Année politique Suisse 1980 : Politique sociale / Groupes sociaux
Condition de la femme
Les discussions relatives à l'amélioration de la condition de la femme ont avant tout été consacrées aux normes discriminatoires dont elle est victime et à la reconnaissance constitutionnelle de l'égalité des droits entre les sexes. Elfes ont du reste constitué l'essentiel du menu oratoire des diverses associations féminines réunies à Lucerne pour commémorer le septantenaire de la journée internationale de la femme. A cette occasion, les participantes ont également tenu à dénoncer les sévices dont sont victimes aujourd'hui encore de nombreuses femmes
[37].
L'attention s'est cependant portée sur les travaux de l'Assemblée fédérale chargée d'examiner le dossier délicat de
l'initiative populaire pour l'égalité des droits entre hommes et femmes. Déposée en 1976 par un comité à large coloration bourgeoise et socialiste, elle demandait que la Constitution garantisse dans un délai de cinq ans, l'égalité des droits dans la société, la famille, l'instruction et le travail. Le débat devant le National a rapidement tourné autour de la proposition du Conseil fédéral, qui tendait au rejet de l'initiative au profit d'un contre-projet élaboré en 1979 déjà. Si sur le fond, ce dernier reprenait à son compte les principales exigences des initiants, il se refusait, en revanche, à fixer un délai quelconque pour la promulgation des dispositions d'exécution
[38]. Cette restriction a incité la gauche et certaines organisations féminines à militer sans réserve en faveur de l'initiative
[39]. Un amendement socialiste visant à porter ce délai à huit ans a été écarté. C'est en définitive le projet gouvernemental qui l'a emporté, assorti il est vrai d'une motion de la commission de la chambre populaire, lui ordonnant d'établir immédiatement un catalogue des normes juridiques devant être modifiées pour parvenir rapidement à l'égalité des droits
[40]. Au vote d'ensemble et malgré les interventions de la droite désireuse d'en restreindre la portée, le contre-projet a été largement accepté. Plus encore qu'au National, ces deux textes ont subi aux Etats les assauts répétés des porte-parole des milieux de l'économie. Au centre de la controverse, l'égalité des salaires, garantie et par l'initiative et par le contre-projet. Des voix radicales et de l'UDC s'étaient en effet élevées, pour que ce principe soit préalablement subordonné à une législation qui en réglerait les modalités d'application
[41]. Toutes ces suggestions ont été balayées et c'est avec une confortable majorité que le sénat helvétique a approuvé sans restriction le contre-projet au détriment de l'initiative. A l'inverse de l'attitude observée à la chambre du peuple, les socialistes se sont prononcés cette fois pour le projet gouvernemental
[42]. Les promoteurs de l'initiative ont finalement décidé en octobre de retirer leur texte initial et de soutenir celui du Conseil fédéral
[43]. Les citoyens du canton de Vaud ont pour leur part ratifié avec une majorité écrasante la proposition d'ancrer dans leur constitution le principe de l'égalité des sexes devant la loi. Cette modification purement formelle, comparativement à celle soumise au verdict populaire fédéral en 1981, résultait d'une initiative parlementaire socialiste édulcorée au cours des débats du Grand Conseil
[44].
Le problème évoqué en matière d'inégalités devant la loi a également fait l'objet d'une étude publiée par la Commission fédérale pour les questions féminines. Elle constitue du reste un nouveau volet à verser au dossier élaboré par la commission sur la situation de la femme en Suisse, Ce document révèle que bon nombre d'inégalités ne tiennent que partiellement aux traditions de notre société et qu'elles ont aussi des fondements juridiques. Les auteurs ont en effet recensés une série impressionnante de dispositions constitutionnelles et légales qui traitent d'une manière inégale l'homme et la femme. Toutefois, celles-ci procèdent pratiquement toutes d'une même source, le droit matrimonial, actuellement en révision
[45].
Les partisans d'une libéralisation de l'avortement ont subi un nouveau revers. Au lendemain du
dépôt de l'initiative pour le «droit à la vie», le Conseil fédéral, chargé de se prononcer sur les différentes variantes proposées en 1979 par la commission du National, a nettement pris position en faveur d'une réglementation fédérale uniforme de l'interruption de la grossesse, basée sur l'indication médico-sociale. Si cette solution est arrêtée, l'avortement ne serait autorisé que si la vie, la santé physique ou psychique de la femme enceinte sont menacées. Le gouvernement s'est donc opposé aux projets fédéralistes visant à attribuer aux cantons la compétence de régler le problème, dans la mesure où ils mettraient en péril l'unité de notre législation pénale
[46]. Par ailleurs, il souhaiterait introduire l'obligation de conseiller la femme enceinte. A cet effet, il a déposé un projet de loi en faveur de la création de centres de consultation
[47].
[37] LNN. 56, 7.3.80; 58, 10.3.80; VO, 9, 7.3.80; TLM, 68, 8.3.80; TA, 58, 10.3.80. Dans une réponse à un postulat Deneys (ps, NE), le CF a indiqué qu'il serait disposé à entreprendre une étude sur le problème des femmes maltraitées: BO CN, 1980, p. 1369; 24 Heures (ats), 120, 24.5.80; NZZ (sda), 121, 28.5.80.
[38] Cf. APS, 1976, p. 129; 1979, p. 138. Voir également NZZ, 123, 30.5.80; Suisse, 158, 6.6.80 (forces en présence); VO, 22, 6.6.80.
[39] Manifestation nationale, organisée par diverses associations féministes et groupements politiques de gauche: presse du 9.6.80. Cf. également BaZ (sda), 38, 14.2.80 et Lib. (ats), 11.2, 14.2.80 (Commission féminine de l'USS); 24 Heures, 130, 6.6.80; USS, 21, 18.6.80; Journal des fonctionnaires fédéraux, 15, 21.8.80.
[40] Commission du CN: presse du 3.5.80. K. Furgler a donné des assurances précises sur l'élimination rapide des inégalités: TA, 87, 15.4.80; presse du 17.6.80.
[41] BO CN, 1980, p. 649 ss. et 677 ss.; presse du 13, 17 et 18.6.80.
[42] Milieux de l'économie: Suisse, 148, 27.5.80; NZZ (sda), 121, 28.5.80; BaZ, 123, 29.5.80; RFS, 26, 24.6.80. Débats: BO CE, 1980, p. 545 ss. et 594; presse du 9.10.80.
[43] Suisse, 286, 12.10.80; presse du 13.10.80. Réactions: BaZ (sda), 246, 20.10.80.
[44] 24 Heures, 261, 8.11.80; 279, 1.12.80; TLM, 329. 25.11.80. Le même principe figure déjà dans la constitution jurassienne.
[45] Die Stellung der Frau in der Schweiz, Bericht der Eidg. Kommission für Frauenfragen, Teil 3: Recht, 1980. Cf. APS, 1979, p. 138.
[46] FF, 1980, III, p. 1050 ss. Cf. APS, 1979, p. 139. Sur l'initiative pour le «droit à la vie». cf. supra, part. I, 1b (Grundrechte).
[47] FF, 1980, III, p. 1055 ss. et 1059 s. Une telle législation correspond à un des éléments d'une motion démocrate-chrétienne adoptée en 1978 par le CN (cf. APS, 1978, p. 125) ainsi qu'à la motion Lang (ps, ZH) adoptée par le CN en mars et comme postulat par le CE en juin (BO CN, 1980, p. 122 ss. et BO CE, 1980, p. 372 ss.). Voir également presse du 30.9.80.
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