Année politique Suisse 1983 : Eléments du système politique / Structures fédéralistes
 
Questions territoriales
Le renforcement de l'autonomie dans le cadre des cantons ne suffit pas toujours à canaliser les revendications de mouvements régionalistes se développant en marge des structures existantes. D'autant plus que certains problèmes dépassent les frontières. cantonales. A l'image des districts jurassiens, plusieurs régions périphériques de la Suisse ont connu des «velléités séparatistes». Cependant, à l'exception du Jura, aucune de ces actions n'a débouché sur un transfert de souveraineté [11]. Des groupements autonomistes se sont ainsi manifestés à Gersau, dans le canton de Schwyz, et dans la vallée grisonne de la Mesolcina [12].
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Jura bernois
Mais c'est le conflit lié aux revendications territoriales des autonomistes dans le Jura bernois qui a une fois de plus retenu l'attention des observateurs. Tandis que les factions en présence dans le Jura méridional ont sensiblement durci leurs positions, le Rassemblement jurassien (RJ) a été à nouveau l'objet de vives critiques [13]. Pour célébrer le succès obtenu lors des élections municipales de Moutier en 1982, les autonomistes prévôtois avaient décidé d'organiser en juin une Fête de l'unité. A l'approche de la manifestation, jugée par les antiséparatistes comme une nouvelle provocation, l'agitation n'a cessé de gagner les esprits dans les rangs de Force démocratique (FD). Visiblement excédés par les déclarations des autorités jurassiennes sur la réunification, ils ont dénoncé le caractère politique conféré à cette réunion et les ingérences répétées de responsables politiques du nouveau canton dans les affaires du Jura-Sud. Ces griefs ont du reste fait l'objet d'interventions parlementaires au Grand Conseil bernois et au Conseil national [14]. Par ailleurs, les éléments d'enquête publiés par un quotidien français sur la disparition tragique en 1977 d'un jeune aspirant officier de Jegenstorf (BE) ont largement alimenté une controverse politique. Après avoir émis des doutes sur le bon fonctionnement de la justice jurassienne, le Conseil-exécutif bernois est intervenu auprès du DFJP pour le saisir de ce dossier [15].
La crise interne que traverse le RJ s'est aggravée au lendemain des élections nationales. De vives critiques ont été adressées à la direction du mouvement à la suite du revers électoral enregistré par certains de ses dirigeants. En dépit de l'accord intervenu dans le différend opposant le secrétaire général du RJ, R. Béguelin, à son ancien adjoint, G. Roy, le Bureau exécutif a décidé de rompre ses liens avec l'organe dirigeant de l'importante Fédération de Delémont [16].
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Laufon
Des progrès ont été enregistrés dans la question controversée du transfert des territoires en cours autour du canton du Jura. Les citoyens du Laufonnais ont en effet été conviés en septembre à se prononcer sur un projet de contrat de réunion au demi-canton de Bâle-Campagne. Une votation sans précédent, puisque pour la première fois la population d'une région pouvait se déterminer sur la réunion éventuelle de son territoire à un autre canton. Ce vote mettait enfin un terme à un processus engagé dès 1978. A cette époque, les électeurs du Laufonnais avaient massivement accepté une initiative demandant l'élaboration d'une procédure de rattachement à un canton limitrophe et ce, conformément à une disposition contenue dans l'additif à la Constitution bernoise de 1970 qui conférait à ce district un droit à l'autodétermination. Au cours de consultations successives, ceux-ci optèrent finalement en 1980 pour leur intégration à Bâle-Campagne [17]. La Commission de district fut alors mandatée pour entamer les pourparlers avec les autorités de Liestal et mettre au point les modalités d'un transfert éventuel. Au terme de trois années de négociations intenses, le projet d'accord a été paraphé en février 1983, après avoir été approuvé parla Commission de district et le Conseil d'Etat bâlois. La décision a alors été prise d'organiser un vote simultané dans le Laufonnais et à Bâle-Campagne [18].
A la veille de la votation, partisans et adversaires du transfert s'étaient regroupés en comités d'action. Aux arguments invoquant la nécessité de s'insérer dans la région géographique et économique naturelle avancés par les premiers, les seconds ont opposé le statut d'autonomie dont jouit le Laufonnais au sein du canton de Berne. Même si un clivage s'est opéré à l'intérieur de tous les partis politiques, les pro-Bernois se recrutaient principalement parmi les radicaux et les pro-Bâlois dans les rangs des démocrates-chrétiens; la minorité socialiste était pour sa part divisée [19]. Alors que la campagne a été animée dans le district de Laufon, les choses se sont déroulées plus calmement à Bâle-Campagne. Seul un petit comité, regroupant avant tout ceux qui avaient activement milité contre la réunification avec Bâle-Ville en 1969, s'opposait à ce projet [20].
Malgré l'appel lancé pour le rattachement par la plupart des maires des communes du district, 56,7% des Laufonnais ont finalement décliné le projet de traité. Les électeurs de Bâle-Campagne se sont en revanche massivement prononcé en faveur du contrat d'adhésion [21]. Les partisans du statu quo ont donc été en mesure de renverser la vapeur dans ce district que bien des observateurs voyaient déjà rattaché à Bâle-Campagne. Cette décision est d'autant plus surprenante qu'une majorité s'était nettement dégagée en 1980 en faveur d'une procédure de rattachement avec ce demi-canton. Plusieurs indices laissaient pourtant prévoir l'issue de ce vote. La campagne menée par les pro-Bernois et financée en partie par les autorités bernoises prenait toujours plus d'ampleur à mesure que le jour de la votation approchait. De plus, les résultats d'un sondage réalisé pour le compte d'un quotidien bâlois avaient révélé qu'une majorité, notamment chez les jeunes et les femmes, se dessinait en faveur du maintien dans le canton de Berne [22].
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Vellerat
La décision du Laufonnais de rester dans le giron bernois a relancé le débat sur le problème de l'appartenance territoriale des localités d'Ederswiler (JU) et de Vellerat (BE). En l'absence de dispositions constitutionnelles susceptibles de débloquer la situation, les parties en présence couchent toujours sur leurs positions. Tandis que les deux Berne seraient favorables à un règlement simultané, le canton du Jura se refuse à un échange se circonscrivant uniquement à ces deux communes [23]. Une question écrite a même été posée au Parlement jurassien, demandant d'entreprendre une étude sur les mécanismes qui ont conduit à la germanisation d'Ederswiler [24]. De leur côté, les élus du village sont à nouveau intervenus auprès des autorités cantonales jurassiennes pour qu'elles pourvoient à. leur rattachement au district de Laufon. Ils ont même évoqué la possibilité d'une fusion avec la commune voisine de Roggenburg qui, lors des plébiscites jurassiens, avaient pu opter pour le Laufonnais [25]. Les habitants de Vellerat ont pour leur part engagé une véritable épreuve de force avec le gouvernement bernois. Depuis la proclamation de l'indépendance, survenue en été 1982, le Conseil communal rejette toute forme de collaboration avec les autorités bernoises. En dépit des menaces de poursuites judiciaires, la municipalité a refusé à deux reprises d'organiser des scrutins cantonaux. Aussi le Conseil-exécutif bernois a-t-il promulgué, entre autres, une ordonnance, rendant obligatoire dans la commune le vote par correspondance pour tous les objets soumis au verdict populaire. La préfecture de Moutier a ainsi été chargée de remettre le matériel nécessaire aux électeurs et de procéder au dépouillement des bulletins, en particulier lors des élections fédérales [26].
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Demi-cantons
De nouvelles propositions ont été faites pour modifier le statut des demi-cantons. Une initiative parlementaire a été déposée par le conseiller aux Etats Miville (ps, BS) demandant que le demi-canton de Bâle-Ville soit élevé au rang de canton à part entière [27].
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J.F.G.
 
[11] TA, 28.5.83; 24 Heures, 17.10.83. Cf. également APS, 1973, p. 27; 1981, p. 30; 1982, p. 19.
[12] Menacée de perdre son deuxième siège au parlement cantonal, Gersau envisage de se constituer en république indépendante, comme ce fut le cas avant 1798 (Vat., 28.9.83; 29.9.83 et 18.11.83). Le problème de la Mesolcina est un peu plus préoccupant, car à l'opposition de ses habitants au projet de dépôt de déchets radioactifs s'ajoute un clivage linguistique (NZZ, 17.10.83; TAM, 46, 19.11.83; BaZ, 27.12.83). Voir aussi infra, part. I, 6a (Energie nucléaire).
[13] Sur la question jurassienne, voir U. Moser, La démocratie aliénée, Delémont 1983.
[14] Grand Conseil : Bund, 17.5.83 ; Suisse, 17.5.83 ; Le Quinquet, 159, 26.8.83. Conseil national : Délib. Ass. féd., 1983, III, p. 37 (motion Aubry, prd, BE) et p. 60 (interpellation Houmard, prd, BE); BO CN, 1983, p. 1527 (interpellation Crevoisier, psa, BE); Bund, 23.8.83; TLM, 23.8.83. Une pétition a en outre été déposée par FD (Bund, 18.6.83; TLM, 18.6.83). Voir également APS, 1982, p. 22.
[15] TLM, 4.2.83; 18.2.83; 4.3.83; NZZ, 5.2.83; Suisse, 15.2.83; BaZ, 17.2.83.
[16] Litige Roy/Béguelin: Suisse, 1.9.83 et APS, 1981, p. 28 s. ; 1982, p. 20. Fédération du district de Delémont: Jura libre, 1647, 3.11.83 ; Suisse, 4.11.83 ; TLM, 9.12.83. L'ancien CN J. Wilhelm (pdc, JU) a été exclu du RJ (TLM, 16.9.83 et APS, 1980, p. 28). Cf. également Suisse, 28.10.83; TLM, 28.10.83; SGT, 2.11.83; SZ, 5.11.83; Bund, 2.12.83, ainsi que infra, part. I, 1e (Conseil national, Conseil des Etats). Sur la visite du ministre québécois, R. Levesque, dans le Jura, cf. infra, part. I, 2 (Politique transfrontalière cantonale).
[17] Cf. APS, 1969, p. 30 ss. ; 1970, p. 26; 1978, p. 31 s.; 1980, p. 30; 1982, p. 21 s.
[18] BaZ, 22.1.83 (commission de district); 26.1.83 (exécutif BL). Le parlement de BL a ratifié le projet de traité en mai (BaZ, 3.5.83). Cf. également AT, 6.8.83; TA, 6.8.83; 19.8.83; JdG, 24.8.83; 25.8.83; BaZ, 31.8.83; 3.9.83, ainsi que APS, 1976, p. 29; 1982, p. 22.
[19] BaZ, 16.8.83; 25.8.83; 1.9.83. Cf. aussi SZ, 5.4.83; BaZ, 20.7.83; 8.9.83; 9.9.83; JdG, 26.8.83; Lib., 6.9.83; 24 Heures, 7.9.83, ainsi que APS, 1981, p. 29 s. Sur le statut d'autonomie, cf. APS, 1977, p. 30.
[20] BaZ, 4.2.83; 7.9.83; TA, 11.2.83, ainsi que APS, 1969, p. 28 s.
[21] Le taux de participation s'est élevé respectivement à 92,9% et 34,3%. Sur les 13 communes que compte le district, seules 4 d'entre elles ont dégagé une majorité acceptante. Cf. presse du 12.9.83 (résultats du scrutin). Voir aussi BaZ, 9.5.83; 13.9.83; LNN, 13.9.83.
[22] Le gouvernement bernois a reconnu officiellement avoir alloué une somme de 60 000 francs pour le financement de la propagande. Cf. Bund, 21.4.83; 3.9.83; BaZ, 2.7.83; 3.9.83. Sondage: BaZ, 26. et 27.8.83.
[23] Suisse, 12.9.83 ; TA, 12.9.83 ; TLM, 19.12.83 ainsi que APS, 1982, p. 21 s. La présidence de la délégation du CF aux affaires jurassiennes est désormais assurée par le radical R. Friedrich (TA, 13.1.83; TLM, 13.1.83). Par ailleurs, l'initiative cantonale déposée en 1982 par le groupe Bélier sur les modifications territoriales a été jugée irrecevable (TLM, 27.1.83 et APS, 1982, p. 22).
[24] TLM, 7.3.83; Suisse, 23.9.83.
[25] JdG, 17.9.83; 21.9.83; TLM, 17.9.83; Ww, 38, 22.9.83, ainsi que APS, 1982, p. 21.
[26] La décision de boycotter des scrutins cantonaux a été prise à la suite du refus des autorités bernoises d'entamer une procédure de partage des biens. Cf. TLM, 15.1.83 ; 16.2.83 ;13.9.83 ; Bund, 16.2.83; 13.8.83 ; Suisse, 13.8.83; 24.9.83. Une demande d'effet suspensif auprès du Tribunal fédéral a été rejetée (Suisse, 17.11.83).
[27] Délib. Ass. féd., 1983, IV, p. 18; BaZ, 6.10.83; 11.10.83. Une initiative semblable avait déjà été déposée en 1977 (cf. APS, 1977, p. 24).