Année politique Suisse 1982 : Infrastructure, aménagement, environnement / Sol et logement
Droit foncier
La question tant controversée de la vente de terrains à des personnes domiciliées à l'étranger a une fois de plus dominé le débat politique dans le secteur du droit foncier
[9]. Sur la sellette, le
projet de loi de 1981 relatif à l'acquisition d'immeubles par des étrangers, mais aussi l'initiative populaire pendante de l'Action nationale (AN) qui pèse incontestablement sur les travaux du législateur. Chargée d'examiner ces deux dossiers
[10], la
commission du Conseil national a entamé dès février une discussion générale d'entrée en matière. Au cours de ce premier tour d'horizon, plusieurs amendements ont déjà été déposés, notamment par les représentants bourgeois des cantons touristiques. Estimant en substance que la diminution de l'emprise étrangère sur notre sol ne doit pas aboutir à un étranglement des localités à vocation touristique, ils s'en sont pris à l'article 9 du projet qui pourrait instituer un blocage dans les lieux mêmes où la vente d'immeubles à des étrangers est à leurs yeux indispensable au développement du tourisme. En lieu et place des proportions maximales qui devraient régler en particulier l'acquisition de logements de vacances, ils souhaiteraient une loi-cadre valable pour l'ensemble du territoire suisse, laissant aux cantons le soin d'édicter une réglementation spéciale quant au contrôle et à l'application de la loi
[11]. D'autre part, la commission s'est penchée sur la nouvelle forrne de tourisme que constitue l'acquisition
d'apparthôtels. A ce sujet, les opinions divergent. Les uns y voient un renouvellement possible pour l'hôtellerie traditionnelle, les autres une forme déguisée d'appartements secondaires et, par conséquent, un détournement de la Lex Furgler, dans la mesure où la plupart des locaux vendus sous ce régime le sont à des étrangers. La majorité des commissaires s'est prononcée pour une réglementation encore plus sévère que ne le prévoit le texte du Conseil fédéral
[12].
A la suite des premières séances, il est manifestement apparu que le projet ne pouvait être soumis aux Chambres dans les délais prévus, d'autant plus que le DFJP a été chargé d'évaluer un certain nombre de propositions formulées par des membres de la commission. Dès lors, et pour éviter un vide juridique, le gouvernement a soumis à l'approbation du parlement une prorogation de l'actuelle législation jusqu'au 31 décembre 1984. Une requête du groupe socialiste au National, appuyée par les diverses gauches et demandant de réduire par voie d'ordonnance le nombre d'autorisations exceptionnelles à deux tiers de celui fixé en moyenne ces trois dernières années, a été rejetée. Toutefois, le chef du DFJP a déclaré que le Conseil fédéral se montrerait à l'avenir plus restrictif dans ce domaine
[13]. C'est ainsi que pour 1983 déjà, l'exécutif a décidé de réduire de 20% les contingents cantonaux pour les autorisations exceptionnelles. Lors de la procédure de consultation, les cantons de Vaud, Valais, des Grisons et du Tessin se sont farouchement opposés à une telle mesure
[14].
Après le lancement, en 1981, de l'initiative populaire «ville-campagne», c'est au tour du conseiller national Bundi (ps, GR) d'exiger de la Confédération qu'elle intervienne plus énergiquement pour
freiner la spéculation foncière. Par voie d'initiative parlementaire individuelle, il propose de modifier l'actuel article 22 ter de la Constitution, afin de protéger et favoriser la propriété d'utilité publique ainsi que de prévenir toute concentration abusive de la propriété foncière
[15]. De son côté, l'Association suisse pour le plan d'aménagement national (ASPAN) a suggéré toute une série de mesures, ne nécessitant que des modifications législatives mineures. Il s'agirait en particulier de donner aux collectivités locales un certain nombre de compétences en matière d'expropriation, dans le but d'accroître l'offre de terrain à bâtir, d'interdire la démolition de bâtiments encore salubres et de réexaminer la législation fiscale sur les gains et transactions immobilières
[16].
[9] En 1981, les ventes de biens-fonds, immeubles et propriétés par étages à des personnes domiciliées à l'étranger ont légèrement baissé. Les autorités cantonales compétentes ont délivré 5900 autorisations (1980: 5950). Il semblerait qu'en 1982 un recul plus prononcé se soit manifesté, puisque pour les premiers 9 mois de l'année, le nombre d'autorisations a diminué de près de moitié (2420 contre 4532 pour la période correspondante de 1981). Cette régression est imputable avant tout aux mesures de contingentement introduites en 1980 parle gouvernement et à la détérioration de la situation économique, Cf. La Vie économique, 56/1983, p. 24 ss.; NZZ, 302, 28.12.82. Voir aussi APS, 1980, p.108 s. ainsi que Delley J.-D., Le droit foncier en action. Etude de la mise en oeuvre de la loi Furgler, Saint-Saphorin 1982.
[10] Le président de l'AN, le Zurichois Zwicky, a vivement critiqué la décision de la commission du CN de ne pas autoriser Oehen (an, BE) à siéger avec voix consultative pour y défendre l'initiative (Suisse, 33, 2.2.82; Vat., 26, 2.2.82). Cf. aussi APS, 1979, p. 120; 1981, p. 114.
[11] NZZ, 62, 16.3.82; 24 Heures, 62, 16.3.82. Les députés radicaux valaisans avaient demandé au Grand Conseil de déposer une initiative cantonale proposant la mise sur pied d'unetelle loi-cadre (TLM, 33, 2.2.82 ; 35, 4.2.82). Voir également NZZ, 17, 22.1.82; 89, 17.4.82 (Delley, 109, 13.5.82 (CN Couchepin, prd, VS).
[12] La commission propose d'ajouter deux nouvelles dispositions: 1) obligation pour l'hôtellerie d'être propriétaire du 40% des appartements; 2) possibilité pour les communes d'introduire des restrictions plus draconiennes pour cette catégorie de logements (BaZ, 199, 27.8.82; NZZ, 204, 3.9.82. Voir aussi BaZ, 82. 17.4.82; L'Hebdo, 28, 15.7.82; Ww, 36, 8.9.82.
[13] FF, 1982, I, p. 1069 ss. et II, p. 485; BO CN, 1982, p. 691 ss. et 1012; BO CE, 1982, p. 268 ss. et 381; RO, 1982, p. 1914 s.
[14] RO, 1982, p. 2235; presse du 7.12.82.
[15] Délib. Ass. féd., 1982, V, p.17; BaZ, 26, 1.2.82; Lib., 224, 30.6.82 ainsi que APS, 1981, p. 114 s. Cf. également supra, part. I, 4c (Bäuerliches Bodenrecht).
[16] TA, 23, 29.1.82; NZZ, 23, 29.1.82; 38, 16.2.82 (Stüdeli, directeur de l'ASPAN); 84, 13.4.82; Vat., 30, 6.2.82.
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