Année politique Suisse 1987 : Politique sociale / Assurances sociales
Assurance-maladie et maternité
La
révision partielle de la loi sur l'assurance-maladie et maternité (LAMM) a nettement été rejetée par le souverain. En effet, c'est par 1 418 231 non (71,3%) contre 571 447 (28,7%) oui que le peuple a exprimé son refus de voir entrer en vigueur une révision qui poursuivait comme objectifs d'une part d'endiguer l'explosion des coûts de la santé et, d'autre part, d'instituer le principe d'une assurance maternité dans notre système de sécurité sociale. Ce refus fut d'autant plus surprenant que le Conseil fédéral, le parlement et les partis gouvernementaux avaient lancé des mots d'ordre en faveur de la révision de la LAMM
[8].
Après que le Conseil des Etats se fut penché en 1986 sur la révision de LAMM, le Conseil national a à son tour empoigné l'épineux dossier au cours de sa session de printemps. Il a pour l'essentiel rejoint les positions adoptées par la Chambre des cantons. Ainsi, il a décidé de ne pas entrer en matière sur l'assurance d'une indemnité journalière obligatoire en cas de maladie (partie B du programme d'urgence) et a refusé de souscrire à un modèle d'assurance avec bonus pour les bien-portants. Cette disposition, défendue par le conseiller Allenspach (prd, ZH), voulait que les assurés n'ayant pas sollicité les prestations de leur assurance pendant une certaine période se voient accorder une réduction de leur prime. La seule divergence entre les deux chambres avait trait aux contributions accordées par la Confédération aux caisses-maladie. Selon le Conseil des Etats, ce montant ne devait pas dépasser le milliard par année, tandis que le Conseil national proposait de le porter à 1,006 milliard en 1989. C'est finalement la version de la Chambre du peuple qui l'a emporté.
Partie intégrante du programme d'urgence de la révision partielle de l'assurance-maladie, le
système des allocations maternité a été approuvé par une forte majorité (124 voix contre 17). Seule une minorité de radicaux et de démocrates du centre s'y est opposée, critiquant en particulier l'augmentation du pourcentage prélevé sur les salaires et le versement de ces allocations à toutes les femmes enceintes, même à celles dont la situation financière ne justifie aucune aide. Le principe des allocations maternité prévoit que toutes les femmes, salariées ou non, reçoivent pendant 16 semaines, dont huit au moins après l'accouchement, une indemnité. Celle-ci s'élève à 39 francs pour les mères qui n'exercent pas d'activité lucrative et équivaut, pour celles qui travaillent, à 75% de leur salaire. Mais cette indemnité journalière doit atteindre au minimum 39 francs et 117 au maximum. Cette prestation, calquée sur le principe des allocations pour perte de gain, a été proposée au Conseil des Etats par le député A. Hänsenberger (prd, BE). Estimée à quelque 400 millions de francs par année, elle doit être financée par une retenue paritaire de 0,3% sur les salaires. La chambre du peuple a refusé de souscrire à une proposition du conseiller Allenspach (prd, ZH) qui demandait que la Confédération prenne à sa charge 25% des frais de l'assurance. Outre l'allocation de maternité et l'allongement de la durée du congé maternité à 16 semaines, la révision prévoyait également une notable amélioration de la protection contre les licenciements qui s'étendrait à toute la grossesse et aux 16 semaines qui suivent l'accouchement
[9].
A peine la révision partielle de l'assurance-maladie et maternité fut-elle sous toit, que deux demandes de référendum furent simultanément lancées contre les propositions parlementaires. La première, émanant de l'Union suisse des arts et métiers (
USAM), s'attaquait exclusivement à l'assurance maternité. Le référendum fut ensuite appuyé par le Vorort, l'Union centrale des Associations patronales et par d'autres milieux réunis dans le comité de vote contre de nouveaux impôts sur le salaire. Celui-ci s'élevait contre cette nouvelle ponction sur les salaires. Il condamnait cette politique dite de "l'arrosoir" qui permettait, selon lui, d'offrir des subsides à des mères qui n'en avaient financièrement pas besoin ou qui ne travaillaient pas. Et d'ajouter qu'il percevait cette allocation comme une ingérence de l'Etat dans la famille. Il a également contesté le fait que les travailleurs, comme les employeurs, soient contraints de subir un impôt sur les salaires pour subvenir aux besoins de personnes n'exerçant pas une activité lucrative. Qui plus est, a-t-il poursuivi, l'interdiction prévue de licencier pour cause de maternité durant une année n'est ni dans l'intérêt des salariés ni dans celui des entreprises. Selon lui, cette amélioration de la protection contre les licenciements défavoriserait les femmes sur le marché du travail et causerait des préjudices aux petites entreprises. Les détracteurs du projet ont également fait valoir que celui-ci ne correspondait nullement à un besoin. En effet, le renforcement de la protection contre les licenciements et la prise en charge de la totalité des frais médicaux et pharmaceutiques par les caisses-maladie ayant déjà permis de remplir le mandat constitutionnel. En endossant la responsabilité de lancer un référendum contre un objet qui avait rencontré l'approbation du parlement et qui semblait bénéficier d'une popularité auprès du peuple, 1'USAM a permis aux milieux intéressés de conserver leur distance dans les débats parlementaires et de n'intervenir officiellement contre la révision qu'après les élections fédérales
[10].
Un
second comité référendaire, créé sous l'égide du
Centre patronal vaudois et composé pour l'essentiel de médecins et de responsables de cliniques privées, ne contestait pas tant l'allocation maternité, que la haute surveillance des caisses-maladie et de la Confédération sur les patients et les médecins contenue selon lui dans la révision et qui mettait en danger l'exercice de la médecine libérale. Il combattait en particulier l'obligation pour le médecin de transmettre son diagnostic aux caisses-maladie. Cette opposition était d'autant plus surprenante que la Fédération des médecins suisses soutenait le projet de révision
[11].
En vue de la votation populaire, il s'était constitué un Comité national des femmes pour un oui à l'assurance maternité. Celui-ci regroupait les grandes organisations féminines, la plupart des commissions féminines des partis politiques et les syndicats. A l'instar des autres partisans, ce comité a relevé que cette révision apporte une solution visant à protéger la maternité, solution promise depuis 42 ans, date de l'inscription dans la Constitution fédérale du principe autorisant la Confédération à instituer une loi sur l'assurance maternité. Il a également souligné que les autorités ne faisaient que tenir les promesses faites en 1984 lors de la votation sur l'initiative populaire en faveur de la protection de la maternité
[12].
Incontestablement,
la protection de la maternité a occupé le devant du débat. Pourtant le dossier de l'assurance-maladie constituait à l'origine l'essentiel du projet. Nombreux furent les observateurs à imputer l'échec de la révision de l'assurance-maladie et maternité à une erreur tactique: celle de lier les deux objets, maladie et maternité, dans un seul texte. Cette démarche avait pour but de maintenir un consensus entre la gauche, qui critiquait le programme d'assurance-maladie mais tenait à une assurance maternité, et la droite qui voulait une assurance-maladie mettant l'accent sur des mesures d'économie, mais refusait le principe d'une assurance maternité. La présentation conjointe de deux propositions différentes a sans doute contribué à créer deux sortes d'opposants: ceux qui critiquaient la révision de l'assurance-maladie, en particulier les charges accrues imposées aux assurés par l'augmentation de la franchise et de la participation aux frais et ceux qui ne voulaient pas d'une nouvelle ponction sur les salaires et qui, partant, s'opposaient à l'introduction d'une assurance maternité. Le résultat de ce scrutin populaire a sanctionné la fin de l'extension de l'Etat Providence. Des analyses sur le comportement électoral ont permis de souligner que ce sont des arguments relevant de l'individualisme, comme le souci des coûts supplémentaires qu'aurait entraîné l'adoption de la révision, et remettant en cause directement la solidarité sociale qui ont incité de nombreux citoyens à s'opposer à l'allocation maternité
[13].
Après l'échec du programme d'urgence destiné en premier lieu à endiguer les dépenses croissantes de la santé, il paraît désormais encore plus difficile de freiner l'explosion des coûts de la santé. Même si le peuple doit encore se prononcer sur deux initiatives en matière d'assurance-maladie, on est en droit de s'interroger sur leur efficacité, ce d'autant plus qu'elles s'attaquent davantage au financement des coûts qu'à leur cause. Celle du Concordat des caisses-maladie demande notamment une limitation des tarifs médicaux ainsi qu'une élévation des subsides de la Confédération aux caisses-maladie. La seconde, lancée par le Parti socialiste et les syndicats, vise à rendre l'assurance-maladie obligatoire et prévoit un système de cotisations fixées en proportion de la capacité économique des assurés
[14].
Révision de la loi sur l'assurance-maladie et maternité. Votation du 6 décembre 1987
Participation: 47,4%
Non: 1 418 231 (71,3%)
Oui: 571 447 (28,7%)
Mots d'ordre:
Non: PLS*, AN, PA; Vorort, UCAP, USAM.
Oui: PRD*, PSS, PDC*, UDC*, PES`, AdI*, PEP*, POCH, PST; USS, CSCS, USP; Concordat des caisses-maladie, Fédération suisse des médecins.
* Recommandations différentes des partis cantonaux
[8] FF, 1988, I, p. 541 s. Cf. aussi presse du 7.12.87; L'Hebdo, 50, 10.12.87.
[9] BO CN, 1987, p. 34 ss., 260 s. et 552; BO CE, 1987, p. 71 et 168.
[10] FF, 1987, III, p. 5 s.; SGZ, 11, 12.3.; 16, 16.4.; 23, 4.6.; 30, 23.7.; 45, 5.11.; 48, 26.11.; 49, 3.12. et 50, 10.12.87 ; SAZ, 19, 14.5.87 et RFS, 45, 10.11.87. Cf. aussi presse du 31.3. (lancement) et du 30.6.87 (aboutissement).
[12] Presse du 28.10.87; JdG, 24.11.87.
[13] Vox, Analyse de la votation du 6 décembre 1987, no 34, Zurich 1988. Cf. aussi presse du 12.3.88.
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