Année politique Suisse 1988 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Institutions européennes
La
collaboration entre la CE et l'AELE a connu, en 1988, un renouveau certain. Trois rencontres ont contribué à cet essor: Bruxelles en février, Tampere (Finlande) en juin et Genève en novembre. Elles ont permis de déterminer un certain nombre de domaines où des priorités doivent être fixées en matière de rapprochement des deux entités. Ainsi en va-t-il de l'harmonisation des règles techniques et d'origine, des restrictions aux exportations, des facilités commerciales, de l'ouverture des marchés publics et de la formation. Le secteur des transports, important pour les deux organisations et si problématique pour la Suisse, doit également être résolu au plus vite
[74].
Si la rencontre de Bruxelles n'a pas conduit à des décisions concrètes, elle a cependant permis aux deux organismes de réaffirmer leur volonté de coopération. Par ailleurs, les trois principes régissant les relations entre les deux institutions ont été, à cette occasion, clairement posés. Premièrement, la priorité de la CE est l'achèvement de sa propre intégration; il est exclu que des négociations avec l’AELE viennent en perturber le cours. Deuxièmement, le développement de la collaboration avec l'AELE ne doit pas se faire au détriment de l'autonomie de décision de la Communauté. Troisièmement, la coopération doit être fondée sur la réciprocité.
Lors de la session de Tampere (Finlande), un accord concernant la reconnaissance mutuelle des examens techniques a été signé. Pendant cette conférence, l'Autriche a annoncé sa volonté de présenter, en 1989, une demande d'adhésion à la CE sous réserve de son statut de neutralité
[75]. Par ailleurs, la Suède a laissé entendre que si un catalogue de points importants n'était pas négocié avec la CE, elle pourrait quitter l'AELE. Ces deux éventualités pourraient mettre en danger la cohésion de ce dernier organisme, ainsi que le croît le conseiller aux Etats Flückiger (prd, JU). Ayant exprimé ses craintes par le biais d'une interpellation, il s'est vu rassuré par Jean-Pascal Delamuraz qui lui a confirmé la volonté des pays membres de maintenir l'unité de l’AELE
[76].
Afin de contribuer au maintien de la cohésion de l’AELE, à sa volonté de se doter des moyens de conduire de façon unie ses discussions avec la CE ainsi qu'à son rapprochement avec les autres organisations économiques européennes et mondiales, les Chambres fédérales ont ratifié deux arrêtés fédéraux concernant l'introduction d'une procédure de notification des projets de règles techniques dans la convention de l’AELE. Une telle procédure existe déjà au sein de cette entité mais elle est facultative alors que celles du GATT et de la CE sont obligatoires. Il importait donc d'harmoniser les législations en rendant obligatoire la norme en vigueur dans l’AELE. Ainsi, un devoir d'information réciproque entre Etats est créé en matière de règles techniques
[77].
Si le rapport du Conseil fédéral sur la position de la Suisse dans le processus d'intégration européenne comporte une dimension politique non négligeable, il n'en demeure pas moins orienté principalement vers l'économie. La politique menée par le gouvernement au sein de l'Europe repose actuellement sur quatre axes: le maintien des conditions-cadre de l'économie suisse à leur niveau actuel, la promotion du renouveau de l’AELE, la poursuite des négociations bi- et multilatérales avec la CE ainsi que la stimulation du réflexe européen. Bien que le rapport exclue dans l'immédiat toute adhésion – tout comme il récuse les formes d'une convention d'association et d'une union douanière – il évalue néanmoins les conséquences que pourrait avoir une telle participation sur notre économie. S'il reconnaît que les avantages et les inconvénients d'une adhésion différeraient considérablement selon les secteurs, il semble pourtant admettre qu'à long terme "les incidences qu'aurait sur l'économie suisse une pleine participation au marché intérieur de 1992 seraient surtout positives". Cependant, les coûts temporaires d'adaptation seraient lourds à supporter, notamment pour les segments de l'économie jusqu'alors protégés de la concurrence internationale. De nombreux impératifs de politique intérieure ont donc dicté au Conseil fédéral la poursuite de la voie pragmatique de l'approche européenne
[78].
Plusieurs
sondages ont eu lieu en Suisse afin de déterminer l'importance de la question européenne dans les esprits. S'ils diffèrent quant aux moyens et aux méthodes, ils ont néanmoins tous constaté un enthousiasme nettement supérieur – face à une éventuelle adhésion – en Suisse romande. Par exemple, une enquête Isopublic a démontré que si 34% des personnes interrogées dans l'ensemble du pays étaient favorables à une adhésion, ce pourcentage s'élevait à 45% en Suisse romande
[79].
Les parlementaires se sont inquiétés de l'avenir de la place financière suisse au coeur d'une Europe unie. Le Conseil national a transmis les postulats du député Schüle (prd, SH) et du groupe démocrate-chrétien. Si le premier demande des mesures afin de préserver la position helvétique sur les marchés financiers internationaux, le second envisage l'entrée dans le Système monétaire européen. En réponse à l'interpellation du sénateur Dobler (pdc, SZ) ayant trait à une telle adhésion, Otto Stich n'a pas manqué de rappeler que celle-ci avait déjà été étudiée par deux fois dans le passé (en 1978 et 1987)
[80].
En novembre, la Suisse a réussi à obtenir l'accord de principe du Conseil des ministres de la CE concernant une convention sur la liberté d'établissement réciproque des assurances non-vie
[81].
[74] Cf. supra, (Relations bilatérales). Conférence de Bruxelles: JdG, 2.2. et 27.12.88; 24 Heures, 3.2.88; L'Hebdo, 4.2.88. Conférence de Tampere: JdG, 8.6., 15.6. et 21.6.88; BaZ, 13.6. et 16.6.88; NZZ, 14.6. et 15.6.88; 24 Heures, 15.6.88; L'Hebdo, 23.6.88; La Vie économique, 61/1988, no 2, p. 9 ss. Conférence de Genève: 24 Heures, 29.11.88; JdG, 30.11.88.
[75] NZZ, 13.2.88; BaZ et Bund, 2.5.88.
[76] BO CE, 1988, p. 402 ss.; 24 Heures, 16.9.88.
[77] Arrêté fédéral portant approbation de l'introduction d'une procédure de notification des projets de règles techniques dans la convention de l’AELE et arrêté fédéral concernant l'extension géographique de la procédure de notification des projets de règles techniques ..., adoptés tous deux à l'unanimité par les Chambres: FF, 1988, II, p. 380 ss. et 1125; BO CE, 1988, p. 369 s.; BO CN, 1988, p. 761 ss. et 971.
[78] FF, 1988, III, p. 233 ss.; presse du 14.9.88.; NZZ, 27.10.88. Cf. supra, part. I, 2a (Europe).
[79] SAZ, 19.5.88; Suisse et 24 Heures, 20.5.88. L'Union européenne de Suisse a, quant à elle, interrogé les candidats aux dernières élections fédérales. Sur 2000 questionnaires, seuls 414 lui ont été retournés. A nouveau, les Romands et les Tessinois se sont montrés plus favorables que les Alémaniques; JdG, 13.4.88.
[80] BO CN, 1988, p. 1937 (postulat Schüle) et 1480 s. (postulat groupe PDC); BO CE, 1988, p. 685 ss. Cf. infra, part. I, 4b (Geld- und Währungspolitik et Banken).
[81] JdG, 31.3. et 27.12.88. Cf. APS 1987, p. 80.
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