Vat., 154, 5.7.80 (LU); Lib., 233, 10.7.80 (FR); TLM, 208, 26.7.80 (VS).
[3] USS : Revue syndicale suisse. 72/1980. p. 150 ss. PSS : TW, 51, 1.3.80 ; BaZ (sda), 152, 2.7.80. PdT : VO, 33, 22.8.80.
[4] PDC: Vat., 152, 3.7.80. PRD: Revue politique. 59/1980, no 1, p. 43 ss.; G: A. Chevallaz, «Confédération, cantons, communes», in Documenta, 1980, no 2, p. 2 ss.
[6] NZZ (sda), 152, 3.7.80; 156, 8.7.80. Cf. APS, 1979, p. 29.
[7] Universités: cf. infra, part. I, 8a (Hochschulen). Concordat de police: cf. supra, part. I, 1b (Öffentliche Ordnung).
[8] R. Blum, «Falsche Renaissance des Föderalismus», in LNN, 180, 5.8.80.
[9] NZZ (sda), 249, 25.10.80. Cf. infra, part. I, 8a (Primar- und Mittelschulen).
[10] BL: SGT, 182, 6.8.80. LU: LNN, 17, 22.1.80; 93, 22.4.80; 145, 25.6.80. SO: SZ, 244, 17.10.80; 249, 23.10.80. ZG : LNN, 139, 18.6.80. Cf. aussi H. Hauser (Hrsg.), Die Reform des innerkantonalen Finanzausgleichs — eine Bestandesaufnahme. Bern 1980.
[11] Fribourg: TLM, 101. 10.4.80. Bolligen: Bund, 83, 10.4.80; 207, 4.9.80.
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